vineri, 5 martie 2021

OUT OF THE PAST (1947) / La Griffe du passé, un film de Jacques Tourneur

 https://moncinemaamoi.blog/2019/01/12/out-of-the-past-la-griffe-du-passe-jacques-tourneur-1947/


OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947)

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OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947) – Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas

Le titre même du film évoque pleinement le cycle noir : le protagoniste Jeff, incarné par Robert Mitchum, marqué par le destin, porte sur son visage cette fatalité qui se lit dans son regard sombre et sans joie ; Jane Greer fait une très belle prestation dans  le rôle de Kathie, la femme érotique, et destructrice ; le scénario de Mainwaring réussit, quant à lui, à , déterminisme implacable qui resserre le présent et le futur de Jeff, grâce au procédé du flash-back, enfin, les éclairages sombres du chef opérateur, Nicholas Musuraca, un familier des films noirs, soulignent parfaitement la sensibilité tragique de Tourneur. [Encyclopédie du film Noir – Alain Silver et Elizabeth Ward – Ed Rivages (1979)]

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OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947) – Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas

Out of the past commence en plein jour, mais les ténèbres s’annoncent avec l’arrivée de l’étranger (Paul Valentine) dans la petite localité californienne de Bridgeport. L’homme recherche Balley (Robert Mitchum), le propriétaire de la station-service. Installé depuis peu, Balley mène une vie calme avec son amie Ann (Virginia Huston) et jouit de revenus confortables… jusqu’au moment où l’étranger le retrouve. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947) – Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas

Comme beaucoup de films noirsOut of the past de Jacques Tourneur, traite de l’emprise du passé sur le présent, de choses vécues sur lesquelles il est impossible de revenir ou que l’on ne peut oublier. Le gangster Whit Sterling (Kirk Douglas) avait confié à Balley, jadis détective privé à New York, la mission de lui ramener sa fiancée Kathie (Jane Greer), mais Bailey était tombé amoureux de la jeune femme et s’était enfuit avec elle. Fisher (Steve Brodie), un ancien partenaire du détective, avait retrouvé le couple, mais avant de les trahir, Kathle l’avait tué d’une balle de pistolet et était repartie seule avec l’argent volé à Sterling. Bailey s’était alors installé à Bridgeport où il semblait avoir retrouvé la tranquillité. Jusqu’à ce fameux jour où il voit arriver Joe, l’homme de main de Sterling, qui vient lui annoncer que son patron désire lui parler. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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OUT OF THE PAST (Jacques Tourneur, 1947). Les acteurs furent au rendez-vous. Kirk Douglas, avec son jeu excessif, n’est jamais aussi convaincant qu’en méchant teigneux de film noir : le personnage de Whit Sterling lui convient à merveille. Il incarne parfaitement cet homme reptilien, trop riche, trop jeune et trop impitoyable, et chacune de ses apparitions est électrisante. Le regard éclatant et rusé de Jane Greer trahit une vénalité absente de son visage espiègle, un peu rond. Ses talents d’allumeuse lui offrent une place de choix dans les rangs des Circé cinématographiques, où elle reste inégalée. [Dark City, Le monde perdu du film noir – Eddie Muller – Rivages Ecrits / Noirs (2015) ]

Dans la voiture, Balley révèle son passé à Ann tandis qu’ils se dirigent vers la maison de Sterling sur le lac Tahoe. Dans la pénombre, la voix calme et grave de Bailey s’élève comme dans un rêve pour évoquer ses souvenirs. À partir de ce moment, l’aspect visuel du film se transforme. L’obscurité devient de plus en plus présente et peu à peu s’installe une atmosphère d’incertitude, d’insaisissable, de fantastique, qui rappelle les films d’épouvante de Tourneur du début des années 1940. Bailey poursuit son récit, il parle de sa rencontre avec Kathie, une rencontre sur laquelle plane une ombre fatidique. Lors de leur rendez-vous vespéral devant les filets de pêcheurs étendus sur la plage, au Mexique, le spectateur pressent que Bailey ne pourra jamais se détacher complètement de la jeune femme. Quand Bailey, après sa virée nocturne, atteint la demeure de Sterling et referme derrière lui le lourd portail en fer forgé, le passé l’a définitivement rattrapé. Un peu plus tard, Kathie est de nouveau face à lui. Elle est retournée chez Sterling. Mais tout n’est pas oublié pour autant. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947) – Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas

La mélancolie attachante du personnage principal de Out of the past explique en grande partie l’ascension du film au statut de chef-d’œuvre : Robert Mitchum est non seulement l’un des héros les plus laconiques du film noir, mais aussi l’un des plus fatalistes. Bailey n’a aucune chance d’échapper à son passé et il semble le savoir avant même que Sterling ne le retrouve. Lorsqu’au début du film, on le voit allongé avec Ann sur les bords du lac en train de lui dessiner leur avenir sous des couleurs riantes, son visage désabusé est en totale contradiction avec ses paroles. Plus tard, lorsqu’il tente de contrecarrer les plans meurtriers de Sterling et parvient à le faire douter de Kathie, ses actes manquent visiblement de conviction. Comme si, à l’intérieur de lui-même, il s’était déjà résigné et qu’il voulait prouver que, quoi qu’il fasse, il ne pourrait échapper à son destin. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947) – Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas

Cette apparente contradiction entre désir d’agir et apathie, que Mitchum sait incarner comme nul autre acteur, caractérise le paradoxe qui règne dans le film et lui confère son aspect impénétrable. Ainsi Kathie, la femme fatale, nous apparaît sous les traits d’une vamp glaciale, mais peut se montrer vulnérable à tout instant. Ann fait preuve d’une combativité et d’une sensualité inhabituelles pour une gentille fille de province et Sterling lui-même se révèle sympathique à certains endroits. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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Dans Out of the Past (Jacques Tourneur, 1947), la fluidité de la mise en scène de Tourneur est extraordinaire. Aucun film n’a mieux montré que c’est le passage tourbillonnant d’un endroit à l’autre qui rend la pulp fiction si enivrante. De New York à Mexico, de Frisco à Tahoe. Des penthouses luxueuses aux cantinas enfumées, en passant par les boîtes de nuit élégantes et les palaces avec vue sur le lac. Chaque nouvelle scène communique la montée d’adrénaline qui plonge Mitchum un peu plus profondément dans les limbes. [Dark City, Le monde perdu du film noir – Eddie Muller – Rivages Ecrits / Noirs (2015) ]

Tourneur relativise le manichéisme des personnages qui, aux yeux des contemporains, rend un certain nombre de films noirs si schématiques. Ce léger ébranlement du modèle traditionnel des bons et des méchants laisse également son empreinte sur le style visuel du film. Lorsque le chef opérateur Nicholas Musuraca, qui a déjà filmé Cat People (La Féline, 1942) pour Tourneur, fait flotter sur les scènes tournées en plein jour et en extérieurs une menace latente grâce à son éclairage subtil, il bouscule par là même certaines certitudes visuelles du cinéma hollywoodien : brusquement, la petite ville ensoleillée de Bridgeport perd son aspect idyllique. Et le côté petit-bourgeois et mesquin de ses habitants, aux yeux desquels Bailey est toujours resté un étranger dont il faut se méfier, préfigure déjà le climat aux relents fascistes qui envahira de nombreuses petites villes américaines dans les films des années 1950. Bailey y cherchera un refuge en vain. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)] 

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OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947) – Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas

« Le scénario de Mainwaring et le dialogue étaient de premier ordre, et j’ai pu tourner une grande partie du film en extérieurs. En fait, le village que vous voyez est celui où je me rends pour pêcher la truite. Je connaissais tout le monde et je savais exactement ce qu’il fallait utiliser dans le paysage. Je me suis servi des véritables habitants pour des petits rôles et comme j’étais loin du studio, j’ai pu sortir de la routine : par exemple, j’ai évité les transparences dans la scène d’ouverture où la voiture de l’homme de main de Kirk Douglas s’approche de la station-service. Et c’est moi qui ai suggéré à Mainwaring de faire tuer un gangster au moyen d’une canne à pêche. C’était plus original qu’avec un revolver et plus étrange surtout… J’ai énormément aimé travailler avec Jane Greer, qui était une merveilleuse actrice, très sous-estimée. Son personnage est original par rapport aux vamps de l’époque et j’adore les scènes d’amour qu’elle a avec Mitchum. Elle y est très touchante » (Jacques Tourneur).

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OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947) – Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas

Si Out of the past est un film clé du cycle noir, cela ne veut pas dire qu’il n’ait aucune faiblesse. L’intrigue est beaucoup complexe, surtout dans les séquences de San Francisco, et le ton s’enfle parfois d’une solennité lassante. La meilleure partie est sans doute le flash-back du début, rappelant The Killers de Hemingway et sa version cinématographique, due à Siodmak. Dans cette séquence la narration captivante de Jeff, sa première vision de Kathie s’engouffrant dans la pénombre d’un café mexicain, l’interlude romantique sur la plage et leur fuite désespérée installent une atmosphère d’un noir  très pur. En revanche, dans la seconde partie du film, le scénario trop long de Mainwaring souligne grossièrement la capitulation de Jeff devant son destin et la duplicité de Kathy. L’apogée dramatique du film – l’un des moments les plus forts sur le plan visuel – a lieu lorsque Kathie abat Fisher ; Jeff se retourne brusquement sous le choc de la révélation. La vraie nature de Kathie lui est enfin dévoilée. [Encyclopédie du film Noir – Alain Silver et Elizabeth Ward – Ed Rivages (1979)]

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OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947) – Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas

Malgré ses petits défauts, on peut dire que Out of the past et Criss Cross (Pour toi j’ai tuéRobert Siodmak, 1949) sont les deux films qui évoquent le mieux le motif qui est au cœur du cycle noir : la destruction d’un homme fondamentalement bon par une femme corrompue. Dans ces deux œuvres, l’héroïne hésite entre deux hommes et l’histoire s’achève par la mort des trois membres du trio ; de plus il y a toujours un flash-back qui retrace la chute du héros. Mais ces deux films sont très différents, y compris dans la conception des flash-back. Dans Criss Cross, Steve Thompson est déjà hanté par le souvenir d’Anna, sa première femme, lorsqu’il évoque le moment où il la revit entrer dans une boîte de nuit et comprit que son désir pour elle renaîtrait avec sa force première. [Encyclopédie du film Noir – Alain Silver et Elizabeth Ward – Ed Rivages (1979)]

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OUT OF THE PAST (Jacques Tourneur, 1947). Nick Musuraca, qui avait déjà signé la photo de Stranger on the Third Floor’ (un film que beaucoup considérèrent comme le premier noir pré-Faucon), joue sur les ombres et les lumières avec la patte d’un artiste peintre. Au lieu de touches crues de lumière et d’obscurité, véritable convention du noir, il se servit d’une subtile lumière diffuse pour révéler les détails des décors, et utilisa les key lights pour appuyer ses effets dramatiques. Chaque scène offre des effets visuels captivants et originaux par rapport aux précédentes et aux suivantes. Musuraca utilise l’intégralité de la palette monochromatique et élabore le clair-obscur le plus riche jamais photographié pour un film noir. [Dark City, Le monde perdu du film noir – Eddie Muller – Rivages Ecrits / Noirs (2015) ]

Dans Out of the past, Jeff raconte sa première rencontre avec Kathie, ce qui rend son aventure plus immédiate pour le spectateur. Mais la différence la plus fondamentale entre ces deux flash-back est que Jeff sait, en relatant son aventure, que Kathie le détruit. Le film retrace le cours des événements qui l’amènent petit à petit à accepter son destin. Thompson, lui, malgré ses expériences douloureuses avec Anna, réussit à se convaincre qu’il a encore confiance en elle et ne comprend vraiment sa nature traîtresse que dans la toute dernière scène. [Encyclopédie du film Noir – Alain Silver et Elizabeth Ward – Ed Rivages (1979)]

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OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947) – Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas

Ces deux visions différentes ont malgré tout un point commun : la femme elle-même. Les films noirs sont pleins de personnages féminins destructeurs, et ceux où l’amour enracine les meilleurs aspects du héros, et non les pires, sont rares : They Live by Night (Les Amants de la nuit, Nicholas ray, 1948), par exemple. Dans les autres, Criss CrossAngel Face (Un si doux visageOtto Preminger, 1952), Hell’s Island (Les Iles de l’enfer, Phil Karlson,1955) et Double indemnity (Assurance sur la mort, Billy Wilder, 1944), l’amour des femmes mène à la mort. Pitfall (Andre DeToth, 1948), Nightfall (Poursuites dans la nuit, Jacques Tourneur, 1957), The Big sleep (Le Grand sommeil, Howard Hawks, 1946) et Chinatown (Roman Polanski, 1974), évoquent, eux, un autre aspect du même thème. Le héros s’attend à être trahi mais s’aperçoit plus tard qu’il a tort. Cette méfiance ne peut d’ailleurs être aussi radicalement menaçante, ou destructrice, que les véritables trahisons, telles qu’on les trouve dans Out of the past car la vision noire s’accommode moins facilement d’une erreur d’appréciation du héros que de sa fatale obsession. [Encyclopédie du film Noir – Alain Silver et Elizabeth Ward – Ed Rivages (1979)]

Out of the Past est un sommet de la carrière du réalisateur Jacques Tourneur, ainsi que de son directeur de la photographie Nicholas Musuraca. Le genre allait si bien à Tourneur qu’il est criminel qu’il n’ait réalisé qu’un seul autre véritable film noirNightfall. Né à Paris mais élevé en Amérique, Tourneur était le fils d’un éminent metteur en scène français, Maurice Tourneur, qui avait réalisé quantité de films en France et à Hollywood. Jacques grandit sur les plateaux, et, vers le début des années 1940, un producteur de la RKO à l’esprit novateur, Val Lewton, lui donna une opportunité de passer derrière la caméra. Le duo produisit une remarquable série de films fantastiques à petit budget qui restèrent célèbres pour leur sens visuel inspiré : Cat PeopleWalked with a Zombie et The Leopard Man. La jungle n’étant qu’à quelques encablures de Dark City, il semble évident que Tourneur aurait pu exceller dans le crime drama, mais on préféra lui confier pléthore de films en costumes de deuxième ordre, tels que Stars in My Crown, Anne of the Indies et Way of the Gaucho. [Dark City, Le monde perdu du film noir – Eddie Muller – Rivages Ecrits / Noirs (2015) ]

