Mort au moment où il allait interpréter Hamlet, Gérard Philipe fut enterré dans le costume du Cid : cet éternel jeune homme, ce cascadeur des classiques avait su redonner au théâtre traditionnel une nouvelle jeunesse et une nouvelle force. Il avait surtout incarné l'enthousiasme romantique, vite déçu, de l'après-guerre, l'espoir d'un monde neuf où combats et entreprises pouvaient avoir une fin, et une fin humaine : en témoignèrent son engagement dans le Mouvement de la paix, son activité syndicale, sa conscience de sa responsabilité d'homme.
L'EMBLÈME DU THÉÂTRE POPULAIRE
C'est au théâtre que Gérard Philipe (il ajouta un e muet à son nom, « pour que cela fasse treize lettres », dit-il) se fit d'abord connaître, grâce à son élégance, son charme, son sourire, sa diction un peu nasillarde, son émouvante fragilité. Il débuta au Casino de Nice, sous l’Occupation, dans une comédie d'André Roussin, Une grande fille toute simple, puis « monta » à Paris, où il fut engagé par Douking pour tenir le rôle de l'ange dans Sodome et Gomorrhe de Giraudoux. Il fut ensuite le prince Blanc de Federico d'après Mérimée, le Caligula d'Albert Camus (premier rôle vedette en 1945, premier grand succès), le poète des Épiphanies (1947), de son ami Henri Pichette, qui écrivit, pour lui, Nucléa : autant de traits qui contribuèrent à forger son mythe. Il est vrai qu'au Conservatoire, sous la direction de Georges Le Roy, il s'était préparé à « la transition entre les traditions des grands classiques et la tradition du tramway, celle du temps où nous sommes et où il nous faut assumer dans la fièvre ce qui devrait être assumé dans la détente ».
Après avoir refusé, s'estimant insuffisamment préparé, le rôle du Cid que lui avait offert Jean Vilar, il répondit favorablement à l’appel du Théâtre national populaire en 1951. Cette année-là, il créa le Prince de Hombourg de Kleist au Festival d'Avignon, puis incarna avec éclat Rodrigue dans le Cid, qu'il joua au TNP « à la pointe de l'épée ». Dès lors, il devint l'emblème du théâtre populaire. Ce fut ensuite une série de triomphes, toujours fondés sur une adéquation rigoureuse entre le comédien et ses personnages : le Lorenzaccio (1953) de la pièce éponyme, l'Octave des Caprices de Marianne (1958) ou le Perdican d'On ne badine pas avec l'amour (1959) chez Musset, Richard II chez Shakespeare (1954), ou Ruy Blas pour Victor Hugo (1954). Sa fougue, son talent aux multiples expressions firent alors de lui le meilleur jeune premier héroïque de sa génération. Après Philipe, le TNP ne connut plus jamais cette étonnante communion entre la scène et le public : il est vrai qu'on était passé de la « tradition du tramway » à celle de la fusée spatiale, du cadre de la scène à l'écran de télévision, et de la réunion heureuse des spectateurs à la passivité de la « foule solitaire ».
DE L’ÂME PURE AU HÉROS SOMBRE
Au cinéma, il eut l'occasion d'épanouir encore plus diversement ses dons. Les producteurs voyaient en lui le successeur tout désigné de Jean-Pierre Aumont ou de Claude Dauphin. Marc Allégret le pressentit pour être Phil dans une adaptation du Blé en herbe de Colette, mais le projet n'aboutit pas (il était d'ailleurs déjà trop âgé). Gérard Philipe débuta officiellement au cinéma dans les Petites du quai aux Fleurs (Marc Allégret, 1944), aux côtés d'Odette Joyeux et de Danièle Delorme. Prestation encore un peu terne, comme fut celle du Pays sans étoiles (G. Lacombe, 1946), où il entrait pourtant de plain-pied dans l'univers féerique de Pierre Véry.
