"Le privilège du cinématographe, c'est qu'il permet à un grand nombre de personnes de rêver ensemble le même rêve."(J.Cocteau)
miercuri, 27 ianuarie 2021
Visconti / LUDWIG (1973)
24 mai 2019
Ludwig – Le Crépuscule des Dieux (1973) de Luchino Visconti
TITRE ORIGINAL : « LUDWIG »
Ce film franco-germano-italien de Luchino Visconti évoque la vie de Louis II de Bavière, depuis son couronnement à l’âge de dix-huit ans, jusqu’à sa mort dramatique à quarante. L’homme fut, on le sait, une personnalité totalement atypique mais Visconti, loin d’insister sur ses extravagances et sa « folie », le présente comme un homme franc et sensible aux arts et à la beauté, perturbé certes mais sincère. Son Louis II veut aller jusqu’au bout de ses rêves artistiques sans prêter attention aux conséquences ; il dédaigne la politique, refuse autant que possible de régner. Il est empêché de vivre la vie qu’il souhaite, y compris et surtout en matière de sexualité : son homosexualité refoulée n’a d’égal que l’impossible amour envers sa cousine Sissi, son seul amour féminin, le rayon de soleil de sa vie. C’était le sujet parfait pour Visconti qui filme ce récit de façon grandiose et calme, avec de longs plans majestueux, prenant tout son temps pour nous faire ressentir l’atmosphère de cette quête d’absolu et aussi ce profond sentiment de désillusion, à force d’être déçu ou trompé, puis de désespoir. Helmut Berger fait une grande interprétation, habité par son personnage. Romy Schneider, qui s’était pourtant juré de ne jamais réincarner Sissi, est lumineuse. Visconti nous offre une vision différente de ce roi dont la « folie » était de rêver de beauté dans un monde de tensions et de guerres.
Solitaire, beau, élégant, racé, extrêmement mélancolique, Louis II n'a que peu de contacts avec ses parents.
Secrets d'histoire - Louis II de Bavière, le roi perché (Intégrale) Doc.Video
Helmut Berger dans Ludwig – Le crépuscule des Dieux de Luchino Visconti.
Helmut Berger et Romy Schneider dans Ludwig – Le crépuscule des Dieux de Luchino Visconti.
Helmut Berger, Romy Schneider et Nora Ricci dans Ludwig – Le crépuscule des Dieux de Luchino Visconti.
Remarques : * Le film est d’abord sorti dans une version réduite à 180 minutes mais nous pouvons voir aujourd’hui la version complète de 238 minutes. * Intitulé Le Crépuscule des dieux à sa sortie en France en référence à l’opéra de Wagner, le film fut renommé par la suite Ludwig : Le Crépuscule des dieux pour éviter la confusion avec son film précédent Les Damnés, dont le titre original La caduta degli dei et le titre anglais The Damned (Götterdämmerung) sont respectivement les titres italien et allemand de l’opéra. * Luchino Visconti fut victime d’un accident vasculaire cérébral pendant le tournage de Ludwig qui le laissa à moitié paralysé. * Le film a été tourné en anglais. Les versions en italien sont doublées. * Les Damnés (1969), Mort à Venise (1971), Ludwig (1973) devaient être complétés avec l’adaptation de La Montagne Magique de Thomas Mann pour former une tétralogie inspirés par Wagner et Mann. Pour des raisons de santé, Luchino Visconti ne put hélas mener ce dernier projet avant sa mort en 1976.
Trevor Howard est Wagner dans Ludwig – Le crépuscule des Dieux de Luchino Visconti.
Romy Schneider dans la Grotte de Vénus du Château de Linderhof, une grotte entièrement artificielle aménagée par Louis II de Bavière pour recréer l’ambiance de l’épisode du Venusberg de l’opéra wagnérien Tannhäuser. Un orchestre peut y jouer dissimulé par des rochers.
Romy Schneider et Nora Ricci montent le superbe escalier des Ambassadeurs du Château de Herrenchiemsee dans Ludwig – Le crépuscule des Dieux de Luchino Visconti.
Gert Fröbe et Helmut Berger dans Ludwig – Le crépuscule des Dieux de Luchino Visconti.
Louis II de Bavière au cinéma : – Das Schweigen am Starnbergersee, film muet de Rolf Raffé, 1920. – Ludwig II, film muet du cinéaste autrichien Otto Kreisler, 1922. – Ludwig II, König von Bayern de Wilhelm Dieterle, 1930. – Louis II de Bavière (Ludwig II: Glanz und Ende eines Königs), film allemand réalisé par Helmut Käutner en 1955. – Ludwig ou le Crépuscule des dieux (Ludwig), film franco-germano-italien réalisé par Luchino Visconti en 1972. – Ludwig, requiem pour un roi vierge (Ludwig, Requiem für einen jungfraulichen König) d’Hans-Jürgen Syberberg, 1972. – Ludwig 1881 de Fosco et Donatello Dubini, avec Helmut Berger, 1993. – Ludwig II, film allemand de Peter Sehr et Marie Noelle, avec Sabin Tambrea, 2012.
Pour mon retour, après 3 semaines d'absence sur ce blog, je ne pouvais pas ne pas vous recommander à nouveau "Ludwig - Le Crépuscule des Dieux", le chef d'oeuvre de Luchino Visconti, ressortie de l'été en salles depuis le 3 août et notamment projeté au cinéma Saint Germain des Prés (22 rue Guillaume Apollinaire, 75006 Paris), récemment rénové. Séances tous les jours à 11H30, 15H45 et 20H.
Ce film est également projeté au cinéma Le Balzac à 14H20 et 19H50.
Critique de "Ludwig - le Crépuscule des Dieux" : un opéra funèbre d'une vertigineuse beauté
Aparès mon dossier sur « Le Guépard », je vous propose aujourd’hui la critique d’un autre chef d’œuvre de Luchino Visconti, son dernier (même s’il réalisa encore deux films ensuite) datant de 1972 : « Ludwig ou le Crépuscule des dieux ». Coproduction italienne, française et allemande, il s’agit du dernier volet de sa trilogie allemande également composée des « Damnés » (1969) et de « Mort à Venise » (1971). Visconti voulait initialement réaliser l’adaptation de « A la recherche du temps perdu » de Proust mais, faute de financements, en attendant que ce projet puisse voir le jour, il décide de tourner « Ludwig ». D’une durée initiale de 3H40 le film sort en France avec une durée de 3H, encore davantage malmené, contre les vœux de Visconti, pour la sortie en Allemagne. Après la mort de Visconti, le film est vendu aux enchères par les producteurs en faillite et est adjugé pour 68 millions de lires à des proches du cinéaste qui se cotisent, avec le soutien de la RAI, afin de récupérer l’intégralité des bobines. Après la mort de Visconti, Ruggero Mastroianni et Suso Cecchi d’Amico remonteront une version approchant des quatre heures et dix minutes d’origine.
Ludwig (Helmut Berger) c’est le portrait tragique du roi Louis II, devenu, à 19 ans, en 1864, roi de Bavière, royaume allemand encore autonome, entre la Prusse et l'empire austro-hongrois. Sa rencontre avec Wagner (Trevor Howard), la même année, va bouleverser l’existence de l’un et de l’autre. Le roi y trouvant une amitié et un sujet d’admiration, le compositeur un riche et puissant mécène contribuant à son succès. Epris de sa cousine l’impératrice Elisabeth d’Autriche (Romy Schneider) qui, comme Wagner, le décevra, il se fiance avec sa sœur Sophie (Sonia Petriva) avant de rompre les fiançailles puis de sombrer dans la solitude et la démence.
Comment parler d’un film dont chaque plan est un tableau somptueux et dont chaque seconde est un hymne à la beauté qui imposent le silence ? Comment rendre hommage à ce chef d’œuvre fascinant ? Aucun mot sans doute ne pourra transcrire ce que les images de Visconti célèbrent magnifiquement, visuellement et musicalement. Dès les premiers plans, cela vous heurte et vous subjugue tout à la fois, et vous coupe le souffle : une magnificence visuelle tragique et ensorcelante. Le visage du roi, d’une beauté d’abord jeune mais grave et mélancolique déjà. Des scènes entrecoupées de plans fixes de témoins de l’Histoire et de son histoire qui s’expriment face à nous, le visage à demi dans la pénombre, voilé à l’image de la vérité que, sans doute, ils trahissent. Ils nous prennent alors à témoin de la folie de ce roi ou en tout cas de ce que eux appellent folie et ne pourront, de leur médiocrité, sans doute jamais comprendre : son goût des arts, de la beauté, de la liberté. Comment pourraient-ils comprendre ce roi épris de liberté et prisonnier des conventions de son rang ? Comment pourraient-ils comprendre ce roi si différent d’eux : homosexuel, esthète, amoureux de la liberté et des arts ?
Tandis que tout se décompose : son visage, son pays, son entourage, ses dernières illusions reste cette beauté inaltérable de l’art mais une beauté hantée déjà par la fatalité et la mort, une beauté douloureuse soulignée par la somptuosité des décors et des costumes. Des salons byzantins de Neuschwanstein à la grotte de Linderhof aux galeries de miroirs de Herrenchiemsee, la caméra de Visconti, accompagnée de la musique de Wagner (Tannhäuser ; Tristan und Isolde) ou de Schumann (Kinderscenen), en caresse les lignes baroques, admirables, raffinées et extravagantes, la beauté démesurée et tragique, nous émouvant aux larmes comme Ludwig l’est par la musique de Wagner.
