Ingmar Bergman | ||
(1918-2007) | ||
38 films, 22 téléfilms, 3 courts | ||
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histoire du cinéma :abstraction lyrique |
I - Mise en scène
La peur de la solitude, envisagée comme une malédiction, est le grand thème unificateur de l'œuvre de Bergman. Il détermine aussi l'élément central de sa mise en scène : la fermeture du quatrième mur par la caméra avec resserrement du cadre (par recadrage ou zoom avant) sur le visage de l'acteur. Les acteurs jouent non pas face au public ou aux autres personnages mais enfermés en eux-mêmes, face à la caméra, presque regard caméra.
Comme l'indique Jean Douchet, les acteurs jouent en intériorisant tout ce qui est extérieur. Le sommet, de ce point de vue est Persona (1966) où l'on ne sait plus très bien ce qui relève de l'extérieur et ce qui relève de la vision du personnage. Dans ses films les plus amples, visages et paysages dessinent une cartographie complémentaire de l'intériorité tantôt torturée, tantôt splendide dans un cadre toujours géométrisé et simplifié à l'extrême.
1- Bergman, cinéaste pour qui le visage est un monde et le monde un visage.
Ingmar Bergman est ainsi l'un des cinéastes phare de l'abstraction lyrique, où, pour Gilles Deleuze, le monde se déploie ou se reconcentre à partir d'un visage. Le visage réfléchit la lumière, réduction de l'espace par abstraction, compression du lieu par artificialité, qui définit un champ opératoire et nous conduit de l'univers entier à un pur visage de femme.
Deleuze propose de dénommer icône, non seulement le gros plan de visage déterritorialisé mais aussi certains insert d'objet ou très gros plans de visage lorsque le gros plan garde le pouvoir d'arracher l'image aux coordonnées spatio-temporelles pour faire surgir l'affect en tant qu'exprimé. Même le lieu présent dans le fond perd ses coordonnées et devient "espace quelconque"
C'est ce qu'avait ressenti Jean-Luc Godard à la sortie de Monika :
"Il faut avoir vu Monika rien que pour ces extraordinaires minutes où Harriet Andersson, avant de recoucher avec un type qu'elle avait plaqué, regarde fixement la caméra, ses yeux rieurs embués de désarroi, prenant le spectateur à témoin du mépris qu'elle a d'elle-même d'opter involontairement pour l'enfer contre le ciel. C'est le plan le plus triste de l'histoire du cinéma."
Ce plan de Monika est extrêmement travaillé : regardant d'abord son compagnon d'un jour, Monika semble réfléchir avant de détourner le regard vers nous. Le zoom avant resserre le cadre jusqu'au très gros plan. Puis le cadre s'obscurcit autour du visage et Monika nous regarde ainsi pendant vingt longues secondes avant un fondu-enchaîné sur les pavés de la rue où se trouve tout ce qu'elle désire alors : manteau et danse. Ce plan a durablement impressionné les futurs metteurs en scène de la Nouvelle Vague, inaugurant ainsi une influence sur les cinéastes français qui ne s'est jamais démentie et qui traverse les générations successives passant par Jacques Doillon ou Philippe Garrel pour arriver jusqu'à Olivier Assayas ou Arnaud Desplechin.
Cette dimension fondamentale chez Bergman, celle du peintre des visages, prend sa source à cet instant. Elle s'approfondit de film en film. On retrouve dans Persona un autre plan très célèbre de visage ou plutôt de deux visages. Alma et Elisabeth se veulent très différentes. Pourtant, pour l'une comme pour l'autre, il est nécessaire qu'elles entrent en contact sans être semblables. Pour filmer la séquence d'une fusion ratée qui finit dans la violence avant que la relation ne s'apaise au dernier matin, Bergman a maquillé et coiffé Bibi Andersson (Alma, l'infirmière) comme Liv Ullmann (Elisabeth, l'actrice). Et, alors qu'elles sont l'une et l'autre de chaque côté de la table, Bergman fait jouer le champ-contrechamp sur un fond semblable sans qu'il soit très facile de savoir qui est qui, et ce d'autant plus que la moitié gauche de chacun des visages est parfois laissé dans l'ombre.
A la fin des années soixante les visages filmés en très gros plan envahissent littéralement l'écran, deviennent des paysages en forme d'énigmes et ne reflètent plus rien d'autre que leur propre impénétrabilité.
Pour Jacques Aumont, Bergman est le maître des gros plans de visage où dominent les traits de visagéification tels que les définit Gilles Deleuze dans l'image-mouvement.
2- Rêves, mort et emblèmes
L'indécision entre vision intérieure et regard sur le monde prend également la forme, de rêves souvent surchargés de figures allégoriques.
Dans Les fraises sauvages, film itinérant livré à une certaine forme aléatoire, le vieux professeur revoit les scènes de son enfance dans une clairière baignée d'une lumière irréelle. Bergman y fait coexister, à l'intérieur d'un même plan, le personnage vieillissant avec les figures de son passé. Les rêves et les images mentales font irruption sans crier gare. Le film se métamorphose insensiblement en une entreprise d'association libre où la frontière entre le réel et l'imaginaire, le passé et le présent s'abolit peu à peu. Mais c'est sans doute dans Persona que Bergman poussera le plus loin cette logique d'expérimentation. Ce film peut être considéré comme un des sommets de ce qu'on nomma, dans les années soixante, le cinéma moderne ou le nouveau cinéma, au même titre que L'avventura, Hiroshima mon amour ou Pierrot le fou
Les figures allégoriques sont dominées par la figuration de la mort. Dès son premier film Crise (1949) Bergman compose une première figuration de la mort, témoin muet peut-être sourd ou aveugle. Lorsque Jenny et sa fille Nelly sortent ayant entendu le coup de feu par lequel Jack s'est donné la mort, un vieil homme, immobile, est encore là. Il a seulement changé la direction de son regard, maintenant orienté vers l'endroit où est tombé Jack. Autres figures de la mort, le maître de ballet grimé en Coppelius dans Jeux d'été (1950), la forme humaine derrière la vitre cathédrale qui transforme le visage du visiteur en tête de mort et que Marta réévoquera au moment de l'accouchement dans L'attente des femmes (1952), les accessoires (araignées, squelette en carton) du train fantôme de Rêve de femme (1955), la vieille femme quasi aveugle qui croise Jenny dans Face à face (1976) et qu'elle hallucine chez elle, et le clown dans En présence d'un clown (1997), voir le hors champs de l'étang dans Sarabande (2003) où Karin pourrait être amenée au suicide après la brouille avec son père.
l'obsession des horloges,
Les monochromes signalent la présence de forces abstraites. Ils signalent une émotion intense la fusion amoureuse de Alma et Elisabeth dans Persona ; l'émotion musicale (monochromes oranges dans La Flûte enchantée, blanc dans Sarabande) ou l'approche de la mort (monochromes rouges de Cris et chuchotement ou de Saraband).
II - Thématiques
Les thèmes majeurs de Bergman s'articulent autour de la peur de la solitude. L'absence de Dieu, la peur de la mort et les déchirements du couple sont des écueils que l'homme se doit d'affronter s'il ne veut pas finir seul, alors que l'enfance, l'érotisme et le théâtre parviennent à régénérer l'individu. Dans tous ces domaines les femmes, plus fortes et plus lucides que les hommes sont les interprètes privilégiées de Bergman.
Les films de Bergman donnent souvent l'impression de se finir mal. Pourtant le destin des personnages ne doit pas être confondu avec le message adressé au spectateur. Le gâchis des relations humaines, qui conduit à la solitude, peut probablement être évité grâce aux lumières renvoyées par le scalpel de Bergman.
1-La peur de la solitude
Le premier épisode de L'attente des femmes (1952) se clôt par cette remarque d'un des frères Lobelius auquel on demande comment il a convaincu le mari trompé de ne pas se suicider : "Le pire n'est pas d'être trompé mais d'être seul".
Dans Les fraises sauvages (1957), le vieux professeur Isaak Borg fait un cauchemar dans lequel il échoue aux épreuves qu'un étrange tribunal lui soumet. Ayant déclaré morte une patiente qui se met soudain à revivre, il pressent qu'il a échoué et demande au chef du tribunal quel sera le châtiment, "la solitude comme toujours" répond celui-ci.
Dans Persona (1966), Elisabeth Vogler choisit délibérément de s'enfermer dans la solitude, délaissant le théâtre, probablement consciente de la vanité de l'art théâtral par rapport aux horreurs du monde (l'immolation d'un moine bouddhiste). Profitant de l'énergie volubile de son infirmière -qui devra à son tour s'interroger sur la nécessité de la solitude-, du soleil et de la mer, du temps de la réflexion, Elizabeth reviendra néanmoins au théâtre. Elle évite ainsi de sombrer dans la folie solitaire auquel ne résistera pas le peintre impuissant du film suivant L'heure du loup (1967), probablement le film le plus pessimiste avec la trilogie de l'absence de Dieu.
Jusqu'à Saraband (2003), la solitude, celle de Henrik, de Johan ou de Marianne, est vécue comme une malédiction.
2 -L'absence de Dieu
Les premiers films de Bergman sont imprégnés de la philosophie de Kierkegaard, pénétré de culte de l'intériorité, de l'individualité et de l'instant dans l'espoir d'approfondir la subjectivité dans ce qu'elle a de plus pur, jusqu'à y retrouver un sujet transcendant et absolu avec lequel elle se trouve dans une relation paradoxale mais nécessaire. Cette conception tragique de l'existence trouve son aboutissement dans La source (1959) où la présence de Dieu est réaffirmée par Tore (Max von Sydow) comme seul moyen de se réconcilier avec les hommes après deux crimes affreux (celui subit de sa fille et celui provoqué par vengeance de la mort du jeune frère des violeurs).
A travers le miroir (1961) détruit le mythe d'un dieu transcendant symbolisé par l'araignée hallucinatoire vue par une jeune femme au bord de la folie. Les communiants (1962) consacre la mort d'un Dieu-Amour qui n'est, pour le croyant, qu'une manière de parler vainement à soi-même. Le silence (1963) marque la fin des interrogations métaphysiques. Les thèmes de ce film et l'interprétation par le même acteur, Jorgen Lindstrom, de Johan dans Le silence et du jeune garçon du début de Persona, l'un et l'autre lisant le même livre : Un héros de notre temps de Lermontov, disent assez que Bergman a réglé définitivement le problème de Dieu avec les deux premiers films de la "trilogie" et que Le silence commence à explorer les pistes qui permettent à l'homme d'échapper à la solitude.
Bergman fera pourtant ensuite appel à la transcendance et à l'absolu par la figuration de monochromes.