En revanche, son interprétation « inspirée » du prince Muichkine dans l'Idiot (G. Lampin, 1946) le propulsa au zénith des jeunes premiers : la vedette du film, ce n'était pas Edwige Feuillère, ni Dostoïevski, c'était lui. Comme l'écrivit dans Cinémonde Jacques Doniol-Valcroze : « Il y a lui... et les autres. Un léger effort, un minuscule appel du pied, et il est devenu l'Idiot. On tremble à l'idée que l'on pourrait nous gâcher un tel talent... » Un deuxième rôle en or l'attendait : celui de François, l'adolescent en révolte ouverte contre la morale bourgeoise du Diable au corps (C. Autant-Lara, 1947), d’après Radiguet. Le film scandalisa les bien-pensants, mais pulvérisa les records de recettes. Il valut au jeune acteur (25 ans tout juste) le prix d'interprétation au festival de Bruxelles.
Désormais, on lui proposa des rôles sur mesure : Fabrice del Dongo dans la Chartreuse de Parme (Christian-Jaque, 1948), Faust dans la Beauté du diable (R. Clair, 1950), le rêveur éveillé de Juliette ou la Clef des songes (M. Carné, 1951), le caracolant Fanfan la Tulipe (Christian-Jaque, 1952), Julien Sorel dans le Rouge et le Noir (Autant-Lara, 1954), enfin Till Eulenspiegel (1956), le Mandrin flamand, personnage si conforme à ses vœux (mélange de panache juvénile et d'idéal progressiste) qu'il décida pour une fois d'être son propre metteur en scène (sous la supervision technique de Joris Ivens). Expérience décevante, la truculence flamande échappant à ce fils du Midi, et son humour bon enfant restant à la surface de l'épopée picaresque de Charles De Coster. Il est d'ailleurs singulier d'observer que dans presque tous les films cités, qui lui ont valu sa réputation la plus flatteuse, la mise en scène est pauvre, voire inexistante – tout se passant comme si Gérard Philipe avait besoin, pour briller, d'une toile de fond incolore, devant laquelle il pût trôner seul, comme à la scène.
Il existe cependant un autre aspect de Gérard Philipe, plus inquiétant, plus complexe, et mieux accordé, semble-t-il, aux exigences de l'écran : paradoxalement, le public l'apprécia moins dans ces rôles ambigus, où il fut pourtant remarquable. Nous pensons au lieutenant dépravé de la Ronde (M. Ophuls, 1950), traînant son ennui et sa débauche triste ; au médecin déchu des Orgueilleux (Y. Allégret, 1953), où il en fait presque trop en sens inverse ; à l'étrange et fascinant Monsieur Ripois (R. Clément, 1954), fugueur cynique vivant aux crochets des femmes mûres ; au peintre rongé par l'alcool et le mal de vivre de Montparnasse 19 (J. Becker, 1958) ; ou encore à l'Octave Mouret de Pot-Bouille (J. Duvivier, 1957), nageant avec aisance dans les eaux troubles de l'hypocrisie bourgeoise. On peut préférer, et de loin, ce personnage de dandy pervers à la gravure de mode au teint lisse et à l'âme pure dont les midinettes des années 1950 avaient fait leur idole : non seulement pour le travail de composition qu'il exige de l'acteur (plutôt porté sur les héros « positifs »), mais aussi pour la maîtrise dont ont fait preuve, pour le coup, ses metteurs en scène. Ophuls, Clément, Duvivier, Becker entre autres. Vadim lui-même a rarement été aussi bien inspiré qu'en lui confiant le rôle du machiavélique Valmont dans ses Liaisons dangereuses 1960 (1959).
Gérard Philipe avait épousé, en 1951, Nicole Fourcade, qui prit dès ce moment-là le nom d'Anne Philipe et retraça dans un récit les derniers moments de son mari, mort à 37 ans : le Temps d'un soupir (1963).