Si, malgré la décomposition du monde de ces dieux au crépuscule (le Crépuscule des dieux est le nom d'un drame musical de Wagner) qui l’entourait, la beauté était la dernière lueur de l’espoir chez le Prince de Salina dans « Le Guépard », elle est ici désespérée mais non moins éblouissante, signe d’une immortalité impossible, ce à quoi les châteaux plus spectaculaires les uns que les autres que fit construire le roi ne changeront rien.
Ludwig c’est donc Helmut Berger à la fois fragile et hautain, solitaire et exalté, puissant et perdu, en force et en retenue. Au fur et à mesure que les années s’écoulent, que les désillusions s’accumulent, que son idéalisme choit, le visage et le regard de l’acteur s’imprègnent de plus en plus de gravité, de déchéance, de noirceur mais il gagne aussi notre sympathie, nous, juges impuissants pris à témoin. Face à lui Romy Schneider prend sa revanche sur les Sissi, ce personnage candide et frivole dont elle a si longtemps voulu se détacher qu’elle incarne ici à nouveau mais tout en mystère, ambigüité. Impériale impératrice qui semble voler plus qu’elle ne marche tel un cygne noir, élégant, gracieux, sauvage qui ressemble tant (trop) au Ludwig des premières années.
Visconti, trois ans avant sa mort, comme un écho testamentaire, nous livre une subtile mise en abyme qui interroge et illustre la beauté de l’art, une symphonie visuelle et sonore, un chant de désespoir, un film d’une flamboyance crépusculaire, une réflexion ardente et vertigineuse sur l’art, la solitude, la folie enchaînés douloureusement et sublimement sur la musique de Wagner, comme en une fatale étreinte. Un hymne à la beauté des corps et des âmes, fussent-elles (ou surtout car) torturées. Un hommage à l’art. Au sien. A celui dont la beauté transcende ou isole. A celui qui perdra un roi, héros romantique, trop sensible, trop exalté, trop différent. Le portrait d’un roi à son image, un opéra funèbre à la beauté inégalée, sombre et éblouissante, et qui lui procure ce qu’il a tant et mortellement désiré : des accents d’éternité.
En 1973, Luchino Visconti conclut sa « trilogie allemande » commencée par Les Damnés et Mort à Venise avec Ludwig, évocation du destin de Louis II de Bavière, de son couronnement (1864) à sa mort (1886). Helmut Berger, amant et interprète de Visconti, incarne un Ludwig rêveur, visionnaire et poétique et livre la composition de sa vie.
Visconti conteste l’idée même de reconstitution historique, malgré le faste et le perfectionnisme qu’il accorde au moindre détail, notamment dans le choix des décors – le film fut essentiellement tourné dans les lieux où vécut le roi de Bavière. Ludwig s’apparente davantage à un essai sur le pouvoir qu’à un classique – aussi somptueux soit-il – film à costumes, avec son chapelet de vedettes internationales. C’est aussi une méditation sur le déclin de la culture humaniste en Europe, initiée dans Les Damnés. Visconti filme la mort des dieux, des princes, et l’arrivée des monstres. Les Damnés empruntait la forme d’une hallucination cauchemardesque, Ludwig celle d’un songe funèbre. Visconti fait régulièrement surgir de l’obscurité les visages de ceux qui distillent la parole officielle sur Ludwig (fou, malade, irresponsable, inapte à gouverner, décadent) après sa mort mais que le cinéaste désigne implicitement comme les assassins du monarque, retrouvé mystérieusement noyé. Il impose sa vision d’un Ludwig admirable en dépit de ses faiblesses, véritable héros de l’idéal post-romantique.
Le tournage titanesque accouche d’une œuvre monstre, sans doute la plus géniale de son auteur mais qui sera, une nouvelle fois, un véritable gouffre financier. Le film connaîtra de sévères coupes lors de sa distribution internationale et ce n’est qu’après la mort de Visconti que nous pourrons contempler cette œuvre grandiose dans une version de quatre heures, la plus proche possible de celle rêvée par le cinéaste grâce à l’acharnement de certains de ses proches collaborateurs, et qui circule désormais en salles et en DVD.
Rétrospective Luchino Visconti jusqu’au 12 novembre à la Cinémathèque française.
Ludwig y sera projeté une dernière fois vendredi 10 novembre à 14h30.
Ce fut, réellement, le crépuscule d’un dieu. En 1972, alors qu’il tourne « Ludwig », Luchino Visconti est victime d’un AVC, qui le laissera en partie paralysé. Le film est conçu comme une fresque historique majestueuse et baroque, un opéra de la folie, mais aussi comme un cadeau à son amant Helmut Berger, qui a mal pris le nouveau projet de Visconti, l’adaptation de Proust. Du coup, « A la recherche du temps perdu » rejoindra la pile de scénarios non réalisés, et l’histoire de Louis II de Bavière, le souverain halluciné d’un royaume de conte de fées, prendra le pas. Et le résultat est magnifique. Les décors des spectacles, les jardins d’agrément, les châteaux en dentelle, les costumes de fantaisie, tout désigne l’extase, la pompe et, aussi, l’homosexualité flamboyante de Ludwig, qui fut le cousin de Sissi et l’ami de Richard Wagner. Son décès à 40 ans, après son internement, reste, jusqu’à ce jour, obscure…
Après « Mort à Venise », Visconti reprend l’évocation d’un passé qui se désagrège (comme dans « le Guépard », son chef-d’œuvre) et soulève un pan d’une histoire cachée (les amours d’une société pervertie sexuellement). Hélas, le réalisateur cède alors à la mode des zooms, tics visuels qui pourrissent nombre de films des seventies, notamment « les Damnés ».
Par chance, « Ludwig » reste un très grand film, malgré les différentes coupes effectuées. Car, par malchance, le distributeur de l’époque, craignant un retour de bâton des conservateurs (qui contestent l’homosexualité du personnage), a décidé de couper une heure, à la sortie. Résultat : différentes versions, dues à la collaboration de la scénariste Suso Cecchi D’Amico et du monteur Ruggero Mastroianni, ont vu le jour. C’est évidemment la version la plus longue qui est considérée comme la plus authentique. Hélas, à regarder de près, elle est mal maîtrisée, comme si on avait rajouté tout ce qui traînait, histoire de faire le plein. Visconti, mal en point, n’eut pas son mot à dire. Au spectateur de faire le tri.
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CRITIQUE
Le Ludwig de Visconti sort du crépuscule. Sur Arte, à 20h45, un chef-d'oeuvre du réalisateur, longtemps film tronqué. ""Ludwig II - Le Crépuscule des dieux"".
Par Frédéric Bonnaud — 18 mars 1996 à 02:36
Le Ludwig de Visconti sort du crépuscule. Sur Arte, à 20h45, un chef-d'oeuvre du réalisateur, longtemps film tronqué. ""Ludwig II - Le Crépuscule des dieux"".
Nous ne verrons jamais l'adaptation de A la recherche du temps perdu
que devait réaliser Luchino Visconti, mais il reste Ludwig pour se consoler. En effet, l'un s'est substitué à l'autre. Au dernier moment, alors que le scénario était prêt, les repérages effectués et le casting réuni, d'inextricables difficultés financières ont amené Visconti à renoncer à Proust pour se tourner vers Louis II de Bavière. Bien que fasciné depuis longtemps par le personnage, il ne concevait ce film que comme un intermède, avant sa version de A la recherche. Ce sera son dernier chef-d'oeuvre. Mais Ludwig, troisième volet de sa trilogie allemande, après les Damnés et Mort à Venise, ne fut longtemps que le Crépuscule des dieux, un film amputé et maudit.
Le cinéaste en fut la première victime. De retour à Rome, après quatre mois d'un tournage épuisant en décors naturels, Visconti est frappé par une attaque le 27 juillet 1972. Rétabli, il se met au montage de Ludwig, coupe des séquences entières et arrive à une version de quatre heures. Affolés, les producteurs refusent de diffuser le film en deux parties. Il sera réduit à trois heures, remonté avec une structure en flash-back que détestait Visconti et connaîtra un cinglant échec commercial et critique. Jusqu'à sa mort, Visconti refusera de le revoir. Il faudra attendre l'été 1983 pour que sorte en salles la version intégrale, restaurée par Ruggero Mastroianni, le monteur, et Suso Cecchi d'Amico, la coscénariste et amie fidèle. Ainsi, Ludwig nous est rendu tel que Visconti l'avait conçu. Son passage sur Arte, et sa réduction au petit écran, permettent paradoxalement de lui rendre justice des clichés trop commodes de «film-opéra» et de délire visuel gratuit qui lui collent à la peau.
Comme Citizen Kane, c'est plutôt un faux film-enquête, qui part de témoignages parcellaires pour tenter de saisir le mystère d'un homme. Dès le début, un visage sort du noir pour dire tout ce qu'il sait sur le roi défunt: rien. En tournant autour de son personnage, à l'opposé des rapports secs et trompeurs qui rythment le film comme autant de fausses pistes, Visconti le construit pas à pas, par approches et éloignements successifs (d'où les constants effets de zoom). Si, comme toujours chez ce cinéaste de la précision, les tiroirs doivent être pleins d'objets qu'on ne voit jamais et les bijoux du couronnement venir de chez Bulgari, c'est pour se concentrer sur l'essentiel: la figure humaine.
