duminică, 17 ianuarie 2021

NOIR / The Big Combo / Gun Crazy / Joseph H. Lewis

 The Big Combo /  Joseph H. Lewis

Association criminelle
Description de cette image, également commentée ci-après
Affiche originale du film
Titre originalThe Big Combo
RéalisationJoseph H. Lewis
ScénarioPhilip Yordan
Acteurs principaux

Cornel Wilde
Richard Conte
Brian Donlevy
Jean Wallace
Lee Van Cleef
Earl Holliman

Sociétés de productionAllied Artists Pictures
Pays d’origineDrapeau des États-Unis États-Unis
GenreFilm noir
Durée89 minutes
Sortie1955



Association criminelle (The Big Combo) est un film américain réalisé par Joseph H. Lewis, sorti le .

Synopsis

Le lieutenant Diamond s'use à traquer un chef de gang nommé Mister Brown mais en dépit de tous les moyens qu'il déploie, celui-ci reste intouchable. Le policier s'entête, sans doute mû par son attirance pour Susan Lowell. Ancienne pianiste devenue l'amante officielle du criminel, celle-ci finit par craquer offrant au lieutenant Diamond une mince piste pour faire choir Monsieur Brown.

Fiche Technique

Distribution

Commentaire

image du film

Association criminelle se situe dans la mouvance des films noirs de la dernière période de l’apogée du genre. Il sort après Règlement de comptes de Fritz Lang et peu avant En quatrième vitesse de Robert Aldrich. L'œuvre est demeurée célèbre pour son aspect sulfureux. Les relations entre les personnages sont très crues et équivoques.

THE BIG COMBO (Association criminelle) – Joseph H. Lewis (1955)

Le chef local de la pègre, M. Brown, a séduit la mondaine Susan Lowell . Pendant ce temps-là, l’inspecteur Leonard Diamond , qui cherche sans répit à faire tomber Brown, prend l’élégante Susan dans ses filets, mais il se laisse influencer par les sentiments qu’elle lui inspire. On raconte que le réalisateur Joseph H. Lewis aurait déclenché la fureur de son acteur principal, Cornel Wilde, en envoyant des billets explicitement sexuels à sa partenaire et épouse de l’époque, Jean Wallace. Theodora, la société de Wilde, faisant partie des producteurs du film, la stratégie de Lewis était pour le moins risquée, mais elle lui permit d’obtenir le jeu qu’il attendait. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)

Que cette anecdote soit vraie ou non, il est indéniable que la charge sexuelle (et sociale) qui sous-tend The Big Combo est très en avance sur son temps, même pour un film noir. Puisqu’il entretient déjà une relation « plutôt déplacée pour un policier » avec la stripteaseuse Rita (Helene Stanton), personne ne s’étonne qu’il tombe sous le charme de la sensuelle Susan. La façon dont l’attitude de Diamond reflète celle de Brown le caïd est plus surprenante. Les deux hommes sont sanguins et libidineux, obsessionnels et sans pitié, si bien que les différences entre flic et voyou, inspecteur juif et gangster italien, homme de loi et hors-la-loi, sont rapidement et profondément brouillées.

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)

Les relations tordues entre les personnages – les deux « mignons » de Brown, Mingo et Fante, sont aussi manifestement homosexuels qu’il est possible de le montrer à l’écran en 1955 tandis que leur besogne de tueurs sadiques leur procure à l’évidence une excitation sexuelle – composent une atmosphère d’apocalypse typique du film noir. La bande originale toute en staccato de David Raksin et les cadrages de John Alton emplis d’ombres et de brouillard contribuent à précipiter les protagonistes vers une conclusion forcément violente. Alors qu’il idéalise Susan dans un rôle romantique de victime et qu’il méprise Brown tant pour ses prouesses sociales et financières que pour les crimes dont il a pu se rendre coupable, on peut aussi considérer que Diamond surcompense ses propres échecs sociaux et sexuels. Comme dans le plus célèbre Noir de Lewis, Gun Crazy (Le Démon des armes, 1950) – où deux fugitifs, Bart Tare et Annie Laurie Starr, sont irrésistiblement attirés l’un par l’autre « comme une arme et ses munitions » – le triangle formé par Diamond, Brown et Lowell est le noyau émotionnel de The Big combo.