Le rayon lumineux dans Saraband a interrogé certains sur un retour de foi de Bergman. Dans le making-off du film, le cinéaste déclare :
"Depuis longtemps, je vivais avec la peur de mourir et j’avais écrit entre autres Le septième sceau à cause de cette peur. Cette expérience m’a apaisé. Mais quand Ingrid (son épouse) est morte, tout ça est devenu extrêmement compliqué. Je me disais : « Si c’est comme ça, je ne reverrai plus jamais Ingrid. Erland (Josephson, comédien du film) et moi, on s’est téléphoné le samedi et je lui en ai parlé. Je me sens obligé de vous raconter ça parce que c’est la clé. Ce sont les fondements de ce texte. J’ai expliqué mon dilemme à Erland. Que j’aimais bien l’idée de la mort comme définitive, comme le passage entre l’être et le néant. Mais que, dans ce cas, je suis face à un énorme problème car je ne reverrai jamais plus Ingrid. Et que c’était impensable ! Et Erland m’a dit : « Mais qu’est-ce que tu préfères ? ». « Revoir Ingrid, évidemment », je lui ai répondu. Et Erland a dit, très sagement, « Va vers cette version-là alors ». C’est l’un des conseils les plus précieux que j’ai eu car je le suis. C’est fou, ça fait des lustres que les êtres humains réfléchissent à ce sujet, que ce problème les tourmente sans qu’ils trouvent une réponse. Imaginez que soit si simple… ».
Mais Bergman manipule ses acteurs comme bon lui semble. Pour le bien du film, il peut déclarer ce qui les mettra le mieux possible dans l'atmosphère attendue. Le rayon lumineux est seulement diégétique, valable pour le seul personnage : il correspond à la foi qui illumine Marianne à cet instant et l'incite à prier devant le bas-relief en plâtre peint.
Sarabande n’est pas l’œuvre de quelqu’un qui aurait été transformé par la foi. Bergman a toujours cru au spirituel et aux personnages torturés par la foi. Mais ce ne sont pas les personnages qu’il faut sauver mais le spectateur. C'est d'ailleurs à lui que Bergman s’adresse de plus en plus (regard caméra, minute décomptée) : pour que l’exemple du gâchis des autres nous incite à ne pas en faire de même.
Bergman à foi en ce monde ci. Le fameux rayon lumineux bien présent est juste un emblème. L’emblème de Dieu comme le joueur d’échec était l’emblème de la mort dans Le septième sceau.
C’est à Marianne que s’applique l’anecdote contée par Bergman et non au cinéaste qui ferait un film pour dire sa foi retrouvée.
3 - L'épouvantail de la mort
La mort omniprésente chez Bergman sert surtout à rappeler qu'il convient d'évaluer sa vie. Elle ricane plus qu'elle ne juge ou qu'elle ne fait peur. La mort n'est jamais un refuge ou une sécurité, ce que somme toute, les personnages préféreraient, d'où ces faux morts, ces fausses mortes dans Les fraises sauvages (1957), Persona (1966) et L'heure du loup (1967).
Dans La soif (1949), son premier chef d'oeuvre, Bergman décrit l'impossibilité de l'harmonie dans la vie de couple, chacun ne pouvant satisfaire les désirs profonds de l'autre, les défauts des hommes et des femmes s'additionnent et s'amplifient au cours d'une interminable guerre des sexes. On hésitera pourtant à parler d'enfer, car l'enfer de la solitude est évoqué avec terreur par les héros eux-mêmes comme un enfer bien pire encore. Faute de mieux, ils se réconcilient. Autres exemples de ces mariages bourgeois : ceux qui tiennent malgré l'ennui ( L'attente des femmes, 1952) ou le mépris (le couple de Cecilia Ellius dans Au Seuil de la vie, 1958) ou l'infidélité du mari (Fanny et Alexandre, 1982). La morale de Scènes de la vie conjugale est assez optimiste. Certes le couple, uni au départ se sépare mais finit par se réconcilier et Johan et Marianne retrouvent amitié et tendresse après leur divorce suite à l'aventure du mari avec Paula. Bergman exprime encore cet idéal dans son dernier film, Saraband (2003) : "Une bonne relation entre un homme et une femme dépend de deux facteurs, une bonne camaraderie et une solide sexualité". Face aux couples bourgeois, Bergman oppose les couples maudits, stériles et torturés : L'heure du loup, La honte, Une passion, De la vie des marionnettes.
5-L'enfance
Jörgen Lindstöm dans le Silence et dans Persona lisant Un héros de notre temps de Lermontov, Fanny et Alexandre ou encore les images finales des Fraises sauvages. Il s'agit de ne pas oublier qu'on a vu le monde par des yeux d'enfant et avec une teinte et une allure irremplaçable et de faire cependant l'impossible deuil de cette époque. Poussé trop loin la régression est dangereuse : elle infantilise et elle dégage du sens du devoir. Bergman a fait un film entier sur cet épouvantable danger. Le héros de De la vie des marionnettes n'en finit pas de régresser, jusqu'à la chambre de l'asile psychiatrique où il achève sa carrière d'assassin pulsionnel, revenu à une enfance sans charme.
Dans La source (1959), l'enfant qui a assisté au viol et au meurtre de Karin, accompli par ses deux frères, sera tué par le père de la jeune fille. L'homme religieux de la maison viendra le préparer à cette mort en lui expliquant par de longues et belles métaphores qu'il sera sauvé de l'enfer. Le père comme pénitence promet de bâtir une église : il sera pardonné de sa vengeance, la source jaillira sur le lieu de la mort de sa fille et de la future église.
Dans L'Heure du loup (1967), le passage de la conception au cauchemar sans concrétisation artistique s'explique sans doute par l'éducation qu'a reçue Johan. Ses terreurs ne le quittent plus depuis cette punition où, enfant, il a été enfermé dans la penderie et terrorisé par un lutin imaginaire puis sortant au grand jour, il a reçu le bâton de son père sous les yeux de sa mère.
6-L'érotisme
Dans La soif(1949), Jeux d'été (1950), L'attente des femmes (1952), Monika (1952) et jusqu'à L'oeil du diable (1960), l'érotisme est vécu intensément par des personnages jeunes pour lequel l'amour a alors été vécu pleinement.
A partir du silence (1963), l'érotisme est toujours associé à des circonstances sérieuses ou tragiques : frustration, sortie de l'enfermement dans Persona (1966) et souvent culpabilité de l'adultère ensuite.
7 - Le théâtre
Le théâtre demeure pour Bergman un lieu de prédilection et de convergence de toutes ses passions. Avant de devenir réalisateur de cinéma, il fut et reste metteur en scène et auteur de théâtre. La découverte simultanée, pendant ses années de formation, de Shakespeare et de Strindberg, deux des plus grands dramaturges qui soient, marquent à jamais son esprit et influence durablement son travail de cinéaste. Les troupes d'acteurs, les histoires de scènes et de coulisses sont légions dans les films de Bergman. De Jeux d'été (1950), où la scène tient lieu d'anamnèse pour l'héroïne devenue danseuse jusqu'à Après la répétition (1984), où il est question des rapports intimes entre un metteur en scène et son actrice, en passant par La nuit des forains (1953), qui scrute les vicissitudes d'un cirque, ou Le septième sceau (1956) qui met en scène un couple d'acteurs au Moyen Âge, sans oublier La flûte enchantée (1975) qui inscrit l'opéra dans sa représentation scénique face à des spectateurs qui sont filmés pour eux-mêmes ou Fanny et Alexandre (1983), véritable déclaration d'amour au théâtre.
Le monde des cintres est pour Bergman une source d'inspiration vivifiante. Plus généralement sa conception de la vie comme comédie humaine et jeu de rôles, son amour des acteurs, son désir de travailler avec une troupe régulière dont les membres les plus marquants : Bibi Andersson, Harriet Andersson, Ingrid Thulin, Eva Dahlbeck, Liv Ullmann pour les femmes ou Gunnar Björnstrand, Max von Sydow (le septième sceau, le visage), Erland Josephson pour les hommes- se retrouvent de film en film. Sa volonté même de resserrer le cadre autour des personnages relève très directement de cette fascination, de cette nécessité vitale du théâtre à la fois comme représentation du monde et comme exorcisme.
Le théâtre, avec sa part d'enchantement et de catharsis, est l'exact opposé du puritanisme et de la volonté d'ascèse qui constitue la base du protestantisme. Il est son antidote, son vaccin, l'envers du décor. Il incarne la féerie de la réalité autant que sa cruauté fondamentale. L'exemple de Shakespeare est de ce point de vue déterminant, en particulier dans les années 50, là où Bergman pratique un art du mélange et des contrastes très élaboré. La nuit des forains, Sourires d'une nuit d'été, Le septième sceau, voire Les fraises sauvages ou Le visage naviguent précisément entre le grotesque et la métaphysique, entre l'illusion et les pulsions d'une manière souvent carnavalesque. Le dosage est parfois lourd et gêne un peu aujourd'hui. Mais cette propension au mélange des tons est aussi ce qui donne à certains de ces films, notamment aux Fraises sauvages, le charme d'un bricolage inventif et jaillissant, loin de toute prétention au chef-d'oeuvre.
III - Biographie
Réalisateur, scénariste et homme de théâtre suédois, Ingmar Bergman est né le 14 juillet 1918, à Uppsala. Son père étant pasteur luthérien, le jeune Ingmar est vite confronté aux choses de la religion. Il reconnaîtra plus tard le rôle essentiel de ces souvenirs d'enfance dans l'inspiration de certaines de ses grandes œuvres.
A l'université de Stockholm, il consacre ses loisirs à la mise en scène théâtrale. De 1938 à 1944, il monte une vingtaine de pièces avant de devenir metteur en scène professionnel de théâtre. Il rencontre Carl-Anders Dymling, de la société de production "Svensk Filmindustri" qui lui demande d'écrire un scénario pour le grand cinéaste suédois de l'époque, Alf Sjoberg. Ce sera : Hets (Tourments), en 1944. L'année suivante, il passe à la mise en scène cinématographique en adaptant une pièce de Leck Fischer, Crise. Dès lors, Bergman mène une double activité de cinéaste et d'homme de théâtre, tout en continuant à écrire quelques scénarios : pour Gustaf Molander c'est La femme sans visage (1947), Sensualité (1948), Divorce (1951), pour Lars Eric Kjeligren : Quand la ville dort (1950), pour Alf Sjoberg : Le dernier couple qui court (1956) et Alf Kjellin : Le jardin des plaisirs (1961).
1- Les années 40 : forme en gestation, expressionniste et surréaliste
Les cinq premiers films d'Ingmar Bergman sont marqués par une cinéphilie partagée entre une influence directe du cinéma américain et la noirceur des films de Jean Duvivier ou de Marcel Carné, combinée à une forme d'existentialisme à la suédoise, dont Kierkegaard est à l'évidence le lointain père spirituel et qui débouche sur une forme de révolte encore très adolescente. Un pessimisme fondamental mêle les thèmes du désespoir, de l'avortement, du suicide et du passé douloureux.
Prison (1949) et surtout La Soif (La fontaine d'Arethuse, 1949) dont Bergman est l'auteur complet, concentrent toutes ces constantes sur fond d'angoisse existentielle proche de la philosophie de Sartre. Bergman circonscrit une part de son territoire de cinéaste, sous l'influence directe de Rossellini. A travers le récit du voyage de deux touristes suédois dans l'Allemagne déchirée de l'après-guerre, c'est déjà la question du couple comme enfer et cercle vicieux mais aussi comme seule et unique possibilité de vie qui est au centre de ce film. Cette interrogation sur le couple, Bergman en fera le sujet central de la plupart de ses films à venir.
Vers la joie (1949) et Cela ne se produira pas ici (1950), film d'espionnage que Bergman reniera plus ou moins, marquent une rupture avec cette inspiration désespérée.
