duminică, 21 februarie 2021

Hollywood et les nazis

 

MGM durant les années 1940. En 1938, le consul du Reich à San Francisco avait ses entrées dans tous les studios Hollywood, et indiquait ce qui pouvait (et surtout ne pouvait pas) figurer dans un film pour qu’il soit exploité dans l’Allemagne nazie.

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Collaboration, le pacte entre Hollywood et Hitler, de Ben Urwand

Éditions Bayard, 2014, 544 pages, 26 euros


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Comment Hollywood s’est compromis avec le régime nazi

Mercredi 18 Février 2015

Avec "Collaboration, le pacte entre Hollywood et Hitler", Ben Urwand révèle que la grande industrie du cinéma nord-américaine s’est soumise à la botte antisémite d’Hitler pour favoriser le développement de ses profits en Allemagne.

Curieux livre que celui-là, de Ben Urwand, historien américain, sur une décennie de relations entre l’industrie du cinéma hollywoodienne et l’Allemagne nazie. On aurait envie – et raison – de dire, le refermant, que les notes, contrairement à l’usage, ont plus d’importance que le texte lui-même. Celui-ci, en effet, trop souvent « scénarisé », avec des reconstitutions de scènes relevant de l’extrapolation, est à l’image du titre au parfum de scandale : Collaboration, le pacte entre Hollywood et Hitler (mot à mot du titre original), les deux mots « collaboration » et « pacte » renvoyant bien sûr au plus noir de la période. Or – et c’est là que la lecture des notes prend toute son importance –, l’appréhension de ces relations, pour romancées qu’elle soient, s’appuie sur une documentation irréfutable. Et assez effrayante. Il en ressort clairement que pendant dix ans, de 1930 – date de sortie d’À l’ouest rien de nouveau, de Lewis Milestone, pour lequel le représentant de la République de Weimar (Hitler n’avait pas encore pris le pouvoir) aux États-Unis demanda des coupes en vue d’une éventuelle exploitation en Allemagne – à 1940, date à laquelle les deux dernières majors américaines se retirèrent d’Allemagne, les grands studios d’Hollywood allèrent de compromis en humiliations pour conserver la possibilité de distribuer leurs films.

La règle: ne rien faire qui pût nuire à la sortie de films en Allemagne

Complaisance apparemment répandue au départ. On apprend ainsi, au passage, que deux représentants du gouvernement français, Pierre Laval et Aristide Briand, interpellés lors d’une visite à Berlin par le chancelier Brüning sur le fait que les Anges de l’enfer (de Howard Hughes, 1930, film il est vrai bêtement anti-Allemands, au contraire d’À l’ouest rien de nouveau) étaient projetés à Paris dans une vingtaine de salles, l’avaient, à leur retour, fait retirer de l’affiche. Reste que cette complaisance des grands studios ne se démentit pas lorsque Hitler eut pris le pouvoir et que commencèrent les persécutions contre les juifs. Ne rien faire qui pût affecter la sortie de films en Allemagne, telle fut la règle. Cela alla jusqu’au refus de produire des films anti-nazis. Ainsi d’un projet de scénario, The Mad Dog of Europe (mai 1933), d’Herman Mankiewicz, sur les persécutions antijuives en Allemagne. Louis B. Mayer (MGM) déclara qu’aucun film de cet ordre ne serait tourné en Amérique « parce que nous possédons des intérêts en Allemagne ; je représente l’industrie cinématographique, ici, à Hollywood, nous avons des échanges économiques avec ce pays ; nous y obtenons des résultats et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que ce film ne soit jamais tourné » (note 137 du deuxième chapitre). Et il ne vit jamais le jour. Le livre multiplie les exemples en ce sens.