Gérard Philip, dit Gérard Philipe, né le 4 décembre 1922 à Cannes et mort le 25 novembre 1959 à Paris, est un acteur français. Actif au théâtre comme au cinéma, il fut en France, jusqu'à sa mort prématurée, l'une des principales vedettes de l'après-guerre. Le public garde de lui une image juvénile et romantique, qui en fait l'une des icônes du cinéma français.
Biographie
Enfance et jeunesse
Cadet de son frère Jean, Gérard naît à Cannes (Alpes-Maritimes), dans une famille aisée, de Marcel Philip (1893-1973) et de Marie Elisa Villette (1894-1970), dite « Minou », fille d'un pâtissier beauceron établi à Chartres et d'une émigrée tchèque directement venue de Prague.
Son père, riche hôtelier (propriétaire de divers établissements sur la Côte d'Azur et à Paris) et avocat dans un cabinet de contentieux juridique cannois, appartenait en 1936 à la ligue nationaliste des Croix-de-Feu, puis s'enthousiasma pour Jacques Doriot et son rêve de national-socialisme à la française, adhéra au Parti populaire français (PPF) et devint secrétaire de la fédération de Cannes4. Propriétaire-gérant du Parc palace-hôtel à Grasse, il y abrita l'état-major mussolinien en 1940 puis l'état-major nazi en 1942. Il fut condamné à mort après la guerre pour ses crimes de collaboration et il s'est réfugié en Espagne.
Gérard suit toute sa scolarité au lycée de l'Institut Stanislas de Cannes tenu par les marianistes où il est bon élève. Il y obtient, au début de la guerre, son baccalauréat. Inscrit à la faculté de droit à Nice en 1942, son père le destine à une carrière de juriste, mais, rencontrant de nombreux artistes réfugiés sur la Côte d’Azur, alors en zone libre depuis 1940, il décide de devenir comédien. Sa mère le soutient dans ce choix.
La guerre, les débuts d’acteur
En 1941, Marc Allégret, réfugié sur la Côte d’Azur, se laisse entraîner chez madame Philip qui pratique des séances de voyance et de spiritisme au Parc Hôtel Palace à Grasse, propriété de son mari. Sachant que son fils veut faire du théâtre, « Minou » persuade Allégret de l'auditionner. Au terme de cet essai, le cinéaste lui conseille de s’inscrire au Centre des jeunes du cinéma à Nice puis l’envoie prendre les cours d’art dramatique de Jean Wall et Jean Huet à Cannes. Le comédien Claude Dauphin le fait jouer au théâtre à partir de 1942 avec Une grande fille toute simple d’André Roussin au casino de Nice.
En 1942, Marc Allégret l'engage pour une silhouette dans le film La Boîte aux rêves, réalisé par son frère Yves. En novembre de la même année, la zone libre est occupée par l’armée allemande.
En 1943, la famille Philip s’installe rue de Paradis, dans le 10e arrondissement de Paris. Gérard s’inscrit au Conservatoire national supérieur d'art dramatique, suit les cours de Denis d'Inès puis de Georges Le Roy et obtient le second prix de comédie.
En 1943, Gérard Philipe obtient son premier succès et la célébrité à l’âge de vingt ans, en pleine Seconde Guerre mondiale, dans le rôle de l’ange du Sodome et Gomorrhe de Jean Giraudoux.
Membre des FFI, il participe à la Libération de Paris en 1944. Il contribue notamment à la libération7 de l'Hôtel de Ville de Paris, en août 1944, en compagnie de trente personnes sous les ordres de Roger Stéphane.
Sur les conseils de « Minou », Gérard ajoute un « e » à son nom pour obtenir treize lettres avec son nom et son prénom, chiffre porte-bonheur8.
Son père, Marcel, est condamné à mort par contumace le 24 décembre 1945 pour intelligence avec l'ennemi et appartenance à un groupe antinational, sans qu'aucune preuve soit jamais versée au dossier. Il s'enfuit alors en Espagne et devient professeur de français à Barcelone9. Gérard, Anne et leurs enfants lui rendront de fréquentes visites. Marcel bénéficie de la loi d'amnistie de 1968 et peut alors rentrer en France.