Dans la sublime première séquence avec Elisabeth d'Autriche (Romy Schneider), Ludwig et sa cousine sont deux enfants perdus dans la nuit. Ils sont très beaux. En filmant la rapide décrépitude des traits parfaits d'Helmut Berger, Visconti enregistre un lent processus de déperdition, l'histoire d'un visage. Ludwig veut faire passer sa beauté dans le monde, l'extirper de lui pour l'inscrire ailleurs. Son idéal n'est pas politique mais esthétique. Ça en fait un très mauvais souverain mais un grand créateur, ou plutôt un producteur idéal. A Wagner, il offre sa fortune pour que les visions de son poète préféré deviennent réalité. Puis, en construisant des châteaux somptueux, il édifie les décors nécessaires à l'accomplissement du héros wagnérien qu'il veut devenir. Comme Visconti, Ludwig est un grand artiste. Mais un artiste sans art, éternellement seul, unique spectateur de sa vie. Avec Ludwig, Visconti réussit mieux que jamais l'exploit de subordonner le spectaculaire à l'intime. Là où tout (le sujet, le personnage, la légende, le cadre) le poussait à la magnificence tape-à-l'oeil, au monumental, il opte pour le plus rigoureux dépouillement. On s'attendait à une fresque, on se retrouve face à un portrait. On ne peut que pleurer en le contemplant.
Frédéric Bonnaud
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Davidhem
Publiée le 20 février 2012
Après avoir visionné un tel film, on en sort ébloui à la fois fasciné par la réalisation de Luchino Visconti et l'interprétation d'Helmut Berger dans la peau de Louis II de Bavière. Le spectateur assiste à un destin hors du commun, celui d'un homme qui commence son règne à l'âge de dix-neuf ans et qui le termine de façon dramatique. Luchino Visconti nous montre un homme sincère, rêveur, franc, sensible à la beauté des arts et particulièrement celui de la musique. Etrangement, cet homme décrit dans le film représente le portrait d'un enfant qui réalise ses rêves sans songer à ses responsabilités ni aux conséquences financières de ses actes certes raffinés dans leur but mais qui provoquent petit à petit sa décrédibilité au sein du peuple et au sein de ses propres ministres. Le film montre que le monarque était très amoureux d'Elisabeth d'Autriche qui s'avérait être sa cousine. Cette dernière, restée célêbre dans l'histoire pour avoir choqué les moeurs de l'époque avec son ton sincère et son envie de croquer la vie à pleine dents durant son existence, utilise en effet ses charmes pour envoûter son cousin. Il faut avouer que tomber amoureux de Romy Schneider dans la peau d'Elisabeth n'est pas un acte fou. Mais l'idée d'épouser un membre de sa famille était considéré comme tel et comme Sissi aimait son cousin, elle ne voulait pas l'entraîner dans cette spirale infernale. Toujours est-il qu'à partir de ce moment, toutes les illusions du roi qui avaient été forgées sur le romantisme avec les femmes s'éteignit soudainement. Cependant, Louis II de Bavière concevait la relation avec les femmes de façon enfantine dans le sens où le sexe ne l'intéressait pas. Ce qui l'intéressait, c'était la beauté, le luxe, l'or, l'architecture du château de Versailles et les relations avec des hommes qu'il jugeait extraordinaires soit au niveau de la beauté physique soit à celui du génie artistique. Son homosexualité et cette façon de gouverner déplaisait à ses ministres et ces derniers ne furent pas étrangers à la fin de son règne, attirés par le pouvoir et les arrangements. L'histoire nous avait appris que Louis II de Bavière s'était suicidé aux alentours d'un hôpital psychiatrique dans lequel il séjournait, Visconti lui laisse planer le doute à cette mort, ceux qui verront le film comprendront pourquoi. Au final, Luchino Visconti délivre son film le plus hallucinant qu'il a réalisé, un chef-d'oeuvre indémodable dans le registre de la fresque historique!
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5,0 Publiée le 26 juin 2017
"Ludwig ou le crépuscule des dieux" s'inscrit dans la tétralogie allemande que Luchino Visconti n'aura pu mener à son terme. Jugé bien trop long par certains critiques; le film aura connu plusieurs versions au fil des ans. Noble lui-même, Visconti était sans doute le seul capable de rendre le faste de la cour de Bavière au temps de Louis II, son dernier roi, incapable de comprendre les mutations induites par la Révolution Industrielle et se croyant encore au siècle des Lumières où les monarques tel Louis XIV (Louis II était très francophile) étaient encore bâtisseurs de châteaux. Avec un luxe de détails, Visconti montre tout l'apparat de façade qui entoure le jeune Ludwig et l'amène à céder à tous ses penchants qui le poussent davantage vers un génie comme Richard Wagner (remarquable Trevor Howard) non dénué d'arrières pensées mercantiles que vers les enjeux géopolitiques qui se jouent en Europe centrale sous l'égide du chancelier de Prusse Otto Von Bismarck bien décidé à annexer le petit royaume ( ce qu'il réussira à faire suite au conflit de 1870). Complètement en décalage avec son temps et fortement culpabilisé par une homosexualité longtemps refoulée, le jeune monarque est dès le début de son règne prisonnier d'un engrenage fatal dû autant à son aveuglement qu'à l'hypocrisie peut-être calculée de ses ministres. Visconti qui n'aime rien tant que ces destins brisés face à la grande histoire qui lui rappellent le déclin de sa propre famille et à ce moment précis, sa propre déchéance physique (il mourra à peine quatre ans après la fin du tournage), se plait, se complait diront certains, à lentement défigurer son jeune amant. Helmut Berger qui quoique acteur médiocre se montre sous la baguette du maître tout simplement prodigieux. Certains lui reprocheront un opéra morbide un peu vain qui s'étire en longueur, mais l'écrin est tellement sublime que pour une fois c'est peut-être du flacon qui provient l'ivresse. Enfin, à côté d'Helmut Berger beau comme un dieu, revoir Romy Schneider à la beauté incendiaire incarner à nouveau une Sissi assagie et sûre de son charme est un plaisir qui ne se refuse pas.
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Enfin j'ai réussi à mettre la main sur la version allemande de près de quatre heures que j'avais vu il y a des années de ce chef d’œuvre. La seule facilement disponible jusqu'ici était l'italienne mais franchement quelle aberration d'entendre Louis II de Bavière et Élisabeth de Wittelsbach parler la langue de Dante entre eux. Aberration d'autant plus grande que mise à part Silvana Mangano aucun italien n'a un rôle important dans ce film et que Visconti était plus à une période où il se réclamait des Mahler, des Schumann, des Wagner bien sûr et des Thomas Mann que des Verdi ou des Rossini. Il était inévitable que la grandeur baroque de Louis II de Bavière ne croise pas celle de Luchino Visconti, il était inévitable que ce même Louis II de Bavière ne soit pas incarné par Helmut Berger dont la ressemblance physique avec son modèle est très troublante, et il était inévitable que Romy Schneider ne joue pas enfin une vraie Sissi à mille lieues de celle rose bonbon tête à claques dont une réplique sur deux est de dire d'un air énamouré "Oh Franz !". Bref on a vraiment l'impression en visionnant cette oeuvre que Louis II et Sissi ont vécu juste pour que Luchino Visconti en fasse un jour un film. La perfection et la splendeur absolues au niveau de la reconstitution, choix de la musique, décors, costumes, coiffures, objets (interdiction de parler d'accessoires pour un Visconti !!!), images (ces paysages neigeux nocturnes, inoubliables !!!), cachet habituel du cinéaste, sont bien évidemment plus-que-jamais présentes. Ses thématiques à base de mort, de solitude et de dégénérescence le sont aussi. Ce qui fait que c'est autant une réussite totale en tant que portrait clinique d'un homme qui est loin d'avoir révéler tout son mystère qu'en tant que fresque historique crépusculaire. "Ludwig ou le Crépuscule des dieux" est incontestablement une des plus belles merveilles de l'Histoire du cinéma.
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Derrière ses décors fastes et superbes ils se dissimule quelque-chose à l'intérieur de Ludwig, comme extirpé du cœur de Visconti et placé là-dedans. Écartelé jusqu'à être déchiré par ce que lui demande un tel pouvoir, Ludwig ne fera que dissimuler sa nature. Il doit être comme il le dit si bien un mystère pour les autres et pour lui-même. Le sang à l'intérieur de son corps et qui le fait vivre ne sera perçu d'aucune personne tant il veillera à ne pas faire trembler en lui ce qui ronge son âme et ce qui l'anime. Tout le long il ne pourra pas trouver le bonheur parce-qu'il ne pourra pas être ce qu'il est. Je pense que Visconti au-delà de montrer un Homme qui rends son âme invisible pour pouvoir préserver son pouvoir a voulu représenter une réalité du monde qui est de ne pas s'avouer soi-même pour pouvoir paraître suffisamment normal pour se faire des amis. Peut-être que je surinterprète, mais je pense que c'est cela que le réalisateur a voulu viser et critiquer: tous les Hommes sont amenés à se ressembler et ceux qui sont différents doivent rendre invisible la différence pour pouvoir s'intégrer. En ce sens, aucune dérogation ne doit se faire, il faut être aussi ennuyeux et peu vivants que toute ces personnes autour. Sinon, on prendra cela pour frénésie et folie. Ludwig pour se faire aimer et pour asseoir son autorité doit lui même effacer tout ce qui en lui ne ressemble pas à tout le monde. Je trouve qu'en cela Visconti tisse des thèmes très intéressants autour d'un personnage qui aurait besoin d'une fracture et sûrement d'excentricité en plus pour se sentir bien dans un monde entouré d'autant de conventions. Et aussi ennuyeux et peu attrayant. Ludwig est un film très beau, les costumes, les décors, la mise en scène de Visconti offrent un spectacle sublime. Les plans sont d'une beauté impeccable. Arrivant très bien à doser son film entre moments sérieux et quelques scènes présentant une harmonie, le réalisateur ficelle une grande oeuvre dont l'histoire est aussi passionnante que le rendu.