La révélation peut-être la plus inquiétante des échanges de correspondance d’un côté à l’autre de l’Atlantique est de voir à quel point les nazis surent tirer parti de cette soif de commerce des industriels du cinéma. De Martin Freudenthal, agent spécial du ministère allemand des Affaires étrangères, qui effectua en 1932 un long séjour aux États-Unis et étudia le fonctionnement de studios, au Dr Gyssling, consul du Reich à San Francisco en 1938, qui avait ses entrées dans tous les studios et se permettait de donner des conseils sur ce qui pouvait (et surtout ne pouvait pas) figurer dans un film pour lui laisser des chances d’exploitation en son pays, conseils toujours suivis, la présence nazie sur la Côte Est fut constante. Et payante. Jusqu’au moment, en novembre 1938, où, après la Nuit de cristal, Der Angriff (journal berlinois nazi) publia sa liste noire : « Un tiers des vedettes de Hollywood, écrit-il, sont juives » et communiqua les noms de soixante-quatre producteurs, acteurs et réalisateurs juifs les plus importants. « Dès cet instant, dit Urwand, les studios n’eurent plus besoin d’essayer de deviner quels étaient les films susceptibles d’être interdits en Allemagne » (p. 260). On n’avait même plus besoin des conseils du Dr Gyssling.

Confirmant ce qu’avait clairement dit Louis B. Mayer, William C. De Mille, producteur et frère de Cecil, le réalisateur, déclara avec une candeur bien yankee, en 1940, alors que Hitler avait définitivement fermé l’accès du sol allemand aux films américains : « En bloquant la vente des films américains dans la plupart des pays d’Europe, M. Hitler, aidé par les dirigeants des autres pays totalitaires, a renoncé à la possibilité d’un profit commercial, bénéfice au cœur des règles de la bienséance. Maintenant que tous nos espoirs de profits se sont envolés, nous pouvons exprimer notre indignation et élever notre voix pour protester, sans éprouver le moindre regret dans le domaine financier. » C’est assez dire que, quel que soit l’agacement que puisse provoquer tel ou tel aspect de sa rédaction, ce livre est à lire d’urgence. Non seulement pour ce qu’il révèle de cette époque, mais pour ce qu’il dit pour aujourd’hui. Car, et c’est assez souligné par l’auteur, la plupart des producteurs qui acceptèrent toutes ces compromissions au moment où les juifs étaient persécutés (et ils le savaient, certains d’entre eux ayant aidé à fuir ceux qui étaient menacés) étaient juifs eux-mêmes.

  • Collaboration, le pacte entre Hollywood et Hitler, de Ben Urwand, Éditions Bayard, 2014, 544 pages, 26 euros

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    Le pacte de Hollywood avec Hitler

    L'intellectuel Ben Urwand publiera en octobre prochain The Collaboration: Hollywood's Pact with Hitler, un livre qui présente de nouveaux documents prouvant la coopération de l'industrice du cinéma américain avec le régime nazi dans les années 1930. Une œuvre contestée.

    «Zusammenarbeit». «Travailler ensemble», en allemand. C'est le terme qu'utilisaient les studios hollywoodiens pour décrire leur collaboration avec les officiels allemands, dans les années 1930. Le dernier livre, très controversé, du doctorant Ben Urwand, The Collaboration: Hollywood's Pact with Hitler soulève cette période sombre de l'histoire du cinéma américain. Si sa publication n'est prévue que pour le mois d'octobre, le Hollywood Reporter en a diffusé, jeudi, les bonnes feuilles.

    On y apprend notamment que le fameux mot «zusammenarbeit» a été souvent utilisé dans les correspondances entretenues par les studios américains et les membres du régime nazi. Cet usage répété d'un mot - qui est lourd de sens aujourd'hui - soulignait l'envie des deux parties de préserver au mieux leurs relations commerciales en faisant fi de leurs différences.

    Entre 1930 et 1940, le NSDAP (le Parti national-socialiste des travailleurs allemands) a menacé régulièrement les studios hollywoodiens de ne plus diffuser leurs films s'ils n'acceptaient pas de les modifier pour qu'ils correspondent à ce qu'en voulaient les officiels allemands. Comme le marché de Berlin était un des plus demandeurs en matière de septième art, Hollywood a préféré collaborer, ayant peur de ne plus pouvoir revenir sur ce marché si jamais ils le quittaient.

    Le film de 1930 À l'Ouest, rien de nouveau a été la première «victime» de cette censure nazie. Montrant sans détours l'horreur de la Première Guerre mondiale, le long-métrage adapté du livre d'Erich Maria Remarque a fortement déplu aux nazis qui le voyaient comme un rappel de la défaite de leur pays. Lors de ses premières projections, certains militaires se sont indignés, ont essayé d'acheter toutes les places de cinéma, et n'auraient pas hésité à lancer des boules puantes et à lâcher des souris dans les salles obscures pour faire fuire les spectateurs. Soutenus par une partie du peuple d'outre-Rhin, également blessée, ces soldats ont finalement eu gain de cause, quand le comité de censure allemande décida de le retirer des salles.

