duminică, 28 februarie 2021

UN CINÉMA DE SCÉNARISTES

 
HISTOIRE DU CINÉMA

UN CINÉMA DE SCÉNARISTES

Film d’auteur contre film de scénariste, c’est un très ancien débat. En fait, il remonte au début même du cinéma et a connu un tour plus aigu avec l’arrivée du parlant. A qui faut-il donc attribuer la paternité et, le cas échéant, la réussite d’un film ?


La nouvelle vague crut faire triompher le cinéma d’auteur, défendu pendant des années par les Cahiers du Cinéma, et qu’on avait découvert vers 1945, avec l’orgueilleuse proclamation qui couronnait un générique fameux (celui de Citizen Kane, 1940) : « My name is Orson Welles. » On y avait alors entendu la revendication complète de l’œuvre par son auteur, l’affirmation d’une paternité absolue et sans partage sur la totalité du film et non pas seulement sur sa « mise en scène », comme l’indiquaient d’habitude la plupart des génériques de l’époque. En fait, la découverte n’en était pas vraiment une, mais plutôt une redécouverte. Depuis que le cinéma était reconnu comme un art, les critiques sérieux et les premiers historiens s’étaient efforcés, à travers l’exemple de quelques fortes personnalités, de faire apparaître la notion d’auteur de films. Chaplin, Griffith, Stroheim, Lang, Eisenstein , Delluc, ClairVigoRenoir, Ford, Capra et quelques autres s’étaient très vite vu reconnaître ce statut privilégié, et, à tort ou à raison, on leur attribuait la paternité complète de leurs films et cette marque qui permet de distinguer l’artiste : le style. Bien mieux, un cinéaste au moins les avait précédés : Abel Gance qui, dès 1918, accompagnait les génériques de ses films de sa propre photo, afin d’en mieux revendiquer la responsabilité unique, affirmant à cette date une mégalomanie (qu’il est d’ailleurs permis de trouver justifiée) qui laisse loin derrière elle celle d’Orson Welles.
Là comme ailleurs c’est le parlant qui vint remettre les choses en question, en conférant au scénariste un prestige ignoré jusqu’alors.

LE RÈGNE DES DRAMATURGES

Pendant quelques années, les auteurs dramatiques à la mode furent rois. C’est le temps où Henri Jeanson, lui-même ancien auteur dramatique, répète volontiers que le véritable auteur du film, c’est le scénariste. Même son de cloche avec Marcel Pagnol ; il est du reste significatif que les films de ce dernier, tantôt réalisés par un tiers comme Korda (Marius), Allégret (Fanny), Leboursier (Nais) ou Max de Rieux (La Belle Meunière), tantôt par lui-même (CésarRegainLe Schpountz), sont dans les deux cas pareillement annoncés comme des films de Marcel Pagnol. De même les films dont le scénario est écrit par Yves Mirande, vaudevilliste célèbre, sont-ils généralement présentés comme des « films d’Yves Mirande, réalisés par X … » Et en 1933, un film comme Une vie perdue est donné pour un film de Jacques Deval, qui n’en est que le scénariste, alors que le nom du réalisateur, Raymond Rouleau, ne figure même pas sur l’affiche.


LES ROIS MAGES DU CINÉMA FRANÇAIS

Il est hors de doute que, pour le meilleur comme pour, le pire, le cinéma français des années 1930 (déjà moins, celui des années 1940) le plus connu doit beaucoup à Charles Spaak, Henri Jeanson et Jacques Prévert, et que sans eux, Feyder, DuvivierCarnéGrémillon, et même en partie Renoir, ne seraient pas ce qu’ils sont. A part René ClairVigo et quelques Renoir (La Règle du jeu, surtout) bien rares sont alors les exemples d’auteurs de cinéma proprement dits. RappeIons seulement qu’on retrouvait le nom de Spaak au générique des principaux films de Feyder, de La Bandera et de La Belle Équipe de Duvivier, des Bas-Fonds et de La Grande Illusion de Renoir, celui de Jeanson aux génériques de Pépé le Moko et d’Un carnet de bal de Duvivier et d’Hôtel du Nord de Carné, celui de Prévert à ceux du Crime de M. Lange de Renoir, de Remorques de Grémillon et de tous les grands Carné. Cela suffit à rende compte d’un certain « air de famille » que représente le cinéma français de ces années, à travers la diversité des réalisateurs.