Amour et famille
En 1942, Gérard rencontre Nicole Navaux, une ethnologue épouse du diplomate François Fourcade. Ils se lient en 1946, se marient le 29 novembre 1951 à la mairie de Neuilly-sur-Seine après le divorce de Nicole. Il demande à son épouse de reprendre son premier prénom, Anne, qu'il trouve plus poétique. Ils ont deux enfants : Anne-Marie Philipe, née le 21 décembre 1954, devenue écrivain et comédienne elle aussi, et Olivier Philipe, né le 10 février 1956. Installés boulevard d'Inkermann à Neuilly, puis rue de Tournon à Paris en 1956, Anne et Gérard avec leurs enfants passent leurs vacances d’été à Ramatuelle, en Provence, dans une propriété de la famille d'Anne.
L’après-guerre : gloire et engagement
Gros plan sur un panneau rectangulaire à la base d'une colonne où il est écrit en noir sur fond blanc la citation : "Le théâtre est un problème social comme toutes les questions artistiques. Gérard Philipe"
Citation de Gérard Philipe sur une colonne du Théâtre des Abbesses aux pieds de la butte Montmartre à Paris, 18e arrondissement.
La notoriété de Gérard Philipe au théâtre et en tournée grandit encore grâce à la création de Caligula d’Albert Camus en 1945. Le film Le Diable au corps de Claude Autant-Lara en 1947, où il est le partenaire de Micheline Presle, lui apporte la gloire au cinéma.
Anne et Gérard Philipe deviennent tous deux compagnons de route du Parti communiste français. Acteur engagé, il est l'un des premiers à signer l'appel de Stockholm, en 1950, contre l’armement nucléaire en pleine guerre froide. Il effectue plusieurs tournées dans les pays socialistes, où il jouit d'une grande notoriété. Président du Syndicat français des artistes-interprètes (SFA) à partir de 1958, il se révèle un grand responsable syndical pour les métiers artistiques du cinéma et du théâtre. Toutefois, durant ces mêmes périodes, ces engagements ne l’empêchent pas de visiter très régulièrement Paul Marion, l’ancien ministre de l’Information de Vichy, à la prison centrale de Clairvaux où ce dernier purge sa peine.
Le « jeune premier »
Gérard Philipe en 1954 dans le costume de Don Rodrigue.
En 1951, Jean Vilar, qui vient de prendre la direction du Théâtre national populaire, l'invite à intégrer sa troupe et à jouer Le Prince de Hombourg de Kleist et Le Cid de Pierre Corneille, ce qu'il accepte avec enthousiasme. Gérard assure ainsi un immense succès populaire au répertoire classique, à Paris, en tournée, au Festival d'Avignon. Il met lui-même en scène plusieurs pièces de Musset et d'auteurs contemporains comme Henri Pichette et Jean Vauthier. De cette troupe composée de comédiens prestigieux, Philippe Noiret, Jeanne Moreau, Daniel Sorano entre autres, il dit : « [...] pour moi le TNP c'est chez moi, c'est ma maison ».
Gérard Philipe ne délaisse pas le cinéma pour autant et joue en 1952 le Fanfan la Tulipe de Christian-Jaque avec Gina Lollobrigida, qui lui vaut de devenir une « idole des jeunes » à travers le monde. En 1956, il réalise en coproduction avec l'Allemagne de l'Est, et avec l'aide de Joris Ivens, le long métrage Les Aventures de Till l'espiègle. Production ambitieuse mais mal maîtrisée, le film ne rencontre pas le succès en France.
Sa jeunesse, sa beauté et son charisme dans les films d'Yves Allégret, Christian-Jaque, Marcel Carné, Claude Autant-Lara, René Clair, René Clément, Luis Buñuel ou Roger Vadim lui valent une renommée internationale mais pas celle des « jeunes turcs », les futurs cinéastes de la Nouvelle Vague, qui rejettent l'acteur même si ce dernier souhaitait prendre part à ce nouveau mouvement.