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Publiée le 10 février 2008
On m'a souvent présenté "Ludwig" comme étant l'un des meilleurs (si ce n'est le meilleur) Visconti... Réalisée en 1973, cette fresque monumentale m'a pourtant (alors que je suis un grand admirateur du cinéaste) très profondément ennuyé, à tel point que je ne suis pas parvenu à aller au bout des quatre heures de métrage, désolé. Cependant, je pense en avoir vu largement assez pour le critiquer et dire ce qui ne m'a pas plu. A l'inverse de ses oeuvres habituelles, le metteur en scène ne fait jamais preuve d'aucune audace et exécute platement un scénario très dense, construisant visuellement son film autour de qualités techniques certes indéniables mais qu'il a déjà exploité à maintes reprises, à la différence près qu'il n'y avait cette fois pas de variantes, d'améliorations comme dans ses précédents chefs-d'oeuvre. J'ai d'ailleurs envie de renvoyer "Ludwig" à la critique générale que Godard faisait du style Viscontien qui ne m'avait encore jamais semblé juste mais qui malheureusement trouve tout son sens ici : le grand Luchino a cédé à la facilité c'est indéniable et orchestre mollement des personnages brassant vaguement des thèmes qu'il a exploré au cours de sa fructueuse carrière, ici présentés de façon très superficielle. Quant à ces robes, costumes et autres décorations inimaginables, elles vont et viennent sans émotion, donnant plus l'impression que l'oeil du réalisateur s'est affaibli en qualité alors qu'il n'a cessé de grossir dans sa mégalomanie. Car c'est la principale impression que procure "Ludwig" : mégalomane jusqu'au dégoût, grandiose à ne plus faire passer aucun sentiment, prétentieux jusque dans le titre "Le Crépuscule des Dieux". Visconti avait à mon sens ici pété les plombs, délaissé la création pour le gigantesque, refilant la nausée à un spectateur s'ennuyant souvent devant des scènes beaucoup trop explicites, manquant de finesse et de subtilité, comme l'ensemble d'une oeuvre terriblement convenue et académique dans son traitement. Très décevant.
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On est pris à la gorge, éberlué tant une telle qualité s'est raréfiée en salles ! Enfin, pour qui préfère le subtil au sensationnel, fonctionne, peu avare sur la marchandise savamment déballée dès lors qu'elle embarque en douceur. Dans un constant balancement entre rêve et réalité... Là où il faudrait se frotter les yeux en basculant du terre-à-terre au fantastique, Visconti trouve la fluidité... Il y a des ruptures à l'image, eh bien soit, on bascule, confiants puisqu'il y a aussi cette malice (grognement du monarque, mimique du comédien tenu à l'amuser sans dormir) qui annonce qu'il s'agit d'une fiction et qu'on va en avoir pour son argent. Le couple-fétiche (Schneider-Berger) est inoubliable de similitude physique dans l'adversité, d'abord cousins racés jouant à qui perd gagne, puis brouillés par orgueil et cependant jumeaux jusqu'à l'os. Tout sonne juste si l'on tient dans la durée (défaut majeur, supériorité du dvd permettant deux séances !). On se surprend à penser que l'homosexualité masculine sied même à ce monarque à démarche androgyne, les épreuves lui féminisent l'allure, il déraille, visage ramolli, dents de devant cariées ! Ce n'est jamais sordide pour autant. Un ballet permanent, finement orchestré, on guette le thème sonore principal tout en appréciant d'autres apports, toujours aussi fluides... Une manière incomparable de déployer le décor, avec une profondeur de champ d'une ironie évidente quand ça débouche sur "pas âme qui vive"... Des costumes impeccables et le maintien qui convient pour les porter, stoïque dans la glaciale Bavière (les voilettes de l'impératrice !)... Assortis à ces trouvailles, plein de petits bruits qui font vrai (crépitement des torches, jappement canins (ou... gloussements féminins dans des galeries désertes !). Rien n'est là juste pour faire joli, tout prend sens, parfois un peu plus tard (ce parapluie noir sur le ciel comme ailes de corbeau !). Les yeux écarquillés, aucune miette ne doit être laissée. C'est tellement bien fichu qu'on se figure à l'intérieur des scènes, juste dans les pas du cadreur, comme ces gosses qui montent en manège, on accueille ces chevaux harnachés, on prend place à bord de ces vaisseaux silencieux, on s'approche des cygnes, on joue du violon dans les escaliers avec Wagner, on peigne ces interminables chevelures lors d'une querelle et on suit cette traîne montant le tapis rouge... Somptueux film au son, à l'image, qui relate en la personnalisant sans jamais la défigurer une page d'histoire en insistant sur l'éternel dilemme politique des traités à signer entre voisins... Une folie de souverain qui peut se comprendre... Ce film c'est le déluge, entre ambivalence amoureuse, facettes du pouvoir, rôles des conseils dans l'ascension, dans le déclin, études de caractères, écart entre paroles et gestes... Sans violence pour rameuter et toujours plaisant grâce à la succession de chroniqueurs marquant les étapes. Le chef-d'oeuvre de Visconti à amener sur l'île déserte. Pas une seule ride en 2012
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3 septembre 2008
LUDWIG de LUCHINO VISCONTI
La restitution de la version originale de Ludwig ou le crépuscule des dieux de Luchino Visconti, film testament tourné trois ans avant sa mort, est une initiative heureuse. A l'époque, le cinéate travaillait à une adaptation de A la recherche du temps perdu de Marcel Proust et, dans l'attente du financement qui finalement ne se concrétisera jamais, avait décidé de tourner Ludwig. Mais ce nouveau projet rencontrera à son tour des difficultés économiques et nécessitera une coproduction entre l'Italie, la France et l'Allemagne. Le tournage aura lieu du 31 janvier au 15 juin 1972 avec le soutien de la famille Wittelsbach et des autorités bavaroises, l'une prêtant de nombreux souvenirs familiaux, l'autre accordant l'autorisation de tourner en décor naturel. A l'époque, une biographie sur un roi protecteur des arts, rêveur et hostile à la guerre, semblait un excellent moyen de contribuer à l'effacement des mauvais souvenirs nazis.
Au moment du tournage, Visconti, âgé de 64 ans, est victime d'une attaque. Malgré tout, à force de volonté, il terminera le montage d'une oeuvre qui dure plus de 4 heures. Bien entendu, les producteurs refuseront de distribuer un film aussi long. Visconti propose alors de le diviser en deux époques de deux heures chacune, mais le film finit par sortir en une version tronquée en 1973. En Allemagne, la version sera réduite à deux heures dix et on coupe volontairement toutes les scènes qui font allusion à l'homosexualité du souverain, tandis qu'en Grande-Bretagne et en France, c'est une version de deux heures qui est diffusée. L'accueil de la critique sera excellent et Claude Mauriac n'hésitera pas à parler du génie de Visconti et Jean-Louis Tallenay, apprenant les problèmes de santé du cinéaste, écrira : " Le crépuscule des dieux ressemble à un testament tragique d'un auteur hanté par la mort qui dénonce toutes les raisons de vivre, tout amour, toute foi en l'avenir et même ce dernier refuge : l'art, la musique, le théâtre auxquels il a voué sa vie, tous parlent de tragédie."
Visconti disparaît trois ans plus tard sans avoir revu Ludwig et sans avoir pu y retoucher. Le film est vendu aux enchères par les producteurs en faillite et est adjugé pour 68 millions de lires à des proches du cinéaste qui se cotisent, avec le soutien de la RAI, afin de récupérer l'intégralité des bobines. C'est grâce à eux que nous pouvons le revoir dans sa version originale et non amputée d'une part de ses scènes ; oeuvre d'une beauté stupéfiante et riche d'une dramaturgie magistralement interprétée par Helmut Berger, saisissant dans le rôle de Louis II de Bavière, et par une Romy Schneider absolument impériale.
Ce long métrage, immergé dans des paysages et des décors d'une splendeur incroyable, est parcouru par les musiques de Schubert et Wagner comme une symphonie tragique et puissante, où l'on voit un roi changer sa vie en légende et poser à la face d'un monde, entré en agonie ( ce sera celle de 1914 ), l'énigme d'une mort annoncée et sublimée. Pas un seul plan qui ne soit un tableau, une seule image qui n'exerce sur nous son irrésistible séduction. Fascination aussi d'un personnage que la réalité des choses ne peut combler et qui s'évade du quotidien dans un songe exaltant et désespéré et s'invente un univers où les arts sont présents, principalement l'architecture, la poésie et la musique. Et quelle poésie, quelle musique ? Celle de Wagner bien sûr, le maître incontesté qui offre au roi un autre royaume, celui des sons. A eux deux, ils vont transformer la Bavière en un pays qui, aujourd'hui encore, fascine les touristes, lieu mythique et quasi imaginaire où l'on se rend pour retrouver tout ensemble le magicien de Bayreuth et les châteaux hantés par le roi fou. Mais fou, l'était-il ce prince qui aspirait à régénérer la culture allemande et rêvait d'un monde idéal et pacifié, gouverné par les arts ? Ce rêve ne pouvant se réaliser, Louis II assiste impuissant à l'éloignement de ses proches et de sa cousine bien aimée Elisabeth qu'agace l'influence de plus en plus grande que le musicien exerce sur lui et se réfugie chaque jour davantage dans la solitude et bientôt la démence, devenant un étranger pour lui-même et les autres. Itinéraire déchirant d'un être hyper sensible et vulnérable qui cherche son épanouissement dans l'inaccessible et se refuse à obéir aux impératifs de sa fonction.
Helmut Berger campe ce héros avec une force impressionnante. Il est Louis II tout autant dans sa démesure que dans ses faiblesses, dans sa folie que dans sa clairvoyance, lorsqu'il envisage un monde meilleur qui saurait placer la beauté au-dessus des rivalités de cour et des soucis mercantiles. Il nous apparaît tour à tour insupportable et bouleversant, hautain et timoré, indifférent et passionné, et imprègne la pellicule de sa présence obsédante, de même qu'il nous hante de sa complexité grandiose, de ses regards, de ses attitudes, tandis que Romy Schneider traverse le film inaccessible et déjà happée par son implacable destin.