2 - Les années 50 : cinéma classique : libérer les forces de la jeunesse, accent porté sur l'érotisme.
C'est alors une longue série de films au cours desquels Bergman s'interroge sur le sens de la vie (Jeux d'été, 1950), sur la misère d'un monde sans amour (La nuit des forains, 1953), sur la supériorité de la femme sur l'homme (Monika, 1952 ; L'attente des femmes, 1952 ; Sourires d'une nuit d'été, 1955),
A l'orée des années cinquante, le style de Bergman est encore très éclaté. Pourtant, c'est dans cette période qu'on trouve certains de ses éclats les plus purs. De cette époque jaillissante où se livre le combat sans merci de l'adolescence et de l'âge adulte, Jeux d'été est peut-être le film le plus satisfaisant que François Truffaut, grand admirateur du cinéaste suédois, décrit comme "Le film de nos vacances, de nos vingt ans, de nos amours débutantes". Mais c'est sans doute Jean-Luc Godard qui a le mieux saisi la singularité du Bergman de cette époque, lui qui écrit :
"Un film d'Ingmar Bergman, c'est, si l'on veut, un vingt-quatrième de seconde qui se métamorphose et s'étire pendant une heure et demie. C'est le monde entre deux battements de paupières, la tristesse entre deux battements de coeur, la joie de vivre entre deux battements de mains."
3- la reconnaissance internationale
Sourires d'une nuit d'été, présenté à Cannes reçoit le prix de l'humour poétique. Juste après cette récompense, Bergman tourne Le septième sceau qui, en 1957, le consacre mondialement (Prix spécial du jury à Cannes...) puis Les fraises sauvages qui, en 1958, lui vaut L'Ours d'or de Berlin et la plaque d'or du cinéma suédois.
Enfin prophète en son pays, Ingmar Bergman est devenu un grand cinéaste européen avec trois films qui présentent trois grands visages de son oeuvre : la comédie douce amère, le fantastique expressionniste et le drame psychologique.
Il aurait pu se contenter de gérer cette célébrité. Ses films suivants : Le visage, L'oeil du diable, La source montrent qu'il aurait su, comme d'autres, répéter les mêmes formules
4- la trilogie de l'absence de Dieu
Avec A travers le miroir (1961), Bergman abandonne la brillante mise en scène de ses films précédents avec des films plus complexes, âpres et noirs. Il commence à mettre en application ce souhait maintes fois exprimé : faire tout un film à partir de l'exploration d'un visage. Il isole quelques personnages dans un décor désormais privilégié : l'île qui symbolise le huis clos en plein air.
Abandonnant tout effet stylistique, la caméra n'enregistre que l'essentiel. À l'image d'une pensée qui, pour mieux progresser, remet en cause ses conclusions provisoires, les films de Bergman se répondent, s'enrichissent ou se nient. On se trouve en présence d'un tout qu'il est difficile d'aborder d'une manière non chronologique. A travers le miroir détruit le mythe d'un Dieu transcendant symbolisé par l'araignée hallucinatoire vue par une jeune femme au bord de la folie. Les communiants consacre la mort d'un Dieu-Amour qui n'est, pour le croyant, qu'une manière de parler vainement à soi-même. Le silence marque la fin des interrogations métaphysiques, de ce "cinéma vertical" que commence à contester toute une nouvelle génération de cinéastes soucieux de libérer leur cinéma national de la trop forte personnalité de Bergman.
5- Névroses contemporaines
Après Toutes ses femmes (1964), pochade qui fustige le rôle parasitaire de la critique, Bergman entreprend une riche et complexe série de six films : Persona (1966), L'heure du loup (1967), La honte (1997), Le rite (1968), Une passion (1969), Le lien (1970). Il prend pour thèmes fondamentaux la création de l'œuvre d'art, le monde étrange et angoissant des fantasmes, l'échange des personnalités et la condamnation de la guerre, filmée d'une manière à la fois réaliste et abstraite.
6-Face à face des visages
Après Cris et chuchotements, Bergman tourne huit épisodes d'un film destiné en même temps à une chaîne de télévision et au circuit commercial : Scènes de la vie conjugale. Il réalise dans des conditions identiques La flûte enchantée d'après l'Opéra maçonnique de Mozart.
Alors que Face à face remporte un impressionnant succès commercial, la police fiscale oblige Bergman à interrompre brusquement les répétitions de La danse de mort qu'il met en scène au théâtre Dramaten de Stockholm (en janvier 1976). Exilé à Munich, il réalise L'oeuf du serpent. Pour mettre en images la situation désespérée d'une Allemagne dont la misère économique et morale va engendrer Hitler, il revient à la mise en scène spectaculaire et expressionniste. Pour Sonate d'automne, il organise la tragique confrontation entre une mère, Ingrid Bergman, et sa fille, Liv Ullmann.
7- Un romanesque apaisé
Avec Fanny et Alexandre s'ouvre la dernière période de Bergman, que clôt Saraband (2003).
Ingmar Bergman meurt le 30 juillet 2007, le même jour que Michelangelo Antonioni. Parmi les multiples évènements autour de l'oeuvre d'Ingmar Bergman intervenus depuis, on citera :
- En septembre 2008 : Les Archives Ingmar Bergman Livre avec DVD par les éditions Taschen.
- En mars avril 2013 : Rétrospective Ingmar Bergman au festival lumière de Lyon.
- En février-mars 2014 : La rétrospective en 7 films en version restaurée de Sourires d'une nuit d'été, Le Septième sceau, Les Fraises sauvages, La Source, Persona, Scènes de la vie conjugale et Sonate d'automne distribuée par Carlotta-Films en salle.
IV - Bibliographie :
- Jacques Aumont, Ingmar Bergman, édition Cahiers du cinéma, 2003
- Thierry Jousse, Ingmar Bergman, coll. Cannes, les années festival, arte-editions, 1997
- Le cinéma selon Bergman, entretiens recuellis par Stig Bjökman, Torsten Manns et Jonas Sima, cinéma 2000/Seghers. Stokholm, 1970. Paris, 1973.
Bibliographie complémentaire :
"Images", Ingmar Bergman, 1990, éd. Gallimard 1992. "Laterna magica", Ingmar Bergman, 1987 éd. Gallimard 1987. ."Conversation avec Bergman", Olivier Assayas et Stig Björkman, éd. Cahiers du cinéma, 1990. "Le cinéma selon Bergman", Björkman-Monns-Sima, Seghers, 1968, 1970, 1973.
V- Filmographie (38 films, 22 téléfilms, 3 courts-métrages):
Filmographie :
1946 | Crise |
(Kris). Avec : Dagny Lind (Ingebord), Inga Landgre (Nelly), Marianne Löfgren (Jenny). 1h33. Jenny, propriétaire d'un institut de beauté à Stockholm, arrive sans prévenir dans un petit bourg du sud de la Suède. Elle se rend chez Ingeborg Johnson, qui a élevé sa fille Nelly, maintenant âgée de dix-huit ans. Ingeborg gagne modestement sa vie en donnant quelques leçons de piano et en louant une chambre au jeune vétérinaire Ulf... | |
1946 | Il pleut sur notre amour |
(Det Regnar paît Vaar Karlek). Avec : Barbro Kollberg (Maggi) , Birger Malmsten (David), Gösta Cederlund (L'homme au parapluie). 1h35. Ayant raté son train, Maggie, jeune campagnarde désemparée, se résigne à passer la nuit dans la salle d'attente de la gare. Elle rencontre David, un chômeur, et, par mesure d'économie, accepte de le suivre dans une chambre d'hôtel. Le lendemain, le couple décide de ne plus se séparer.... | |
1947 | L'éternel mirage |
(Skepp Till Indialand). Avec : Holger Lowenadler (Alexander Blom), Birger Malmsten (Johannes Blom). 1h38. En tenue d'officier de marine, Johannes Blom revient dans le port où il séjourna sept ans plus tôt. Après une brève rencontre avec son ancienne amie Sally, il s'isole sur la plage et s'abandonne aux images du passé… Alexander Blom, son père, quittait souvent le bateau-pompe utilisé pour le renflouage des épaves... | |
1948 | Musique dans les ténèbres |
(Musik i mörker). Avec : Mai Zetterling (Ingrid), Birger Malmsten (Bengt Vydeke). 1h27. Un pianiste devient aveugle pendant son service militaire. Rendu à la vie civile, il souffre des prévenances dont son infirmité est l'objet jusqu'à ce qu'un rival amoureux le frappe par dépit. Il devient alors fou de joie puisque quelqu'un l'a enfin traité comme un être normal. | |
1948 | Ville portuaire |
(Hamnstad). Avec : Nine-Christine Jönsson (Berit), Bengt Eklund (Ebbe), Mimi Nelson (Gertrud). 1h40. Gösta, jeune docker, erre le long des quais de Göteborg. Il assiste à la tentative de suicide d'une jeune fille, Berit. Il plonge dans l'eau du chenal et sauve la désespérée, qu'une ambulance emmène bientôt à l'hôpital. Plus tard, au cours d'un bal, Gösta reconnaît Berit, l'invite à danser et la raccompagne chez elle... | |
1949 | La prison |
(Fängelse). Avec : Doris Svendlund (Birgitta Carolina), Birger Malmsten (Thomas), Eva Henning (Sofi). 1h19. Un vieil homme à l'aspect lugubre pénètre dans un studio de cinéma. Professeur de mathématiques en retraite, il vient proposer à Martin, l'un de ses anciens élèves aujourd'hui metteur en scène, de faire un film sur l'Enfer. Intrigué et amusé, Martin en parle à un couple d'amis, Thomas et Sophie... | |
1949 | La soif |
(La fontaine d'Aréthuse / Törst). Avec : Eva henning (Rut), Birger Malmsten (Bertil), Birgit Tengroth (Viola). 1h24. Bertil et Rut font étape dans un hôtel de Bâle après un séjour en Sicile. Ils vivent douloureusement l’usure de leur vie conjugale. Pendant le sommeil de son mari, Rut revoit en pensée quelques moments de son passé.... | |
1950 | Vers la joie |
(Till Gladje). Avec : Stig Olin (Sig Eriksson), Maj-Britt Nilsson (Marta), Victor Sjöström (Soderby), Birger Malmsten (Marcel). 1h38. Stig Eriksson est appelée au téléphone au sein de l'orchestre où il répète la neuvième symphonie de Beethoven. On lui apprend que sa femme Matha est morte, brûlée vive par un réchaud à alcool mais que sa petite fille survivra. Stig s'effondre sur la table et se souvient. Sept ans plus tôt, lui et Martha s'étaient retrouvés par hasard nouveaux violonistes dans l'orchestre de Soderby. | |
1950 | Cela ne se produirait pas ici |
(Saant Händer Inte här). Avec : Signe Hasso (Vera), Alf Kjellin (Bjorn Almkvist), Ulf Palme (Akta Natas). 1h24. Atka Natas est un agent secret du régime oppressif de Liquidatzia. Il rend visite à son ex-épouse Vera, une chimiste qui est impliquée dabns un réseau d'exilés qui tentent de faire sortir leurs compatriotes de Liquidatzia. | |