La fin brutale
Le 25 novembre 1959, en pleine gloire et à l’apogée de sa popularité, alors qu'il vient de finir le tournage du film La fièvre monte à El Pao de Luis Buñuel au Mexique, il est emporté par un cancer du foie foudroyant12 à Paris (17 rue de Tournon, où un panneau Histoire de Paris lui rend hommage), quelques jours avant son 37e anniversaire, plongeant dans la tristesse ses nombreux admirateurs. Conformément à ses dernières volontés, il est enterré vêtu du costume de Don Rodrigue (Le Cid), dans le petit cimetière de Ramatuelle.
Quelques jours plus tard décédera à son tour un autre « jeune premier » au destin brisé lui aussi en pleine gloire et à la fleur de l'âge, son confrère acteur Henri Vidal.
Dans les années qui suivent le décès de son mari, Anne Philipe publie deux biographies intitulées Souvenirs (1960) et Le Temps d’un soupir (1964).
Soixante ans après sa mort, son gendre Jérôme Garcin publie Le dernier hiver du Cid14, récit de ses dernières semaines (Gallimard, 2019)15.
Œuvre
Filmographie
1947 : Le Diable au corps de Claude Autant-Lara : François Jaubert
1947 : La Chartreuse de Parme de Christian-Jaque : Le marquis Fabrice Del Dongo
1949 : La Beauté du diable de René Clair : Méphistophélès et Henri Faust, jeune
1950 : Juliette ou la Clé des songes de Marcel Carné : Michel, le rêveur qui recherche Juliette
1950 : La Ronde de Max Ophüls : Le comte
1951 : Fanfan la Tulipe de Christian-Jaque : Fanfan la Tulipe
1952 : Les Belles de nuit de René Clair : Claude, obscur compositeur de musique
1953 : Si Versailles m'était conté... de Sacha Guitry : D'Artagnan
1954 : Le Rouge et le Noir de Claude Autant-Lara : Julien Sorel
1955 : Les Grandes Manœuvres de René Clair : Armand de La Verne, lieutenant des dragons
1955 : Si Paris nous était conté de Sacha Guitry : Le chanteur des rues
1958 : Le Joueur de Claude Autant-Lara : Alexei Ivanovitch, le jeune Moscovite
1959 : Les Liaisons dangereuses 1960 de Roger Vadim : Le vicomte de Valmont
1959 : La fièvre monte à El Pao de Luis Buñuel : Ramon Vasquez
Discographie
Gérard Philipe est l'un des acteurs français qui a le plus enregistré de disques en aussi peu de temps, en l'occurrence entre 1952 et 1959, année de sa mort.
Le contenu en est très éclectique, du très célèbre Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry (enr. en 1954) à Pierre et le Loup de Serge Prokofiev, en passant par de grands poètes tels Victor Hugo, François Villon, Jean de La Fontaine, Guillaume Apollinaire, ou encore Louis Aragon et Paul Éluard, en collaboration avec Jean-Louis Barrault.
Il fit de nombreuses adaptations discographiques ou radiophoniques de pièces de théâtre que souvent il avait jouées avec succès sur la scène du TNP que son ami Jean Vilar, dirigeait depuis 1951.
Il s'agit essentiellement de tragédies classiques du xviie siècle, ou de drames modernes du xixe siècle : Le Cid de Pierre Corneille, Le Prince de Hombourg d'Heinrich von Kleist, La Tragédie du roi Richard II de William Shakespeare, Ruy Blas de Victor Hugo, le répertoire d'Alfred de Musset (Lorenzaccio, On ne badine pas avec l'amour ou Les Caprices de Marianne).
Gérard Philip2, ditGérard Philipe, né le à Cannes et mort le à Paris, est un acteurfrançais. Actif au théâtre comme au cinéma, il fut en France, jusqu'à sa mort prématurée, l'une des principales vedettes de l'après-guerre. Le public garde de lui une image juvénile et romantique, qui en fait l'une des icônes du cinéma français.
