MGM durant les années 1940. En 1938, le consul du Reich à San Francisco avait ses entrées dans tous les studios Hollywood, et indiquait ce qui pouvait (et surtout ne pouvait pas) figurer dans un film pour qu’il soit exploité dans l’Allemagne nazie.
Collaboration, le pacte entre Hollywood et Hitler, de Ben Urwand
Éditions Bayard, 2014, 544 pages, 26 euros
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Comment Hollywood s’est compromis avec le régime nazi
Avec "Collaboration, le pacte entre Hollywood et Hitler", Ben Urwand révèle que la grande industrie du cinéma nord-américaine s’est soumise à la botte antisémite d’Hitler pour favoriser le développement de ses profits en Allemagne.
Curieux livre que celui-là, de Ben Urwand, historien américain, sur une décennie de relations entre l’industrie du cinéma hollywoodienne et l’Allemagne nazie. On aurait envie – et raison – de dire, le refermant, que les notes, contrairement à l’usage, ont plus d’importance que le texte lui-même. Celui-ci, en effet, trop souvent « scénarisé », avec des reconstitutions de scènes relevant de l’extrapolation, est à l’image du titre au parfum de scandale : Collaboration, le pacte entre Hollywood et Hitler (mot à mot du titre original), les deux mots « collaboration » et « pacte » renvoyant bien sûr au plus noir de la période. Or – et c’est là que la lecture des notes prend toute son importance –, l’appréhension de ces relations, pour romancées qu’elle soient, s’appuie sur une documentation irréfutable. Et assez effrayante. Il en ressort clairement que pendant dix ans, de 1930 – date de sortie d’À l’ouest rien de nouveau, de Lewis Milestone, pour lequel le représentant de la République de Weimar (Hitler n’avait pas encore pris le pouvoir) aux États-Unis demanda des coupes en vue d’une éventuelle exploitation en Allemagne – à 1940, date à laquelle les deux dernières majors américaines se retirèrent d’Allemagne, les grands studios d’Hollywood allèrent de compromis en humiliations pour conserver la possibilité de distribuer leurs films.
La règle: ne rien faire qui pût nuire à la sortie de films en Allemagne
Complaisance apparemment répandue au départ. On apprend ainsi, au passage, que deux représentants du gouvernement français, Pierre Laval et Aristide Briand, interpellés lors d’une visite à Berlin par le chancelier Brüning sur le fait que les Anges de l’enfer (de Howard Hughes, 1930, film il est vrai bêtement anti-Allemands, au contraire d’À l’ouest rien de nouveau) étaient projetés à Paris dans une vingtaine de salles, l’avaient, à leur retour, fait retirer de l’affiche. Reste que cette complaisance des grands studios ne se démentit pas lorsque Hitler eut pris le pouvoir et que commencèrent les persécutions contre les juifs. Ne rien faire qui pût affecter la sortie de films en Allemagne, telle fut la règle. Cela alla jusqu’au refus de produire des films anti-nazis. Ainsi d’un projet de scénario, The Mad Dog of Europe (mai 1933), d’Herman Mankiewicz, sur les persécutions antijuives en Allemagne. Louis B. Mayer (MGM) déclara qu’aucun film de cet ordre ne serait tourné en Amérique « parce que nous possédons des intérêts en Allemagne ; je représente l’industrie cinématographique, ici, à Hollywood, nous avons des échanges économiques avec ce pays ; nous y obtenons des résultats et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que ce film ne soit jamais tourné » (note 137 du deuxième chapitre). Et il ne vit jamais le jour. Le livre multiplie les exemples en ce sens.
La révélation peut-être la plus inquiétante des échanges de correspondance d’un côté à l’autre de l’Atlantique est de voir à quel point les nazis surent tirer parti de cette soif de commerce des industriels du cinéma. De Martin Freudenthal, agent spécial du ministère allemand des Affaires étrangères, qui effectua en 1932 un long séjour aux États-Unis et étudia le fonctionnement de studios, au Dr Gyssling, consul du Reich à San Francisco en 1938, qui avait ses entrées dans tous les studios et se permettait de donner des conseils sur ce qui pouvait (et surtout ne pouvait pas) figurer dans un film pour lui laisser des chances d’exploitation en son pays, conseils toujours suivis, la présence nazie sur la Côte Est fut constante. Et payante. Jusqu’au moment, en novembre 1938, où, après la Nuit de cristal, Der Angriff (journal berlinois nazi) publia sa liste noire : « Un tiers des vedettes de Hollywood, écrit-il, sont juives » et communiqua les noms de soixante-quatre producteurs, acteurs et réalisateurs juifs les plus importants. « Dès cet instant, dit Urwand, les studios n’eurent plus besoin d’essayer de deviner quels étaient les films susceptibles d’être interdits en Allemagne » (p. 260). On n’avait même plus besoin des conseils du Dr Gyssling.