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)

Comme dans ses autres films noirs, Lewis déroule son intrigue au fil de scènes dynamiques et étroitement liées. Les deux plus frappantes sont celles où Fante (Lee Van Cleef) et Mingo (Earl Holliman) exécutent les ordres de Brown. Dans la seconde, ils trahissent leur ancien chef Joe McClure (Brian Donleavy), devenu une sorte de chef émérite. McClure est dur d’oreille et dans un moment de clémence perverse les deux hommes de main lui enlèvent son appareil auditif afin que ni lui ni les spectateurs n’entendent la pluie de balles sous laquelle il va tomber. Mingo et Fante réutilisent cet accessoire original lorsqu’ils enlèvent Diamond ; ils le torturent en amplifiant le volume de l’appareil et en le soumettant à des sons douloureusement forts.

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)

Le dénouement émotionnel et visuel de The Big combo est tout aussi équilibré. Diamond demande à Rita de soutirer des informations à Brown, ce qu’elle va payer de sa vie. Perturbé mais loin d’être découragé par la mort de sa maitresse, Diamond utilise la jalousie pour retourner la femme de Brown, Alicia (Helen Walker), contre son truand de mari.

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)

Le tour de force noir de The Big combo intervient dans son célèbre dernier acte. Brown est acculé dans un hangar à avions. Alors que les renforts de police resserrent l’étau autour de lui, un échange de tirs s’engage avec Diamond, qui le blesse mortellement. Désormais libérée de l’emprise de Brown, tant physiquement que psychologiquement, Susan quitte le hangar avec Diamond.. Quand leurs deux silhouettes se détachent dans le brouillard dense, dessinées par le halo d’un projecteur, ils deviennent les archétypes du héros et de l’héroïne du Noir. Cette révélation – métaphorique – qui occupe le centre de l’image est en harmonie parfaite avec ces deux personnages de survivants. À cet instant du film, le spectateur sait qui sont ces gens et ce qu’ils ressentent, mais il ignore comment leur relation va évoluer. Traditionnellement, le brouillard nimbe les passages entre les mondes. Lowell et Diamond se tiennent à la lisière de quelque chose d’autre. Le brouillard les sépare de la réalité concrète du monde extérieur au hangar. La lumière du phare, qui balaye le cadre dessiné par l’ouverture du hangar, accentue l’impression de déplacement vers l’espace extérieur. Le mouvement conjoint de Lowell et Diamond vers la lumière suggère un comportement élémentaire : usés par les événements du film, ils marchent en direction du point le plus lumineux. Ils avancent en même temps, mais séparés. La distance entre eux est exagérée par le procédé que John Alton a appelé la « sensation tridimensionnelle » : le spectateur peut supposer que s’ils vont dans la même direction, ils vont finir par se rejoindre, mais le brouillard dans lequel ils disparaissent dissipe toute certitude. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)

Le fait que le film ait été tourné en marge des grands studios et à un moment où le Code n’avait plus la même importance qu’auparavant a permis à Joseph H. Lewis de traiter le sujet avec tout le réalisme et la franchise qu’il souhaitait. Imaginez un policier (Diamond) épris d’une stripteaseuse qui trouvera la mort à sa place, un couple de jeunes tueurs homosexuels (Fante et Mingo), un univers corrompu par l’argent et une atmosphère où la perversité des uns côtoie l’impuissance des autres. Cherchant à échapper à son amant, Susan n’a d’autre solution que le suicide, McClure porte un appareil auditif qui symbolise, face à la réussite de son patron, M. Brown, sa propre faiblesse et Brown est lui-même victime de la passion qu’il porte à Susan et qui va causer sa perte… Une nouvelle fois, John Alton joue sur les ombres et les lumières, rappelant à un moment où la couleur et le Cinémascope envahissent les écrans, ce qu’est un véritable film en noir et blanc. [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)

