L'HISTOIRE
2026, Metropolis symbolise la mégalopole futuriste, organisée selon un système de castes. Les ouvriers travaillent dans la ville basse, manipulant des machines nuit et jour, dans le seul but d’assurer le bonheur des bourgeois de la ville haute. Un savant fou, l’hybride Rotwang (Rudolf Klein-Rogge), met au point un androïde à l’apparence féminine, qui exhortera les ouvriers à se rebeller contre le maître de la cité : Joh Fredersen (Alfred Abel). Lutte des classes et métaphysique rythment un film définitivement en avance sur son temps.
ANALYSE ET CRITIQUE
Qu’ont en commun le film Metropolis de Fritz Lang, la Neuvième Symphonie de Beethoven, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et la Bible de Gutenberg ? Tous font partie de patrimoine documentaire de l’Humanité et figurent parmi les 91 collections inscrites au registre "Mémoire du monde"’ de l’Unesco. Ce programme, lancé en 1992, se donne pour mission de sauvegarder le patrimoine de l’Humanité. Dans le cas du cinéma, des milliers de kilomètres de pellicule risquent de s’effacer si leur restauration n’est pas rapidement entreprise. Le Metropolis qui nous est offert aujourd’hui, a été amputé d’un quart de sa durée originelle. Plusieurs minutes de celluloïd perdues à jamais. Si le temps a détruit en partie le film, il n’est pas le seul responsable, la société de production détient une large part de responsabilité.
Dans l’histoire du cinéma, aucune œuvre n’a subi autant de transformations que Metropolis. Le film de Fritz Lang avait nécessité deux ans de travail. Le déploiement technique et financier avait éclipsé tout ce qui avait été imaginé, au point que Metropolis mena la société U.F.A. au bord de la faillite. Avec ce projet colossal, les producteurs espéraient de gros bénéfices et un succès commercial international. Malheureusement, le film ne connut pas le succès escompté. Metropolis fut un fiasco. Seuls 15.000 Berlinois assistèrent à la projection en janvier 1927. Le film fut très vite retiré de l’affiche afin d’être remonté et raccourci. D’une durée originale de 153 minutes, le film fut réduit à 118 minutes. C’est cette version de deux heures qui fut projetée à travers le monde. Mais rien n’y fit, le public bouda Metropolis. Le film subit encore de nombreuses coupures, notamment une version américaine distribuée par la Paramount, indigne de la vision de Fritz Lang. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que le film soit redécouvert et trouve enfin son public.
C’est à l’initiative de la Fondation Friedrich-Wilhelm Murnau qu’une reconstruction a été à nouveau entreprise. Les archives du monde entier ont été "pillées" afin de toucher au plus près l’œuvre imaginée par Fritz Lang et sa femme, Thea von Harbou. Bien évidemment, l’œuvre présentée ici ne constitue qu’une version synthétique. Approchons-nous l’œuvre de janvier 1927 ? Un mystère que Fritz Lang a emporté dans la tombe. Interrogé sur son travail, il demeurait évasif et ne répondait que par d’autres questions.
« Lorsque j’ai lu pour la première fois le manuscrit de Thea von Harbou, j’ai tout de suite compris que le travail qui m’attendait allait de très loin dépasser mes précédentes réalisations » déclara Fritz Lang. Metropolis la futuriste ne pouvait qu’être le fruit de l’imagination, car il n’existait pas de style moderne qui exprime la complexité de cette mégalopole. Le projet est gigantesque, la ville est un mélange de modèles réduits, de trucages et de décors. Gratte-ciel art déco, autoroutes et jardins suspendus, Tour de Babel composent le cœur de la cité. Cette modernité apparente a un prix : elle ne vit que grâce à la sueur et au sang de milliers d’ouvriers qui se tuent littéralement à activer des machines qui ne produisent rien, mais qui réclament leur lot quotidien de morts et de blessés. Dans la ville basse, des équipes de nuit exténuées croisent des équipes de jour qui se jettent dans les ascenseurs qui les mèneront à M, la machine centrale. M comme Metropolis, M comme Mutter (maman), M comme Moloch, la divinité païenne des Phéniciens et des Ammonites. Comme l’antique Moloch-Baal, la machine avale ses enfants, se repaît de leur chair. Toute mauvaise manipulation des leviers est sanctionnée sur le champ. C’est ce que découvrira le jeune Freder (Gustav Fröhlich) quand il descendra dans les souterrains à la recherche de Maria (Brigitte Helm). Si les ouvriers symbolisent le prolétariat opprimé par le capitalisme, Maria, elle, représente le renouveau, la virginité et la foi. Maria réconforte les masses oppressées, elle prêche dans les catacombes de Metropolis, véritable chapelle qui rappelle les lieux de rencontre des premiers chrétiens. Elle offre un espoir qui effraie le dirigeant, concepteur de la cité, Joh Fredersen (Alfred Abel), père du jeune Freder. Le prénom Joh renvoie à Jéhovah, le Dieu biblique. Monopoliste et dictateur, Fredersen contrôle Metropolis de son bureau, entouré de consoles et de téléphones de surveillance. Tel le leader moderne, il règne grâce à la communication et l’information.