1951 | Jeux d'été |
(Sommarlek). Avec : Maj-Britt Nilson (Marie), Birger Malmsten (Henrik), Alf Kjellin (David), Georg Funkqvist (Erland). 1h36. Un jour d'automne, on remet un paquet à Marie, danseuse-étoile à l'Opéra de Stockholm. Il s'agit du journal intime rédigé treize ans plus tôt par un jeune homme, Henrik... Entre promenades, baignades et cueillettes des fraises sauvages, une idylle était née entre les jeunes gens... | |
1952 | L'attente des femmes |
(Kvinnors Väntan). Avec : Anita Björk (Rakel), Maj-Britt Nilsson (Marta), Eva Dahlbeck (Karin), Gunnar Björnstrand (Fredrick). 1h47. Les familles des quatre frères Lobelius se sont retrouvées pour des vacances estivales aux environs de Stockholm. En attendant le bateau qui doit ramener leurs maris, les quatre belles-sœurs échangent des confidences… | |
1953 | Monika |
(Sommaren med Monika). Avec : Harriet Andersson (Monika), Lars Ekborg (Harry), John Harryson (Lelle).1h36. La jeune Monika travaille dans un magasin d'alimentation de Stockholm. Dans le taudis où elle vit, affrontant quotidiennement un père ivrogne et une turbulente et bruyante marmaille, elle rêve au grand amour et à une vie de star . Un jour, elle rencontre dans un bar Harry, employé dans un magasin de verreries... | |
1953 | La nuit des forains |
(Gycklarnas Afton). Avec Ake Gronberg (Albert Johansson), Annika Tretow (Agda), Harriet Andersson (Anne), Anders Ek (Frost). 1h33. En Suède, vers 1900. La troupe d'un petit cirque donne quelques représentations minables au hasard des villes rencontrées. Son directeur, Alberti, a jadis quitté sa femme Agda, qui réside dans la bourgade où le cirque installe son chapiteau. En compagnie de sa jeune maîtresse Anne, devenue écuyère, il subit les sarcasmes humiliants du directeur du théâtre local... | |
1954 | Une leçon d'amour |
(En Lektion i Kärlek). Avec : Eva Dahlbeck (Marianne Erneman), Gunnar Bjornstrand (David Erneman), Harriet Andersson (Nix).1h36. David est gynécologue. Avec sa femme, Marianne, qu'il aime, ils forment un couple heureux. Néanmoins David n'est pas un modèle de fidélité ; il éprouve de grandes difficultés à résister aux avances aguichantes de l'une de ses clientes. Et Marianne finit par apprendre que son mari, à qui elle vouait une entière confiance, l'a trompée... | |
1955 | Rêves de femmes |
(Kvinnodroem). Avec : Eva Dahlbeck (Susanne), Harriet Andersson (Doris), Gunnar Björnstrand (le consul), Ulf Palme (Henrik Lobelius). 1h27. Suzanne Frank, directrice d'une agence de photographies de mode, quitte Stockholm pour un reportage à Göteborg. Elle est accompagnée de Doris, jeune mannequin qui vient de rompre avec son ami Palle. Dès son arrivée, Suzanne téléphone à Henrik Lobelius, un industriel qui fut son amant. Elle lui donne rendez-vous à l'hôtel. Alors qu'elle flâne dans les rues commerçantes de Göteborg, Doris est abordée par un vieux consul, élégant et charmeur... | |
1955 | Sourires d'une nuit d'été |
(Sommarnattens Leende). Avec Eva Dahlbeck (Désirée Armfeldt), Ulla Jacobsson (Anne Egermann), Margit Carlqvist (Charlotte Malcolm), Harriet Anderssson (Marta). 1h48. Maître Fredrik Egerman apprend qu'une troupe théâtrale doit se produire dans sa petite ville de province. Désirée Armfeldt, son ancienne maîtresse, tient le rôle principal de la pièce. | |
1957 | Bakomfilm smultronstället |
Documentaire. Avec : Bibi Andersson, Victor Sjöström, Naima Wifstrand (Eux-mêmes). 0h14. | |
1957 | Le septième sceau |
(Det Sjunde Inseglet). Avec : Max Von Sydow (Antonius Block), Gunnar Bjornstrand (Jons), Bengt Ekerot (la Mort). 1h36. Le chevalier Antonius Blok revient des Croisades avec son écuyer Jons. Rencontrant la Mort, Blok demande un délai et lui propose une partie d'échecs. Non loin de là, Jof le bateleur, sa femme Mia, leur bébé Mikhaël et le jongleur Skat. Jof a vu la Vierge Marie. Plus tard Blok et Jons s'arrêtent dans une église de campagne : le moine qu'interroge le chevalier n'est autre que la Mort. Quant à Jons, qui regarde un peintre travailler à une danse macabre, il raconte sa croisade et se déclare sceptique.... | |
1957 | Herr Sleeman kommer |
Téléfilm. Avec : Bibi Andersson ( Anne-Marie), Jullan Kindahl (Mrs. Mina), Yngve Nordwall (Mr. Sleeman), Max von Sydow (le chasseur), Naima Wifstrand (Mrs. Gina). 0h43. | |
1957 | Les fraises sauvages |
(Smultronstället). Avec : Victor Sjöström (Isaak Borg), Bibi Andersson (Sara), Ingrid Thulin (Marianne), Gunnar Björnstrand (Evald). 1h31. Isaak Borg, 78 ans est docteur. Couvert d'honneur et de gloire, c'est un vieillard égoïste et mesquin. Il se rappelle cette journée du ler juin qui m'a mis en face de lui-même. Il y a d'abord un cauchemar, un cauchemar du corbillard... Ce ler juin il devait me rendre à Lünd où l'on allait fêter son jubilé. Il devait prendre l'avion mais finalement, il décide de faire le voyage en automobile. Marianne, sa belle-fille, qui a quitté son mari, a tenu à l'accompagner... | |
1958 | Venetianskan |
Téléfilm. Avec : Maud Hansson (Nena), Sture Lagerwall (Bernardo), Gunnel Lindblom (Valeria), Helena Reuterblad (Oria). 0h56. | |
1958 | Au seuil de la vie |
(Nära Livet). Avec : Ingrid Thulin (Cecilia Ellius), Eva Dahlbeck (Stina Andersson), Bibi Andersson (Hjordis Pettersson). 1h24. Cecilia Ellius est admise dans une clinique claire, bien équipe, symbole de l'organisation sociale suédoise. Mariée, employée dans l'administration, elle vient de perdre, à son troisième mois de grossesse, l'enfant qu'elle portait. Son mariage étant une union sans amour, elle considère qu'elle et son mari sont responsables de cet échec, estimant n'avoir pas désiré cet enfant. Ses deux compagnes de chambre, malgré une certaine similitude de cas, connaissent l'une et l'autre une situation bien différente... | |
1958 | Rabies |
Téléfilm. Avec : Bibi Andersson (Eivor), Axel Düberg (Cpl. Sven), Åke Fridell (Sixten Garberg), Tor Isedal (Knut), Åke Jörnfalk (Rolf), Dagny Lind (La tante), Gunnel Lindblom (Jenny), Nils Nygren (Cronswärd), Marianne Stjernqvist (Mrs. Svensson), Folke Sundquist (Erik), Max von Sydow (Bo Stensson Svenningson). 1h29. | |
1958 | Le visage |
(Ansiktet). Avec : Max von Sydow (Albert Emanuel Vogler), Ingrid Thulin (Manda Vogler), Gunnar Björnstrand (Vergérus). 1h40. Suède, 1946. Le théâtre magnétique et thérapeutique du "docteur" Vogler fait route vers Stockholm où il doit donner une représentation. La petite troupe est accueillie vers le soir par le consul Egerman, le docteur Vergerus, directeur de la santé et le préfet Starbeck. Vergerus ne croit pas aux dons surnaturels de Vogler... | |
1960 | Temps d'orage |
(Oväder) Téléfilm, captation de sa mise en scène de la pièce de Strindberg. Avec : John Elfström (Starck), Ingvar Kjellson (le consul), Birgitta Grönwald (Agnes). 1h51. | |
1960 | La source |
(Jungfrukäl lan). Avec : Max von Sydow (Tore), Birgitta Valberg (Mareta), Birgitta Pettersson (Karin), Gunnel Lindblom (Inger). 1h29. Karin, fille unique de Tore et de Mareta, a revêtu sa plus belle robe pour aller porter des cierges à l'église du village voisin. Inger, fille adoptive et servante est chargée de l'accompagner. En cours de route, elle s'attarde chez un vieux passeur, grand prêtre du culte d'Odin. La jalousie et la haine qu'Inger porte à Karin se manifestent dans un rituel de sorcellerie qui doit provoquer un mauvais sort... . | |
1960 | L'oeil du diable |
(Djävulens öga). Avec : Jarl Kulle (Don Juan), Bibi Andersson (Britt-Marie), Stig Jarrel (Satan). 1h27. "La chasteté d'une jeune fille, c'est un orgelet dans l'œil du diable" c'est bien un orgelet que se découvre Satan un beau matin à son réveil. L'idée en est insupportable au Seigneur de la nuit qui dépêche immédiatement sur terre un de ses dévoués séides, Don Juan, avec la mission de mettre fin à cette intolérable situation.... | |
1961 | A travers le miroir |
(Sasom I en Spegel). Avec : Gunnar Bjornstrand (David), Max von Sydow (Martin), Harriet Andersson (Karin). 1h29. La plage d'une île à l'aspect désolé. Quatre personnes reviennent de leur baignade. Il y a David l'écrivain, sa fille Karin, son fils Frederik surnommé Mino, et Martin, le mari de Karin, qui est médecin. | |
1963 | Les communiants |
(Nattvardsgästerna). Avec : Gunnar Bjornstrand (Tomas Ericsson), Ingrid Thulin (Marta Lundberg), Max von Sydow (Jonas). 1h21. À l'église, le pasteur Thomas Ericsson célèbre l'office en présence de quelques rares fidèles. Après la cérémonie religieuse, le pêcheur Jonas Persson et sa femme viennent à sa rencontre. Jonas lui fait part de ses inquiétudes face au "péril jaune" et aux menaces de guerre nucléaire. Le pasteur ne lui répond que par des formules vagues, mais Jonas promet de revenir le voir, seul à seul... | |
1963 | Le silence |
(Tystnaden). Avec : Ingrid Thulin (Ester), Gunnel Lindblom (Anna), Jorgen Lindstrom (Johan). 1h35. Après un voyage à l'étranger, Anna et Ester, deux sœurs accompagnées de Johan, le petit garçon d'Anna, rentrent en Suède. Elles font une halte dans le grand hôtel d'une ville inconnue où les habitants parlent un langage qui leur est incompréhensible. Dès lors, Anna et Ester sont confronté à la solitude et au silence... | |
1963 | Le songe |
(Ett drömspel). Téléfilm. Avec : Ingrid Thulin (Agnes), Uno Henning (Alfred), Allan Edwall (Axel), Olof Widgren (Writer), John Elfström (Glazier). 1h55. | |
1964 | Toutes ses femmes |
(För att inte tala om alla dessa kvinnor). Avec : Jarl Kulle (Cornelius), Bibi Andersson (Humlan), Harriet Andersson (Isolde). 1h20. En 1920 à la Villa Tremolo, une somptueuse demeure où vit retiré le Maître Félix, violoncelliste de très grand talent. Debout, devant le cercueil encore ouvert où repose le Maestro, Cornelius divague sur la définition d'un génie. Quelques jours avant cette fin prématurée. Cornelius, critique musical, était arrivé à la villa d'été de l'artiste... | |