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OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947) – Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas

L’HISTOIRE

Dans la petite ville de Bridgeport en Californie, Jeff Bailey (Robert Mitchum) dirige une station-service aidé par un garçon muet, Jimmy (Richard Webb). Jeff fait la cour à Ann (Virginia Huston). Joe Stefanos (Paul Valentine) vient dire à Jeff qu’un gangster du nom de Whit Sterling (Kirk Douglas) veut le voir. En se rendant chez Sterling, qui habite au bord du lac Tahoe, Jeff raconte l’histoire de sa vie à Ann. Il fut autrefois détective privé et s’appelait Jeff Markham ; on lui demanda de retrouver la maîtresse de Sterling, Kathie Moffet (Jane Greer), qui avait tiré sur son amant et avait pris la fuite en emportant 40.000 dollars.

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OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947) – Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas

Jeff l’avait retrouvée à Mexico mais était tombé amoureux d’elle et avait cru à ses protestations d’innocence. Ils partirent vivre à San Francisco jusqu’au jour où Fisher, un associé de Sterling finit par retrouver leur trace. Kathie avait tué Fisher ; Jeff comprit alors qu’elle avait menti et que c’était bien elle qui avait volé l’argent. Après avoir perdu toutes ses illusions, Jeff décida de commencer une vie nouvelle à Bridgeport. En arrivant chez Sterling, Jeff rassure Ann avant qu’elle ne reparte : Kathie n’est plus rien pour lui. Mais il est surpris de la retrouver chez Sterling ; elle lui confie en aparté que Sterling la fait chanter avec le meurtre de Fisher et la force à rester avec lui. Le gangster oblige alors Jeff, en usant également du chantage, à recueillir des informations sur un comptable qui faisait autrefois partie de son gang et l’a trahi : Eels (Ken Niles). En fait Sterling prévoit de faire tuer Eels par Stefanos et de faire accuser Jeff du meurtre.

Robert Mitchum (‡ gauche) et personnages

OUT OF THE PAST (La Griffe du passé) – Jacques Tourneur (1947) – Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas

Quand Jeff découvre le plan, il essaie vainement d’empêcher le crime. Il se rend compte par la suite que Sterling ne possède aucune preuve réelle mais des documents falsifiés qui établissent également sa responsabilité dans le meurtre de Fisher. Pourchassé pat la police, Jeff revient à Bridgepoint et revoit Ann qui n’a pas perdu confiance en lui. Après avoir échappé à Stefanos, Jeff va voir Sterling ; celui-ci accepte de dénoncer Kathie comme la meurtrière de Fisher. Mais cette dernière tue Sterling puis demande à Jeff de s’enfuir avec elle. Il fait semblant d’accepter sa proposition mais alerte la police. Tous deux se font tuer alors qu’elle tente de forcer un barrage. Jimmy réussit à faire croire à Ann que Jeff a toujours aimé Kathie, pour qu’elle puisse l’oublier et refaire sa vie.


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L'HISTOIRE


Jeff Bailey (Robert Mitchum), pompiste dans une petite ville californienne, retrouve par hasard Joe Stephanos, un homme de main de son ancien employeur, Witt Sterling (Kirk Douglas). Le jeune affranchi lui fait comprendre que Sterling souhaite le revoir au plus vite. Joe va au rendez-vous avec sa fiancée, à laquelle il raconte son trouble passé de détective...

ANALYSE ET CRITIQUE

En 1946, Jacques Tourneur achève le tournage de son premier western, Canyon Passage, avec Dana Andrews et Brian Donlevy. Daniel Mainwaring, écrivain et scénariste à succès, vient de signer le script de Big Town de William C. Thomas et souhaite adapter son nouveau roman noir, Pendez moi haut et court. De son côté, Robert Mitchum sort du tournage de Crossfire avec Dmytryk et promène sa grande carcasse dans toutes les soirées enfumées et arrosées de L.A., en quête de détente mais aussi d’un nouveau rôle... Ces trois hommes, que rien ne semblait devoir réunir, vont, au cours de cette année, marquer l’histoire du Film noir en donnant naissance à l’une des plus belles oeuvres que le genre nous ait jamais offert : Out of the Past.

La Griffe du passé ou la quintessence du script noir

Lorsque Mainwaring écrit son roman en 1946, il fait alors partie des nombreuses victimes de la Commission de Lutte contre les Activités Anti-Américaines (HUAC). Blacklisté, il est obligé de signer Build my gallow high (Pendez moi haut et court) sous le pseudonyme de Geoffrey Holmes alors que, quelques années plus tard, il sera accusé par la critique d’avoir rédigé un script anti-communiste avec Invasion of the Body Snatchers que Siegel met en en scène en 1956 !! Eternel incompris, Mainwaring était avant tout un écrivain de talent, ami de Bogart (dont il fut l’attaché de presse) et de Robert Mitchum qu’il retrouve sur le tournage de La Griffe du passé. Son roman, qu’il jugeait médiocre (1), est scénarisé avec l’aide de Franck Fenton et de James M.Cain. On y retrouve les principaux ingrédients du film noir, tel que l’utilisation du flashback, la présence d’une femme fatale ou encore le poids du passé...