- Je vais rester à jamais une énigme, pour les autres, et même pour moi. » (Ludwig)
En 1974, Henri Langlois, toujours en quête de pièces rares pour son musée du cinéma, téléphone à Luchino Visconti pour lui demander d’envoyer son exemplaire personnel du scénario de tournage de Ludwig ou le crépuscule des dieux (1973), son dernier film en date. Visconti rétorque à Langlois qu’il n’annote jamais ses propres scénarios durant un tournage. Mais il lui conseille vivement de prendre contact avec Renata Franceschi, sa scripte, dont le scénario est, dit-il, le plus complet qui soit. Épouse d’Albino Cocco, premier assistant du cinéaste sur une dizaine de films, c’est sur le tournage de Rocco et ses frères (1960), qu’elle rencontre et scrute Visconti au travail. Ce n’est qu’en 1970 qu’elle débute comme scripte, sur Les Cannibales de Liliana Cavani. Dès que le metteur en scène l’apprend, il souhaite travailler avec elle. Dès lors, de l’aveu de Renata Franceschi « nous ne nous sommes plus quittés ». Son scénario de tournage, confié (le dépôt a été transformé en don en 2014) à la Cinémathèque française et aujourd’hui conservé sous la forme de trois classeurs épais, donne à voir le projet du film dans son intégrité et sa totalité. Renata Franceschi est également responsable du remontage de Ludwig, quelques années après la mort du cinéaste, dans une version proche de ce que désirait initialement le maestro, dont le film fut écourté lors de sa sortie en salle à l’époque dans une version, qui de l’avis des proches collaborateurs du cinéaste, défigure le projet d’origine. Œuvre démiurgique, fiévreuse, flamboyante et fascinante, parfois qualifiée de « décadentiste ». Ludwig reste à part dans la carrière du cinéaste, de par son ambition artistique, son statut de film maudit, mais également du fait des nombreuses turpitudes advenues pendant sa préparation, sa réalisation, et ses différents montages !
Lors d’un entretien réalisé en 2013 à la Cinémathèque française par Régis Robert, chef du service des archives et Valdo Kneubühler archiviste, Renata Franceschi précise que c’est pour elle un « travail de mémoire » : « Parler de Visconti, c’est toujours actuel, important, et c’est nécessaire, et je suis l’une des dernières survivantes » à l’avoir côtoyé. Elle est donc un témoin et un acteur de première importance pour comprendre l’énigme de Ludwig.
LE PROJET
Lorsque Luchino Visconti s’attelle à la réalisation de Ludwig, c’est pour lui, au départ, une parenthèse, « un intermezzo » selon ses propres dires. Il est en plein travail d’adaptation d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, œuvre monumentale qu’il rêve de traduire au cinéma depuis longtemps. Les décors, les costumes, les acteurs, la structure narrative sont prêts. En raison de problèmes de délais et de financement, le cinéaste en vient à tourner Ludwig en attendant. Le film vient clore ce qui constitue une trilogie allemande (Les Damnés, 1969, Mort à Venise, 1971). Il narre le règne du roi Louis II de Bavière, de son couronnement à 19 ans (1864) jusqu’à sa mort tragique (1886) – toujours de nos jours nimbée de mystère. Comme le décrit Laurence Schifano dans Visconti, une vie exposée : « De l’histoire du Roi-Lune, Visconti a tout lu, tout vu : Il s’agit exactement de son histoire, citant le cinéaste, reconstituée d’après les vieux documents et les témoignages précis ». Il obtient toutes les autorisations pour tourner dans les lieux et conditions réelles. « Il se fait prêter les meubles, les trophées de chasse, les gravures, les tableaux, l’argenterie par les descendants des Habsbourg, véritables décors de la vie de Ludwig : tout est authentique… ». « Rien qui ne soit vrai : jusqu’aux bouquets de violettes fraîches fixés aux tempes des chevaux d’Elizabeth ». Pendant un temps, pensant que le film ne se fera jamais, Visconti songe même à reprendre son projet d’adaptation de La montagne magique de Thomas Mann, qui à l’instar de Proust, est une ombre portée dans l’œuvre du metteur en scène (Mort à Venise, 1971). Ses réflexions sur Louis II de Bavière, selon Laurence Schifano, suivent « pas à pas Thomas Mann et les analyses qu’il a faites du déclin de la culture humaniste européenne, il remonte jusqu’à Wagner, jusqu’à l’épidémie de wagnérisme que connaît l’Europe de la deuxième moitié du dix-neuvième-siècle. ». « Phénomène paradoxal et éternellement captivant », note l’écrivain, que cette « ivresse de mort conquérant le monde ».
DU TOURNAGE AUX MONTAGES
Visconti va rencontrer les mêmes problèmes organisationnels que pour À la recherche. Le montage financier se révèle extrêmement complexe. Il ne faut pas moins de quatre compagnies différentes pour boucler le budget colossal (une italienne, une française, deux allemandes). Un tournage difficile à mettre en œuvre explique le cinéaste : « Ludwig a été pour moi particulièrement, exceptionnellement fatiguant, tant dans la phase de préparation que dans celle de la réalisation, à cause des incertitudes des autres, à cause de toutes les difficultés que j’ai dû prendre sur moi avant et pendant le tournage. Ce sont les incertitudes des autres qui ont mis mes nerfs à vifs… Il n’a pas été facile de parvenir à une conclusion parce que le film coûtait trop cher… Six mois de lutte avec la production. Deux pas en avant deux pas en arrière. On le fait, on ne le fait pas… Ensuite la recherche des lieux, et puis le début des reprises, toujours de nuit, dans des climats terriblement froids. À la vérité, le froid ne me déplaisait pas, mais il se peut qu’il ait influé sur ma santé ». Durant le tournage, il arrive à l’équipe, « une troupe d’une centaine de personnes », de devoir s’arrêter, parce que des touristes visitent une partie du château du roi, moments durant lesquels « Visconti se tient assis sur le trône du roi et attend », se souvient amusée Franceschi. Pendant les mois de tournage, l’équipe se déplace en caravane d’un château à un autre, d’une région à une autre couvrant de longues distances. Le film est tourné en grande partie durant le crépuscule pour refléter l’âme trouble de Louis, perdu dans ses rêves de grandeurs.
Vers la fin de ce tournage éreintant, Visconti est victime d’un AVC. Ce bourreau de travail vit très mal cette diminution. Hémiplégique, le cinéaste ressent donc l’urgence de mener le film à son terme. C’est à Côme, dans la maison familiale, que se fait sa rééducation. Le film achevé, le matériel de montage est déménagé sur le lieu de repos du cinéaste, lui permettant d’avoir la main dessus. Son équipe et lui y restent un mois et demi. Visconti explique son état d’esprit à ce moment-là, dans le Corriere della sera de mars 1973 : « Le film, le film… La peur de ne pas réussir à finir Ludwig, la peur de ne jamais le voir sortir. Ma première et principale préoccupation concernait Ludwig. La pensée de Ludwig ne m’abandonnait pas une minute. Et je peux dire que c’est cette pensée qui m’a donné la force de surmonter la maladie… C’est pour cela que Ludwig est le film que j’aime le plus. ». Pourtant, de l’avis de nombreux collaborateurs du film, cette version de trois heures avec son montage en flashback est un massacre. Franceschi témoigne : « C’est malheureusement moi qui suis responsable des coupures de Ludwig car le montage original durait quatre heures trente précises. C’est la version de Visconti et celle qu’il désirait sortir. Le distributeur américain avait voix au chapitre et donnait son avis. Il nous a demandé de produire un film de trois heures. J’ai dû donc faire d’obscènes propositions de coupures que Visconti a du bien accepter parce qu’il n’avait pas le choix. Nous avons coupé avec son consentement et son approbation, jusqu’à obtenir un film de trois heures et trois minutes. Nous avons terminé d’abord la version anglaise, car nous avions filmé l’original en anglais. On refit donc le montage, je supervisais le tout, avec la Moviola, on a remonté les prises de vues originales. » Le film est désormais structuré en flashback détruisant la progression romanesque. Le producteur de Ludwig fait faillite. Des années après la mort du cinéaste, ses plus proches parents et collaborateurs apprennent que le film est vendu aux enchères publiques. Ils souhaitent lui rendre justice : la scénariste et actrice Suso Cecchi d’Amico en tête, le chef décorateur Mario Garbuglia, le scénariste Enrico Medioli, l’opérateur Armando Nannuzzi, le costumier Piero Tosi, le monteur Ruggero Mastroianni vont créer une société pour racheter le film afin de le reconstruire fidèlement selon la volonté de son auteur, et retrouver « ce rythme de valse lente » voulu par Visconti. Cette version (1980) dure trois heures cinquante-cinq minutes, c’est-à-dire trente minutes de moins que le premier montage.
« C’EST UN SCÉNARIO QUI PARLE » (VISCONTI)
Le scénario de tournage de Franceschi permet de reconstituer le projet dans son intégrité artistique. Ces trois classeurs sont constitués d’environ cent cinquante feuillets par volume. D’une grande précision, il indique les positionnements et déplacements de la caméra et des personnages, le type d’optique selon les plans, l’ensemble étant détaillé par de nombreux croquis. Il est à la fois en anglais, pour le tournage, et en italien pour l’équipe. La scripte a ajouté de nombreux polaroïds permettant de suivre au plus près sa réalisation. Tous les dialogues in extenso sont présents, ainsi que les nombreuses modifications, raturages apportés durant le tournage. Visconti, quand il le pouvait, tournait dans l’ordre chronologique, pour permettre aux acteurs de s’immerger le plus possible dans leurs personnages. La complexité du récit et ses différents décors ont rendu la continuité chronologique impossible à tourner, l’équipe ayant du constamment s’adapter à la disponibilité des lieux de tournages.