Il y a dans The Big combo un sens de la fatalité et de la perversion sexuelle qui sont rarement poussées si loin dans le film noir. La relation entre Susan Lowell et Brown offre un mélange de respect et d’abandon sexuel étonnant. Brown idolâtre le corps de Susan : il l’amène au comble de l’excitation en couvrant son corps entier de baisers tout en murmurant des paroles lascives. Quant à Susan, bien qu’elle se sente coupable, elle ne peut échapper à cette irrésistible attirance sexuelle. Malgré sa tentative de suicide et l’apparent soulagement avec lequel elle accueille l’aide de Diamond, c’est sans conviction qu’elle cherchera à modifier son mode de vie dissolu. On trouve en outre dans The Big combo une grande violence, de nature à la fois brutale et érotique. L’homosexualité cachée de Mingo et de Fante s’épanouit dans l’atmosphère sadique du meurtre et de la torture et la violence raffinée prend pour eux la valeur d’un véritable rite sexuel. [Encyclopédie du film Noir – Alain Silver et Elizabeth Ward – Ed Rivages (1979)]

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)

La mise en scène de Joseph H. Lewis met fortement en évidence, tout au long du film, les conflits sexuels qui déchirent les personnages; jusqu’à Diamond qui. semble être quelqu’un de sexuellement frustré cherchant à compenser son impuissance. De même que dans le désormais classique Démon des armes, on trouve cette manière propre à Lewis de lier la violence et le sexe quant à l’exploration du fantasme, elle rappelle étrangement la première époque du film noir ; celle de Scarlet street (La rue rouge) et de The Woman in the window (La femme au portrait). La photographie fortement contrastée de John AIton et les harmoniques sexuelles de Lewis enferment les personnages de The Big combo dans une sorte d’univers insulaire et noir où la répression du non-dit s’exprime avec une terrible violence graphique. [Encyclopédie du film Noir – Alain Silver et Elizabeth Ward – Ed Rivages (1979)]

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)

Les grands thèmes de The Big combo sont suggérés dès le départ : la partition de David Raksin sursaute, stridule, un peu comme si un groupe burlesque accompagnait une strip-teaseuse. Susan s’enfuit d’un match de boxe, est poursuivie à travers les ruelles sombres puis finalement empoignée par les séides de Brown. Cette scène est une pure métaphore visuelle de domination sexuelle. La possession de la belle femme est à la base de sa quête du pouvoir. Brown et son béni-oui-oui, McClure (Brian Donlevy), visitent la loge de Benny, le boxeur de Brown, qui vient de perdre un combat. Brown offre à Benny un cours de rattrapage de philosophie, se servant de McClure, complètement à sa botte, comme exemple type. « Nous mangeons les mêmes steaks, buvons le même bourbon. Regarde – même manucure, même boutons de manchette. Mais on n’a pas les mêmes filles. Pourquoi ? Parce que les femmes font la différence. Elles ont de l’instinct. Le premier est le premier, et le deuxième n’est rien… Qu’est-ce qui fait la différence ? La haine. La haine, Benny. Hais l’homme qui essaye de te tuer. Hais-le jusqu’à ce que tu voies rouge, hais-le jusqu’à ce que tu récoltes le gros paquet de fric. Après, les filles pleuvront de partout. Tu seras obligé de couper le téléphone et de fermer ta porte à clé pour avoir une nuit de repos. » Brown frappe alors le visage déjà commotionné de Benny, puis lui dit : « T’aurais dû me rendre mon coup. T’as pas la haine. Déchire le contrat de Benny. Il ne m’est plus d’aucune utilité. »

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)

A partir de là, The Big Combo devient un film de boxe noir d’un autre genre, où Brown et Diamond, deux hommes des cavernes du XXe siècle, s’entre-tuent pour le trophée : la blonde. Diamond a beau vouloir limiter la propagation de la corruption de Brown, il préférerait le castrer plutôt que l’incarcérer. La perversité sexuelle est partout présente. Susan se laisse séduire par Brown de manière suicidaire. Ses ambitions personnelles sont sacrifiées, elle est complètement prisonnière de ses coups de langue et de ses rouleaux de billets. Brown s’excite en l’enlaçant dans une pièce secrète pleine d’argent et de munitions. Ses hommes de main, Fante (Lee Van Cleef) et Mingo (Earl Holliman) ressemblent à un couple homo utilisant le tabassage et la torture comme préliminaires amoureux. Rita, la petite amie du flic, lui explique les choses : « Les femmes se foutent de la manière dont un homme gagne sa vie, elles ne s’intéressent qu’à sa manière de faire l’amour. » Brown marque même des points contre Diamond par procuration.

