vineri, 12 februarie 2021

Georg Pabst / Lulu (Cutia Pandorei) / film 1929 /

 Il est une histoire du cinéma qu'il faudra bien écrire un jour,celle de ces hommes, Sternberg, Rossellini, Truffaut, qui ont su filmer, fascinés, cet être étrange: une femme. 

ANALYSE ET CRITIQUE

Portrait tragique d’une femme qu’on qualifierait aujourd’hui de "libérée", Loulou est à l’origine la combinaison de deux pièces de Frank Wedekind : l’Esprit de la Terre et La boite de Pandore. La première raconte les mariages successifs de Lulu et le destin funeste de ses époux, la seconde son procès et ce qui s’ensuit. Le personnage de Loulou fut, d’après la légende, inspirée à Frank Wedekind par Lou Andréas-Salomé qu’il rencontra à Paris. Lou Salomé, jeune fille d’origine russe, séduisit et fascina des esprit parmi les plus grands de son temps : Freud, Nietzsche et Rilke, entres autres, furent éblouis par son esprit des plus brillants et sa sensualité virginale. Sa rencontre rocambolesque avec Wedekind fit sur lui la plus forte impression et c’est en partie sur elle qu’il basa la construction de son personnage, forme quintessencielle d’une certaine vision « démoniaque » qu’il avait de la femme.

Georg Willem Pabst, qui souhaitait depuis longtemps adapter la pièce de Frank Wedekind, n’était pas parvenu à trouver l’actrice idéale pour interpréter le rôle. De castings sauvages infructueux en essais inutiles, l’équipe commençait à désespérer de trouver la perle rare avant que Pabst ne découvre Louise Brooks dans A girl in every port. Elle n’y tient qu’un rôle secondaire et c’est pourtant en elle que Pabst voit finalement l’interprète qu’il peinait tant à trouver. Sa demande rejetée par la Paramount, Pabst continue ses recherches et s’apprête à engager Marlène Dietrich quand Louise brooks, finalement libre de tout engagement, accepte de venir tourner en Allemagne.

Louise, première actrice américaine à venir tourner en Europe, est accueillie en grande pompe à la gare de Berlin par Pabst et une meute de journaliste. Louise Brooks apprécie de travailler avec Pabst qui se comporte avec elle de manière paternaliste, la rassurant et la protégeant contre l’hostilité d’une partie de l’équipe (Fritz Kortner en tête) qui ne comprend toujours pas quelle mouche a piqué Pabst d’aller chercher cette américaine pour jouer leur Loulou. Mais cette relation ne va pas sans une certaine forme de tyrannie de la part du metteur en scène. Louise Brooks mène en Allemagne la vie qu’elle vivait à New York : retrouvant des amis américains pour de longues virées nocturnes, elle découvre le Berlin bourgeois dont elle goûte les excès. Pabst s’en émeut et la fait consigner. Elle se couchera dorénavant à neuf heures et se dédiera, tout comme lui, totalement au film. De nombreux petits conflits émaillèrent leur collaboration mais nul doute que Louise Brooks et Georg Willem Pabst entretinrent une relation privilégiée sans laquelle le fruit de leur travail commun n’eut pas été aussi exceptionnel.

Louise Brooks avait très tôt manifesté du mépris pour le milieu du cinéma. Elle en fustigeait la futilité, la vanité et refusait de jouer le jeu d’une servilité pourtant de rigueur envers tout « supérieur ». Elle qui fut ironiquement surnommée « Brooks la bavarde » sur les plateaux de tournage rencontre enfin en Georg Willem Pabst quelqu’un dont elle se sent intellectuellement proche et dont elle admire la démarche. Pabst, travaillant vers une forme de réalisme expressif, tente de rompre le jeu de ses acteurs pour leur éviter tout stéréotype en ne leur révélant qu’au dernier moment ce qu’ils vont tourner et en se livrant à tout un tas d’autres petites manipulations. Fritz Kortner, grand acteur de théâtre, avait soigneusement préparé « sa mort » : Pabst n’aura de cesse de faire tourner et retourner la scène prétextant mille soucis techniques afin d’obtenir de lui quelque chose d’autre. Si ces procédés nous paraissent aujourd’hui communs, ils firent à l’époque grand effet sur Louise Brooks.