1965 | Don juan |
Téléfilm. Avec : Kristina Adolphson, Ernst-Hugo Järegård, Georg Årlin. Première captation de sa mise en scène de la pièce de Molière avant celle de 1985. | |
1966 | Persona |
(Persona). Avec : Bibi Andersson (Alma), Liv Ullmann (Elisabeth Vogler), Margaretha Krook (le docteur), Gunnar Björnstrand (monsieur Vogler), Jorgen Lindstrom (le jeune homme). 1h25. Elisabeth Vogler, actrice renommée, perd subitement l'usage de sa voix, au cours d'une représentation théâtrale d'"Electre". Elle passe un bref séjour en clinique, puis se retire dans une villa solitaire, au bord de la mer, accompagnée de son infirmière Alma.... | |
1967 | Daniel |
Episode de Stimulantia, film collectif coréalisé avec Hans Abramson, Hans Alfredson, Arne Arnbom, Tage Danielsson, Lars Görling, Jörn Donner, Gustaf Molander et Vilgot Sjöman. Avec : Daniel Sebastian Bergman, Käbi Laretei. 0h15. Compilation de home movies en 16 mm tournés depuis plusieurs années offerte en guise de cadeau d'anniversaire à son jeune fils Daniel, devenu réalisateur lui-même. | |
1968 | L'heure du loup |
(Vargtimmen). Avec : Max von Sydow (Johan Borg), Liv Ullmann (Alma Borg), Ingrid Thulin (Veronica Vogler). 1h30. Le peintre Johan Borg s'est isolé en compagnie de sa femme Alma sur la petite île frisonne de Bältrum. Son épouse se souvient des premiers temps de leur arrivée où tout était magnifique sur cette île quasi-sauvage parsemée de pommiers en fleurs. | |
1968 | La honte |
(Skammen). Avec : Liv Ullmann (Eva Rosenberg) , Max Von Sydow (Jan Rosenberg), Gunnar Bjornstrand (colonel Jacobi). 1h42. Un pays imaginaire, à notre époque. Une guerre avec ses bombardements, ses destructions et ses réfugiés. Comme chaque matin, Jan et Eva se réveillent. Artistes, musiciens d'orchestre, Jan et sa femme vivent en marge du conflit et de ses horreurs; heureux dans leur petit univers... | |
1969 | Le rite |
(Riten). Téléfilm. Avec : Ingrid Thulin (Théa Winkelmann), Anders Ek (Sebastian Fischer), Gunnar Bjornstrand (Hans Winkelmann). 1h12 Une petite troupe de trois comédiens se voit interdire son spectacle "Le Rite", jugé obscène par la censure suédoise. Ses membres sont convoqués chez le juge d'instruction chargé de l'affaire. L'enquête provoque une crise chez chacun des participants, y compris le juge.. | |
1969 | Une passion |
(En Passion). Avec : Liv Ullmann (Anna Fromm), Bibi Andersson (Eva Vergerus), Max von Sydow (Andreas Winelmann). 1h41. Andreas Winkelman vit seul dans sa maison sur cette petite île de la Baltique. Il est venu oublier son passé et la séparation d'avec sa femme. Alors qu'il travaille à l'extérieur de sa demeure, Anna Fromm vient lui demander l'autorisation d'utiliser son téléphone. Anna est une jeune veuve, estropiée à la suite d'un accident d'automobile... | |
1970 | Mon île Farö |
(Fårödokument 1969). Téléfilm documentaire. Avec : Ingmar Bergman Ingmar Bergman (le reproter), Per Broman, Richard Ostman, Linn Ullmann, Liv Ullmann. 1h18. Farö est une petite île de la Suède, située au nord-est de l'île de Gotland, elle-même située au sud-est de Stockholm, à 4 heures de bateau exactement de la capitale. Ingmar Bergman montre l'île et ses habitants pendant les 4 saisons de l'année ... | |
1971 | Le lien |
(Beröringen/The touch). Avec : Bibi Andersson (Karin), Elliott Gould (David Kovac), Max von Sydow (Andreas). 1h55. Une petite ville de la province suédoise. Venue à l'hôpital au chevet de sa mère mourante, Karin Vergerus rencontre David Kovac, un jeune archéologue américain hypersensible et déraciné. David est invité par le docteur Andreas Vergerus, le mari de Karin... | |
1972 | Cris et chuchotements |
(Viskningar och Rop). Avec : Harriett Andersson (Agnès), Liv Ullmann (Maria), Ingrid Thulin (Karin), Kari Sylwan (Anna). 1h31. Dans un château suédois à la fin du siècle dernier. Agnès agonise, rongée par un cancer. Ses deux soeurs, Maria et Karin tentent de la soutenir, mais finissent par ne plus supporter cette déchéance. Seule la servante, Anna, accompagne Agnès vers la mort... | |
1973 | Scènes de la vie conjugale |
(Scener ur ett Aktenskap). Avec : Liv Ullmann (Marianne), Erland Josephson (Johan), Bibi Andersson (Katarina). 2h35 Johan et Marianne, mariés depuis dix ans, vivent heureux en compagnie de leurs deux filles. Johan est professeur de psychologie appliquée, Marianne est avocate spécialisée dans les problèmes de divorce. Un jour, ils reçoivent à dîner leurs amis, Peter et Katarina... | |
1974 | Le misanthrope |
(Misantropen). Téléfilm. Avec : Hanne Borchsenius (Eliante), Benny Hansen (Dubois), Holger Juul Hansen (Philinte), Paul Hüttel (Basque), Henning Moritzen (Alceste), Ghita Nørby (Célimène), Lise Ringheim (Arsinoë), Ebbe Rode (Oronte), Peter Steen (Clitandre). 1h55. | |
1975 | La flûte enchantée |
(Die Zauberflöte). Téléfilm. Avec : Josef Kostinger (Tamino), Irma Urrila (Pamina), Häkan Hagegard (Papageno). 2h15. La fille de la reine de la Nuit, la princesse Pamina, vient d'être enlevée par le sage Sarastro qui a pour dessein de la fiancer au prince Tamino. Le vaillant prince Tamino, mal instruit des intentions du sage Sarastro, entreprend de délivrer la princesse avec l'aide de l'oiseleur Papageno et de trois dames, suivantes de la reine de la Nuit, qui leur donnent les instructions qui leur permettront de faire évader la princesse Pamina, et leur offrent deux talismans destinés à les protéger : une flûte enchantée et un carillon magique.... | |
1976 | Face à face |
(Anksikte mot ansikte). Avec : Liv Ullman (le docteur Jenny Isaksson), Erland Josephson (le docteur Tomas Jacobi). 2h15 Jenny Isaksson, psychiatre, exerce son métier avec autorité et prestige. Au cours de l'été, elle se retrouve seule. Son mari est parti comme conférencier aux États-Unis et sa petite fille a rejoint une colonie de vacances. Comme le nouvel appartement où elle doit emménager n'est pas prêt, elle se réfugie chez ses grands-parents. Traumatisée par une tentative de viol qui a éveillé en elle des sentiments contradictoires, Jenny prend conscience de sa solitude... | |
1977 | L'oeuf du serpent |
(Ormens agg). Avec : Liv Ullmann (Manuela Rosenberg), David Carradine (Abel Rosenberg), Gert Froebe (auer). 1h59. Berlin, dans la semaine du 3 au 11 novembre 1923. C'est l'inflation galopante, le chômage, la misère et le désespoir. Interrogé au sujet du suicide de son frère Max, Abel Rosenberg s'étonne d'une ultime question de l'inspecteur Bauer : il lui demande s'il est d'origine juive.. | |
1977 | Sonate d'automne |
(Höstsonaten). Avec : Ingrid Bergman (Charlotte), Liv Ullmann (Eva), Lena Nyman (Helena), Halvar Bjork (Viktor). 1h33. Charlotte, pianiste professionnelle, arrive dans le presbytère habité par sa fille Eva et son gendre Victor, pasteur de la paroisse. Les deux femmes ne se sont pas vues depuis sept ans. Charlotte s'étonne de la présence inattendue d'Hélène, son autre fille, malade incurable.... | |
1980 | Mon île Farö |
(Fårö-dokument 1979). Téléfilm documentaire. Avec : Annelie Nyström et les habitants de Farö. 1h44. Farö est une petite île de la Suède, située au nord-est de l'île de Gotland, elle-même située au sud-est de Stockholm, à 4 heures de bateau exactement de la capitale. Ingmar Bergman montre l'île et ses habitants pendant les 4 saisons de l'année ... | |
1980 | De la vie des marionnettes |
(Ur marionetternas liv). Avec : Robert Atzorn (Peter Egerman), Christine Buchegger (Katarina), Martin Benrath (Jensen). 1h44. Dans une maison close, un client étrangle une prostituée. Comment cet homme, Peter Egerman, a-t-il pu en arriver là ? Quelques semaines avant le meurtre, Peter avoue à son psychanalyste ses terrifiants désirs et son envie d'égorger sa femme, Katarina... | |
1982 | Fanny et Alexandre |
(Fanny och Alexander). Avec : Pernilla Allwin (Fanny Ekdahl), Bertil Guve (Alexander Ekdahl), Ewa Froling (Emilie Ekdahl). 3h17. Noël 1907. Une riche demeure dans une ville de suéde. Les membres de la famille Ekdahl et les serviteurs préparent les festivités. Héléna Ekdahl, une ancienne actrice, préside aux destinées de ses fils, Gustav Adolf, Carl et Oscar, le directeur du théâtre local, et de ses petits enfants ; parmi eux Fanny et Alexandre... | |
1984 | L'école des femmes |
(Hustruskolan). Téléfilm. Avec : Allan Edwall (Arnolphe), Lena Nyman (Agnes), Björn Gustafson (Alain), Ulla Sjöblom (Georgette), Stellan Skarsgård (Horace), Lasse Pöysti (Chrysalde), Olle Hilding (Oronte), Oscar Ljung (Enrique), Nils Eklund (Le juge). | |
1984 | Le visage de Karin |
(Karins ansikte). Avec : Ingmar Bergman, Karin Bergman. 0h14. Bergman examine en ordre chronologique une série de vieilles photographies et reconstruit ainsi un récit visuel à propos de sa mère. | |
1984 | Après la répétition |
(Efter Repetitionen). Avec :Erland Josephson (Henrik Vogler), Lena Olin (Ana), Ingrid Thulin (Rakel). 1h10. Une scène de théâtre, nue, après la répétition. Un metteur en scène vieillissant, Henrik Vogler, est plongé dans ses souvenirs. Ceux du théâtre et de cette mise en scène de la pièce de Strindberg, " Le Songe ", qu'il monte pour la cinquième fois... Mais ses pensées sont interrompues par l'entrée d'Anna Egerman, une jeune comédienne passionnée qui, prétextant un bracelet qu'elle a oublié, en profite pour engager la conversation avec Henrik Vogler... | |
1985 | Don Juan |
Téléfilm. Avec : Michael Degen (Dom Juan), Hilmar Thate (Sganarelle). 1h45. | |
1986 | Documentaire sur Fanny et Alexandre |
(Dokument Fanny och Alexander). Avec : Daniel Bergman, Ingmar Bergman, Gunnar Björnstrand, Allan Edwall, Ewa Fröling, Erland Josephson, Lars Karlsson, Sven Nykvist. 1h50. | |
1986 | Les deux bienheureux |
(De tva saliga). Téléfilm. Avec : Harriet Andersson (Viveka Burman), Per Myrberg (Sune Burman), Christina Schollin (Annika). 1h21. Un homme et une femme, d'âge mûr mais sans expérience du sexe, se rencontrent. Ils se marient, vivent une vie conjugale absolue et exclusive dans laquelle ils cherchent l'amour pur et total... | |