Fritz Lang joue avec la symbolique religieuse. Derrière chaque pan de la ville, chaque habitant se cache une métaphore. A ces références bibliques, le maître allemand ajoute la psychanalyse, une forme de pendant à la spiritualité. Relation au père et à la mère, complexe d’Œdipe tourmentent Freder et les personnages principaux : Fredersen, Maria et Rotwang. Le sacré qui est incarné par Maria est bafoué par Fredersen et le savant fou Rotwang. A deux, ils créent un doppelganger de la vierge à partir d’un androïde féminin. La virtuosité de Lang explose lors de cette traque effrénée menée par un Rotwang qui pourchasse Maria de sa lampe torche dans les catacombes. Si le film use de nombreux plans fixes, cette scène permet à Lang de multiples travellings. Un mouvement perpétuel qui se conclut par l’hallali. Lang se permettra une autre expérience de pur cinéma lors de la danse des voiles effectuée par la fausse Maria dans le Yoshiwara, le club des jeunes gens de bonne famille de la ville. Lang nous offre alors un montage rythmé, empreint de modernité et visuellement époustouflant.
Ces scènes magnifiques préfigurent la catastrophe à venir. La fausse Maria déclenche la révolte. Les ouvriers, ivres de rage, détruisent la machine centrale. Le chaos recouvre Metropolis. Finalement, c’est l’amour qui viendra à bout de l’entropie. Maria et Freder parviennent à convaincre Fredersen que le cœur doit servir de médiateur entre la main (l’action) et la tête (la planification). L’anti-technologie, les sentiments, l’emportent sur la modernité et ses moyens de production.
Les exégèses de Metropolis sont légion. Ses interprétations sont multiples. Tout le monde a une idée de Metropolis, mais que faut-il y voir au juste ? Certainement pas le film écrit par Thea von Harbou en 1924 et mis en scène par Fritz Lang en 1926, puisqu’il n’existe plus depuis 1927. Il reste un film populaire, le plus connu et le plus regardé des films allemands. L’oméga de l’expressionnisme cinématographique. Un chef-d’œuvre qui continue d’inspirer les cinéastes modernes, que ce soit à travers Ridley Scott et son Blade Runner ou plus récemment avec les frères Wachowski et leur trilogie Matrix. Il demeure un film fondateur qui nous touche au cœur.
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Metropolis, 1927 / Fritz Lang
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Publiée le 24 juin 2019
MISÈRES ET SPLENDEURS DE METROPOLIS
Metropolis est l’un des films les plus cultes de l’histoire du cinéma. La skyline de ses gratte-ciel, ses voitures volantes et la silhouette iconique de son androïde sont profondément ancrés dans l’imaginaire collectif et la culture pop. De Ridley Scott à David Fincher en passant par Wong Kar-wai, Madonna, Queen et George Lucas, on ne compte plus les artistes qui ont puisé dans l’univers créé par Fritz Lang au milieu des années 1920. À sa sortie, le film est pourtant un échec critique et commercial retentissant qui a presque ruiné un mastodonte de l’industrie du cinéma. Retour sur une histoire aussi fascinante que mouvementée.