Out of the Past met en scène un ancien détective (Jeff Bailey) caché dans la petite bourgade de Bridgeport où il a repris une activité de pompiste. Mais, à l’instar de tout classique du roman noir, il est de règle que personne ne puisse échapper à son destin. "Les griffes du passé" (excellent titre français) finissent toujours par rattraper les héros. Quand on découvre Jeff Bailey, il est installé au bord d’un lac où il pêche en compagnie de sa fiancée. Les deux amoureux enlacés s’inscrivent harmonieusement dans le tableau bucolique de la Sierra californienne. Malheureusement pour eux, ces instants sont de courte durée : un garçon sourd-muet, qui travaille avec Bailey, interrompt la scène pour le prévenir qu’un homme de la ville est à sa recherche. L’équilibre est rompu et Jeff doit affronter ses vieux démons que la première partie du récit va s’employer à décrire...

Bailey a alors rendez-vous dans la région du lac Tahoe avec son ancien employeur, Witt Sterling (Kirk Douglas). Il se rend sur place en voiture, accompagné de sa fiancée (par extension le public) à laquelle il raconte son expérience de détective au service de Sterling. Mainwaring, utilise alors le flash-back, figure récurrente du film noir, pour nous offrir un voyage inoubliable dans l’espace (la voiture se déplace vers Tahoe) et dans le temps. C’est l’occasion pour Bailey de se souvenir des deux individus qui concourent à sa perte : Witt Sterling, homme d’affaires dangereux, et Kathie Moffet, jeune femme à la beauté diabolique dont le seul objectif semble être de manipuler les hommes qui croisent son chemin.

Après avoir exposé ses personnages dans le premier tiers en flashback, Mainwaring revient dans le présent pour réunir de nouveau Bailey, Sterling et Moffet. Le récit prend alors des directions de plus en plus complexes, entraînant notre héros dans une succession de situations dont il ne pourra sortir intact. Les rencontres entre Bailey et de nouveaux personnages se succèdent, chacune contribuant à l’entraîner toujours plus loin dans les abîmes de sa destinée. Le scénario prend ici une forme que les spécialistes du film noir (James Ursini et Michel Ciment notamment) qualifient de "labyrinthique". Si l’adjectif peut effrayer les spectateurs peu enclins à se perdre dans les dédales d’un récit dont ils ne maîtriseraient pas tous les tenants et aboutissants, il faut les rassurer : le scénario de Mainwaring ne ressemble en rien à celui totalement confus du Grand Sommeil (Howard Hawks, 1946) et fait preuve d’une "mécanique dramaturgique" parfaitement construite et compréhensible.

Si le script de La Griffe du passé frise la perfection dans sa composition, il possède également des dialogues merveilleux dont il est difficile d’attribuer la paternité à l’un des scénaristes crédités au générique. Néanmoins, Roger Erbert assure que c’est Franck Fenton qui est à l’origine de ce florilège de répliques digne de Casablanca !! Parmi celles-ci, on peut retenir cet échange devenu culte entre Jeff et Kathie :

Kathie à propos de Sterling : « I didn't know what I was doing. I didn't know anything except how much I hated him. But I didn't take anything. I didn't, Jeff. Don't you believe me ? »
Jeff : « Baby, I don't care. »

Non seulement ces répliques claquent et s’inscrivent avec harmonie dans le récit mais elles définissent précisément les personnalités des protagonistes. Ce « I don't care » que Jeff jette à la caméra caractérise son flegme, son cynisme face aux évènements, tandis que le « Don’t you believe me ? » de Kathie insinue le mensonge, la manipulation. Ces dialogues géniaux, associés à la redoutable mécanique du scénario de Daniel Mainwaring forment un diamant brut dont l’orfèvre Jacques Tourneur va s’emparer pour le faire briller de mille feux...

Jacques Tourneur, un talent inné au service du film noir

Après avoir réalisé quelques chefs-d’œuvre fantastiques parmi lesquels Cat People (1942), I Walked with a Zombie (1943) et dans une moindre mesure The Leopard Man (1943), Jacques Tourneur met fin à sa collaboration avec Val Lewton en 1943 et se tourne vers d’autres genres cinématographiques. Il signe d’abord un film de guerre assez laborieux (Days of Glory, 1944) puis un western à la beauté fulgurante (Canyon Passage, 1946). Mais s’il est un genre où le regard de Jacques Tourneur va prendre toute son ampleur c’est certainement le film noir. En 1946, Warren Duff lui propose de réaliser Out of the Past, Tourneur accepte et signe à cette occasion un des grands classiques du genre où son art subtil du "non dit" laissera une empreinte indélébile.