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)

« T’aurais aimé être à ma place, affirme Brown à Diamond. T’aurais aime avoir toute mon organisation, mon pouvoir, mon fric. Tu penses que c’est l’argent. Tu te plantes : c’est une question de personnalité. » Il reporte donc également les joutes verbales. Grâce au scénariste Philip Yordan, Brown lâche par rafales certains des meilleurs dialogues de gangster.

« Pour toi, c’est monsieur Brown. Seuls mes amis m’appellent Brown. »
« Je vais le briser si vite qu’il n’aura pas le temps de changer de pantalon. »
« T’es un petit gars avec un boulot tranquille et un bon salaire. Arrête de songer à ce que tu aurais pu devenir, et qui Sait – tu mourras peut-être dans ton lit. »
« S’ils t’emmènent au QG de la police, tire-toi une balle dans la tête. Ça simplifiera les choses. »

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)

En plus de sa vivacité mordante, le récit de Yordan reste l’une des représentations les plus dépouillées du gangstérisme. II profite infiniment de l’austère mise en scène de Joseph H. Lewis, qui ferait du Robert Bresson si ce dernier éclatait à coups de poing un crétin ivre. Le manque de moyens de la production est magnifiquement dissimulé par la photo magistrale de John Alton. Tous trois ont pris un malin plaisir à jouer avec les conventions du genre et à repousser les limites de ce qu’on pouvait montrer à l’écran. Dans une scène, Conte lèche les épaules de Jean Wallace, puis quitte la scène en suggérant le cunnilingus. A un moment, les deux gâchettes, apparemment à voile et à vapeur, sont en planque : Fante, essaye de faire manger quelque chose à son copain agité du bocal. « Je ne peux plus avaler de salami », marmonne Mingo, assez subtilement pour échapper au radar de la censure.

THE BIG COMBO (Joseph H. Lewis, 1955)
L’HISTOIRE

Le chef d’une bande de gangsters entreprend de conquérir une jeune femme de bonne famille, Susan Lowell (Jean Wallace). Un détective zélé, Leonard Diamond (Cornel Wilde) observe toute sa stratégie dans l’espoir de le démasquer et de sauver Susan. Sa tactique consiste à procéder sans cesse à des arrestations plus ou moins injustifiées pour harceler Brown (Richard Conte) et tenter d’en savoir plus. Mais Brown, qui a pour maxime « être le premier, c’est être le premier, être le second, c’est n’être rien », trouve que Diamond va trop loin. Il décide de réagir : il le fait enlever par deux hommes demain, Mingo (Earl Holliman) et Fante (Lee Van Cleef), qui sont secrètement amants. Ils torturent Diamond en utilisant l’audiophone de Mc Clure (Brian Donlevy), gangster important qui a été détrôné par Brown : grâce à cet appareil, ils amplifient les sons au-delà des limites du supportable. Une fois rétabli, le détective est résolu à envoyer Brown en prison. Il commence par l’impliquer dans le meurtre du truand qui l’a précédé à la tête de la bande de malfrats. Brown élimine alors Mc Clure et ses hommes, juste au moment où ils étaient sur le point de découvrir sa déloyauté. Mais Brown est trahi par son ex-femme et se fait tuer par Diamond dans un hangar désert.

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Gun Crazy  / Le Démon des armes / 1950

Le Démon des armes (Gun Crazy - Deadly is the Female) est un film réalisé par Joseph H. Lewis et sorti en 1950.

Synopsis

Bart Tare a toujours été fasciné par les armes, au point qu'il tente d'en voler une dans la vitrine d'un marchand, à l'âge de 14 ans. Après la maison de correction et l'armée, il revient au pays, avec des idées de vie honnête et sereine... Mais un jour, un cirque visite la ville, et Bart assiste au numéro de tir d'Annie Laurie Starr, qui possède, comme lui, une suprême adresse dans cet exercice... Il s'engage à ses côtés, c'est bientôt le mariage et la ruine... Les deux tireurs d'élite en viennent à penser au braquage. Bart le vit comme un cauchemar mais pas Annie, toujours avide, moins d'argent que de sensations fortes. Et contrairement à Bart, elle ne récuse pas l'idée de tuer un jour...