Ainsi, de nombreuses scènes concernant la reine mère, avec qui le roi entretient des relations exécrables, et le père, représenté en terne bureaucrate, disparaissent complètement du film comme le remarque Laurence Schifano. Si Visconti est fidèle à ses sources historiques, dans certains cas, il semble les contraindre, pour mieux les circonscrire à son propre imaginaire, accentuant les trahisons de certains proches du roi, la rupture du ménage à trois et le départ de Wagner. Dans Visconti, une vie exposée, Laurence Schifano se demande dans quelle mesure le cinéaste, à travers ce récit, rend compte « d’une blessure personnelle causée par la vie privée de ses propres parents, plutôt que du puritanisme de Ludwig ».
De nombreux exemples de modification en cours de tournage parsèment la lecture du scénario. La scène 115 révèle la fin originale voulue par Visconti. Il s’agit de la scène du château de Berg / Intérieur jour. Deux caméras Mitchell sont utilisées. Sur la page de dialogues, il est écrit : « On entendait encore le cri d’Elizabeth, la cousine aimée, « Assassins ! », faisant de la mort du roi un complot, mais Visconti n’en voulait pas. On peut constater qu’il a coupé et réduit le nombre de dialogues sur cette séquence. Il fait dire à un valet : « On ne saura jamais ce qu’il s’est passé. Il y avait un témoin, l’assassin et vous pouvez en être sûrs, il emportera son secret dans la tombe. Pour l’accuser, il reste ce petit trou qui laisse passer la lumière de la vérité ». Et en prononçant cette phrase se souvient Franceschi, deux jeunes hommes « levaient le manteau noir qui restait suspendu devant l’écran et le noir emplissait toute l’image, l’écran devenait donc totalement noir, avec au milieu du manteau, le trou d’un projectile. » Visconti dans cette première fin soutient la thèse de l’assassinat, contrairement à la fin que nous connaissons, qui malgré son ambiguïté, plaide en faveur d’une crise de démence. Cette séquence reflète les hésitations des historiens sur cette délicate question. Pour le cinéaste, la folie n’aurait été qu’un prétexte pour se débarrasser de lui comme l’atteste de nombreux témoignages d’époque. Reste que l’ambiguïté demeure à la fin du film. La figure historique rejoint celle du film dans son ambivalence. Visconti préserve le mystère, « d’un amoureux de ses songes, prisonnier de la grotte d’émerveillement de l’enfance et de ses illuminations nocturnes, captif de ses rêves de perfection et de pureté… un Narcisse crucifié, un Icare foudroyé, un rebelle ». Ludwig est probablement le véritable testament artistique de Visconti, mais un doute demeure sur la version réellement voulu par le cinéaste. Le scénario de tournage de Franceschi demeure un document de première importance, une clé d’accès unique pour appréhender l’œuvre dans toute sa complexité. Il est aujourd’hui l’unique témoignage du film réellement voulu par le cinéaste.
Serge Daney, au moment de la sortie de la version longue, écrit dans Libération du 6 juillet 1983 : « On n’en aura jamais fini avec Visconti qui demeure – quoi qu’on dise – un cinéaste aussi célèbre qu’inconnu… » À la vision de l’œuvre la fascination reste intacte.
Fonds Renata Franceschi : Ludwig scénario de tournage Référence : FRANCESCHI1-B1 Accès : en accès réservé à l'espace chercheurs
Samuel Petit est médiathécaire à la Cinémathèque française.
Vous aimez passer du temps devant un film ? Beaucoup de temps ? Genre vous trouvez que dans Le seigneur des anneaux, Peter Jackson expédie quand même un peu vite cette histoire de voyage à travers la Terre du Milieu ? Que Barry Lyndon (184 minutes) laisse à peine le temps de s’imprégner des personnages ? Que Lawrence d’Arabie (211 minutes) est un film sympa, mais un peu trop speed ?
Alors les quatre heures de Ludwig vont vous plaire. Surtout qu’elles sont intégralement constituées de dialogues en costumes dans les salons feutrés d’un château bavarois de la fin du XIXème siècle. A priori, ce film est donc le compagnon idéal du prof de français à la retraite. Oui mais non : comme tous les films de Luchino Visconti, c’est un (très long) chef-d’œuvre.
La solitude du pouvoir
Ludwig ou le crépuscule des dieux raconte l’histoire du règne de Louis II de Bavière (1864-1886), ce monarque légèrement cinglé qui fut le mécène de Wagner et qui haïssait les Prussiens, s’opposant farouchement à ce que son royaume se joigne au nouvel Empire allemand. Malheureusement pour lui, il ne parvint pas à conserver l’indépendance de la Bavière : suite à cet échec, il vécut de plus en plus reclus, dilapidant l’argent du gouvernement en construction de châteaux, avant de se faire évincer par le pouvoir et de mourir mystérieusement dans le lac de Starnberg.
Puissante réflexion sur la solitude du pouvoir, ce film sublime est aussi traversé, comme toute l’œuvre du réalisateur, par le thème de la déliquescence physique et mentale. Ainsi, nombreuses sont les correspondances entre le personnage de Louis II et le compositeur en plein doute existentiel de Mort à Venise (1971), ou le prince déchu Fabrizio Corbera dans Le Guépard (1963). Baignant tout entier dans une lumière crépusculaire (magnifique écho à la déchéance du personnage), habillé de la musique somptueusement écrasante de Wagner, Ludwig semble étouffer en permanence, à l’image de son protagoniste, qui se rêve en héros de mythe germanique mais finit par s’abîmer dans son désir d’absolu.
Sissi en version tragique
Véritable « muse » du cinéaste, l’acteur Helmut Berger, sorte d’Alain Delon teuton parfaitement génial déjà croisé dans Les Damnés (1969) du même Visconti, porte le film aux côtés de Romy Schneider. Elle reprend le rôle qui l’a rendue célèbre, celui de l’impératrice Sissi, mais cette fois dans une tonalité nettement plus tragique.
Bref, Ludwig reste une perle un peu méconnue de l’œuvre du cinéaste italien, sans doute à cause de sa longueur. Pourtant, difficile de rester insensible à cet éblouissant portrait, d’une intensité psychologique et émotionnelle impressionnante.
Le chagrin d'un regard où luit encore une braise de joie : elle ne cesse de le creuser, le fond de l'œil se consume de plus en plus profond ; le visage s'oblique.
Et je n'ai pas envie d'écrire sur Ludwig, mais… Je n'avais jamais vu ce film de Visconti, comme quelques autres encore, jusqu'à cette reprise du mois d'août. Je ne sais de l'histoire de Louis II de Bavière que quelques échos flous et lointains toujours associés à d'autres noms, et dans le même mouvement ce nom existe pourtant, un peu mystérieux ; je pensais que j'irai lire un jour à son propos…
J'irai lire un jour. Là, il s'agit d'autre chose, et cela (me) fait du bien, que d'un biopic de Louis II de Bavière : Visconti peint, par blocs (faute d'un meilleur terme) libres de transitions mais lacérés par les témoignages face caméra, un portrait de plus en plus vertigineux de Ludwig. Mais je n'ai pas envie d'écrire sur Ludwig, même pas sur la post-synchronisation, son déport vers l'italien pour de nombreux interprètes, la table d'un repas qui disparaît comme dans une trappe de théâtre, une impératrice dans un cirque qui fait marcher son cheval de côté, toutes ces choses qui tendent à…
Et j'ai vu le film deux fois cette semaine, à des horaires que j'évite d'ordinaire scrupuleusement pour risque d'affluence, et dans une bonne salle il me semble : il y avait si peu de gens, et encore moins de plus jeunes que moi. Les nuits en extérieurs dans ce film ! Ce n'était pas comme ça quand j'étais plus jeune moi-même : ce n'est pas si loin, je m'en souviens bien. Mais je reste dans la joie que le temps pris cette semaine en compagnie d'un tel travail m'a insufflé.
Ludwig se cravache à la spectaculaire beauté de l'amazone autrichienne. Ludwig étreint le grand fou dans la petite chambre. Ludwig braconne des éclats nus et lunaires de jeunesse virile. Ludwig enlise le regard qu'on lui porte, tel un Midas qui transformerait tout en ombre. Ludwig me hante.
Un extrait que j'aime beaucoup du dossier de presse pour cette reprise :
"La magnifique réussite du film est indissociable de son interprète. Helmut Berger trouve ici bien plus qu'un personnage : Ludwig est tout simplement le rôle de sa vie. Il y a quelque chose de miraculeux dans la façon dont Visconti suscite l'identification. Berger est Ludwig, jusqu'au bout des ongles et le restera, comme une illustration indépassable, comme une projection si parfaite qu'elle se superpose au modèle, indélébile. On reste muet devant le bonheur d'inspiration - qu'il n'a plus retrouvé depuis - dont fait preuve le comédien pour exprimer la moindre nuance de l'égarement du roi sans jamais rien perdre de sa force intérieure, de son autorité. La métamorphose physique d'une vieillesse prématurée, les outrances, les moments d'absence, tout cela est rendu avec une grâce proprement shakespearienne qui ne tient pas pour peu au génie d'un acteur n'ayant pas hésité à se consumer lui-même dans l'affaire. Je n'en finirais pas d'énumérer les instants de pure magie qui ponctuent le film, la magnifique scène du couronnement ou le monologue de Durkheim, sommet d'un dialogue constamment remarquable. La visite des châteaux déserts, inutiles, par Elisabeth, est un autre moment d'anthologie, de même le voyage avec l'acteur Kainz. Mais le film de Visconti est tout aussi audacieux par ce qu'il choisit de ne pas montrer que pas ce qu'il dévoile. Tout est vu pas le prisme de Ludwig et par lui seul." Olivier Assayas. Cahiers du Cinéma 1983.