1992 | La marquise de Sade |
(Markisinnan de Sade). Téléfilm. Avec : Stina Ekblad (Renée), Anita Björk (Madame de Monteuil), Marie Richardson (Anne), Margareta Byström (de Simiane), Agneta Ekmanner (comtesse de Saint-Fond), Helena Brodin (Charlotte). 1h44. | |
1993 | Backanterna |
Téléfilm. Avec : Sylvia Lindenstrand (Dionysos), Laila Andersson-Palme (Teiresias), Sten Wahlund (Kadmos), Peter Mattei (Penthée), Anita Soldh (Agaue), Berit Lindholm (Alfa), Paula Hoffman (Beta), Camilla Staern (Gamma). 2h20. Adaptation des Bacchantes d'Euripide en 405 av. J.-C. Le retour du dieu Dionysos à Thèbes, et sa vengeance du roi Penthée qui refuse de reconnaître son culte. | |
1995 | Sista skriket |
Téléfilm. Avec : Ingvar Kjellson (Charles Magnusson), Björn Granath (Georg af Klercker), Anna von Rosen (Miss Holm). 1h00 Après dix minutes de documentaire sur le cinéma muet suédois, le dialogue difficile entre Charles Magnusson et Georg af Klercker. | |
1997 | En présence d'un clown |
(Larmar och gör sig till). Téléfilm. Avec : Börje Ahlstedt (Carl Akerblom), Erland Josephson (O. Vogler). 1h58. Carl Akerblom, inventeur, admirateur de Schubert, est interné à l'hôpital psychiatrique pour avoir tenté de tuer sa fiancée. Avec un autre patient, le Pr Vogler, il mène à bien l'insensé projet de réaliser le premier film parlant de cette histoire. Mais, lors de la première, le film est détruit par un incendie... | |
2000 | Bildmakarna |
Téléfilm. Avec : Elin Klinga (Tora Teje), Anita Björk (Selma Lagerlöf), Lennart Hjulström (Sjöström), Carl Magnus Dellow (Jaenzon). 1h39. Adaptation pour la télévision de sa mise en scène des Faiseurs d'images de Per Olv. Celui-ci imagine une rencontre entre Sjöström, Jaenzon, Lagerlöf et la star du cinéma muet, l'orageuse et caractérielle, Tora Teje pour discuter du tournage de La charette fantôme. | |
2003 | Saraband |
(Saraband). Téléfilm. Avec : Liv Ullman (Marianne), Erland Josephson (Johan), Julia Dufvenius (Karin), Börje Ahlstedt (Henrik). 1h47. Saraband pourrait être la suite de Scènes de la vie conjugale, trente ans après. On y retrouve Marianne, 63 ans, et Johan, 83 ans, divorcés. Henrik le fils de Johan vient de perdre sa femme et vit avec sa fille, Karin, violoncelliste. | |
Ingmar Bergman, né le 14 juillet 1918 à Uppsala et mort le 30 juillet 2007 dans l'île de Farö, compte parmi les quelques très grands réalisateurs du 7e Art pour la raison que son oeuvre cinématographique approfondit les questions existentielles qui se posent à l'homme avec une puissance telle qu'elle lui assurera très vite la consécration de ses pairs.
Interrogation sur le sens de l'existence, hantise d'un bonheur en errance, d'une communauté de pensée continuellement à refaire. Issu du théâtre, le réalisateur lui restera toujours fidèle, aussi ses débuts à l'écran seront-ils marqués par des influences littéraires, celles d'auteurs abordés à la scène, Strindberg en premier lieu, Ibsen, Anouilh, Pirandello, Camus. Il a d'ailleurs mené une réflexion savante sur la notion de spectacle _ ainsi dans Jeux d'été ( 1950 ), La nuit des forains ( 1953 ), L'oeil du diable ( 1960 ) ou Fanny et Alexandre ( 1982 ) - et ses films les plus intimistes recèlent eux-mêmes une méditation sur la théâtralité à l'écran dépouillée de toute invasion des codes théâtraux.
Plus encore que le cinéma, Bergman aimait le théâtre. " Je peux exister sans faire de films, mais je ne peux exister sans faire de théâtre" - disait-il. Et, cependant, bien que s'étant retiré de derrière la caméra en 1982 après Fanny et Alexandre, une oeuvre-testament sur son enfance et sa passion du spectacle, couronnée par quatre Oscars, il ne put s'empêcher d'y revenir en 2003 avec Saraband pour la télévision suédoise, vision assez noire de la vieillesse qui fut diffusée par la suite sur grand écran.
C'est dès 1945 que le cinéaste, marqué par une jeunesse douloureuse et compliquée, débute, tout ensemble, une carrière de metteur en scène avec un stage à l'Opéra de Stockholm et un parcours personnel, en rédigeant des pièces et des romans. C'est, en effet, un réalisateur complet qui écrit lui-même ses intrigues, ses dialogues - pour la plupart d'entre eux - et utilise sa caméra comme une plume chargée d'exprimer l'angoisse de l'homme face à la solitude, à l'amour, à la mort, en quelque sorte à l'infinie tristesse d'un monde sans Dieu. Mais l'angoisse exige une affirmation constante de foi en l'homme. Le Septième Sceau est né d'une réflexion sur la précarité de la condition humaine au XXe siècle. Sa force a été de permettre l'intrusion continuelle du fantastique dans le quotidien.
Le cinéma de Bergman se révèle être le plus souvent tragique, s'attachant aux visages, à la lumière, aux fondus-enchaînés et aux thèmes fondateurs de l'inquiétude humaine. Authentiquement existentialiste en ce cas précis, l'auteur se plaît à pourfendre les pressions sociales et la morale conventionnelle et à démystifier la mythologie chrétienne et son puritanisme répressif. Fils de pasteur, il a souffert dans son enfance d'un climat familial étouffant et sera marqué à jamais par une culpabilité chronique qui ne cessera de transparaître dans ses personnages. Sa mise en scène rigoureuse bénéficiera du concours de grands acteurs qui lui resteront fidèles comme Harriet Andersson, Bibi Andersson, Gunnar Björnstrand, Max von Sydow, Ingrid Thulin, Liv Ullman, Erland Josephson. La vie, la mort, le suicide, l'avortement, la passion sont le plus souvent abordés du point de vue de la femme qui a le rôle déterminant dans ses compositions. - y compris dans ses films indirectement ou directement autobiographiques comme Scènes de la vie conjugale et Face à face.
Au confluent de ses investigations et de son questionnement métaphysique, il réalise une série de films que l'on pourrait intituler, en référence à la musique de chambre : des films de chambre, où les couples sont surpris dans leur huis-clos et rêves et fantasmes durement confrontés à la réalité : A travers le miroir, Persona, L'heure du loup, La honte. C'est le triomphe à l'écran de cette fascination pour les visages qu'il a souvent revendiquée, en affirmant : Notre travail au cinéma commence avec le visage humain.
En même temps, sa mise en scène se libère : il brise l'harmonie du récit, sa continuité. A l'écart des modes, son réalisme cinématographique répudie les images banales et, à sa manière, il pratique la déconstruction. Ainsi Personna, méditation sur les masques et les apparences, ajuste les brisures de la forme à celles que provoque le thème du double, tandis que Cris et chuchotements, réflexion douloureuse sur la mort, se sert de la couleur - le rouge principalement - pour théâtraliser sa dramaturgie. Aussi n'a-t-il pas toujours été bien compris du public, désorienté à maintes reprises par ce cinéma austère et exigeant. Ses concitoyens allèrent même jusqu'à lui reprocher de contribuer à la triste réputation de la Suède comme d'un pays de névrosés. Marié à cinq reprises, il eut 9 enfants et ne cessa de se pencher sur la nature féminine, étant certainement l'un des cinéastes qui a le mieux compris les femmes.
Fanny et Alexandre représentera en 1982 la somme totale de sa vie de réalisateur. Ce chef-d'oeuvre incontesté, convaincant dans son art de l'ellipse, est la somme édifiée sur ses films antérieurs et s'est bâti selon un récit en partie inspiré de son enfance. Si par la suite Bergman a abandonné le cinéma au profit du théâtre et de la télévision, l'évolution des techniques a tout de même permis son retour dans les salles avec des créations vidéo comme Saraband ( 2003 ).
Ingmar Bergman
Cinéaste et metteur en scène de théâtre suédois (Uppsala 1918-île de Fårö, au nord de Gotland, 2007).
LES INFLUENCES ET LES PREMIÈRES ŒUVRES
Fils d'un pasteur luthérien, Ingmar Bergman abandonne assez tôt l'université pour se consacrer au théâtre. Après avoir dirigé une troupe d'amateurs, il est promu metteur en scène au Boulevard Teater de Stockholm, puis au Stadsteater d'Helsingborg. Le cinéma, qui renaît en Suède après une longue période de sommeil artistique, ne le laisse pas indifférent : en 1944, Bergman est le scénariste de Tourments, que réalise Alf Sjöberg ; l'année suivante, il tourne son premier film, Crise. Dès lors, il va mener parallèlement une double carrière théâtrale et cinématographique.
À Göteborg, puis à Malmö et à Stockholm, il monte successivement des pièces d'Albert Camus, de Shakespeare, de Jean Anouilh, de Tennessee Williams, de Ramón del Valle Inclán, de Brecht, d'Hjalmar Bergman, son homonyme, de Strindberg, de Pirandello, de Molière, d'Ibsen. Au cinéma, ses débuts sont moins probants : pendant trois ou quatre ans, Bergman est considéré comme un bon artisan dont les œuvres ne tranchent pas par leur originalité sur la production courante. Sensible à l'influence du réalisme poétique de l'école française d'avant guerre, il s'attache surtout à dépeindre les difficultés et les révoltes d'une jeunesse en butte à l'incompréhension du monde adulte. Il se complaît dans la description naturaliste la plus crue, et, s'il évite à grand-peine le mélodrame, c'est pour emprunter avec quelque lourdeur les chemins battus du symbolisme. La forme est encore incertaine, les résultats peu satisfaisants, mais apparaissent déjà en filigrane plusieurs thèmes obsessionnels, qui vont, petit à petit, s'épanouir dans ses films ultérieurs. La Prison, qu'il réalise en 1948, marque une indéniable évolution. Ce film inaugure une période faste, qui sera marquée notamment par l'entrecroisement et le chevauchement de deux thèmes : l'un, méditatif et philosophique, analyse l'angoisse d'un monde qui s'interroge sur Dieu, le Bien et le Mal, et, d'une façon plus générale, le sens de la vie ; l'autre, caustique, brillant et satirique, brode de subtiles variations sur l'incommunicabilité du couple humain.