Au cœur d’une société bourgeoise allemande en pleine dégénérescence, Loulou fascine et ensorcelle les hommes. Elle est la flamme à proximité de laquelle on ne peut que se brûler, elle embrase et consume. Loulou, consciente de la fascination qu’elle exerce sur les hommes, sait user de ses charmes mais les passions qu’elle engendre sont mortifères. Elle séduit les malheureux qui croisent son regard mais ceux-ci la condamnent en même temps qu’ils succombent. Le Dr Schön exprime toute l’ambiguïté de cette relation: "personne ne peut épouser une fille comme ça, c’est du suicide". Comment peut on garder ce que l’on ne peut saisir ? Ses maris et amants tenteront de la contraindre, de la tuer, de la vendre à défaut de savoir l’aimer. Au delà de son caractère de séductrice, Loulou est avant tout l’incarnation d’une certaine forme d’innocence, d’une forme pure, animale, de l’amour. C’est avec beaucoup de candeur qu’elle dit au Dr Schön qui souhaite épouser une autre femme qui, elle, serait digne de son statut de notable : "si tu veux te libérer de moi tu devras me tuer". Malgré ses sortilèges et ses petites manipulations elle sera victime de la cupidité des hommes et de leur incapacité à aimer. Même Alwa, seul homme à la passion sincère, interprété par le très romantique Francis Lederer qui avait déjà tenu brillamment le rôle sur scène, sera dévoré par ce monde. Le seul personnage réellement sauvé est celui de la Comtesse Anna Geschwitz, (premier personnage ouvertement lesbien de l’histoire du cinéma interprété par Alice Roberts) liée elle aussi à Loulou par l’amour qu’elle lui porte.

C’est du sceau de la tragédie qu’est marqué le destin de Loulou. Malgré cela, le film, foncièrement pessimiste, ne sombre jamais dans le mélodrame. Pabst parvient toujours à maintenir un juste équilibre entre les développements dramatiques du récit et la peinture à caractère réaliste d’une époque à travers ses différentes strates sociales. La veine réaliste de Pabst trouve ici un parfait terrain d’expression et il est fort probable que la justesse de sa représentation de cette bourgeoisie agonisante est en grande partie responsable des foudres que la censure fit s’abattre sur le film (la pièce en son temps avait elle aussi provoqué un scandale). Les soirées mondaines, les coulisses du music-hall, la foule du procès : autant de séquences dont on croirait les images volées. Dans sa dernière partie londonienne, la réalisation de Pabst se teinte à nouveau largement d’expressionnisme en offrant des cadres et décors tarabiscotés et des éclairages tranchants. Accompagnant la chute de Loulou, la mise en scène passe des élégantes fêtes berlinoises à un Londres gothique à la brume épaisse.

Mais si le film ne sombre jamais dans le pur mélodrame c’est aussi largement grâce à l’interprétation de Louise Brooks. Insouciante et légère même au milieu des pires avanies, Loulou offre un visage radieux sur lequel les événements semblent n’avoir que peu de prise. A l’image des déplacements de l’actrice d’une légèreté et d’une grâce hors du commun, Loulou semble virevolter au milieu des péripéties. La flamme demeure insaisissable.
La presse reprocha à Louise Brooks de « ne pas jouer », de « ne rien ressentir » : on était pas habitué à l’époque à l’économie d’effets dont son jeu fait preuve. Louise Brooks n’affecte pas la douleur, elle se lit dans ses yeux. Nul doute que si Marlène Dietrich avait tenu le rôle de Loulou, c’est un tout autre film que nous aurions aujourd’hui sous les yeux. Car si Pabst avait choisi Louise Brooks, c’est qu’il avait su déceler en elle une nature propre à donner chair au personnage. Cette nature, aussi exceptionnelle que l’était sa beauté, Pabst saura en exploiter l’essence, et si ce personnage si archétypal, si mythologique et plus qu’humain prend corps sous nos yeux c’est bel et bien par la présence magnétique de son interprète. Seule, définitivement seule, à pouvoir incarner l’objet maudit de toutes les passions, l'innocente perverse. Asta Nielsen avait tenu le rôle de Loulou dans une adaptation réalisée par Leopold Jessner en 1923 ; son interprétation par trop affectée dénaturait le personnage qui devenait une pure victime effrayée par ce qui arrivait autour d’elle. Le scénario du film avait par ailleurs été largement édulcoré par rapport à la pièce d’origine.