Biographie
Enfance et jeunesse
Cadet de son frère Jean, Gérard naît à Cannes (Alpes-Maritimes), dans une famille aisée, de Marcel Philip (1893-1973) et de Marie Elisa Villette (1894-1970), dite « Minou », fille d'un pâtissier beauceron établi à Chartres et d'une émigrée tchèque directement venue de Prague3.
Son père, riche hôtelier (propriétaire de divers établissements sur la Côte d'Azur et à Paris) et avocat dans un cabinet de contentieux juridique cannois, appartenait en 1936 à la ligue nationaliste des Croix-de-Feu, puis s'enthousiasma pour Jacques Doriot et son rêve de national-socialisme à la française, adhéra au Parti populaire français (PPF) et devint secrétaire de la fédération de Cannes4. Propriétaire-gérant du Parc palace-hôtel à Grasse, il y abrita l'état-major mussolinien en 1940 puis l'état-major nazi en 1942. Il fut condamné à mort après la guerre pour ses crimes de collaboration et il s'est réfugié en Espagne.
Gérard suit toute sa scolarité au lycée de l'Institut Stanislas de Cannes tenu par les marianistes où il est bon élève. Il y obtient, au début de la guerre, son baccalauréat. Inscrit à la faculté de droit à Nice en 1942, son père le destine à une carrière de juriste, mais, rencontrant de nombreux artistes réfugiés sur la Côte d’Azur, alors en zone libre depuis 1940, il décide de devenir comédien. Sa mère le soutient dans ce choix5.
La guerre, les débuts d’acteur
En 1941, Marc Allégret, réfugié sur la Côte d’Azur, se laisse entraîner chez madame Philip qui pratique des séances de voyance et de spiritisme au Parc Hôtel Palace à Grasse, propriété de son mari. Sachant que son fils veut faire du théâtre, « Minou » persuade Allégret de l'auditionner. Au terme de cet essai, le cinéaste lui conseille de s’inscrire au Centre des jeunes du cinéma à Nice puis l’envoie prendre les cours d’art dramatique de Jean Wall et Jean Huet à Cannes. Le comédien Claude Dauphin le fait jouer au théâtre à partir de 1942 avec Une grande fille toute simple d’André Roussin au casino de Nice6.
En 1942, Marc Allégret l'engage pour une silhouette dans le film La Boîte aux rêves, réalisé par son frère Yves. En novembre de la même année, la zone libre est occupée par l’armée allemande.
Gérard Philippe refuse de rejoindre le S.T.O (Service du travail obligatoire), fin 1943, et de ce fait, il devra vivre quelques mois dans la clandestinité, ou il rencontrera des résistants.
Membre des FFI, il participe à la Libération de Paris en 1944. Il contribue notamment à la libération7 de l'Hôtel de Ville de Paris, en , en compagnie de trente personnes sous les ordres de Roger Stéphane.
Sur les conseils de « Minou », Gérard ajoute un « e » à son nom pour obtenir treize lettres avec son nom et son prénom, chiffre porte-bonheur8.
Son père, Marcel, est condamné à mort par contumace le pour intelligence avec l'ennemi et appartenance à un groupe antinational. Il s'enfuit alors en Espagne et devient professeur de français à Barcelone9. Gérard, Anne et leurs enfants lui rendront de fréquentes visites. Marcel bénéficie de la loi d'amnistie de 1968 et peut alors rentrer en France.
Amour et famille
En 1942, Gérard rencontre Nicole Navaux, une ethnologue épouse du diplomate François Fourcade. Ils se lient en 1946, se marient le à la mairie de Neuilly-sur-Seine après le divorce de Nicole. Il demande à son épouse de reprendre son premier prénom, Anne, qu'il trouve plus poétique. Ils ont deux enfants : Anne-Marie Philipe, née le , devenue écrivain et comédienne elle aussi, et Olivier Philipe, né le . Installés boulevard d'Inkermann à Neuilly, puis rue de Tournon à Paris en 1956, Anne et Gérard avec leurs enfants passent leurs vacances d’été à Ramatuelle, en Provence, dans une propriété de la famille d'Anne.