Notons que les plus gays d’entre vous se souviendront longtemps de la scène particulièrement moite où Ludwig se rend, de nuit, dans la cabane où vivent ses serviteurs, tous d’admirables éphèbes en culottes bavaroises…
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Ludwig ou le crépuscule des dieux de Luchino Visconti ; une force impressionnante (Cinéma italien)
Par Armelle Barguillet Hauteloire, le Mai 22, 2013, mis à jour le Oct 10, 2020 — Cinéma italien, film drame, film historique, Louis II de Bavière — 6 minutes de lecture
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Ludwig ou le crépuscule des dieux de Luchino Visconti ; une force impressionnante (Cinéma italien)
Ludwig ou le crépuscule des dieux est un drame historique réalisé en 1972 par le cinéaste italien Luchino Visconti.
Le film, fruit d’une coproduction italienne, française et allemande, d’une durée de plus de 4 heures raconte le règne de Louis II, roi de Bavière, sa relation avec sa cousine Sissi, Impératrice d’Autriche dont il était épris, celle qu’il a entretenue avec la sœur de cette dernière, Sophie Charlotte, avec qui il fut fiancé avant de rompre les fiançailles pour s’enfoncer dans ses univers imaginaires et également son amour pour les arts. Il fut le protecteur de Wagner, qui réalisa une grande partie de son œuvre grâce à sa relation très particulière avec le monarque. Dans le casting, des acteurs magistraux : Helmut Berger, Romy Schneider, Trevor Howard, Silvana Mangano…
Un requiem pour un roi fou : un film né d’une volonté hors du commun
La rediffusion intégrale du Ludwig ou le crépuscule des dieux de Luchino Visconti, film testament tourné trois ans avant sa mort, était une initiative heureuse de la part d’Arte. Le metteur en scène venait alors d’écrire une adaptation de A la recherche du temps perdu de Marcel Proust et, dans l’attente du financement, qui finalement ne se concrétisera jamais, avait décidé de tourner Ludwig.
Mais ce nouveau projet rencontrera à son tour des difficultés économiques et nécessitera une coproduction entre l’Italie, la France et l’Allemagne. Le tournage aura lieu du 31 janvier au 15 juin 1972 avec le soutien de la famille von Wittelsbach et des autorités bavaroises, l’une prêtant de nombreux souvenirs familiaux, l’autre accordant l’autorisation de tourner en décor naturel. A l’époque, une biographie sur un roi protecteur des arts, rêveur et hostile à la guerre, semblait un excellent moyen de contribuer à l’effacement des mauvais souvenirs nazis.
Au moment du tournage, Visconti, âgé de 64 ans est victime d’une attaque. Malgré tout, à force de volonté, il terminera le montage d’une oeuvre qui dure plus de 4 heures. Bien entendu, les producteurs refuseront de distribuer un film aussi long. Visconti propose de le diviser en deux époques de deux heures, mais le film finit par sortir en une version tronquée en 1973.
En Allemagne, la version sera réduite à deux heures dix et on coupe volontairement toutes les scènes qui font allusion à l’homosexualité du souverain, tandis qu’en Grande-Bretagne et en France, c’est une version de deux heures qui est diffusée.
L’accueil de la critique sera excellent et Claude Mauriac n’hésitera pas à parler du génie de Visconti et Jean-Louis Tallenay, apprenant les problèmes de santé du cinéaste, écrira : ” Le crépuscule des dieux ressemble à un testament tragique d’un auteur hanté par la mort qui dénonce toutes les raisons de vivre, tout amour, toute foi en l’avenir et même ce dernier refuge : l’art, la musique, le théâtre auxquels il a voué sa vie, tous parlent de tragédie.”
Visconti disparaît trois ans plus tard sans avoir revu Ludwig et sans avoir pu y retoucher. Le film Ludwig ou le crépuscule des dieux est vendu aux enchères par les producteurs en faillite et est adjugé pour 68 millions de lires à des proches du cinéaste qui se cotisent, avec le soutien de la RAI, afin de récupérer l’intégralité des bobines.
C’est grâce à eux que nous pouvons le revoir dans sa version originale et non amputée d’une part de ses scènes ; oeuvre d’une beauté stupéfiante et riche d’une dramaturgie magistralement interprétée par Helmut Berger, saisissant dans le rôle de Louis II de Bavière, et par une Romy Schneider absolument impériale.
Ce long métrage immergé dans des paysages et des décors d’une splendeur incroyable est parcouru par les musiques de Schubert et Wagner comme une symphonie tragique et puissante, où l’on voit un roi changer sa vie en légende et poser à la face d’un monde, entré en agonie ( ce sera celle de 1914 ), l’énigme d’une mort annoncée et sublimée.
Ludwig ou le crépuscule des dieux, entre irrésistible séduction et fascination
Pas un seul plan qui ne soit un tableau, pas une seule image qui n’exerce sur nous son irrésistible séduction. Fascination aussi d’un personnage que la réalité des choses ne peut combler et qui s’évade du quotidien dans un songe exaltant et désespéré et s’invente un univers où les arts sont présents, principalement l’architecture, la poésie et la musique. Et quelle poésie, quelle musique ? Celle de Wagner bien sûr, le maître incontesté qui offre au roi un autre royaume, celui des sons.
A eux deux, ils vont transformer la Bavière en un pays qui, aujourd’hui encore, fascine les touristes, lieu mythique et quasi imaginaire où l’on se rend pour retrouver tout ensemble le magicien de Bayreuth et les châteaux hantés par le roi fou. Mais fou, l’était-il ce prince qui aspirait à régénérer la culture allemande et rêvait d’un monde idéal et pacifié, gouverné par les arts ?
Ce rêve ne pouvant se réaliser, Louis II assiste impuissant à l’éloignement de ses proches et de sa cousine bien aimée Elisabeth qu’agace l’influence de plus en plus grande que le musicien exerce sur lui, et se réfugie chaque jour davantage dans la solitude et bientôt dans la démence, devenant un étranger pour lui-même et les autres. Itinéraire déchirant d’un être hyper sensible et vulnérable qui cherche son épanouissement dans l’inaccessible et se refuse à obéir aux impératifs de sa fonction.
Helmut Berger, un acteur bouleversant et passionné
Helmut Berger campe ce héros avec une force impressionnante. Il est Louis II tout autant dans sa démesure que dans ses faiblesses, dans sa folie que dans sa clairvoyance, lorsqu’il envisage un monde meilleur qui saurait placer la beauté au-dessus des rivalités de cour et des soucis mercantiles.
Berger nous apparaît tour à tour insupportable et bouleversant, hautain et timoré, indifférent et passionné, et imprègne la pellicule de sa présence obsédante, de même qu’il nous hante de sa complexité grandiose, de ses regards, de ses attitudes, tandis que Romy Schneider traverse le film, inaccessible et déjà happée par son implacable destin.
Ce chef-d'oeuvre de Luchino Visconti sorti en France le 15 mars 1973, évoque avec beauté, finesse et fidélité historique, la vie extraordinaire et cependant tragique de Louis II de Bavière (1845-1886) autour duquel gravitent les personnages non moins extraordinaires d'Elizabeth, impératrice d'Autriche (1837-1898) et du compositeur génial que fut Richard Wagner (1813-1886).
Du grand Visconti qui n'a pas pris une ride; les chefs-d'oeuvre sont comme les dieux: immortels!
Intitulé Le Crépuscule des dieux à sa sortie en France en référence à l'opéra de Wagner, le film fut renommé par la suite Ludwig ou le Crépuscule des dieux pour éviter la confusion avec un film précédent de Luchino Visconti, Les Damnés (1969) dont le titre original est La caduta degli dei et le titre anglais The Damned (Götterdämmerung), respectivement titres italien et allemand de l'opéra.
L'univers baroque et fastueux de Louis II de Bavière.
En 1864, le jeune monarque est agé de 19 ans lorsqu'il monte sur le trône. Dédaignant la politique pour la musique, il rencontre Richard Wagner à qui il voue une admiration sans bornes. En 1867, conscient de son homosexualité refoulée et déçu par Wagner, il rompt ses fiançailles avec Sophie de Bavière. Son comportement inquiète le peuple ainsi que sa folie architecturale qui vide les coffres du trésor. Sa santé mentale empirant, on tente de le faire interner. Le 13 juin 1886, on retrouvera le roi et le docteur Gudden, noyés dans le lac de Berg.
Louis II : un prince romantique épris de beauté, d'absolu et de grandeurs, égaré dans un monde qui se sécularise et se livre à l'esprit mesquin des petis bourgeois...
Même s'il tournera deux autres films (Violence et passion et L'Innocent), cette fresque, projetée dans sa version intégrale de trois heures quarante, est le dernier grand Visconti.
Réalisée par amour pour Helmut Berger, bien sûr, qui, dirigé de main de maître, est inoubliable. Par amour de l'art, aussi, cette passion dévorante qui isole les êtres en eux-mêmes, les éloigne des autres, au point de les rendre haïssables aux médiocres. Ils sont, d'ailleurs, là, ces envieux, ces indignes, en longs plans fixes, ils témoignent devant nous - qui devenons, en quelque sorte, le tribunal de l'Histoire - de la folie du roi Ludwig...