Souvent considéré comme le cinéaste du mystère, Jacques Tourneur prend un évident plaisir à manipuler le public. Out of the Past s’inscrit dans ce style avec des personnages étranges dont on ne connaîtra l’identité précise et les motivations finales qu’après une longue période d’exposition. La confession de Jeff, qui avoue à sa fiancée que son vrai nom est Markham, résonne avec écho dans la filmographie de Tourneur : de Cat People (Irena / la Féline) à Berlin Express (le vrai faux professeur Bernhart), ce thème de la double identité est, à l’évidence, cher au cinéaste d’origine française.

Tourneur peut également être considéré comme un artiste symboliste. Lorsque Joe arrive à Bridgeport, il est vêtu de noir et en total inadéquation avec l’ambiance champêtre du décor. Il représente la ville et par extension les ennuis qui entraîneront Jeff vers sa perte. A partir du moment où Jeff rencontre Joe, le film bascule dans une ambiance nocturne puis citadine où les bars enfumés d’Acapulco et les ruelles sombres de San Francisco symbolisent la sombre destinée à laquelle Bailey ne peut échapper.

Out of the Past, est l’occasion pour Tourneur d’utiliser à foison une panoplie de symboles suggérant le danger, le désir ou la passion, qui constituent l’essence même du film. Ainsi, lors de la scène de la plage où Bailey scellera sa perte en retrouvant Kathie, Tourneur choisit d’accentuer la profondeur de champ afin de mettre en évidence les filets de pêcheur qui entourent le couple. Métaphore de la capture du héros par Kathie, Tourneur utilise une allégorie similaire lorsque Jeff se rend chez Sterling : il arrive dans la demeure du personnage interprété par Kirk Douglas où il revoit Kathie, des grilles s’ouvrent et se referment derrière lui, laissant l’impression qu’il est de nouveau prisonnier de son destin... Cette volonté de donner un sens aux images prend une multitude de formes, toutes plus élégantes les unes que les autres, et impose un style unique au film. Les spectateurs n’oublieront pas de sitôt cette scène où les deux amoureux se rendent dans une cabane alors que l’orage gronde pendant la nuit : Tourneur étale ici un florilège de symboles parmi lesquels une porte qui s’ouvre avec le vent annonçant la première relation sexuelle entre Jeff et Kathie ou encore la nuit, la pluie et les plantes que Tourneur filme en premier plan, comme il l’avait fait avec tant d’élégance dans Vaudou, et qui suggèrent le danger que courent les deux amoureux...

Néanmoins, il est juste de rappeler que si Out of the Past est un sommet de beauté plastique, il le doit également à l’incomparable talent de Nick Musuraca. Le directeur de la photographie, avec lequel Tourneur a collaboré sur Vaudou et La Féline, signe ici un noir et blanc techniquement parfait, offrant de merveilleux contrastes dans une ambiance éclairée avec parcimonie. En s’appuyant sur le travail de son technicien, Jacques Tourneur compose des plans merveilleux dont certains sont devenus cultes pour tous les cinéphiles (ceux de la plage notamment).

Robert Mitchum, la force tranquille du Film noir

Si la mémoire cinéphile devait retenir une figure du film noir, ce serait certainement la silhouette nonchalante de Robert Mitchum. Le comédien au physique de footballeur américain signait avec Out of the Past un de ces premiers rôles d’anti-héros. Nommé aux Oscars deux années plus tôt pour Story of GI Joe (William Wellman, 1945), Mitchum avait jusqu’alors incarné des personnages ancrés dans les valeurs américaines. Mais à l’instar d’un James Stewart sous l’égide d’Anthony Mann, Mitchum amorce un virage décisif lorsqu’il rencontre Tourneur. En interprétant Jeff Bailey, un flic à la fois cynique et romantique, il donne une nouvelle impulsion à sa carrière durant laquelle il retrouvera souvent des héros de ce type. De Harry Powell dans La Nuit du Chasseur (1955) à Franck Jessup (Un si Doux Visage, 1953), Mitchum jouera de son air désabusé pendant de nombreuses années avec une facilité qui laissera malheureusement croire qu’il était lui même détaché des évènements extérieurs. Toutefois, il est bon de rappeler que si Mitchum était souvent en marge d’Hollywood et s’amusait à considérer son métier comme un vulgaire gagne-pain, il n’en demeurait pas moins profondément investi dans ses personnages et faisait preuve d’un professionnalisme sans faille. Lorsque Jacques Tourneur se remémore le tournage de La Griffe du passé, il rend hommage au grand Bob : « Mitchum peut rester silencieux et écouter une tirade de cinq minutes. Vous ne le quitterez jamais des yeux et vous comprendrez qu’il fait attention à tout ce qu’on lui dit même s’il n’a rien à faire. C’est à ce genre de choses qu’on reconnaît les bons acteurs. » (1)