L’incroyable grâce et l’immense beauté de Louise Brooks, l’érotisme puissant qui se dégage du moindre de ses gestes étaient seuls capables de donner vie à Loulou. On parle d’ « expérience Louise Brooks » de « quelque chose qui se passe entre le milieu de son torse et son front », la beauté de Louise devenait par le personnage de Loulou le terrain d’expression même de la tragédie. L'innocente sensualité de Loulou avait besoin de cette grâce, de la magie toute particulière de Louise. Loulou c’est l’innocence dans tout ce qu’elle a de plus cru, à nu. Cette innocence, cette vérité, proprement inadaptée à toute forme de société, appartient à un autre monde.

Jugé trop immoral, le film sera victime des coupes de la censure avant de subir le désintérêt du public et les foudres d’une partie de la critique. Marguerite Tazelaar écrit dans le New York Herald Tribune le 3 décembre 1929 : “Miss Brooks doesn't seem to have improved since her departure.“, Martin, Quinn dans The World : “It does occur to me that Miss Brooks, while one of the handsomest of all the screen girls I have seen, is still one of the most eloquently terrible actresss who ever looked a camera in the eye.”, on peut lire dans Variety : “Pandora's Box, a rambling thing that doesn't help her, nevertheless proves that Miss Brooks is not a dramatic lead.”. Tous les articles ne sont pas aussi calamiteux mais l’accueil est plutôt froid et le public ne se déplace pas dans les salles même si le film rencontre un certain succès en France.

EN SAVOIR PLUS

La fiche IMDb du film

Les analyses des autres films du coffret : Le Journal d'une fille perdue et Prix de Beauté

Toute la carrière de Louise Brooks dans un Portrait signé Olivier Gonord

8 mars 2010

Loulou (1929) de Georg Wilhelm Pabst

AUTRE TITRE  : « LA BOÎTE DE PANDORE »
TITRE ORIGINAL : « DIE BÜCHSE DER PANDORA »

La boite de Pandore
(Film muet) Au départ, il y a deux pièces de l’allemand Frank Wedekind, La Boîte de Pandore et L’esprit de la Terre, qui firent grand scandale aux alentours de 1900, étant qualifiées d’immorales et sans valeur artistique. Ces pièces ont créé un personnage qui sera adapté plusieurs fois au grand écran : Loulou, une très jeune femme amorale qui vit dans l’instant, jouit de la vie et détruit les hommes qui la côtoient. C’est bien entendu la version de G.W. Pabst qui est restée dans les esprits de tous les cinéphiles, un véritable mythe s’étant développé autour de Louise Brooks, qui avait alors 22 ans quand elle tourna ce film. Louise Brooks est, il est vrai, une actrice totalement à part : elle ne semble pas jouer son personnage, elle vit son personnage. Elle ne joue pas Loulou, elle est Loulou, impression certainement accentuée par le fait qu’elle ne lisait pas les scénarii (1). Très spontanée, déroutante, sa Loulou dégage une forte sensualité couplée à une innocence presque enfantine. Le résultat est désarmant… Le jeu très simple de Louise Brooks n’était toutefois pas vraiment compris, ni par ses partenaires (2), ni par la critique qui éreinta le film à sa sortie. Les aspects licencieux du film firent le reste : il fut mis à l’index (3). Ce n’est que dans les années cinquante qu’il fut redécouvert et reconsidéré, la brièveté de la carrière de Louise Brooks n’en parut alors que plus incompréhensible. Avec les deux films tournés avec Pabst, Loulou et Le journal d’une fille perdue, Louise Brooks est vue aujourd’hui par beaucoup de cinéphiles comme l’un des plus grands sex-symbols de l’histoire du cinéma.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Louise BrooksFritz KortnerFrancis LedererCarl GoetzAlice RobertsGustav Diessl
Voir la fiche du film et la filmographie de Georg Wilhelm Pabst sur le site IMDB.