Confirmant ce qu’avait clairement dit Louis B. Mayer, William C. De Mille, producteur et frère de Cecil, le réalisateur, déclara avec une candeur bien yankee, en 1940, alors que Hitler avait définitivement fermé l’accès du sol allemand aux films américains : « En bloquant la vente des films américains dans la plupart des pays d’Europe, M. Hitler, aidé par les dirigeants des autres pays totalitaires, a renoncé à la possibilité d’un profit commercial, bénéfice au cœur des règles de la bienséance. Maintenant que tous nos espoirs de profits se sont envolés, nous pouvons exprimer notre indignation et élever notre voix pour protester, sans éprouver le moindre regret dans le domaine financier. » C’est assez dire que, quel que soit l’agacement que puisse provoquer tel ou tel aspect de sa rédaction, ce livre est à lire d’urgence. Non seulement pour ce qu’il révèle de cette époque, mais pour ce qu’il dit pour aujourd’hui. Car, et c’est assez souligné par l’auteur, la plupart des producteurs qui acceptèrent toutes ces compromissions au moment où les juifs étaient persécutés (et ils le savaient, certains d’entre eux ayant aidé à fuir ceux qui étaient menacés) étaient juifs eux-mêmes.
- Collaboration, le pacte entre Hollywood et Hitler, de Ben Urwand, Éditions Bayard, 2014, 544 pages, 26 euros
Le pacte de Hollywood avec Hitler
L'intellectuel Ben Urwand publiera en octobre prochain The Collaboration: Hollywood's Pact with Hitler, un livre qui présente de nouveaux documents prouvant la coopération de l'industrice du cinéma américain avec le régime nazi dans les années 1930. Une œuvre contestée.
«Zusammenarbeit». «Travailler ensemble», en allemand. C'est le terme qu'utilisaient les studios hollywoodiens pour décrire leur collaboration avec les officiels allemands, dans les années 1930. Le dernier livre, très controversé, du doctorant Ben Urwand, The Collaboration: Hollywood's Pact with Hitler soulève cette période sombre de l'histoire du cinéma américain. Si sa publication n'est prévue que pour le mois d'octobre, le Hollywood Reporter en a diffusé, jeudi, les bonnes feuilles.
On y apprend notamment que le fameux mot «zusammenarbeit» a été souvent utilisé dans les correspondances entretenues par les studios américains et les membres du régime nazi. Cet usage répété d'un mot - qui est lourd de sens aujourd'hui - soulignait l'envie des deux parties de préserver au mieux leurs relations commerciales en faisant fi de leurs différences.
Entre 1930 et 1940, le NSDAP (le Parti national-socialiste des travailleurs allemands) a menacé régulièrement les studios hollywoodiens de ne plus diffuser leurs films s'ils n'acceptaient pas de les modifier pour qu'ils correspondent à ce qu'en voulaient les officiels allemands. Comme le marché de Berlin était un des plus demandeurs en matière de septième art, Hollywood a préféré collaborer, ayant peur de ne plus pouvoir revenir sur ce marché si jamais ils le quittaient.
Le film de 1930 À l'Ouest, rien de nouveau a été la première «victime» de cette censure nazie. Montrant sans détours l'horreur de la Première Guerre mondiale, le long-métrage adapté du livre d'Erich Maria Remarque a fortement déplu aux nazis qui le voyaient comme un rappel de la défaite de leur pays. Lors de ses premières projections, certains militaires se sont indignés, ont essayé d'acheter toutes les places de cinéma, et n'auraient pas hésité à lancer des boules puantes et à lâcher des souris dans les salles obscures pour faire fuire les spectateurs. Soutenus par une partie du peuple d'outre-Rhin, également blessée, ces soldats ont finalement eu gain de cause, quand le comité de censure allemande décida de le retirer des salles.
Le film n'a finalement pu revenir dans le pays qu'en 1931, quand Universal Pictures et son président Carl Laemmle ont accepté de couper toutes les scènes «offensantes», non seulement pour sa diffusion en Allemagne mais également partout dans le monde.
Ce fut le début d'une longue période de «travail commun». Dès qu'un long-métrage critiquait les nazis, montrait l'Allemagne sous un mauvais jour ou s'attardait sur la maltraitance des Juifs, les scènes en question étaient systématiquement éditées dans la version américaine tout comme les versions dans les autres pays. Parfois, le parti nazi réussissait même à suspendre tous les films qui critiquaient l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler. Ce dernier connaissait bien l'importance des longs-métrages dans la propagande (les ayant lui-même beaucoup utilisés). C'est pour cela qu'il a, par exemple, soutenu Captain Courageous en 1937, persuadé qu'il transmettait les «valeurs aryennes» qu'il supportait.
Une approche controversée
Si le livre de Ben Urwand est soutenu par d'autres intellectuels comme Richard J. Evans, qui a souligné que son œuvre «était pleine de révélations surprenantes, présentées de manière exemplaire», d'autres ne sont pas d'accord pour couvrir l'auteur d'éloges.