C'est que le temps a fui : Luchino Visconti (1906-1976) n'est plus le cinéaste nostalgique du Guépard qui éprouvait encore de l'espoir devant le triomphe de la beauté. Ici, on devine Ludwig perdant et perdu, dès qu'il affirme à son confesseur sa foi en l'art qui, dit-il, rendra son règne meilleur. Quelle douce folie ! Exalté, solitaire, homosexuel - différent, en somme, ce qui en fait un objet d'opprobre et de dérision - Ludwig se retrouve abandonné de tous. De Wagner, notamment, que Visconti dépeint comme un profiteur égoïste (ah, son terrifiant Noël bourgeois en famille !). Même Elisabeth d'Autriche (Romy Schneider, superbe) qui, elle aussi, « se défend des autres en les fuyant », trahit son cousin trop aimé en hurlant de rire devant les extravagants châteaux qu'il aura édifiés.
Tout empreint d'une douleur qui semble ne tarir jamais, le film cerne un double pourrissement : ce jeune roi qui se défait physiquement sous nos yeux. Et cette société en attente d'un suicide collectif de l'Europe en août 1914; et l'orgie triste des valets autour du souverain à bout de souffle évoque, évidemment, une future bacchanale bien plus sanglante : celle des Damnés.
Ludwig Otto Friedrich Wilhelm von Wittelsbach (1845-1886)
Peinture de Ferdinand von Piloty (1865).
Le nouveau roi a 18 ans.
"Hélas que le monde est laid! Combien d'humains sont des êtres misérables et décevants! Leur vie n'est rempli que de banalités quotidiennes. Puisse ce monde n'être plus qu'un souvenir!"
"Une grandiose folie"
On l'a prétendu fou- c'est pratique- mais c'était de beauté et poésie. Généreux mécène de Richard Wagner, bâtisseur de châteaux extraordinaires, ce roi charismatique était pourtant aimé de ses sujets...Cousin de l'impératrice Sissi, mécène de Wagner, hôte solitaire de châteaux démesurés et merveilleux qui accueillent aujourd'hui des millions de visiteurs. Louis II de Bavière demeure aux yeux de la postérité ce souverain fou. Au temps de l'industrialisation galopante,de la fortune des Krupp, des Rothchield, et de l'absoption du particularisme bavarois dans l'unité allemande, cet illustre représentant de l'une des plus anciennes dynasties européennes a vécu en décalage complet avec son époque. Au milieu d'un rêve peuplé de nymphes et de chevaliers errants, ce Wittelsbach est devenu la figure de proue d'un romantisme qui avait déjà déserté son siècle de fer, et d'une volonté farouche de réenchanter un monde marqué par le crépuscule des dieux...
Né le 25 août 1845 -fête de St Louis de France- Louis est le fils aîné de Maximilien de Wittelsbach et de Marie de Prusse; son père, un esprit consciencieux et rationnel, monte sur le trône de Bavière en 1848. Il succède à Louis Ier, un fameux mécène qui a fait de Munich "l'Athènes de l'Isar", et qui a abdiqué lorsque la pression populaire lui a reproché sa tapageuse liaison avec une aventurière de renom, Lola Montès. Sa mère est férue d'alpinisme et amoureuse de la nature; Louis héritera de cette passion que partage la plupart des Bavarois.
Solitaire, beau, élégant, racé, extrêmement mélancolique, Louis II n'a que peu de contacts avec ses parents.
Tout le contraire des princes charmants à la Walt Disney...
Louis est élevé à la spartiate,sans chaleur. Mais il est aussi l'objet d'une excessive flagornerie de la part de la Cour, ce qui développe en lui un profond orgueil et une conscience aigüe de sa majesté. Peu attiré par les études, on le trouve souvent plongé dans ses rêveries. Au coeur des hautes cimes bavaroises, dans le château néogothique de Hohenschwangau, il est bercé par les légendes et l'univers onirique des mythes nordiques, comme ceux de Lohengrin ou des Nibelungen, et entretient cet imaginaire en lisant Walter Scott (1771-1832) et Friedrich von Schiller (1759-1805).
A la mort de son père en 1864, Louis qui n'a que 18 ans, n'est pas prêt à tenir les rênes du pouvoir. Mais s'il semble déjà tourmenté par le rêve éveillé dans lequel il évolue, son indéniable charisme et sa beauté charment les Bavarois, qui placent beaucoup d'espoir dans son règne, à un moment où les tensions se multiplient en Allemagne...
La Bavière occupe une place de choix dans la Confédération germanique, constituée depuis le Congrès de Vienne (1815) de prés de quarante États de second ordre. Ses choix politiques et diplomatiques sont donc susceptibles de peser dans le conflit latent qui oppose l'Autriche à la Prusse. Dés son arrivée au pouvoir, Louis suit avecattention la crise liée à la volonté de la Suède d'intégrer le Holstein et le Schleswig, entraînant" la guerre des duchés". Celle-ci suscite l'alliance ponctuelle de Berlin et de Vienne et marque l'accroissement de l'influence de la famille des Hohenzollern en Allemagne. Les deux puissances se disputent alors ouvertement l'hégémonie sur cet espace en voie d'unification: donnera-t-elle lieu à la constitution d'une grande Allemagne, sousl'égide des Habsbourg, ou d'une petite Allemagne, sous la férule de Berlin? Traditionnellement, plus proche des premiers, Louis II honore ses engagements auprés de Vienne en accordant sa confiance au chancelier van der Pfordten, mais fait preuve dans le même temps d'un étonnant réalisme politique.
Louis est foncièrement anti-prussien et pressent la volonté d'hégémonie de Berlin sur les
États voisins dont la Bavière. Il est en outre sensible au particularisme bavarois mais néanmoins convaincu que seul Bismarck (1815-1898) parviendra à ses fins. Il a perçu, avant d'autres représentants de la vieille Allemagne, la force du mouvement national et pressenti l'exclusion, à terme, de l'Autriche.
Lorsqu'éclate la guerre austro-prussienne (deutscher bruderkrieg) , en 1866, il mobilise sapiètre armée contre les Prussiensqui l'emportent aisément à Sadowa le 3 juillet 1866, mais en l'engageant de façon mesurée dansles hostilités pour préserver la Bavière de représailles ultérieures. Atravers la politique menée par son Chancelier, Hohenlohe, il usera quatre ans plus tard de la même politique de garanties, en engageant la Bavière, et avec elle toute l'Allemagne du sud, dans la guerre contre la France. C'est lui qui sera, contraint et forcé,de proposer officiellement à son oncle Guillaume Ier, la couronne impériale, en échange du maintien d'un certain nombre de prérogatives bavaroises (autonomie administratives, faveurs fiscales). Mais il refusera d'assister à la renaissance du Reich, dans la Galerie des Glaces à Versailles, aprés la terrible défaite de la France en 1871. L'entrée des troupes prussiennes à Munich sera pour lui, une humiliation vécue comme un"vassal".
Otto von Bismark: l'architecte d'une grande Allemagne unifiée.
Bataille de Sadowa (Königgrätz); huile sur toile peinte par Georg Bleibtreu, 1869.
Cette guerre fut une catastrophe pour l'avenir d'une Bavière souveraine.
Louis II continue alors de diriger ses États avec libéralisme. Mais avec le temps, il commence à se désintéresser de la politique et des activités parlementaires, en manifestant ouvertement son dédain pour la servilité des politiciens. En réalité, il s'ennuie profondément, construisant des palais vides ou organisant des représentations théâtrales où il est le seul spectateur. Il a peu d'intimes, l'amitié, comme l'amour, sont chez lui bien trop idéalisés pour résister à la fréquentation quotidienne d'êtres de chair et de sang qui ne peuvent apporter que déceptions et amertume. C'est ainsi qu'il faut comprendre, par la pureté des sentiments et/ou par son homosexualité, la rupture des fiançailles du "roi vierge"avec la princesse Sophie. Seule sa cousine, Sissi, chez qui il retrouvait l'anticonformisme et la poésie dont était dénué son entourage, "frappé d'aveuglement et rampant dans l'obscurité", semble avoir reçu ses confidences...
Entre Louis et sa cousine la fantasque impératrice Elisabeth, naquit une profonde amitié que Visconti a choisi de transformer en amour pour les besoins romanesques de son film, en cédant aux fantasmes à la mode du public des années 70; mais historiquement, cela paraît tout simplement improbable...
Louis II éprouve de plus en plus un profond dégoût pour la réalité qui l'entoure et lui préfère, en guise d'échappatoire, le monde onirique et légendaire des chevaliers du Graaloules Walkyries, les décors de théâtre, pour lesquels il entretient une passion dévorante. Ses rêves ont pris vie en 1861 lors d'une représentation de Lohengrin et lui ont désigné son idole, un véritable père spirituel: Richard Wagner (1813-1883). Son premier geste royal, un mois après son couronnement, est de faire venir auprés de lui le musicien qui menait une vie de bohème proscrit -genre d'existence à la mode à cette époque-. Mais Wagner n'apas la vocation d'un vagabond et l'amitié passionelle de ce roi dépensier est pour lui une aubaine. Wagner peut enfin monter Le Vaisseau fantôme, Tannhaüser, Tristan et Isolde et se consacrer ardemment à la création de la Tétralogie. Le souverain veut offrir un écrin digne de cette "musique de l'avenir" qui le transporte en faisant construire un théâtre dans Munich pour le compositeur. L'opinion publique -" cette stupide humanité"- s'y oppose.
Richard Wagner (né le 22 mai 1813 à Leipzig et mort le 13 février 1883 à Venise,
"Je dois tout au roi; c'est le Ciel qui m'a envoyé ce prince...Sans lui je ne serais rien...
Je suis libre, je plane au-dessus de la vulgarité comme au-dessus des vastes nues...
Je n'ai plus rien à faire qu'à achever mon oeuvre, à créer, à produire des choses parfaites !"
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