Sous la direction de Tourneur, Mitchum campe un personnage usé. Mélange de puissance physique et de faiblesse sentimentale, il tombe sous le charme vénéneux de Kathie, interprétée par la troublante Jane Greer. La comédienne protégée par Howard Hughes, dont elle fut l'une des nombreuses conquêtes, signe ici une interprétation remarquable où elle dresse un profil de "Femme Fatale" dans la digne lignée d’Ida Lupino (Une Femme dangereuse, 1940) ou Barbara Stanwyck (Assurance sur la mort, 1944). Avec son regard "Bacallien" et sa démarche de panthère, Greer impose sa griffe dans l’histoire du film noir ! Dès que les deux comédiens se retrouvent devant la caméra, l’air se charge d’une électricité dont la tension ne cesse de croître jusqu’au final. Cette relation entre les deux amants respecte parfaitement les codes du genre. Jamais ils n’ont l’occasion d’exprimer leur passion aux yeux des autres et à l’instar des héros de Nicholas Ray (Les Amants de la nuit, 1947), ils s’aiment la nuit, cachés dans des motels forestiers ! Mais contrairement aux jeunes tourtereaux du film de Ray, l’amour de Jeff pour Kathie n’a rien d’idyllique... Nourri de conflits, il n’est que passion et prendra fin tragiquement. On pense alors à Peggy Cummings et John Dall dans le chef d’œuvre de Joseph H. Lewis (Le Démon des armes, 1950) ou à Jean Simmons et... Robert Mitchum chez Preminger (Un si doux visage, 1952).

Aux côtés de Mitchum et Greer, le dernier membre du triangle amoureux est incarné par Kirk Douglas. Là encore, le casting est sans faute : Douglas est un jeune comédien prometteur et sa personnalité diamétralement opposée à celle de Mitchum sert idéalement la mise en scène. A 30 ans, il fait partie de la même génération d’acteurs que Robert Mitchum, mais contrairement au grand Bob, Kirk Douglas est beaucoup moins instinctif. Son travail ressemble davantage à celui qu’enseignera Lee Strasberg : en permanence concentré, il n’a comme unique objectif que de se glisser dans la peau de Witt Sterling. L’ambiance sur le tournage s’en ressent et Douglas entre souvent en conflit avec Mitchum. Reste à savoir si cette animosité, qui sert si bien les scènes qu’ils partagent, provient d’une jalousie de Douglas (il n’a qu’un second rôle) ou d’une technique d’extériorisation du conflit qui anime le duo de personnages ? Le mystère demeure...

Sur la pellicule de Tourneur, Kirk Douglas et Robert Mitchum donnent le meilleur d’eux-mêmes. Douglas exprime une agressivité qui transparaît dans chacune des scènes avec Mitchum : il tourne autour de sa proie et use de la gestuelle féline qui caractérisera son jeu tout au long de sa carrière. De son côté, Robert Mitchum dégage une force tranquille et construit sa légende. Ses répliques cognent tandis que la fumée des cigarettes qu’il ne cesse d’allumer forme un rempart qui semble le protéger des griffes de Kirk Douglas et Jane Greer...

A la fin du mois de janvier 1947, le tournage d’Out of the Past s’achève. Le film qui sort le 25 novembre de la même année rencontre un public habitué au film noir. Avec le temps, le film devient un grand classique du genre et fait aujourd’hui figure de chef-d’oeuvre. Daniel Mainwaring, Jacques Tourneur et Robert Mitchum n’auront plus l’occasion d’associer leurs talents, ils laissent néanmoins derrière eux la griffe d’un passé artistique qui alimente encore aujourd’hui la passion de nombreux cinéphiles nostalgiques...


(1) « Le livre et le film sont complètement différents. Le film est nettement mieux, beaucoup moins embrouillé » Daniel Mainwaring dans Film Noir, Silver et Ursini, Taschen
(2) Dans Robert Mitchum, François Guérif, Denoel.

https://www.dvdclassik.com/recherche

Par François-Olivier Lefèvre - le 28 octobre 2010
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 La griffe du passé / Jacques Tourneur  / 1947 / Genre : film noir

Pendez moi haut et court (Out of the Past). Avec : Robert Mitchum (Jeff Bailey), Jane Greer (Kathie Moffett), Kirk Douglas (Whit Sterling), Rhonda Fleming (Meta Carson), Richard Webb (Jim), Steve Brodie (Fisher), Virginia Huston (Ann), Paul Valentine (Joe), Dickie Moore (the Kid), Ken Niles (Eels). 1h36

 Jeff Bailey raconte son passé à la jeune femme qu'il doit épouser : avant de s'occuper d'une petite station-service, il a exercé la profession de détective privé. Un jour, il a été chargé par un joueur professionnel, Whit Sterling, de retrouver son amie, Kathie, qui s'est enfuie avec une grosse somme d'argent, après lui avoir tiré dessus.