Louis Geisler
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20 août 2008
Metropolis (1927) de Fritz Lang
Lui :
Metropolis fait partie des films les plus marquants de l’histoire du cinéma. Le film nous offre la vision sombre d’une vaste cité totalement déshumanisée du XXIe siècle. Cette ville est sous la coupe d’un industriel qui exploite des ouvriers forcés de vivre et de travailler dans une cité souterraine. Production à très grand spectacle, le film nécessita un budget colossal et 35 000 figurants pour les grandes scènes de foule. Mais c’est sur le plan architectural et par son inventivité que le film est le plus remarquable. Les effets spéciaux de superposition, de surimpression, de trucages par miroirs ajourés étonnent encore de nos jours. Certaines parties de Metropolis sont perdues à jamais (1). Les récentes versions en DVD résument les parties perdues par des intertitres complémentaires ce qui nous éclaire le déroulement de l’intrigue. Malgré cela, il faut bien reconnaître que le scénario de Théa von Harbou, femme de Fritz Lang, n’est pas le point fort du film, la fin étant quelque peu simplette, certains la trouvant même ambiguë. C’est donc par sa force visuelle que Metropolis reste indéniablement un film étonnant soixante quinze ans après sa sortie. Un de ces films qui laissent une trace indélébile.
Note :
Acteurs: Brigitte Helm, Alfred Abel, Gustav Fröhlich, Rudolf Klein-Rogge
Voir la fiche du film et la filmographie de Fritz Lang sur le site imdb.com.
Voir les autres films de Fritz Lang chroniqués sur ce blog…
Note : Les distributeurs américains (Paramount) y ayant vu une certaine propagande communiste, Metropolis fut sérieusement amputé et même transformé dans sa version américaine : le robot n’est plus la défunte femme du grand magnat mais la simple création d’un savant fou. A noter que le film fut totalement interdit en Union Soviétique.
(1) Une version complète de Metropolis a en fait été retrouvée en juin 2008 dans les archives d’un musée argentin. Les scènes coupées permettent de lever le voile sur certains aspects du scénario et notamment :
– pourquoi la foule confond le robot avec Maria
– le rôle exact de Schmale, l’espion du magnat (qui n’a qu’un tout petit rôle dans la version visible actuellement).
D’autres scènes, comme celle de l’inondation, seraient plus dramatiques.
Ces scènes doivent être restaurées avant d’être mises à la disposition du public.
Voir aussi le Zoom sur le robot de Metropolis sur le site de Cinémathèque Française…
[Mise à jour : ]
Metropolis, dans sa version intégrale reconstituée (proche des 150 minutes originales), a été projeté pour la première fois le 12 février 2010 au Festival de Berlin (Berlinale). Le film était accompagné en direct par un orchestre sous la direction de Frank Strobel reprenant la partition originale. L’évènement, incontestablement l’un des évènements majeurs et des plus enthousiasmants de l’histoire du cinéma, a été retransmis en direct par la chaîne de télévision Arte. Les 26 minutes ajoutées permettent de regarder Metropolis d’un oeil nouveau.
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Note : Les distributeurs américains (Paramount) y ayant vu une certaine propagande communiste, Metropolis fut sérieusement amputé et même transformé dans sa version américaine : le robot n’est plus la défunte femme du grand magnat mais la simple création d’un savant fou. A noter que le film fut totalement interdit en Union Soviétique.
(1) Une version complète de Metropolis a en fait été retrouvée en juin 2008 dans les archives d’un musée argentin. Les scènes coupées permettent de lever le voile sur certains aspects du scénario et notamment :
– pourquoi la foule confond le robot avec Maria
– le rôle exact de Schmale, l’espion du magnat (qui n’a qu’un tout petit rôle dans la version visible actuellement).
D’autres scènes, comme celle de l’inondation, seraient plus dramatiques.
Ces scènes doivent être restaurées avant d’être mises à la disposition du public.
Voir aussi le Zoom sur le robot de Metropolis sur le site de Cinémathèque Française…
[Mise à jour : ]
Metropolis, dans sa version intégrale reconstituée (proche des 150 minutes originales), a été projeté pour la première fois le 12 février 2010 au Festival de Berlin (Berlinale). Le film était accompagné en direct par un orchestre sous la direction de Frank Strobel reprenant la partition originale. L’évènement, incontestablement l’un des évènements majeurs et des plus enthousiasmants de l’histoire du cinéma, a été retransmis en direct par la chaîne de télévision Arte. Les 26 minutes ajoutées permettent de regarder Metropolis d’un oeil nouveau.