Voir les autres films de Georg Wilhelm Pabst chroniqués sur ce blog…
Lire aussi ce bel article sur Louise Brooks sur le site DVDclassiks
Voir les livres sur Louise Brooks

La boite de Pandore(1) Louise Brooks raconte dans l’un de ses articles (assemblés dans le livre Louise Brooks par Louise Brooks aux éditions Pygmalion, 1983) que Pabst lui expliquait au fur et à mesure ce qu’elle devait faire : « L’onéreuse traduction en anglais du scénario, que j’avais jetée au pied de mon fauteuil sans même l’ouvrir, avait déjà été récupérée par un assistant outré, provoquant un sourire goguenard chez Pabst. » Dans le même ordre d’idée, elle raconte comment Pabst s’est peu à peu ingérée dans sa vie privée, lui interdisant de sortir le soir par exemple. Plusieurs exemples montrent que, pour Pabst, Louise Brooks était Loulou.
(2) Louise Brooks raconte que Fritz Kortner, la considérant comme la pire actrice au monde, la haïssait et refusait de lui adresser la parole en dehors des scènes. Dans la scène où il la secoue et la malmène, il lui serra si fort le bras qu’elle eut des bleus pendant plusieurs jours. D’une manière générale, tout l’entourage de Pabst pensait qu’il avait été comme envoûté par la jeune actrice.
(3) La danse de Loulou avec la Comtesse est très probablement la première scène fortement suggestive d’amour lesbien au cinéma. Ajoutez à cela l’inceste, le libertinage, les dessous d’une bourgeoisie respectable, l’érotisme suggéré, il y avait de quoi choquer les esprits.

Versions :
Le film est maintenant disponible dans sa version originale intégrale de 133 minutes. Auparavant, la version la plus courante était celle de 109/110 minutes.
L’historien Georges Sadoul parle aussi d’une version française qui avait été totalement remaniée par la censure de l’époque : le fils devient un simple secrétaire, l’amie lesbienne devient une amie d’enfance, Loulou est acquittée au procès, Jack L’éventreur est gommé et Loulou s’engage à l’Armée du Salut à la fin du film….!
Le site IMDB parle d’une version de 152 minutes avec intertitres français qui serait au Musée du Cinéma à Bruxelles. Est-ce la version remaniée par la censure? Ce serait étonnant qu’elle soit ainsi beaucoup longue que l’originale.

Autres principales adaptations de la pièce de Frank Wedekind :
Erdgeist (1923) de l’allemand Leopold Jessner avec Asta Nielsen
Les liaisons douteuses (1962) de l’allemand Rolf Thiele avec Nadja Tiller
Lulu (1980) de Walerian Borowczyk avec Anne Bennent

Homonyme:
Loulou (1980) de Maurice Pialat avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu.

2 réflexions sur « Loulou (1929) de Georg Wilhelm Pabst »

  1. Loulou est effectivement un très beau film, très sensuel qui est hélas encore peu connu même s’il a une belle notoriété auprès de certains cinéphiles.

    Le livre dont vous parlez est un ensemble d’articles que Louise Brooks a écrits pour des revues de cinéma dans les années 50. Un livre assez étonnant.

  2. … et Louise Brooks une des plus belles femmes de l’histoire du cinéma… on en tremble encore !

  3. Critique publiée par le 

    Regardé Loulou de W.Pabst, pleine période du muet et magnifique Louise Brooks dans ce rôle de femme enfant et femme fatale à la fois : insouciante ensorceleuse, irresponsable mais tellement touchante!

    L'imagination supplée au manque de parole et la musique, si elle est omniprésente, n'est jamais envahissante.

    Le dernier acte, très expressionniste où Loulou rencontre Jack L'éventreur émergeant du brouillard est superbe de par les regards des interprètes et la beauté des images en noir et blanc qui accentuent le côté tragique de la situation : gros plan sur la main de Loulou qui desserre son étreinte et s'ouvre mollement, presque filmée au ralenti.
    C'est très sobre, très beau.