Bailey a retrouvé la jeune femme à Acapulco, mais a succombé à son charme. Il est resté avec elle. Pourtant, il l'a quittée le jour où elle a tué l'un de ses amis. D'ailleurs, elle lui avait menti au sujet de l'argent.

 Depuis, Bailey a voulu oublier son passé, mais celui-ci ne le laisse pas en repos. Quelques années plus tard, il retrouve Whit et Kathie, la femme qu'il a aimée. Ils sont ensemble et Bailey doit travailler pour eux à nouveau, sous la menace d'un chantage. En fait, le piège se referme lentement sur lui ; il ne pourra échapper au traquenard. Kathie tuera Whit, puis Bailey, avant d'être abattue à son tour... Bailey l'entraînant dans la mort avec lui.

 Pour Jacques Lourcelles :"Oeuvre fondamentale du film noir, Out of the past contient les éléments constitutifs du genre dans leur forme la plus achevée: fatalisme tragique soulignant l'impuissance de l'individu ; relation perverse et empoisonnée entre le passé et le présent ; portrait de femme fatale dont la nature plus encore que le caractère est de trahir.

L'action baigne dans une pénombre fantômatique. Elle se développe dans une atténuation volontaire, quasi iréelle des voix et des sons et évolue selon un rythme austère qui, malgré les circonvolutions de l'intrigue, la mènera inexorablement vers son terme.

Pour le héros, le personnage de Jene Greer est une fascinante messagère de la mort. Elle lui barre l'accès à l'autre versant de sa destinée, celui qu'il aura entrevu comme un mirage dans le désert, à travers les montagnes et près du lac Tahoe en Californie

En rupture avec la norme du genre, le héros ne participe pas, si peu que ce soit, à l'avilissement, à la corruption environnante. Quoiqu'il ne soit pas un héros au sens positif et exaltant du terme, c'est un être curieusement intact, auquel Mitchum, dans son premier rôle en vedette dans un film de série A, prête son flegme et son laconisme si singulier...

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(1904-1977)
35 films

"Réalisateur né à Paris, le 12 novembre 1904. Fils du cinéaste Maurice Tourneur, il accompagne son père qui part aux États-Unis et poursuit ses études à New York d'abord puis à Hollywood avant d'acquérir la citoyenneté américaine en 1919.

Tout en faisant de la figuration dès 1922, il collabore aux scripts des films de son père. Revenu en Europe en 1929, il devient monteur et assistant chez Pathé Nathan. "Le montage est une très bonne école pour la mise en scène" dira-t-il par la suite. Il signe enfin sa première réalisation en 1931 une comédie avec un tout jeune premier nommé Jean Gabin.

Après avoir dirigé quatre films, il regagne les États-Unis en 1935 et devient réalisateur de seconde équipe à la Metro-Goldwyn-Mayer. Il réalise aussi vint-et-un courts métrages de dix minutes, destinés à servir de compléments de programme aux films de prestige de la compagnie.

Il peut enfin diriger son premier long métrage américain en 1939 à la MGM, They all come out, puis deux aventures de Nick Carter détective, inédits en France.

En 1942, le producteur Val Lewton l'engage pour la RKO et lui offre de réaliser La féline, d'après un scénario écrit en collaboration par Tourneur lui-même. Val Lewton et DeWitt Bodeen. Le succès financier considérable et inespéré qui s'ensuit renfloue la RKO qui se trouvait au bord de la faillite. Jacques Tourneur continue sur le même style feutré et subtil, et signe en 1943 deux autres films similaires, Vaudou et L'homme léopard.

Devenu enfin une valeur sûre, les diverses propositions qui lui sont faites dès lors lui permettent de signer des œuvres d'inspirations très diverses comme des thrillers (La griffe du passé), des westerns (Le Passage du canyon), des films d'espionnage (Berlin Express), etc. Mais Jacques Tourneur aime à ce point son métier qu'il accepte parfois d'être sous-payé pour avoir la possibilité de réaliser un film qui lui tient particulièrement à cœur comme Stars in my crown qu'il a toujours considéré comme sa meilleure œuvre.

Il continuera ainsi une carrière d'une haute tenue artistique en marge de la grosse production hollywoodienne, s'essayant au film d'aventures à costumes (La flèche et le flambeauLa flibustière des Antilles), au western classique (Un jeu risqué) ou moderne (Le gaucho), et au film fantastique surtout dont il se révèle un maître avec Rendez-vous avec la peur, réalisé en Angleterre.

Dans les années soixante, il travaillera surtout pour la télévision et signera encore deux films à Hollywood. Puis il se retire à Pécharmant, un petit village de Dordogne où il mourra, oublié de son pays natal, le 19 décembre 1977.

https://www.cineclubdecaen.com/materiel/ctfilms.htm

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ROBERT SIODMAK (1904 - 1973)