Dans la plupart de ses comédies, Bergman se fait l'avocat subtil des femmes dans leur quête obstinée d'un bonheur sans cesse remis en question. Mélancolique et tendre quand il évoque le souvenir d'un amour adolescent (Jeux d'été [Sommarlek], 1950), cruel quand il oppose aux rêves fragiles de ses héroïnes l'égoïsme de leurs compagnons (l'Attente des femmes, 1952 ; Une leçon d'amour, 1954 ; Rêves de femmes, 1955) ou quand il s'interroge sur l'épreuve plus ou moins aisément acceptée de la maternité (Au seuil de la vie, 1958), il peut aussi se montrer charmeur et féroce à la manière d'un Beaumarchais (Sourires d'une nuit d'été, 1955). Ce dernier film – qui est sa seizième œuvre – obtient un grand succès au festival de Cannes de 1956 et décide de la carrière de son auteur.
L'année suivante, le Septième Sceau, présenté au même festival, lui apporte la notoriété internationale. Austère et majestueux, d'une incontestable beauté formelle, ce film est une allégorie anxieuse sur la vie et la mort. Empruntant au Moyen Âge une atmosphère propice à l'expression du doute métaphysique (un chevalier qui revient des croisades, un pays ravagé par la peste, des processions de flagellants, des sorcières qu'on conduit au bûcher et, en contrepoint poétique, un couple de baladins), Bergman, par le truchement d'un dialogue inquiétant entre le Chevalier et la Mort (qui prend les traits d'un moine confesseur), explique que la vie n'est qu'une longue interrogation et que la mort elle-même ne saurait rassurer les humains victimes de son inéluctabilité, car elle non plus ne peut prouver l'existence de Dieu. Le succès de ce film touffu et riche entraîna dans le monde entier la diffusion – dans un ordre hélas ! quelque peu anarchique – des œuvres antérieures de Bergman, et notamment de la Nuit des forains (1953), symphonie cruelle et pessimiste rendue à la fois plus amère et plus fascinante par la beauté des images tour à tour expressionnistes et baroques.
L'EXPLORATEUR DES TOURMENTS DE LA CONDITION HUMAINE
Les films entrepris par Bergman après 1957 confirment le talent de celui qui prend, peu à peu, place parmi les grands cinéastes du demi-siècle, notamment les Fraises sauvages (1957), où l'on voit un vieillard – rôle interprété par Victor Sjöström – faire le bilan de sa vie, confrontant le passé, le présent et le futur par le canal de l'imaginaire. Après le Visage (1958) et la Source (1959), Bergman doit faire face à certains accusateurs, qui, tout en reconnaissant sa maîtrise, lui reprochent de s'enfermer volontairement dans un univers étouffant, qui risque de le conduire dans une inquiétante impasse artistique. Une comédie, l'Œil du diable (1960), semble confirmer les craintes de certains critiques. Les attaques violentes, qui sont la rançon d'une gloire trop subite, s'amplifient. Mais, en 1961, Bergman, indifférent aux caprices de la mode, travailleur obstiné et infatigable, apporte un éclatant démenti aux rumeurs pessimistes qui circulent sur son compte. Il entreprend une trilogie, À travers le miroir (1961), les Communiants (1962) et le Silence (1963), qui, dans un style nouveau, de plus en plus épuré, tente d'approfondir des thèmes jusqu'alors ébauchés ou traités dans un cadre infiniment plus flamboyant : l'inadaptation de l'homme au monde, le déchirement du doute religieux, la solitude morale des êtres livrés aux tourments de la chair.
Une profonde et remarquable unité entre le fond et la forme caractérise désormais les films de Bergman. Quittant à regret le monde de Strindberg et de Kierkegaard (une fantaisie au vitriol, Toutes ses femmes [1964], son premier film en couleurs, montre cependant qu'il ne renie pas entièrement le comique grinçant et souvent dérisoire de certaines de ses œuvres dites « légères »), Bergman atteint dans Persona (1965) un dépouillement total, évitant pourtant les pièges de l'abstraction sèche et laissant au spectateur une marge d'interprétation singulièrement enrichissante. L'Heure du loup (1967), la Honte (1968), le Rite (1969, réalisé pour la télévision), Une passion (1969) viennent confirmer l'originalité du talent du réalisateur : dans tous ces films, Bergman développe certaines obsessions qui paraissent le hanter profondément, comme la désintégration de la personnalité, aboutissant insensiblement à l'osmose totale entre deux êtres, l'impuissance de l'artiste à dominer ses propres angoisses, la dérision de l'« égoïsme sacré » face aux conflits qui ensanglantent le monde, la dissection pessimiste de l'amour-passion.
En 1970, Bergman cède à la tentation de tourner un film en langue anglaise : le Lien, avec Elliott Gould. Malgré le jeu bouleversant de Bibi Andersson, le film sera un échec commercial. À l'inverse, Cris et Chuchotements (1973), hallucinante étude en noir et rouge des derniers jours de la vie d'une femme atteinte d'un cancer et du comportement de ses sœurs, est l'œuvre d'un Bergman souverain. Reprenant une idée qu'il avait déjà exploitée en 1964 lorsqu'il montait Hedda Gabler pour le théâtre, Bergman choisit de faire évoluer ses acteurs dans un décor des plus saisissants, dont la couleur purpurine évoque irrésistiblement le ventre maternel.
Il ne faut pas longtemps à Bergman pour prendre conscience de l'impact de la télévision. C'est ainsi qu'il avait réalisé dès 1969 le Rite pour le petit écran. En 1973, il choisit de tourner pour la télévision Scènes de la vie conjugale : six épisodes de cinquante minutes chacun, qu'il monte simultanément en une version cinématographique de trois heures. Cette peinture des aspects tout à la fois tragiques et ridicules du mariage bourgeois trouve une immense audience en Scandinavie, de même que l'admirable production télévisée de la Flûte enchantée. Face à Face (1975) devait rencontrer un succès moindre, Bergman y donnant l'impression d'enfoncer des portes déjà grandes ouvertes.
En 1976, l'humiliation d'un scandale fiscal monté de toutes pièces pousse Bergman à s'exiler à Munich, où il réalise l'Œuf du serpent pour Dino De Laurentis, ambitieuse reconstitution du Berlin de l'immédiat après-guerre. Ce film fait écho au désarroi et aux préoccupations de son auteur, tout comme De la vie des marionnettes (1980), dans lequel s'expriment l'impuissance et le sentiment d'échec d'un individu persécuté par la société. Dans Sonate d'automne (1978), il offre à Ingrid Bergman son plus beau rôle : celui d'une pianiste de concert opposée à sa fille (Liv Ullmann) dans un duel verbal qui la conduit à affronter tout un passé d'égoïsme. En 1982, Bergman tourne Fanny et Alexandre, qu'il présente comme sa dernière création pour le grand écran. En 2003, cependant, il signe encore Saraband, qui montre ses héros de Scènes de la vie conjugale trente ans plus tard. Entre-temps, il a travaillé pour la télévision (Après la répétition, hommage à Strindberg, 1983) et écrit des scénarios (les Meilleures Intentions, pour Bille August, 1992 ; Infidèle, pour Liv Ullmann, 2000). De fortes notations autobiographiques éclairent rétrospectivement les thèmes de son œuvre : la fascination pour le monde des acteurs, la crainte des interdits religieux, la complicité avec l'univers féminin, la découverte de la mort…, le tout inscrit dans le cadre d'une grande famille d'Uppsala – ville natale du cinéaste – au début du xxe s. et vu à travers le regard d'un enfant de douze ans – plausible alter ego du cinéaste.
BERGMAN (Ingmar)
cinéaste suédois (Uppsala 1918).
Fils d'un pasteur luthérien et d'une mère dominatrice d'origine wallonne, Ingmar Bergman grandit dans une famille très stricte, où l'on considère la bonne conduite et le refoulement des instincts comme autant de vertus. Rien d'étonnant que sa sœur Margareta et lui-même se réfugient dans un univers imaginaire : ensemble, ils achètent des bouts de films pour le projecteur familial et ils construisent un théâtre de marionnettes. Bergman n'a pas vingt ans lorsqu'il quitte ses parents pour s'installer à Stockholm. Dès lors, il se consacre au théâtre universitaire et c'est à cette époque, vers la fin des années 30 et le début des années 40, qu'il se lie d'amitié avec certains de ceux qui devaient par la suite dominer le cinéma suédois de leur influence, comme Erland Josephson et Vilgot Sjöman.
En 1942, à la suite de la première d'une de ses pièces, la Mort de Punch, Bergman est invité à se joindre à l'équipe de scénaristes de la Svensk Filmindustri, où il passe deux ans à remanier des scénarios tout en continuant à écrire pour la scène des pièces que la critique accueille d'ailleurs favorablement. Pourtant, Bergman ne tarde pas à se rendre compte que, s'il doit jouer un rôle au théâtre, ce ne sera pas en tant qu'auteur, mais bien plutôt en insufflant la vie aux œuvres d'autrui, et en leur apportant l'originalité de son imagination créatrice. Par la suite, Bergman ne devait jamais cesser de travailler pour le théâtre, ne fût-ce que par intermittence. Dans les années 50, par exemple, il monte au moins deux nouvelles pièces tous les hivers au théâtre municipal de Malmö, s'attirant les louanges de la critique internationale pour ses mises en scène d'Ibsen, Strindberg, Molière, Shakespeare et Tennessee Williams.
Les mois d'été, il les réserve au tournage de ses films ; lorsqu'on connaît le caractère et la personnalité des œuvres de cette période, on peut supposer quelle rigueur exigea leur réalisation.
Plus qu'aucun autre réalisateur, I. Bergman aura été marqué par son enfance. Son premier scénario, Tourments, porté à l'écran par Alf Sjöberg, le plus grand cinéaste suédois de l'époque, repose sur un souvenir personnel : la terreur inspirée par l'un de ses professeurs — le Caligula du film —, dont il avait subi les brimades à Stockholm. Évocation fidèle de l'atmosphère qui régnait alors dans son pays, de l'angoisse et du désespoir de l'intelligentsia devant la neutralité suspecte de la Suède, Tourments était en même temps un portrait saisissant d'un psychopathe : le maître incarné par Stig Järrel.
L'année suivante (en 1945), la Svensk Filmindustri donne à Bergman l'occasion de diriger son premier film, Crise, adapté d'une pièce danoise et dont le héros, comme dans tous ses premiers films, est un alter ego à peine déguisé de l'auteur, qui par son truchement exprime ses appréhensions, son anxiété, ses aversions ou ses aspirations personnelles. Irrémédiablement coupé de son environnement, l'être humain se trouve constamment en conflit avec l'autorité sous quelque forme qu'elle se manifeste, et alors qu'il n'a pas même le moyen de croire en une puissance supérieure. Si Bateau pour les Indes (1947) et Prison (1949, le premier film entièrement écrit et réalisé par Bergman) sont parfaitement représentatifs de cette période, les deux derniers films de la décennie (la Soif et Vers la joie)témoignent en revanche d'une préoccupation nouvelle chez Bergman, qui aborde le thème du couple engagé dans une guerre sans merci. Prisonniers l'un de l'autre, les amants de Bergman se livrent un combat au corps à corps, une joute oratoire impitoyable et qui n'est pas sans rapport avec les empoignades domestiques chères à Strindberg.