Le , en pleine gloire et à l’apogée de sa popularité, alors qu'il vient de finir le tournage du film La fièvre monte à El Pao de Luis Buñuel au Mexique, il est emporté par un cancer du foie foudroyant12 à Paris (17, rue de Tournon, où un panneau Histoire de Paris lui rend hommage), quelques jours avant son 37e anniversaire, plongeant dans la tristesse ses nombreux admirateurs. La mort de Gérard Philipe entraînera une profonde émotion en France, où le comédien était très populaire. Conformément à ses dernières volontés, il est enterré vêtu du costume de Don Rodrigue (Le Cid), dans le petit cimetière de Ramatuelle (Var).
Quelques jours plus tard décédera à son tour un autre « jeune premier », lui aussi en pleine gloire et à la fleur de l'âge, son confrère acteur Henri Vidal.
Le nom de Gérard Philipe a été donné à de très nombreuses rues, plusieurs théâtres, des maisons de la culture, ainsi qu'à de nombreux établissements d'enseignement.
Un timbre postal d’une valeur de 50 centimes, le représentant dans le rôle du Cid, est émis le avec une oblitération premier jour le 10 à Cannes13.
Dans les années qui suivent le décès de son mari, Anne Philipe publie deux biographies intitulées Souvenirs (1960) et Le Temps d’un soupir (1964).
Soixante ans après sa mort, son gendre Jérôme Garcin publie Le dernier hiver du Cid14, récit de ses dernières semaines (Gallimard, 2019)15.
Gérard Philipe est l'un des acteurs français qui ont le plus enregistré de disques en aussi peu de temps, en l'occurrence entre 1952 et 1959, année de sa mort.
Il fit de nombreuses adaptations discographiques ou radiophoniques de pièces de théâtre que souvent il avait jouées avec succès sur la scène du TNP que son ami Jean Vilar, acquis comme lui aux idées communistes, dirigeait depuis 1951.
Il enregistra, en relation avec ses idéaux politiques, des disques de lectures de textes de Karl Marx : un 30 cm titré Les Pensées de Karl Marx, forgeron d'un instrument moderne de la connaissance - Le Philosophe matérialiste de l'histoire - L'Analyse implacable de la réalité capitaliste - Le Briseur de chaînes ; trois disques 18 cm intitulés Le Monde de 1715 à 1870 (La Lutte des classes selon Marx dit par Gérard Philipe) et la lecture d'extraits du Manifeste du Parti communiste.
Publicité
Gérard Philipe n'a accepté de faire de la publicité que pour les livres Gallimard, en 1950, en posant devant l'objectif de Lucien Lorelle, pour le publicitaire Henri Sjöberg. Cette affiche au slogan « Dévorez les livres comme Gérard Philipe » sera affichée sur tous les murs, pendant des années. Un des clichés est repris sur la couverture de Mon libraire de Patrick Cloux, paru en 2007.
Voir aussi
Récompenses
Prix d'interprétation au Festival international de Bruxelles en 1947 pour Le Diable au corps ;
Victoire du meilleur acteur du cinéma français en 1948 ;
Victoire du meilleur acteur du cinéma français en 1952 avec Daniel Gélin ;
Victoire du meilleur acteur du cinéma français en 1953 ;
Victoire du meilleur acteur du cinéma français en 1954 ;
Victoire du meilleur acteur du cinéma français en 1955 avec Jean Gabin ;
Il est dès lors hors concours et fait partie du jury d'honneur.
Christel Givelet, Gérard Philipe, le murmure d'un ange (essai17), Paris, 2009.
Jean Vilar, Gérard Philipe, J'imagine mal la victoire sans toi, TriArtis Editions, coll. Scènes intempestives à Grignan, en partenariat avec la Maison Jean Vilar d'Avignon, Paris 2019, (ISBN978-2-490198-12-2)
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