  4. =======================

  5. Critique publiée par le 

    J'ai découvert ce film muet lors d'un ciné-concert. Malheureusement, la musique jouée lors de la projection ne m'a pas plu du tout, c'était de la musique électronique limite insupportable et qui ne collait pas vraiment avec les images, ça a donc un peu gâché le film, surtout qu'il est très long. Louise Brooks est très expressive et a beaucoup de charisme, elle incarne vraiment son rôle. L'histoire est moyenne, les choix que font les personnages, leurs réactions ne me semblent pas appropriés ou adéquat vis à vis de leur situation. Mais le surjeu et l’exagération sont sans doute le propre des films muets. en résumé : film trop long et scénario qui ne mérite pas plus que la moyenne.

  6. =========

  7. Critique publiée par le 

    Loulou ne serait rien sans Louise Brooks.

    Ne vous méprenez pas. L'histoire est belle et bien là, s'épargnant tout les pièges du manichéisme et riches de situations même si elle souffre de quelques longueurs. La réalisation de Pabst est magnifique pour l'époque surtout vers la fin du film avec l'intensification de ses accents expressionnistes. Mais ce film c'est surtout Loulou. C'est le personnage autour duquel tout s'articule, le seul personnage travaillé et complexe. Les personnages secondaires que ce soit le Dr Shön, son fils Alwa, le vieux souteneur Schigolch, l'acrobate Rodrigo ou l'amie lesbienne sont assez archétypaux et finalement se montreront tous ou mauvais (Dr Shön, Schigolch, Rodrigo) ou faibles (Alwa et la contesse). Loulou agissant comme un révélateur de la nature profonde de ces êtres.
    Mais Loulou n'est pas parfaite non plus. Et c'est ce qui fait l'intérêt du film. Loulou est totalement consciente du pouvoir de séduction qu'elle exerce. Souvent elle s'observe dans un miroir, se recoiffe, etc. Très coquette, très espiègle, joueuse, elle séduit les hommes et les femmes pour les faire céder à ses caprices ou la sortir du pétrin. Elle use et abuse de ses charmes mais les passions qu'elle déclenche auront une finalité dramatique que sa naïveté et sa légèreté ne lui permettent pas de voir. Éprise de liberté, vivant dans l'instant, innocente même d'une certaine manière, le spectateur est, comme les personnages du film, pris au piège de la fascination qu'exerce cette femme.

    Qui d'autre que Louise Brooks pouvait nous faire cet effet là ?

    En effet, il est impossible d'imaginer une autre actrice être Loulou. Déjà parce qu'elle a cette beauté à la fois enfantine, innocente, naturelle d'une jeune fille et pourtant déjà maitrisée, travaillée, érotique de la femme mais surtout parce que son jeu, particulièrement moderne, tout en retenue, très naturel, un regard et tout est dit, une épaule dénudée et elle transpire la sexualité, contraste parfaitement avec le surjeu théâtral de ses partenaires. Ce décalage, en plus de participer au caractère solaire et centrale de son personnage, souligne l'aspect humain de Loulou face au grotesque de la société qui l'entoure.

    Je n'ai pas beaucoup de points de comparaison dans le cinéma muet pour juger de l’œuvre dans son contexte cinématographique et juger de son importance, mais sur le plan du ressenti je reste plutôt séduit.

    Loulou (film, 1929)

    Loulou (Die Büchse der Pandora), film allemand réalisé en 1929 par Georg Wilhelm Pabst.

    Synopsis

    Loulou, maîtresse du Dr Schön, patron de presse, est dans son appartement avec Schigolch son vieux "père-souteneur". Ils se rappellent l'ancien temps et Loulou esquisse quelques pas de danse. Le Dr Schön entre et Schigolch a juste le temps de se cacher dans le balcon. Le Dr annonce à Loulou qu'il va se marier avec une femme de son rang, en l'occurrence la fille d'un ministre, et qu'il ne peut plus avoir de relations avec elle. Elle lui rétorque que Si tu veux te libérer de moi tu devras me tuer. Schigolch sort de sa cachette et Loulou le présente comme étant son père.