En 1945, ce cinéma des scénaristes qui vient de connaître son point culminant et sa plus grande réussite avec Les Enfants du paradis de Carné-Prévert, semble à son apogée, et commence pourtant à être miné par un insidieux déclin. Jacques Prévert, le plus talentueux du trio vedette, s’éloigne rapidement du cinéma. Plusieurs raisons semblent y avoir contribué : un grave accident, l’immense succès de « Paroles », son recueil de poèmes, et peut-être plus encore la brouille survenue avec Carné, son « coéquipier » favori. Après l’échec des Portes de la nuit (1946), film inégal mais qui contient encore de beaux morceaux, et l’abandon du tournage de La Fleur de l’âge (1947), c’en est fini du plus célèbre duo du cinéma français. En 1949, c’est Gabin qui demande à Prévert de revoir les dialogues de La Marie du port qu’il doit tourner pour Carné, mais cela se fera anonymement et comme à la sauvette, et le film n’est déjà plus un « Carné-Prévert », comme ceux de naguère. Après la rupture, tandis que Carné signera des films de plus en plus médiocres, Prévert se retirera très vite. En 1946, il adapte L’Arche de Noé, truculent roman d’Albert Paraz, confié malheureusement à un cinéaste médiocre, et écrit le scénario de Voyage surprise, film burlesque réalisé par son frère Pierre, sans beaucoup de verve. Son dernier grand scénario sera celui des Amants de Vérone (1948), transposition moderne de « Roméo et Juliette », bien réalisé par André Cayatte qui en fait sans doute son meilleur film. La même année, Prévert donne au dessinateur Paul Grimault le scénario de La Bergère et le ramoneur, long métrage d’animation qui connaîtra bien des vicissitudes et ne trouvera sa forme définitive qu’en 1980, sous le titre Le Roi et l’oiseau, alors que Prévert ne sera plus. Et puis c’est à peu près tout, réserve faite pour une contribution assez modeste à Souvenirs perdus (1950), film à sketches de Christian-Jaque écrit par divers auteurs (on retient surtout celui de Jeanson), et un retour tardif et sans lendemain avec l’adaptation de Notre-Dame de Paris (1956) écrite pour Jean Delannoy. Telle fut la décevante fin de carrière du plus illustre des scénaristes français, qui laissait, par ailleurs, de nombreux scénarios écrits mais non tournés.

Spaak et Jeanson durèrent plus longtemps, et connurent encore de bons succès, succès commerciaux en général, plus que réussites artistiques. Après un honnête film de guerre, Jéricho (1945) réalisé par Henri Calef, Spaak adapta Dostoïevski, sans grand succès, d’abord avec L’Idiot (Georges Lampin, 1945) qui révélait Gérard Philipe dans le personnage central, puis avec L’Homme au chapeau rond, d’après « L’Éternel Mari », qui fut le dernier film de Raimu (Pierre Billon, 1946) avant de s’attaquer à Balzac, avec Les Chouans, réalisé sans brio par Henri Calef (1947). Entre-temps, il avait retrouvé son comparse d’antan, Duvivier, rentré d’Amérique au lendemain de la guerre. Ensemble, ils adaptèrent un roman de Simenon, et ce fut Panique (1946). Malgré de bons rôles pour Michel Simon et Viviane Romance, ce ne fut pas une réussite. En fin de compte, c’est avec André Cayatte que Spaak rencontra ses plus grands succès d’après guerre, pour leur série de films judiciaires ou sociaux demeurée fameuse : Justice est faite (1950), Nous sommes tous des assassins (1952) Avant le déluge (1953). Cette production austère et un peu grise trouva sa compensation dans un sujet de ton beaucoup plus « parisien », écrit pour Christian-Jaque, Adorables Créatures, (1952) qui, malgré le charme de Danielle Darrieux, Martine Carol et Antonella Lualdi, prouva surtout qu’il était peu doué pour la comédie. Aux environs de 1955, la manière de Spaak, qui n’avait guère évolué depuis vingt ans, commença de paraître démodée, et la fin de sa carrière s’acheva dans une certaine indifférence.