AuteurAuteur : filmsPublié le20 août 2008CatégoriesCatégories : Cinéma européen, Films des années 1920-1929
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5 réflexions sur « Metropolis (1927) de Fritz Lang »
Vincentdit :
26 août 2008 à 16 h 44 min
Eh les amis! Mais ma foi, vous n’êtes pas au courant? La version intégrale de Metropolis a été retrouvée! La nouvelle est parue partout dans le monde au mois de juillet. vous deviez être en vacances!
La copie unique et rarissime a été retrouvée dans un musée argentin.
Un article du Guardian en parle ici:
http://www.guardian.co.uk/film/2008/jul/03/news.culture3
Voila! Vous pourrez nous revenir avec une critique du film intégral que Lang avait en tête.
lui dit :
Je rajoute une petite note.
Il ne reste plus qu’à attendre qu’ils nous restaurent les scènes manquantes car apparemment elles sont « sévèrement rayées ». Mais quand on voit (sur les suppléments du DVD actuel) comment ils ont restaurée la version récemment ressortie, on peut leur faire confiance : ils vont y arriver…
JIPIdit :
31 janvier 2009 à 14 h 27 min
Des engrenages vifs s’expriment à la place d’un troupeau amorphe sortant ou regagnant les profondeurs de la terre. Des balanciers humains enfumés rythment le cœur d’un mécanisme aux procédures incomprises et incertaines.
Des nuages de vapeurs crispent des visages sacrifiés exécutant des taches répétitives sécurisant l’allégresse d’un jardin à ciel ouvert ou des nantis remercient les transpirations souterraines par des jeux égoïstes et insouciants.
La bouche de Moloch exigeante en ses besoins de sacrifices éveille la vocation d’un voyeur. Un temps démentiel se fourvoie en unissant des buildings futuristes dont l’arrogance outrancière se maîtrise par une technologie terrestre et aérienne d’un temps côtoyé.
Les superficies des bureaux sont à la démesure de la démence des nantis, les baies larges et ensoleillées illuminent le regard d’un concepteur devant la vision d’une réussite conceptuelle urbaine s’étendant à perte de vue.
Les sous sols explorés dévoilent des ressources exténuées, endoctrinées par des prestations dérisoires masquant la définition d’un réel besoin universel. Dans ces bas fonds ce n’est que servilité envers une machine qui ne dit même pas à quoi elle sert.
Trimer devient simplement par le sacrifice d’exclus la sauvegarde d’ébats sulfureux, de courses viriles et de captures amoureuses. Un territoire Darwinien à l’échelle humaine fortement implanté dans deux esprits de groupes acquis à leurs procédures respectives la dominance et la soumission.
Un sacrifice souterrain par un rituel répété alimente une beauté superficielle en surface.
Difficile en cette année 1926 en regardant ces images de ne pas se rapprocher d’un temps douloureux ou ces maquettes futuristes encensées annoncent l’arrivée d’un Speer réalimentant une exigence de pouvoir ancestral.
En parallèle, la récupération socialiste est plus qu’appréhendée ce qui positionne « Metropolis » comme une œuvre expressionniste au service de toutes idéologies.
Fritz Lang fut courtisé par les nazis, il préféra la fuite en argumentant sur l’éclosion d’un troisième parti, un esthétisme d’images certes thématiques mais se voulant indépendant le tout servant à l’avancée de technologies nouvelles cinématographiques.
Statuons sur les propos du maître. « Métropolis » est un excellent film de science fiction, rien de plus.
lancêtre dit :
20 février 2010 à 18 h 16 min
Je l’ai vu sur Arte.Quelle mise en scène fantastique. Où Fritz Lang a-t-il trouvé son budget qui devait être colossal avec tous ces figurants et les décors grandissimes. Je ne sais pas si j’ai bien ccompris l’histoire mais je suis resté fasciné pendant presque 4 heures devant cette réalisation et ce sujet prémonitoire.
Lui dit :
21 février 2010 à 13 h 22 min
Oui, le budget a effectivement été colossal, le film étant produit par la UFA de Berlin, la plus grosse compagnie allemande de cinéma, coutumière des grandes productions et qui avait signé un important accord de distribution avec l’américain Paramount.
Ce n’était toutefois pas la première fois que Fritz Lang disposait d’un gros budget. Son film Les Nibelungen en 1924 avait déjà été une énorme production, le budget nécessaire étant il est vrai facilité par l’inflation galopante de 1923. Ce n’était plus le cas en 1925-26 mais les figurants étaient bon marché car le travail était très rare. Les conditions de tournage de certaines scènes furent épouvantables, notamment celle où les humains se jetent dans la gueule du Morloch : tournée dans un hangar en plein hiver 1925 (très rude), les figurants étaient nus, parfois aspergés d’eau froide… Le mécontentement était très fort parmi les figurants et même parmi l’équipe elle-même.