    Alwa, le fils du Dr,amoureux de Loulou,veut monter une revue et engager Loulou qui a déjà dansé. Le Dr accepte et il fera la publicité dans ses journaux. À la générale Loulou quitte la scène et s'enferme dans sa loge.Elle consent à ouvrir la porte au Dr qui se jette à ses pieds et la supplie de reprendre son rôle.Sa fiancée ayant ouvert la porte voit la scène. Les fiançailles sont rompues. Alwa convainc son père d'épouser Loulou qui accepte. Le jour du mariage Loulou s'éclipse abandonnant les invités et rejoint la chambre nuptiale dans laquelle Alwa, Schigolch et Rodrigo sont aux pieds de Loulou et consomment force coupes de champagne. Le Dr entre dans la chambre, chasse les intrus, va chercher un revolver, agresse violemment Loulou, et lui intime de prendre l'arme de la braquer sur elle et de se suicider. Durant la dispute un coup de feu éclate. Le Dr tombe mort.

    Quelques années plus tard a lieu le procès. Elle est jugée pour le meurtre du Dr. Elle est accusée d'avoir ouvert la boîte de Pandore et d'avoir ainsi libéré tous les maux de la terre, dont le vice. Le procureur requiert la peine de mort. En attendant la décision du tribunal, des comparses de Schigolch déclenchent l'alarme et crient "au feu". Loulou, profitant de la panique de la foule, s'échappe.

    Avec Alwa, Schigolch et Rodrigo elle s'enfuie et ils se retrouvent sur un yacht tripot français fréquenté par la haute société. Son amie,la lesbienne Comtesse Anna Geschwitz retrouve Loulou qui lui explique qu'elle est entraîneuse, qu'elle doit une forte somme à Rodrigo et lui demande de coucher avec lui pour effacer la dette. La Comtesse, malgré sa répulsion du sexe masculin, accepte. La police effectue une descente. On retrouve Rodrigo mort.

    Loulou, Alwa et Schigolch réussissent à s'échapper et à rejoindre Londres où ils échouent dans les bas quartiers, Alwa ayant dilapidé sa fortune au jeu. Loulou drague un passant et l'invite à monter dans la mansarde. Il lui dit qu'il n'a pas d'argent et elle lui répond ça ne fait rien,tu me plais. C'est Jack l'éventreur qui la poignarde à mort.


    Loulou est une jeune femme qui ne s'encombre d'aucun préjugé, vivant pour l'amour et le plaisir et ayant même une liaison avec une lesbienne. Le film est une adaptation de deux pièces de théâtre du dramaturge allemand Frank Wedekind qui firent scandale au début du XXe siècle. Le film est connu sous le nom de Loulou et non par son titre original.Ce dernier est en rapport avec la plaidoirie de l'accusation lors du procès de Loulou,le procureur l'accusant d'avoir ouvert la boîte de Pandore libérant tous les vices de la terre.

    Le rôle de la Comtesse est considéré comme étant le premier personnage lesbien de l'histoire du cinéma. La censure a mutilé le film et rendu les personnages plus fréquentables. Le Dr devient le père adoptif de Loulou, son fils Alwa est transformé en secrétaire asexué, la Comtesse n'est plus une lesbienne mais une amie d'enfance de Loulou,Loulou est acquittée et se convertit à l'Armée du Salut. Jack l'éventreur disparait. Une copie, conforme aux vœux de Pabst, a été remontée en 1980.

    La rencontre de Pabst et de Louise Brooks fut avant tout celle d'un chorégraphe et d'une danseuse, le film offrant l'aspect sur les plans visuel, littéraire et métaphysique, d'une danse d'amour et de mort.

    Incarnation libertaire et anarchiste de l'amour fou et de la révolte sans compromis contre la société, féministe avant la lettre ou bien héroïne incandescente de mélodrame, victime des hommes et d'une morale en putréfaction, Loulou a survécu triomphalement à toutes ces interprétations. Le milieu social et les décors du film sont réalistes mais ils sont progressivement envahis par des éclairages expressionnistes qui finissent par toit engloutir.

    Loulou elle-même est une créature lumineuse dont la lumière sert à éclairer et à révéler les ténèbres d'autrui et du monde qui l'entoure. L'annihilation finale de Loulou, antithèse tragique à l'ascendant qu'elle exerçait sur les personnages masculins, et parfois féminins, de l'intrigue, débouche par delà le dénouement sur une ultime victoire remportée dans la mémoire des spectateurs et dans l'éternité.