La verve boulevardière d’Henri Jeanson sembla mieux résister, du moins pendant un temps. Travaillant avec les réalisateurs les plus divers, c’est surtout avec Christian-Jaque qu’il sembla le mieux s’entendre. Ils firent ensemble Boule-de-Suif (1945) d’après Maupassant et surtout Un revenant (1946), sombre drame lyonnais, sobre et vigoureux, qui permit à Louis Jouvet de faire une rentrée remarquable. Outre l’amusant sketch déjà cité de Souvenirs perdus, on leur doit encore deux agréables fantaisies historiques un Barbe-Bleue (1951) en couleurs, film cher à Michel Tournier, où Cécile Aubry jouait une étonnante femme d’ogre, et Fanfan-la-Tulipe (1952), joyeuse mascarade un peu surfaite, qui fut un des grands succès de Gérard Philipe. A côté de cela, Jeanson signa des films plus académiques pour Jean Delannoy, Aux yeux du souvenir (1948) et La Minute de vérité (1952), ou Julien Duvivier, Au royaume des cieux (1949) et La Fête à Henriette (1952), encore que ce dernier contienne quelques jolis morceaux de fantaisie, sans parler d’un double dénouement. Si les dialogues de Jeanson n’ajoutèrent pas grand-chose aux Maudits (1946) de René Clément, drame de guerre assez peu crédible, ni même à Copie conforme (1946) de Jean Dréville, il faut citer deux bonnes réussites, Les amoureux sont seuls au monde (1947), film intéressant et méconnu d’Henri Decoin, sur un scénario original de Jeanson (avec déjà un double dénouement) et très bien interprété par Jouvet et Dany Robin ; et surtout La Vie en rose (1947), sorte de chef-d’œuvre unique et oublié de Jean Faurez, dialogué par Jeanson sur un scénario de René Wheeler. Enfin, contrairement à Prévert, mais comme Spaak (Le Mystère Barton, 1948) et avec plus de réussite, Jeanson connut une fois la tentation de la mise en scène : ce fut Lady Paname (1949) où Suzy Delair faisait des étincelles aux côtés de Jouvet. Curieusement, le public bouda et Jeanson ne récidiva pas. Après quelques films pour Duvivier (Marie-Octobre, 1959) et Henri Verneuil (La Vache et le prisonnier, 1959), Jeanson revint au journalisme et mourut en 1971. Ses mémoires posthumes, « Soixante-dix ans d’adolescence » sont très savoureuses.

AURENCHE-BOST : « LA QUALITÉ FRANÇAISE »

A l’effacement progressif de Prévert, Spaak et Jeanson correspond l’avènement de Jean Aurenche et Pierre Bost, scénaristes-vedettes de l’après-guerre. Scénariste pur pour le premier, romancier de talent pour le second (« Homicide par imprudence », « Le Scandale », prix Interallié 1931, etc.), ils furent associés pour la première fois en 1943 ; c’était pour Douce, le chef-d’œuvre d’Autant-Lara, un des grands films de l’Occupation, au ton amer et satirique qui fut immédiatement remarqué.