Pour revenir aux Nibelungen, il est intéressant de rapprocher les deux films : Les Nibelungen (La légende de Ziegfried) c’était l’Allemagne d’hier alors que Metropolis c’est l’Allemagne de demain…
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Metropolis (1927) Fritz Lang
Fiche technique
Film allemand
Date de sortie : 6 février 1927
Genre : monde totalitaire
Durée : 2h33
Scénario : Fritz Lang et Théa von Harbou
Image : Karl Freund et Günther Rittau
Musique : Gottfried Huppertz
Avec Alfred Abel (John Fredersen), Brigitte Helm (Maria), Gustav Fröhlich (Freder Fredersen), Rudolf Klein-Rogge (Rotwang), Fritz Rasp (Le grand échalas), Theodor Loos (Josaphat)…
Synopsis : des ouvriers travaillent dans les souterrains d'une fabuleuse métropole de l'an 2026. Ils assurent le bonheur des nantis qui vivent dans les jardins suspendus de la ville. Un androïde mène les ouvriers vers la révolte. (allocine)
Mon avis : les premiers pas somptueux de la science-fiction au cinéma
Dans la famille des grands films maudits Metropolis se place très haut. Sa production était déjà colossale pour l’époque, et les studio de la UFA misaient gros. À sa sortie, le film n’attire malheureusement que très peu de spectateurs et il va être retiré de l’affiche pour être remanié. Raccourci, remonté, il ne connaitra le succès qu’après-guerre : entre temps la UFA a sombré, en grande partie à cause de cet échec. Ensuite de nombreuses versions sont sorties, plusieurs séquences ont été perdues, puis retrouvée et retravaillées : aujourd’hui encore les versions qui circulent manquent de nombreuses scènes qui nous sont narrées au moyen d’intertitres, et on doute de pouvoir voir un jour l'œuvre initiale de Fritz Lang.
Dans la ville de Metropolis les ouvriers se relaient nuit et jour pour alimenter les machines souterraines qui font vivre la cité. C’est un gigantesque projet que mena à bout et dirige d’une main de fer le grand magnat John Fredersen. Son fils Freder goûte aux joies idylliques de l’oisiveté quand il rencontre une femme superbe du nom de Maria. Celle-ci lui désigne plusieurs enfants en lui disant qu’ils sont ses frères et ses sœurs. Freder tente alors de la retrouver dans la ville basse, où il découvre le monde de dur labeur que vivent les ouvriers. L’un d’entre eux est alors au bord de l’évanouissement et perd le contrôle de la machine ; une explosion survient et la machine dévore alors des employés.
Dans le monde de la science-fiction au cinéma, il n‘existe pas de référence plus parlante que Metropolis. Quasiment tous les films qui se revendiquent peu ou prou du genre ont emprunté de-ci de-là une scène, un décor, un geste, une idée du film de Fritz Lang. Qu’on pense au commissariat de Blade Runner, aux voitures volantes du Cinquième élément ou aux enfants allant à l’école de The wall, tous affichent clairement leur admiration envers Metropolis. Et il y a de quoi, tant le film était novateur pour l’époque, et reste encore aujourd’hui furieusement moderne. Les thèmes de la lutte des classes, de l’asservissement de l’homme à la machine ou de notre dépendance à l’égard de la technologie sont toujours d’une actualité confondante. Sans parler de la perfection artistique et scénaristique qui font passer nombre de blockbusters pour des navets.
Et ce qui rend Metropolis tout à fait fascinant c’est également son ambiguïté. Fritz Lang réussit à faire du scénario de son épouse, alors très proche de la philosophie nazie, une fable universelle qui peut être comprise à la fois comme une éloge de la pensée qui amènera le IIIe Reich mais également comme un hymne pacifiste prônant la réconciliation entre les classes. D’un point de vue strictement cinématographique, le film montre une maîtrise des décors et des effets spéciaux tout à fait spectaculaires, qui culminent lors de scènes d’anthologie comme celle de la montée des eaux. Le scénario nous emporte et nous fait vibrer intelligemment avec une histoire tout à fait simple, celle d’un héros voulant conquérir sa belle. Mais Lang n’oublie pas de construire autour de ce noyau central un univers fascinant d’une cohérence folle qu’il met en scène de façon remarquable.