    Le film n'a finalement pu revenir dans le pays qu'en 1931, quand Universal Pictures et son président Carl Laemmle ont accepté de couper toutes les scènes «offensantes», non seulement pour sa diffusion en Allemagne mais également partout dans le monde.

    Ce fut le début d'une longue période de «travail commun». Dès qu'un long-métrage critiquait les nazis, montrait l'Allemagne sous un mauvais jour ou s'attardait sur la maltraitance des Juifs, les scènes en question étaient systématiquement éditées dans la version américaine tout comme les versions dans les autres pays. Parfois, le parti nazi réussissait même à suspendre tous les films qui critiquaient l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler. Ce dernier connaissait bien l'importance des longs-métrages dans la propagande (les ayant lui-même beaucoup utilisés). C'est pour cela qu'il a, par exemple, soutenu Captain Courageous en 1937, persuadé qu'il transmettait les «valeurs aryennes» qu'il supportait.

    Une approche controversée

    Si le livre de Ben Urwand est soutenu par d'autres intellectuels comme Richard J. Evans, qui a souligné que son œuvre «était pleine de révélations surprenantes, présentées de manière exemplaire», d'autres ne sont pas d'accord pour couvrir l'auteur d'éloges.

    Thomas Doherty, auteur de Hollywood et Hitler , 1933-39 (début 2013), ne mâche pas ses mots: «Je considère les accusations d'Urwand diffamatoires et contraires à l'Histoire. Diffamatoires parce qu'elles calomnient une industrie qui s'est efforcée d'alerter l'Amérique de la menace qui se préparait en Allemagne, et contraires à l'Histoire parce qu'elles lisent le passé à travers les yeux du présent.»

    Il critique également l'utilisation du terme «collaboration», beaucoup trop fort à ses yeux. «C'est comme cela qu'on décrit le gouvernement de Vichy pendant l'occupation nazie. Qualifier Hollywood de “collaborateur” revient à affirmer qu'ils ont travaillé sciemment et en connaissance de cause, par lâcheté et avidité.» Même constat pour le terme «pacte», bien trop fort pour Doherty.

    Il insiste sur le fait que les nazis du début des années 1930 n'étaient pas vus comme on les perçoit aujourd'hui: ils n'avaient pas encore entamé la Seconde Guerre mondiale, et leur ascension au pouvoir n'avait rien d'une trajectoire linéaire.

    «La majorité des Américains, tout comme les pontes de Hollywood, n'avaient aucune idée des horreurs qui allaient venir, ils ne se doutaient pas que les contrats passés avec le régime allemand n'étaient pas des contrats habituels (...) Aujourd'hui, n'importe quel contrat avec les nazis semble impensable. Dans les années 1930, ce n'était juste pas le cas.»

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    L'ouvrage de Ben Urwand fera date : le nouvel éclairage sur l'attitude des patrons des studios hollywoodiens face au pouvoir hitlérien entre 1933, année de l'arrivée du dictateur au pouvoir, et 1941, année d'entrée en guerre des Etats-Unis, révolutionne tout simplement l'histoire de cette période. Que les studios hollywoodiens se soient en grande partie tus devant le sort réservé aux juifs d'Europe est un fait bien établi. Mais ce n'est peut-être que la partie émergée de l'iceberg, comme le soutient Ben Urwand dans ce livre. Travaillant à partir d'archives américaines et allemandes, l'auteur montre que Hollywood a travaillé avec l'Allemagne nazie de manière volontariste : il était essentiel pour les studios de conserver la maîtrise du marché en Allemagne, pays d'Europe qui comptait le plus grand nombre de salles de cinéma. Les nazis ne se contentaient pas de censurer les films sur leur territoire : ils cherchaient à contrecarrer toute tentative de produire une oeuvre qui leur soit hostile et affiche des vedettes juives. Ben Urwand montre également l'usage troublant qui fut fait des bénéfices amassés par ces mêmes studios. Intransférables aux Etats-Unis en vertu de la législation nazie, ils furent réinvestis dans la production d'images d'actualités ou dans des entreprises allemandes. Hollywood était la vitrine des Etats-Unis et son histoire reste inséparable de celle du pays. Le livre de Ben Urwand est hanté par cette question : que ce serait-il passé si davantage de productions hollywoodiennes avaient alerté l'Europe de la menace nazie ?