Rapidement, ils se spécialisèrent dans l’adaptation d’œuvres littéraires, en général de qualité, devant donner naissance à un cinéma de qualité également. Ce projet, séduisant à première vue, commença par donner quelques bons résultats, avant d’engendrer un certain académisme et de susciter de violentes attaques, dont celle, demeurée fameuse, du jeune François Truffaut. Après la réussite de Douce, Aurenche et Bost s’attaquèrent successivement à Gide avec La Symphonie pastorale (Delannoy, 1946), Radiguet avec Le Diable au corps (Autant-Lara, 1947), Feydeau avec Occupe-toi d’Amélie (Autant-Lara, 1949), Queffélec avec Dieu a besoin des hommes (Delannoy, 1950) et Colette avec Le Blé en herbe (Autant-Lara, 1953). Dans l’intervalle, on compte encore Au-delà des grilles (1948) adapté pour René Clément d’un scénario original de Cesare Zavattini, L’Auberge rouge (1951) scénario original d’Aurenche pour Autant-Lara, et Jeux interdits (1952) tiré d’une œuvre obscure, de nouveau pour René Clément. C’est alors que Truffaut déclencha sa polémique fameuse dans Les Cahiers du Cinéma (janvier 1954-n°31). Son texte est une sorte de manifeste a contrario de la future nouvelle vague, mêlant le juste et l’injuste, la vérité et la mauvaise foi, avec beaucoup de fougue, d’entrain et de juvénilité. Dénonçant ce qu’il appelle la « tradition de la qualité française », il reproche aux scénaristes (et à leurs metteurs en scène) d’être à la fois conformistes, timorés, infidèles aux textes qu’ils prétendent servir, comme à la vocation propre du cinéma, caricaturaux et pour finir bourgeois ! Pour mieux les achever, il leur oppose le cinéma de Renoir, Bresson, Tati, Cocteau (ce qui n’est pas un mauvais choix), auteurs complets de leurs films ainsi que Becker et Ophüls, pour qui c’est moins évident. Il reproche encore à Aurenche et Bost de pratiquer un « réalisme psychologique, ni réel ni psychologique », ce qui est parfois vrai, et d’écraser leurs metteurs en scène du poids de leur personnalité, ce qui n’était pas leur faute… Bref, de faire des « films de scénaristes », ce qui est certain, mais nous semble peut-être moins péjoratif qu’il y a vingt ans, après tant de films sans scénarios. Ce fut un beau pavé dans la mare, à l’époque, et il est sûr qu’il contribua à hâter une évolution devenue nécessaire. Mais Aurenche et Bost n’étaient pas seuls responsables, et l’exécution était un peu trop sommaire. Par malchance, ils semblèrent vouloir la justifier, la même année, par une assez désastreuse adaptation de Stendhal pour leur fidèle Autant-Lara (Le Rouge et le Noir, 1954), et ils ne furent pas plus heureux ensuite avec Zola, dans Gervaise (1956), lourdement réalisé par René Clément.

Par contre, ils se rattrapèrent avec brio, toujours en 1956, en adaptant pour Autant-Lara une nouvelle de Marcel AyméLa Traversée de Paris. Cette histoire de l’Occupation permit au trio d’exhaler son habituelle misanthropie, avec une alacrité réjouissante à laquelle Truffaut lui-même fut le premier à rendre hommage. De même, il salua leur dernière grande réussite, En cas de malheur (1958) adapté de Simenon et réalisé par Autant-Lara, avec Gabin et Brigitte Bardot. Ensuite, le cinéma d’Aurenche et Bost fut totalement éclipsé par la nouvelle vague. Il n’y en eut plus que pour Truffaut et ses amis, lesquels, après avoir jeté leur gourme, firent comme tous les révolutionnaires assagis, et se mirent à pratiquer un cinéma qui n’était pas sans ressemblance avec celui de leurs prédécesseurs. Tant la « tradition de là qualité » a la vie dure… Ainsi était-il normal que la génération suivante redécouvrît Aurenche et Bost. Ce fut le mérite de Bertrand Tavernier, en 1973 ; c’est par une sorte d’hommage, non dénué de malice, qu’il leur demanda le scénario de son premier film, L’Horloger de Saint-Paul, encore une adaptation de Simenon qui, quinze ans plus tard, renouait avec la filiation interrompue d’En cas de malheur. Mais Pierre Bost mourut en 1975, et ce fut le chant du cygne du fameux duo de scénaristes.

LITTÉRATURE ET CINÉMA

Si Aurenche et Bost dominèrent toute une époque du cinéma français, ils ne furent pas les seuls. On peut reprocher, par exemple, à celui-ci d’avoir su si mal et si peu employer nombre de grands écrivains qui ne demandaient qu’à travailler pour lui. Avant 1945, Morand et Giraudoux furent trop chichement mis à contribution. Deux autres grands écrivains réussirent à travailler davantage pour le cinéma, mais trop souvent sur de médiocres besognes. L’un fut Marcel Aymé, qui fit quelques bons films pour Pierre ChenalLa Rue sans nom (1933), d’après son roman, Crime et châtiment (1934), Les Mutinés de l’Elseneur (1936), ou pour Louis Daquin, Nous, les gosses (1941), Le Voyageur de la Toussaint (1942), et certains moins heureux comme Papa, maman, la bonne et moi (Le Chanois 1954) ou La Bourse et la vie (Mocky, 1966). L’autre fut Jean Anouilh, qui fit un peu de tout, du meilleur : La Citadelle du silence (L’Herbier, 1937), Cavalcade d’amour (Raymond Bernard, 1939) Marie-Martine (non signé – A. Valentin, 1942), Monsieur Vincent (Maurice Cloche, 1947), Pattes blanches (Grémillon, 1948), La Mort de Belle (Molinaro, 1960), Piège pour Cendrillon (Cayatte, 1965), au moins bon : Les Dégourdis de la 11e (Christian-Jaque, 1936), Caroline Chérie (Richard Pottier, 1950), La Ronde (seconde version – Vadim, 1965). Anouilh réalisa même deux films, Le Voyageur sans bagages (1943), d’après sa pièce, et surtout Deux sous de violettes (1951), réussite méconnue. L’apport d’autres écrivains de valeur fut plus épisodique. Il en fut ainsi de Raymond Queneau : Monsieur Ripois (René Clément, 1954), La Mort en ce jardin (Buñuel, 1955), Un couple (Mocky, 1960) et quelques courts métrages; d’Audiberti : La Poupée d’après son roman (Baratier, 1962) ; de Roger Vailland : Les Frères Bouquinquant (Louis Daquin, 1947), Bel-Ami (Daquin, 1954), Les Liaisons dangereuses (Vadim, 1959) Le Vice et la Vertu (Vadim, 1962), transposition abusive du marquis de Sade.