Ma note : ****
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Cinq choses à savoir sur Metropolis de Fritz Lang
A l'occasion de la rétrospective Metropolis à la Cinémathèque française, retour sur un film unique, considéré comme le premier chef d'oeuvre de la science-fiction.
Par Anne Demoulin
publié le 20/10/2011
Après le succès de l'exposition Stanley Kubrick -100 000 visiteurs-, la Cinémathèque française consacre une série de rétrospectives et une exposition, depuis le 19 octobre, à ce qui est considéré aujourd'hui comme le premier chef d'oeuvre de la science-fiction. Cinq choses à savoir sur Metropolis de Fritz Lang.
Metropolis est boudé à sa sortie
"On se donne un mal fou avec un tas de gens intelligents pour faire le meilleur film possible et on se fait éreinter par la critique", confie Fritz Lang à L'Express le 6 juillet 1961. Et Metropolis ne fait pas exception. A sa sortie, le public et la critique apprécient, comme Bunuel, "la technique si parfaite" de Fritz Lang mais n'adhèrent pas à l'idéologie "rétrograde" du scénario de Thea von Harbou. "J'ai récemment vu le film le plus stupide", écrit ainsi H.G. Wells, l'auteur de La guerre des mondes, le 17 avril 1927 dans les colonnes du New York Times. Echec critique et commercial en Allemagne et ailleurs.
Avec ce film, Fritz Lang a ruiné le cinéma allemand
36 000 figurants, 310 jours et 60 nuits de tournage, 620 km de pellicule, Metropolis est un film hors norme. Avec cette superproduction, la Ufa, le plus grand consortium cinématographique européen des années 20, comptait rivaliser avec Hollywood. Tandis que le budget de Metropolis explose, les studios de Babelsberg se séparent de plus de 1000 employés, signent un accord avec la Paramount et la MGM, et sont finalement rachetés par le capitaine d'industrie Alfred Hugenberg en 1927. Bien qu'il s'en défende, Fritz Lang conservera, tout au long de sa carrière, la réputation de "l'homme qui a ruiné la Ufa". De quoi suciter la méfiance des producteurs hollywoodiens!
L'incroyable histoire d'une bobine
A la première du film à l'Ufa-Palast am Zoo de Berlin, le 10 janvier 1927, Metropolis durait plus de trois heures. Critiques désastreuses et second montage. Remonté, raccourci, amputé à maintes reprises, en 1984, lorsque Giorgio Moroder le colorise, il ne reste que 80 minutes de film. La Fondation Friedrich Wilhelm Murnau entreprend un long travail de reconstitution. En 2001, il semble acquis qu'une demi-heure du film est définitivement perdue. Rebondissement en 2008, une copie originale de Metropolis est retrouvée en Argentine. La version originale restaurée est présentée au festival de Berlin en 2010.
[Lire à ce sujet: L'incroyable redécouverte de Metropolis]
Le premier film inscrit au registre de l'Unesco
En effet, entretemps, le film a acquis son statut de chef d'oeuvre lors d'une ressortie à la fin de la Seconde guerre mondiale. La Fondation Murnau propose en 2001 que le négatif reconstitué et restauré de Metropolis soit inscrit au registre Mémoire du Monde de l'Unesco. L'Unesco reconnaît que la fiction de Fritz Lang est "devenue le symbole d'un modèle d'architecture cinématographique du futur". Un seul autre film de fiction aura cet honneur, Los Olivados de Luis Buñuel, en 2003.
Fritz Lang est l'inventeur du visiophone
L'affaire est entendue: Metropolis, inspiré par le futurisme et Aelita, un film de martiens russe, a influencé l'esthétique de la SF au cinéma. Le design de C-3PO dans Star wars, le commissariat de Blade Runner, les ouvriers dans The Wall, les voitures volantes du Cinquième élément, que de références à l'oeuvre de Fritz Lang. Ce que l'on sait moins en revanche, c'est que l'imagination du cinéaste d'origine autrichienne a pesé sur l'apparition d'une nouvelle technologie, le visiophone. Une séquence du film montre en effet une conversation téléphonique par écrans interposés.
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