    HISTOIRE DU CINÉMA

    Hollywood et le nazisme

    Le cinéma américain pouvait difficilement ignorer la réalité du nazisme et du fascisme en Europe, mais les réflexions qu’elle lui inspira ne furent pas toujours à la hauteur de ce qu’on en attendait. Elles allèrent d’une certaine indifférence à la neutralité, avec de rares moments de franche opposition.
    Pendant les années 30, dans le milieu du cinéma, pour vouloir faire connaître leurs idées sur ce phénomène politique, et plus d’un groupe social influent considéra qu’il était de son devoir de prendre position, mais Hollywood, imperméable aux idées progressistes, préféra s’engager dans la voie beaucoup plus sûre de l’indifférence et du compromis.

    IDÉOLOGIES DE GAUCHE

    A Hollywood, à cette époque, la plupart des hommes de gauche étaient des réfugiés européens ou des gens de théâtre. Parmi ces derniers on pouvait compter Clifford Odets, John Wexley, John Howard Lawson, Lester Cole et Albert Maltz (ces derniers figureront plus tard sur la fameuse liste des « dix de Hollywood », c’est -à-dire parmi les premières victimes de la chasse aux sorcières déclenchée par le sénateur McCarthy).
    Le premier travail de Clifford Odets fut l’écriture du scénario de The General Died at Dawn ( Le Général est mort à l’aube, 1936), un film d’espionnage interprété par Gary Cooper. Odets, qui était connu pour ses opinions progressistes, fut accusé par certains de ses amis de les avoir « laissées au vestiaire» et d’avoir écrit un banal film d’aventures.
    Pour répondre à ces accusations de lâcheté politique, les scénaristes firent remarquer que leur situation était très particulière : ils étaient payés et employés par des patrons capitalistes et réactionnaires qui n’auraient pas compris que l’on transforme un long métrage en pamphlet politique. Ce fut justement l’ambiguïté de cette situation qui poussa les scénaristes à s’organiser et à créer la Screen Writer’s Guild. Un même esprit de révolte animait les acteurs et les cinéastes. Parmi les chefs des « insurgés », les plus acharnés à faire reconnaître les nouvelles corporations étaient souvent les plus engagés dans le combat idéologique, notamment au sein de la ligue antinazie.
    Les dirigeants du parti communiste, comme d’ailleurs la majorité des progressistes les plus connus, étaient le plus souvent des syndicalistes qui avaient déjà affirmé leur position lors de la guerre civile espagnole.
    Pour tous, Hollywood apparaissait, dans les années 30, comme une citadelle du conservatisme, et il faut admettre que les grandes compagnies ne faisaient rien qui pût corriger cette impression. De nombreux magnats du cinéma avaient bien sûr connu la pauvreté au cours de leur enfance, et ceux-là étaient justement souvent les plus conservateurs : ils défendaient jalousement leurs biens et leurs prérogatives, et ne voulaient rien tenter qui risquerait de les leur faire perdre. [La grande histoire illustrée du 7ème art – Editions Atlas – 1982]

    Juarez de William Dieterle (1939) avec Paul Muni, Bette Davis, Brian Aherne, Claude Rains