    La tension dramatique constante du récit ne laisse que peu de répit aux personnages comme aux spectateurs et les courts moments d’accalmie ne font que précéder de plus grandes chutes. Malgré ça, le film, fondamentalement d’un profond pessimisme, ne sombre jamais dans le mélodrame. Pabst parvient à toujours maintenir un juste équilibre entre les développements du récit et la peinture à caractère réaliste d’une époque à travers ses différentes strates sociales. Des salons berlinois aux ruelles sordides de Londres, il dépeint un monde d’une rare noirceur et fait à jamais de Loulou une des figures féminines les plus marquantes de l’histoire du cinéma.

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    Critique Le film du jour. Loulou, c'est elle. Loulou, film muet de G.W. Pabst (1928), avec Louise Brooks. Arte, 23 h 45.

    par Erwan HIGUINEN publié le 10 avril 1997 à 1h13

    Il est une histoire du cinéma qu'il faudra bien écrire un jour,celle de ces hommes, Sternberg, Rossellini, Truffaut ou Garrel, qui ont su filmer, fascinés, cet être étrange: une femme. Qu'il y ait eu romance dans la «vraie vie» entre les cinéastes et leurs actrices est une autre question, à laquelle on refusera de porter le moindre intérêt, du moins en public. Loulou, de Georg Wilhelm Pabst, qui est présenté ce soir en version restaurée incluant vingt minutes quasi inédites pour cause de censure, trouverait naturellement sa place parmi les piliers de cette autre histoire du cinéma.

    En 1928, après avoir longuement cherché celle qui pourrait interpréter Loulou, femme fatale autant que femme enfant d'une innocente perversité, Pabst choisit finalement l'Américaine Louise Brooks, comédienne de 22 ans remarquée dans Une fille dans chaque port, de Howard Hawks. Et de chaque nouvelle vision du film, on sort plus convaincu: Loulou, c'est bien elle.

    A tel point que parler du film, c'est parler de Louise Brooks, et inversement. Ce qui ne dévalorise en rien le travail de Pabst mais constitue au contraire une preuve de sa réussite. Car le sujet de Loulou-le film se confond avec Loulou-le personnage lui-même inséparable de Louise Brooks-la femme et actrice. Du début à la fin, passive mais désirante, elle est au centre, soumise aux regards qui l'admirent (la revue de cabaret) ou la jugent (au tribunal), troublant et séduisant tous ceux qu'elle croise sur son chemin. On pourrait n'y voir qu'un cliché sur la femme, créature tentatrice attirant les hommes, ces moucherons, comme une ampoule allumée sur laquelle ils viendraient se brûler les ailes, mais Louise Brooks s'empare de Loulou et la conduit bien loin de toute caractérisation facile. Et si le film raconte sa déchéance, Pabst n'en fait pas une punition méritée mais la filme, mélancolique, comme une inéluctable tragédie. Mêlant des éléments naturalistes à son style expressionniste, il communique admirablement sa fascination pour cette femme libre et mystérieuse égarée dans un univers sordide.

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    Loulou 

    Il faut attendre la fin quand le drame s’intensifie, dès la mort du mec mais surtout avec le meurtre de Loulou, pour que la réalisation devienne intéressante. Les dialogues sont inexistants, l’image prévaut, tout est visuel. Les séquences semblent d’abord être pensées avec une mise en place physique comme au théâtre, créant ainsi des images fortes : des corps enlacés, des attitudes dans l’espace ; puis la réalisation, la mise en place de la caméra vient se superposer à cette mise en place des corps : le montage, le choix des cadres. On imagine tout le travail de préparation : toutes les possibilités, les inconvénients offerts par le travail bien en amont.

    La question du raccord dans ce cadre se pose car une séquence est préalablement pensée en fonction d’un rythme et d’un style. Un plan commence-t-il par un mouvement ou par une sorte de point neutre, comme au théâtre où l’acteur ménage ses effets pour laisser le spectateur recevoir ce qui précède. Car si tous les raccords se font sur le mouvement, cela donne une impression de tunnel qui ne s’arrête jamais.

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ROBERT SIODMAK (1904 - 1973)