On ignore généralement que Maurice Clavel eut une activité cinématographique relativement abondante, mais curieusement disparate et inégale : Le Beau Voyage (Cuny, 1946), Brigade criminelle (Gil, 1947), Don Juan (Jules Berry, 1955), Une fille pour l’été (Molinaro, 1959), Vers l’extase (Wheeler, 1960), Vacances en enfer (Kerchbron, 1960), La Novice (Lattuada, 1960), Les Mariés de l’an II (Rappeneau, 1970), etc. Le plus intéressant fut Mina de Vanghel, moyen métrage tiré de Stendhal, qu’il réalisa lui-même en 1952.

Jean-Paul Sartre n’eut guère de chance avec le cinéma ; il signa le scénario des Jeux sont faits (Delannoy, 1947) et l’adaptation des Sorcières de Salem, la pièce d’Arthur Miller (Rouleau, 1956). Mais il retira son nom des Orgueilleux (Yves Allégret, 1953) et du Freud de Huston (1962) pour lequel il avait écrit un script copieux qui ne fut guère respecté. Même infortune pour François Mauriac, qui écrivit un scénario original, Le Pain vivant (1954), massacré par Jean Mousselle, et l’adaptation de son roman Thérèse Desqueyroux (1962) filmée sans conviction par Georges Franju, ainsi que pour Julien Green, dont l’Ignace de Loyola écrit pour Bresson ne fut jamais réalisé, et qui n’eut guère de compensation avec Léviathan, adapté de son propre roman (Keigel, 1961), ni avec La Dame de Pique (Keigel, 1965).

Jean Giono, après une adaptation mièvre de L’Eau vive (Villiers, 1958) et une autre, vigoureuse d’Un roi sans divertissement (Leterrier, 1963) passa lui-même à la réalisation et ne fit qu’un film : Crésus. Cecil Saint-Laurent voulut être aussi réalisateur avec Quarante-huit Heures d’amour après divers scénarios dont Froufrou (Genina, 1955), Lola Montès (Ophüls, 1956) et Lamiel d’après Stendhal (Aurel, 1967). Roger Nimier eut la chance de travailler à quelques bons films, I Vinti (Antonioni, 1952), Ascenseur pour l’échafaud (Malle, 1957), Les Grandes Personnes (Valère, 1960), La Nuit (Antonioni, 1960 – collaboration non signée) et Éducation sentimentale (Astruc, 1962).

Antoine Blondin fut moins bien servi avec La Route Napoléon (1953) et Obsession (1954) de Delannoy, La Foire aux femmes (Stelli, 1955) ou Cran d’arrêt (Boisset, 1969). Françoise Sagan, après La Récréation (F. Moreuil, 1960) et Landru (Chabrol, 1962), ne persévéra pas et mieux vaut oublier sa tentative de mise en scène. Enfin, il est curieux de noter que les trois premiers scénaristes de Resnais, Marguerite Duras, Alain Robbe-Grillet et Jean Cayrol s’essayèrent tous les trois à la mise en scène, avec des succès divers. Littérature et cinéma ne font pas nécessairement bon ménage. Est-ce une raison pour ne pas s’y essayer plus souvent ? Les preuves du contraire sont pourtant là pour le faire regretter.

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ROBERT SIODMAK (1904 - 1973)