Thomas Doherty, auteur de Hollywood et Hitler , 1933-39 (début 2013), ne mâche pas ses mots: «Je considère les accusations d'Urwand diffamatoires et contraires à l'Histoire. Diffamatoires parce qu'elles calomnient une industrie qui s'est efforcée d'alerter l'Amérique de la menace qui se préparait en Allemagne, et contraires à l'Histoire parce qu'elles lisent le passé à travers les yeux du présent.»
Il critique également l'utilisation du terme «collaboration», beaucoup trop fort à ses yeux. «C'est comme cela qu'on décrit le gouvernement de Vichy pendant l'occupation nazie. Qualifier Hollywood de “collaborateur” revient à affirmer qu'ils ont travaillé sciemment et en connaissance de cause, par lâcheté et avidité.» Même constat pour le terme «pacte», bien trop fort pour Doherty.
Il insiste sur le fait que les nazis du début des années 1930 n'étaient pas vus comme on les perçoit aujourd'hui: ils n'avaient pas encore entamé la Seconde Guerre mondiale, et leur ascension au pouvoir n'avait rien d'une trajectoire linéaire.
«La majorité des Américains, tout comme les pontes de Hollywood, n'avaient aucune idée des horreurs qui allaient venir, ils ne se doutaient pas que les contrats passés avec le régime allemand n'étaient pas des contrats habituels (...) Aujourd'hui, n'importe quel contrat avec les nazis semble impensable. Dans les années 1930, ce n'était juste pas le cas.»
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L'ouvrage de Ben Urwand fera date : le nouvel éclairage sur l'attitude des patrons des studios hollywoodiens face au pouvoir hitlérien entre 1933, année de l'arrivée du dictateur au pouvoir, et 1941, année d'entrée en guerre des Etats-Unis, révolutionne tout simplement l'histoire de cette période. Que les studios hollywoodiens se soient en grande partie tus devant le sort réservé aux juifs d'Europe est un fait bien établi. Mais ce n'est peut-être que la partie émergée de l'iceberg, comme le soutient Ben Urwand dans ce livre. Travaillant à partir d'archives américaines et allemandes, l'auteur montre que Hollywood a travaillé avec l'Allemagne nazie de manière volontariste : il était essentiel pour les studios de conserver la maîtrise du marché en Allemagne, pays d'Europe qui comptait le plus grand nombre de salles de cinéma. Les nazis ne se contentaient pas de censurer les films sur leur territoire : ils cherchaient à contrecarrer toute tentative de produire une oeuvre qui leur soit hostile et affiche des vedettes juives. Ben Urwand montre également l'usage troublant qui fut fait des bénéfices amassés par ces mêmes studios. Intransférables aux Etats-Unis en vertu de la législation nazie, ils furent réinvestis dans la production d'images d'actualités ou dans des entreprises allemandes. Hollywood était la vitrine des Etats-Unis et son histoire reste inséparable de celle du pays. Le livre de Ben Urwand est hanté par cette question : que ce serait-il passé si davantage de productions hollywoodiennes avaient alerté l'Europe de la menace nazie ?
- HISTOIRE DU CINÉMA
Hollywood et le nazisme
IDÉOLOGIES DE GAUCHE
LE PROBLÈME DES PAYS ÉTRANGERS
POUR OU CONTRE L’ESPAGNE EN GUERRE
L’invasion italienne en Éthiopie (1935) laissa l’Amérique assez indifférente, mais l’année suivante, le début de la guerre civile espagnole souleva par contre quelques commentaires. Malgré cette réalité brûlante, le film de la Paramount The Last Train From Madrid (Le Dernier Train pour Madrid, 1937), se déroulait dans les compartiments d’un train traversant une Espagne qui n’avait rien à voir avec la triste réalité de la guerre civile. Une fois encore le vieux réflexe des grandes compagnies américaines – qui faisaient tout dépendre de la rentabilité – avait joué dans le sens de l’indifférence. Quand le producteur indépendant Walter Wanger produisit Blockade (Blocus, 1938), un film sur la guerre écrit par John Howard Lawson, le Hays Office et les financiers de l’United Artists, qui distribuait le film, apportèrent tant de modifications et mutilèrent le film à un point tel que la version finale ne ressemblait plus en rien au sujet imaginé par Lawson et Wanger. Déjà victime d’une censure politique manifeste, Blocus donna lieu à des polémiques passionnées. En raison de fortes pressions exercées par les associations catholiques qui s’identifiaient à quiconque luttait contre les « rouges » espagnols, l’importante chaîne de cinémas appartenant à la Fox refusa de projeter le film sur la côte Ouest. Dans plusieurs villes du Michigan, du Nebraska, de la Louisiane et de l’Ohio, des piquets de grève organisés par les autorités religieuses locales obtinrent le même résultat.
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