    LE PROBLÈME DES PAYS ÉTRANGERS

    La situation du marché outre-Atlantique eut bien sûr une importance primordiale sur les positions conservatrices de Hollywood. Traditionnellement, les maisons de distribution américaines tiraient leurs bénéfices de l’exploitation européenne, après avoir récupéré les coûts de production grâce à l’exploitation nord-américaine. Dans les années 30, les pays étrangers devinrent de plus en plus sensibles et attentifs à la manière dont ils étaient dépeints dans les films américains.
    Il fallait tenir compte du fait que les Japonais coupaient régulièrement toutes les scènes où les protagonistes échangeaient un baiser, et que les Anglais avaient tendance à soupçonner d’ingérence politique tout film se déroulant dans leurs colonies. The Bitter Tea of General Yen (La Grande muraille, 1933), de Frank Capra, fut interdit dans tout l’empire britannique parce qu’il montrait un mariage inter-racial entre un Chinois et une femme blanche.
    La situation politique en Europe, particulièrement instable, n’était pas sans créer certains problèmes. L’Italie décida d’interdire des films comme Clive of lndia (1935) The Lives of a Bengal Lancer (Les Trois Lanciers du Bengale, 1935), et The Charge of the Light Brigade (La Charge de la brigade légère, 1936), sous prétexte qu’ils contenaient des éléments de propagande probritannique. L’Allemagne nazie et les territoires qui passèrent progressivement sous son contrôle refusèrent de montrer les films interprétés par Mae West, Johnny Weissmuller, Francis Lederer, Fred Astaire et Ginger Rogers, Warner Oland, George Arliss et Jean Hersholt pour toute une série de raisons à la fois raciales et politiques.
    Ces restrictions furent une cause de soucis constants pour les capitaines de l’industrie hollywoodienne, entièrement préoccupés de rentabilité financière, au point qu’ils décidèrent de se limiter à la réalisation de films de pur spectacle, exempts de toute allusion politique qui pourrait perturber leur carrière financière.
    Obsédés par la dépression économique et par la perspective de connaître une crise de l’ampleur de celle qui avait bouleversé la fin des années 20, les Américains regardaient en général l’Europe avec une indifférence marquée, considérant avec répugnance la possibilité d’un nouveau conflit mondial. De fait, dans le sillage de la motion Pittman sur la neutralité (août 1935) et à la suite de l’installation à des postes clefs de sénateurs résolument isolationnistes, le président Roosevelt ne parvint pas à convaincre le pays d’adopter une position claire et nette face au fascisme.

    La Grande Muraille (The Bitter tea of General Yen) de Frank Capra (193) avec Barbara Stanwyck, Nils Asther

    POUR OU CONTRE L’ESPAGNE EN GUERRE

    L’invasion italienne en Éthiopie (1935) laissa l’Amérique assez indifférente, mais l’année suivante, le début de la guerre civile espagnole souleva par contre quelques commentaires. Malgré cette réalité brûlante, le film de la Paramount The Last Train From Madrid (Le Dernier Train pour Madrid, 1937), se déroulait dans les compartiments d’un train traversant une Espagne qui n’avait rien à voir avec la triste réalité de la guerre civile. Une fois encore le vieux réflexe des grandes compagnies américaines – qui faisaient tout dépendre de la rentabilité – avait joué dans le sens de l’indifférence. Quand le producteur indépendant Walter Wanger produisit Blockade (Blocus, 1938), un film sur la guerre écrit par John Howard Lawson, le Hays Office et les financiers de l’United Artists, qui distribuait le film, apportèrent tant de modifications et mutilèrent le film à un point tel que la version finale ne ressemblait plus en rien au sujet imaginé par Lawson et Wanger. Déjà victime d’une censure politique manifeste, Blocus donna lieu à des polémiques passionnées. En raison de fortes pressions exercées par les associations catholiques qui s’identifiaient à quiconque luttait contre les « rouges » espagnols, l’importante chaîne de cinémas appartenant à la Fox refusa de projeter le film sur la côte Ouest. Dans plusieurs villes du Michigan, du Nebraska, de la Louisiane et de l’Ohio, des piquets de grève organisés par les autorités religieuses locales obtinrent le même résultat.

    Blocus (Blockade) de William Dieterle (1938) avec Henry Fonda, Madeleine Carroll, Leo Carrillo, Vladimir Sokoloff