Les années 50 permettent à Bergman de s'affirmer. Dès le début de la décennie, c'est dans les îles situées au large de Stockholm qu'il tourne deux éclatantes histoires d'amour qui exaltent à la fois les splendeurs de l'été suédois et les feux éphémères de la passion : Jeux d'été(1951), qu'illumine le jeu de Maj-Britt Nilsson, et Monika(1953), où s'épanouit la sexualité de Harriet Andersson. Deux thèmes désormais s'entrecroiseront, se succéderont, se chasseront l'un l'autre : le premier, méditatif et philosophique, analysera l'angoisse d'un monde qui s'interroge sur Dieu, le Bien et le Mal et, d'une façon plus générale, le sens de la vie ; le second, caustique, brillant et satirique, brode de subtiles variations sur l'incommunicabilité au sein du couple.
BERGMAN (Ingmar) (suite)
La carrière suédoise de Bergman manque pourtant de se trouver freinée par la critique, qui vilipende la Nuit des forains, analyse cinglante, voire désespérée, du désir, du sentiment de culpabilité et de ce qu'il y a de plus vulnérable chez l'homme. Grâce au prix spécial du Jury décerné à Cannes, en 1955, à Sourires d'une nuit d'été,une comédie rococo où le cinéaste sait se montrer à la fois charmeur et féroce à la manière d'un Beaumarchais, Bergman retrouve les faveurs de ses juges et parvient à mettre sur pied un projet qu'il caressait depuis longtemps : le Septième Sceau (1957). Le Septième Sceau, allégorie anxieuse sur la vie et la mort, c'est le Faust de Bergman. S'il est un film dans lequel s'expriment tout à la fois sa conception affective et intellectuelle de Dieu et son intuition d'un éventuel holocauste nucléaire — la peste médiévale symbolisant la menace que la guerre froide faisait alors peser sur le monde —, c'est bien celui-là.
Le Septième Sceau devait en outre établir solidement sur la scène internationale une remarquable troupe d'acteurs, dont Max von Sydow, Gunnar Björnstrand, Bibi Andersson et Gunnel Lindblöm. Par ailleurs, pendant les années 50, Bergman reste également fidèle à une même équipe technique : l'opérateur Gunnar Fischer, le décorateur P. A. Lundgren et le compositeur Erik Nordgren, pour ne citer que ceux-là.
Le succès éclatant remporté par le Septième Sceaupermet à Bergman de réaliser coup sur coup quatre films importants : les Fraises sauvages (1957), tout d'abord, avec l'ancien metteur en scène Victor Sjöström devenu pour l'occasion son interprète principal. Pour cette approche lucide et bienveillante de l'entrée dans la vieillesse, avec son cortège de regrets et de récriminations, l'auteur fait une nouvelle fois appel à ses souvenirs d'enfance. C'est ensuite un exercice d'apparence plus documentaire, Au seuil de la vie(1958), qui dissèque avec une précision quasi chirurgicale les réactions de trois femmes dans une maternité. Pour être campé dans le [**INTER**]XIXesiècle, le Visage (1958) n'en met pas moins en scène un certain Vogler (Max von Sydow), un magicien qui n'est évidemment autre que Bergman lui-même, l'amuseur qui gagne sa vie en charmant son public tout en s'exposant à ses sarcasmes. La Source (1960), enfin, deuxième incursion de Bergman dans le Moyen Âge, est une histoire cruelle de viol, de meurtre et de vengeance en forme de ballade du temps jadis.
En 1960, Bergman semblait avoir atteint l'apogée de son art. Cependant, au cours des années suivantes, son style se modifiera sensiblement. Le cinéaste aborde en effet une période apparemment plus austère. Une technique plus épurée, une thématique plus appronfondie, un cadre infiniment moins flamboyant au service d'une pensée inquiète et déchirée : Bergman semble bien réconcilier la forme et le fond. Il délaisse la forme symphonique pour le quatuor à cordes. Sa trilogie (À travers le miroir, les Communiants et le Silence, trois films réalisés entre 1960 et 1962) lui permettra de régler définitivement ses comptes avec son éducation religieuse. En cessant de se préoccuper de la place de l'Homme dans l'univers pour considérer celle de l'artiste dans la société, Bergman se fait l'interprète d'auteurs contemporains comme Antonioni, Robbe-Grillet ou Beckett, comme lui persuadés que l'être humain est parvenu à un stade critique de son évolution et que l'apathie du monde moderne n'est que le reflet d'un certain désenchantement.
Le tournage de Persona, en 1965, devait réunir Bergman, maintenant établi dans l'île désolée de Fårö, dans la Baltique, et l'actrice norvégienne Liv Ullmann, qui marqua du sceau de sa personnalité l'œuvre de cette période. Autour d'elle, et souvent avec Max von Sydow, Bergman élabore en effet une série de drames âpres et violents (l'Heure du loup, la Honte, Une passion), quePersona surpasse cependant par la maîtrise de sa réalisation : plus complexe dans sa structure, puisqu'il entremêle avec virtuosité le rêve et l'imaginaire, le film doit également beaucoup à l'interprétation de Bibi Andersson et de Liv Ullmann. C'est certainement aussi, de toute l'œuvre de Bergman, le film le plus profondément marqué par la psychanalyse : manifestement influencé par Jung, Persona traite en effet du transfert de personnalité et des conflits entre la persona (le masque extérieur) et l'alma (l'image de l'âme intérieure).
En 1970, Bergman cède à la tentation de tourner un film en langue anglaise : le Lien, avec Elliott Gould. Malgré le jeu bouleversant de Bibi Andersson, le film sera un échec commercial. À l'inverse, Cris et Chuchotements(1973), hallucinante étude en noir et rouge des derniers jours de la vie d'une femme atteinte d'un cancer et du comportement de ses sœurs, est l'œuvre d'un Bergman souverain. Reprenant une idée qu'il avait déjà exploitée en 1964 lorsqu'il montait Hedda Gabler pour le théâtre, Bergman choisit de faire évoluer ses acteurs dans un décor des plus saisissants, dont la couleur purpurine évoque irrésistiblement le ventre maternel.
Il ne faut pas longtemps à Bergman pour prendre conscience de l'impact de la télévision. C'est ainsi qu'il avait réalisé dès 1969 le Rite pour le petit écran. En 1973, il choisit de tourner pour la télévision Scènes de la vie conjugale : six épisodes de cinquante minutes chacun, qu'il monte simultanément en une version cinématographique de trois heures. Cette peinture des aspects tout à la fois tragiques et ridicules du mariage bourgeois trouve une immense audience en Scandinavie, de même que l'admirable production télévisée de la Flûte enchantée. Face à Face (1975) devait rencontrer un succès moindre, Bergman y donnant l'impression d'enfoncer des portes déjà grandes ouvertes.
En 1976, l'humiliation d'un scandale fiscal monté de toutes pièces pousse Bergman à s'exiler à Munich, où il réalise l'Œuf du serpent pour Dino De Laurentiis, ambitieuse reconstitution du Berlin de l'immédiat après-guerre. Ce film fait écho au désarroi et aux préoccupations de son auteur, tout comme De la vie des marionnettes (1980), dans lequel s'expriment l'impuissance et le sentiment d'échec d'un individu persécuté par la société. Dans Sonate d'automne(1978), il offre à Ingrid Bergman son plus beau rôle : celui d'une pianiste de concert opposée à sa fille (Liv Ullmann) dans un duel verbal qui la conduit à affronter tout un passé d'égoïsme. En 1982, Bergman tourneFanny et Alexandre, qu'il présente comme sa dernière création pour le grand écran. De fortes notations autobiographiques éclairent rétrospectivement les thèmes de son œuvre : la fascination pour le monde des acteurs, la crainte des interdits religieux, la complicité avec l'univers féminin, la découverte de la mort..., le tout inscrit dans le cadre d'une grande famille d'Uppsala — ville natale du cinéaste — au début du [**INTER**]XXe s. et vu à travers le regard d'un enfant de douze ans — plausible alter ego du cinéaste. Il publie en 1987 un remarquable ouvrage autobiographique : Laterna magica.
Films :
Crise (Kris, 1946) ; Il pleut sur notre amour (Det regnar på vår kärlek, id.) ; Bateau pour les Indes / l'Éternel Mirage (Skepp till Indialand, 1947) ; Musique dans les ténèbres (Musik i mörker, 1948) ; Ville portuaire(Hamnstad, id.) ; la Prison (Fängelse, 1949) ; la Soif / la Fontaine d'Aréthuse (Törst, id.) ; Vers la joie (Till glädje,1950) ; Cela ne se produirait pas ici (Sånt händer inte här, id.) ; Jeux d'été (Sommarlek, 1951) ; l'Attente des femmes (Kvinnors väntan, 1952) ; Monika / Un été avec Monika / Monika et le désir (Sommaren med Monika,1953) ; la Nuit des forains (Gycklarnas afton, id.) ; Une leçon d'amour (En lektion i kärlek, 1954) ; Rêves de femmes (Kvinnodröm, 1955) ; Sourires d'une nuit d'été(Sommarnattens leende, id.) ; le Septième Sceau (Det sjunde inseglet, 1957) ; les Fraises sauvages (Smultronstället, id.) ; Au seuil de la vie (Nära livet,1958) ; le Visage (Ansiktet, id.) ; la Source(Jungfrukällan, 1960) ; l'Œil du diable (Djävulens öga,id.) ; À travers le miroir (Såsom i en spegel, 1961) ; les Communiants (Nattvardsgästerna, 1963) ; le Silence(Tystnaden, id.) ; Toutes ses femmes / À propos de toutes ses femmes (För att inte tala om alla dessa kvinnor, 1964) ; Persona (id., 1966) ; Stimulantia(épisode : Daniel, 1967) ; l'Heure du loup (Vargtimmen,1968) ; la Honte (Skammen, id.) ; le Rite (Riten, 1969), Une passion (En passion, id.) ; Mon île Fåro [DOC] (Fåro dokument, 1970) ; le Lien (Beröringen / The Touch,1971, SUE-US) ; Cris et Chuchotements (Viskningar och rop, 1972) ; Scènes de la vie conjugale (Scener ur ett äktenskap, 1973) ; la Flûte enchantée (Trollfljöten,1975) ; Face à face (Ansikte mot ansikte, 1976) ; l'Œuf du serpent (Das Schlangenei / The Serpent's Egg, 1977, ALL-US) ; Sonate d'automne (The Autumn Sonata,1978, GB-NOR) ; Mon île Fårö (Fårö dokument, 1979, [DOC] 1979) ; De la vie des marionnettes (Aus dem Lebender Marionetten, 1980) ; Fanny et Alexandre(Fanny och Alexander, 1982), Après la répétition (After the Rehearsal, 1983) ; le Visage de Karin (Karin Ansikte,1983-1985, CM), En présence d'un clown (Larmar Och Gör Sig Till, 1998).
Dict. du cinéma Larousse
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