    LE PUBLIC VEUT SE DISTRAIRE

    Ce n’est qu’à la fin des années 30 que Hollywood reconnut, avec bien des réticences, que la menace d’une guerre se précisait. En 1938, le rapport du Hays Office sur l’industrie cinématographique avait lancé un avertissement sévère en déclarant que le public payait pour se distraire et non pour subir de la propagande camouflée. Un an plus tard, il déclarait cependant qu’il n’y avait aucune contradiction entre les impératifs économiques du marché américain et le fait d’élever le niveau de conscience du public. En dépit de ces assertions qui tenaient compte des changements décisifs survenus en Europe pendant la dernière année de paix, un examen attentif de la production cinématographique de 1939 montre que la préférence du public allait toujours vers des films tels que Abe Lincoln in Illinois de John Cromwell, Young Mr. Lincoln (Vers sa destinée) de John Ford et Mr Smith Goes ta Washington (M. Smith au Sénat) de Frank Capra.
    Un film mis en évidence la désapprobation de l’Amérique face aux régimes autoritaires d’Allemagne et d’Europe centrale. Juarez de William Dieterle, où Paul Muni interprétait le rôle du président mexicain élu par le peuple et Brian Aherne celui de Maximilien de Habsbourg, placé sur le trône sur décision de Napoléon III. Dans le matériel publicitaire destiné à assurer le lancement du film, les rédacteurs du bureau de presse de la Warner Bros faisaient une comparaison entre le Mexique de 1863 et la Tchécoslovaquie de 1939. Les auteurs du scénario, qui se définissaient comme progressistes et interventionnistes, étaient John Huston et le réfugié allemand Wolfgang Reinhardt.

    Voici la marine (Here Comes the Navy) de Lloyd Bacon (1934) avec James Cagney, Pat O’Brien, Gloria Stuart

    OPPOSITION OUVERTE AU NAZISME

    Toutefois, la prise de position antinazie la plus résolue de la Warner Bros fut Confessions of a Nazi Spy (Les Aveux d’un espion nazi, 1939), inspirée par l’expérience de Leon Turrou, un ancien agent du F.B.I. qui avait réussi à démanteler un réseau d’espions allemands caché dans les rangs du German American Bund, une organisation américaine aux positions clairement hitlériennes. L’équipe des collaborateurs de ce film était un microcosme de ce qu’on pouvait trouver de plus « à gauche.» à Hollywood. Le scénario était de MiIton Krims et John Wexley, tous deux hommes d’extrême gauche, et la réalisation était due à un réfugié juif ayant échappé aux nazis, Anatole Litvak. La vedette du film était Edward G. Robinson, un juif progressiste très influent à Hollywood dans le clan des « politiques».Confessions of a Nazi Spy rencontra une très vive hostilité, Harry et Jack Warner reçurent des menaces par téléphone, et une salle de cinéma du Milwaukee fut incendiée par une bande de sympathisants nazis furieux que le film n’ait pas été interdit. Pour Hans Thomsen le chargé d’affaires allemand auprès de Washington, ce genre de film diffamatoire pouvait empoisonner les relations entre les deux pays.
    Bien qu’il semble un peu primaire aujourd’hui, Confessions of a Nazi Spy représenta une pierre angulaire dans la politique étrangère américaine. Il délivrait un message simple et compréhensible par tous, qui définissait avec précision la position des Etats-Unis vis-à-vis de l’Allemagne. Harry et Jack Warner nourrissaient une haine particulière à l’égard des nazis, due non seulement à des options philosophiques différentes, mais aussi au meurtre de leur représentant commercial à Berlin, exécuté dans une ruelle par des tueurs nazis. Cependant, le film contenait une dose d’antinazisme telle que l’industrie cinématographique craignit de se mettre à dos la minorité allemande vivant aux Etats-Unis et les frères Warner décidèrent de mettre un frein à leurs attaques directes envers l’Allemagne national-socialiste.

    Les Aveux d’un espion nazi (Confessions of a Nazi Spy) d’Anatole Litvak (1939) avec Edward G. Robinson, Francis Lederer, George Sanders

    Une formule très efficace de propagande interventionniste fut constituée par une série de films de guerre, délibérément militaristes, qui se faisaient les apôtres d’une défense nationale musclée. Here Cornes the Navy (Voilà la marine, 1939), Devil Dogs of the Air (Le Bousilleur, 1935), Submarine D.l. (Le Sous-marin, 1937) et Wings of the Navy (Les Ailes de la flotte, 1939) furent tous réalisés par Lloyd Bacon, un officier de réserve de la marine, et financés par les Cosmopolitan Productions de William Randolph Hearst.
    Ces films anticipaient ceux de la guerre, notamment Action in the North Atlantic (Convoi vers la Russie, 1943), toujours de Bacon et traitant des exploits de la marine marchande, et Lady Courageous (1944), un film de John Rawlings qui encourageait les femmes à s’engager dans l’aviation comme auxiliaires.
    Pendant l’été 1939, en dix jours seulement, l’attitude du monde du cinéma américain vis-à-vis de l’Europe changea complètement. Jusqu’à cette date le maître mot de Hollywood face à la situation mondiale avait été : prudence. Mais le 23 août, Ribbentrop et Molotov signèrent le fameux pacte germano-soviétique de non-agression et le 1er septembre, l’Allemagne envahit la Pologne. L’existence du pacte brisa l’alliance entre les libéraux et les communistes de Hollywood, et provoqua la dissolution immédiate de la ligue antinazie. La déclaration de la guerre plongea la capitale du cinéma dans l’incertitude puis dans l’angoisse. Cependant, ce n’est que deux ans plus tard que l’intervention américaine, provoquée par l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, dissipa les doutes et incita les grandes compagnies à produire des films patriotiques.

    La Charge de la brigade légère (The Charge of the Light Brigade) de Michael Curtiz (1936) avec Errol Flynn, Olivia de Havilland, Patric Knowles

    https://moncinemaamoi.blog/2017/03/26/hollywood-et-le-nazisme/


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    Hollywood and Hitler, 1933-1939

    Thomas DohertyColumbia University Press, New York, 2013, 448 pages, 35 dollars.



    Le cinéma américain s’adapta au Reich hitlérien d’avant-guerre : le marché allemand constituait son premier débouché à l’étranger ; les grands studios étaient solidement implantés à Düsseldorf, Francfort et surtout Berlin. Paramount, Fox et Metro-Goldwyn-Mayer y restèrent, licenciant dès 1933 leur personnel juif, environ la moitié des effectifs. Les normes de la censure de Joseph Goebbels n’émurent point les responsables de la Motion Picture Producers and Distributors of America (MPPDA), le presbytérien William Hays et son fidèle Joseph Breen, catholique irlandais ultra, également antisémites et anti-« rouges ». Ce qu’on appellera le « code Hays », le code de production rédigé en 1930 par deux ecclésiastiques dont un jésuite, et qui sera appliqué de 1934 à 1966, établissait notamment qu’aucun film américain ne devait heurter les « sentiments nationaux » des pays représentés. Toute tentative de propos antinazi fut ainsi bannie, soit par la censure économique, soit par la censure tout court. En face, la Hollywood Anti-Nazi League for the Defense of American Democracy, fondée en septembre 1936, ainsi que d’autres organismes antinazis brillèrent par leur courage — et leur impuissance.


    Annie Lacroix-Riz


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    Que les studios hollywoodiens se soient en grande partie tus devant le sort réservé aux juifs d'Europe est un fait bien établi. Aucun film antinazi ne fut produit par Hollywood durant cette période, à l'exception des Aveux d'un espion nazi (1939), d'Anatole Litvak, et de La tempête qui tue (The Mortal Storm, 1940), de Frank Borzage. Le Dictateur, de Chaplin, est certes sorti en 1940, mais il s'agit d'une production indépendante. Les personnages juifs, qui apparaissaient régulièrement à l'écran jusqu'au début des années 1930, en disparaissent à partir de 1933, si ce n'est dans La Maison des Rothschild (1934), d'Alfred Werker, et La Vie d'Emile Zola (1937), de William Dieterle. Une absence d'autant plus spectaculaire que, exception faite du patron de la Twentieth Century Fox, Darryl F. Zanuck, les dirigeants des grands studios - Metro Goldwyn Mayer (MGM), Universal, Paramount, Warner Bros - étaient juifs.


    Mais ces faits ne représentent peut-être que la partie émergée de l'iceberg. C'est en tout cas ce que laisse penser le livre de Ben Urwand, qui porte un regard particulièrement sévère sur le comportement des patrons des studios. Travaillant à partir d'archives américaines et allemandes, l'auteur montre qu'Hollywood a travaillé avec l'Allemagne nazie dès 1933.


    UNE STRATÉGIE VOLONTARISTE DES STUDIOS

    Mais ces faits ne représentent peut-être que la partie émergée de l'iceberg. C'est en tout cas ce que laisse penser le livre de Ben Urwand, qui porte un regard particulièrement sévère sur le comportement des patrons des studios. Travaillant à partir d'archives américaines et allemandes, l'auteur montre qu'Hollywood a travaillé avec l'Allemagne nazie dès 1933


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