Fiche technique

Distribution

Autour du film

  • Gun Crazy: Le démon des armes est le titre utilisé par l'IMDb [archive] et le film est nommé couramment : Gun Crazy.
  • Le Démon des armes connut une sortie tardive en France, mais fut très vite reconnu comme un bijou du genre. Ado Kyrou voyait en lui «un film admirable qui seul de tout le cinéma marque nettement le chemin qui mène de l'amour fou à la révolte folle1 ».
  • Dalton Trumbo, qui se trouvait alors sur la liste des Dix d'Hollywood, n'est pas mentionné au générique. C'est Millard Kaufman qui endossa la paternité du scénario.
  • Une courte scène montre l'arrestation de suspects durant la cavale du couple (57e minutes). On y voit des voitures de police s'arrêtant devant le commissariat ("detective bureau") déversant leur lot d'inculpés. Cette scène sera de nouveau « utilisée » dans les films Chasse au gang (Crime Wave) en 1954 et Association criminelle (The Big Combo) en 1955, respectivement à la 10e minutes et 19e minutes.

GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950)

PAR MON CINÉMA À MOI LE 10 MARS 2019 •

Condamné à l’insuccès à l’époque de sa sortie, Gun Crazy(Le Démon des armes) a acquis au fil du temps une notoriété qui n’a cessé de grandir. Une réputation méritée, car le film atteint, dans le genre mineur du ­polar de série B, une quasi-perfection. Moyens limités mais mise en scène nerveuse, scénario simple et efficace mais pas idiot : tout est à la bonne mesure. Le démon du titre est celui qui hante le jeune Bart, un fou des armes à feu. Dès son plus jeune âge, il collectionne revolvers et carabines, sans pourtant devenir un énervé de la gâchette : tuer lui répugne. Devenu adulte, Bart compte vivre sa passion en travaillant chez un fabricant d’armes. Mais, dans une fête foraine, il rencontre la fascinante Annie Laurie Starr, reine du pistolet, qui met le feu aux poudres. Associés et très vite amants, ils se lancent dans une vie d’aventuriers braqueurs, et l’amour des armes perd alors toute innocence. Dans la tradition du film noir, la violence et le sexe sont ici inséparables : la femme déclenche une passion aussi vive que celle des armes, et tout aussi fatale. Le film suit cette escalade avec une caméra très violente, qui semble souvent saisir l’action en direct. Ce couple annonce déjà Bonnie and Clyde avec une modernité étonnante. [Frédéric Strauss – Télérama]

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall

Bien que Gun Crazy (Le Démon des armes) n’ait été tourné que quelques années plus tard, le duo dépeint par le réalisateur Joseph H. Lewis et le scénariste Dalton Trumbo est bien loin de l’innocence des couples en cavale de You Only Live Once (J’ai le droit de vivre, 1937) de Fritz Lang ou des They Live by Night (Les Amants de la nuit, 1949) de Nicholas Ray. Au contraire, ces amants diaboliques annoncent l’érotisme patent des films néo-noirs postérieurs à la censure, comme Bonnie and Clyde (1967) d’Arthur Penn et Guncrazy (1992), l’hommage réalisé par Tamra Davis. Même par rapport à ces œuvres plus émancipées, Gun Crazy (Le Démon des armes) paraît parfois assez osé. Par exemple, quand Clyde montre son revolver à Bonnie dans le film d’Arthur Penn, celle-ci se contente d’en caresser nonchalamment le canon. Métaphore sexuelle qui fait pâle figure à côté de la rencontre des deux protagonistes de Gun Crazy [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall

Auteur de l’histoire originale, MacKinlay Kantor écrivit un scénario de plus de trois cents pages que Joseph H. Lewis et Millard Kaufman réduisirent à une longueur plus acceptable. « Grâce à moi, déclara Lewis, le film a été deux fois meilleur que le scénario. MacKinlay Kantor ne m’a pourtant jamais pardonné et ne m’a plus jamais parlé. » Lewis réussit à convaincre les frères King, « d’anciens gangsters qui avaient installé des machines à sous dans toute la région est de Los Angeles », de produire le film. Il choisit, pour interpréter les deux héros du film, John Dall, dont l’ambivalence avait déjà été utilisée par Alfred Hitchcock dans Rope (La Corde), où il jouait un assassin homosexuel, et Peggy Cummins, qui avait au moment du tournage vingt-quatre ans et qui avait finalement été remplacée par Linda Darnell dans Forever Amber (Ambre). Une alchimie surprenante s’établit aussitôt entre les deux interprètes, évidente dès la séquence de la scène de la fête foraine.  [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall

Bien qu’on s’y réfère souvent comme à un précurseur de Bonnie and Clyde, le pur style noir de Gun Crazy, son récit désespéré et son aura d’érotisme en ont fait une œuvre clé du cycle noir. Le thème du couple en fuite est un des plus anciens du genre. Mais alors que l’amour funeste de Joe et Eddie dans You only live once (J’ai le droit de vivre), antérieur, ou celui de Bowie et de Keechie dans They Live by Night (Les amants de la nuit), plus récent, est empreint d’une sérénité presque asexuée qui pourrait laisser croire à leur salut, l’amour brutal et charnel de Annie Laurie Starr et de Bart Tare est à la racine même de leur perte. De plus, Fritz Lang et Nicholas Ray minimisent la sexualité et la violence qui lient leurs protagonistes tandis que dans Gun Crazy il n’y a aucune scène d’intimité domestique qui puisse équilibrer l’anarchie fondamentale du couple. [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall

Pour Joseph H. Lewis, le sexe et la violence sont les thèmes majeurs du monde noir. Cette perspective, que l’on retrouve plus tard dans The Big Combo (Association criminelle) s’oppose à celle de Lang et de Ray mais préfigure certaines caractéristiques du style de Penn dans son Bonnie and Clyde. Lorsque Clyde montre son révolver à Bonnie, elle exprime son excitation en caressant le canon de l’arme. Or, une telle séquence parait presque fade à côté de la première rencontre de Bart et d’Annie Laurie à la foire. Lewis filme, dans une contre plongée éloquente, l’arrivée résolue d’Annie en costume de cowgirl tirant en l’air avec deux pistolets. Bart accepte le défi, qui renvoie aussi, métaphoriquement à sa virilité, et les deux protagonistes s’affrontent sur scène. Le gagnant du spectacle sera celui qui aura enflammé le plus d’allumettes d’une couronne portée par l’adversaire, en tirant avec des balles de calibre 45. La séquence se clôt sur un échange de regards : l’expression d’Annie Laurie marque l’approbation tandis que Bart, le vainqueur, arbore un large sourire.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall

A cet instant, leurs rapports figurent parmi les plus purement sexuels du film noir. Il abandonne famille et amis pour la rejoindre. Elle refusera ses faveurs à Packett, ce qui va les lancer dans leur vie de hors-la-loi. Malgré la fascination de Bart pour les armes, c’est Annie Laurie qui prend l’initiative de leur premier acte criminel. Lorsqu’ils n’ont plus un sou, elle lui fait un chantage sexuel pour l’empêcher de vendre sa collection d’armes et lui explique que s’ils exerçaient leurs talents de tireurs dans les banques plutôt que dans des baraques foraines, ils seraient riches. Devant son hésitation, elle s’assied sur le lit défoncé du motel et enfile ses bas calmement, menaçant de partir.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall

Lewis a choisi un milieu rural plutôt qu’urbain pour renforcer l’idée d’une sexualité obsédante et destructrice qui a pour cadre les motels de campagne. Rien ne peut détourner Annie et Bart d’eux-mêmes ni de leur manque de perspectives. Lewis utilise les emblèmes habituels du noir, automobiles, révolvers, bérets et chandails moulants pour Annie (quand il ne s’agit pas de sa tenue de cowgirl) et, dans les séquences du début, le décor et les bruits de la foire servent à suggérer l’isolement et le délabrement. Quand ils font un hold-up dans une banque de Hampton pendant une fête locale, ils mettent des chemises « western » et des chapeaux pour s’intégrer à la foule, métaphore visuelle qui donne à penser que leur « amour fou » est aussi anachronique et primitif que leurs vêtements, et lié à une phase anarchique et sans loi de la société.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall

Dans la même séquence, Lewis aura recours à un plan-séquence pout poser formellement l’équivalence du sexe et de la violence durant un de leurs hold-up ; la caméra, installée sur le siège arrière de la voiture commence par enregistrer leur nervosité et leur inquiétude, comme s’il s’agissait d’adolescents à leur premier rendez-vous ; puis, au fur et à mesure qu’ils approchent de la caisse d’épargne, leur excitation monte ; ils se demandent si tout va marcher comme prévu, s’ils trouveront une place pour se garer… Durant le cambriolage, la caméra reste avec Annie dans la voiture et effectue simplement un panoramique sur la contre-allée au moment où elle sort quelques instants afin de distraire un policier en admirant son révolver. Lorsque Bart arrive, elle assomme le policier avec son arme. Même après cette acmé, la tension visuelle se poursuit tandis que la voiture file à toute vitesse dans la ville. Annie Laurie, essoufflée, jette un coup d’œil à l’arrière, vers la caméra, tout en se penchant vers Bart comme pour l’étreindre mais personne ne les a suivis. Lewis achève la séquence sur un fondu à la fermeture sur son regard tranquillisé et heureux, souriant lascivement comme au moment où Bart avait gagné le concours.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall

Filmer un crime violent comme s’il s’agissait d’un acte sexuel n’est pas chose unique dans le cycle noir mais la constance de cette formalisation dans Gun Crazy imprègne la sexualité d’Annie et de Bart d’un désespoir et d’un fatalisme définissant exactement la sensibilité noire. Par ailleurs, Lewis donne à ses personnages une .conscience plus exacerbée de leur « amour fou » que les couples en fuite de You only live onceThey Live by Night et même de Bonnie and Clyde. Packett l’exprime en disant à Annie Laurie qu’elle et Bart, la première fois qu’ils se sont vus, se sont regardés « comme des animaux sauvages  ». D’ailleurs Bart, une fois qu’il a été initié à la violence des premiers frissons sexuels avec Annie Laurie, semble savoir exactement quelles seront les conséquences de son choix. Quand elle lui annonce qu’ils doivent se séparer puisqu’elle le détruit, il répond, avec fatalisme, «nous sommes inséparables comme un révolver et des balles ». Cette réplique marque le caractère à la fois explosif et fatal de leur relation ; ils sont faits l’un pour l’autre mais dans la violence et dans la mort. A la différence du film de Nicholas Ray où Bowie et Keechie font lentement l’apprentissage de la sexualité, la sauvagerie sexuelle de leur première rencontre ne peut aboutir qu’à une autodestruction romantique. La séquence la plus significative à cet égard est muette.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall

Annie Laurie a convaincu Bart de prendre une route différente et de la rejoindre plus tard. Il la conduit à l’endroit où se trouve une seconde voiture et tous deux démarrent dans des directions opposées. Brusquement, et exactement en même temps, on voit les voitures faire marche arrière, comme si elles étaient irrésistiblement attirées l’une par l’autre, et éviter de peu la collision. Les automobiles expriment parfaitement les pensées non verbalisées de leurs conducteurs.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall

La fin de Gun Crazy, lorsque le couple est cerné par les anciens amis de Bart, récapitule la qualité noire et irrationnelle de de leur amour. Le retour de Bart sur les lieux de son enfance, là où est née sa « folie des armes », peut être compris soit comme un désir de retrouver les origines de sa perte, soit comme un besoin d’étaler au grand jour, devant ses anciens amis son caractère fondamentalement asocial. Quoiqu’il en soit, la formalisation des décors et la mort stylisée du couple dans les terres bourbeuses couvertes de brume ajoute une note insolite, presque lyrique à leur amour. La folie des armes et de l’amour « fou » ; ont des éléments typiquement noirs mais aucun autre film ne leur donne une telle ampleur, ni une telle richesse d’expression.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall

Etant donné les conventions du genre, le spectateur aurait compris à quoi devait mener, inéluctablement. La passion entre Laurie et Bart même Si Lewis avait terminé son film en les montrant enlacés dans leur voiture filant sur l’autoroute. La séquence finale, avec sa violence rigoureuse qui rappelle J’ai le droit de vivre prend presque la valeur d’un commentaire détaché, affirmant la conclusion nécessaire de l’amour fou dans la mort.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

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ON SET – Peggy Cummins, John Dall et Joseph H. LewisGUN CRAZY (Le Démon des armes,1950)

L’HISTOIRE

Un jeune homme est si fasciné par les armes qu’il ne se sent exister qu’avec un révolver en main. Après avoir passé sa jeunesse dans une maison de correction et avoir fait son service militaire, Bart Tare (John Dall) retourne dans sa ville natale. En compagnie de deux vieux amis, il se rend à une fête foraine où l’exhibition de Annie Laurie Starr (Peggy Cummins), dite « Annie Oakley », le subjugue. Elle met à défi le public de rivaliser au tir avec elle, sur la scène. Bart accepte et gagne. Son adresse impressionne le forain Packett (Berry Kroeger) qui l’engage à participer au spectacle. Après quelques semaines itinérantes, Bart et Annie Laurie décident de se marier mais Packett les renvoie alors car il s’intéressait à Annie Laurie et n’a maintenant plus rien à espérer d’elle. Ils n’ont plus d’argent, leur style de vie se dégrade et Annie Laurie persuade Bart de faire un hold-up ; le couple devient dès lors hors-la-loi. Ils commencent par les stations-service, puis les marchands de vins et finissent par attaquer les banques ; leur renommée s’accroît. Bien que Bart soit un excellent tireur, l’idée du meurtre lui répugne ; Annie Laurie, elle, est parfaitement à l’aise dans la violence ; comme Bart est sexuellementrès fasciné par elle, Annie l’entraîne à commettre toute une série de crimes.

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall

Après quelques mois de hold-up et des fuites dans le sud-ouest des Etats-Unis le couple arrive en Californie, Ils projettent de faire un gros coup puis de franchir la frontière du Mexique. Ils se font embaucher dans une usine de conditionnement pour la viande tout en préparant méticuleusement leur plan. Mais leur projet – voler les salaires de l’usine – est compliqué par le fait qu’Annie Laurie tue deux employés. Ils ne peuvent passer au Mexique et comme ils ne veulent pas se séparer, ils retournent tous deux dans la ville natale de Bart. Or, la famille de Bart n’est pas du tout le refuge attendu, quant à ses amis d’enfance, ils sont devenus des notables et responsables, travaillant avec le shérif. Ils viennent les arrêter, Bart et Annie s’enfuient à pied dans les montagnes des environs. La nuit tombe ; leurs poursuivants se rapprochent ; Bart se sent déchiré entre sa loyauté envers sa femme et le désir de retrouver la pureté de son enfance, non entachée par sa vie criminelle ultérieure. Il tue Annie Laurie avant d’être tous deux abattus par la police. Leurs corps tombent ensemble dans une dernière étreinte mortelle.  

LES EXTRAITS

« Dans chaque autre scène, j’ai laissé le public imaginer le sexe, mais dans cette séquence, je dois admettre que je n’ai pas cherché à dissimuler ce que je pensais. C’est évident. J’ai dit à John: « Votre bite n’a jamais été aussi dure » et à Peggy : « Vous êtes une chienne en chaleur et vous voulez cet homme. Mais, ne semblez pas vous dépêcher. Laissez-le attendre » C’est ainsi que je leur ai parlé avant de les livrer à eux-mêmes. Je ne leur ai pas donné d’autres indications. »  Joseph H. Lewis

Lewis dirige les deux acteurs comme deux animaux tournant l’un autour de l’autre, elle d’abord autour de lui, lui, ensuite, autour d’elle. Le concours de tir entre Bart et Annie devient dès lors une véritable joute sexuelle, la fonction érotique des armes apparaissant tout au long du film. Lewis a, par ailleurs, longuement raconté comment il a mis au point la fameuse scène de l’attaque de la banque : « Dans le scénario, la séquence occupait dix-sept pages. J’ai oublié le nombre de plans. Le couple arrivait en ville, entrait dans la banque, la dévalisait et repartait. Je n’étais pas content parce que c’était une scène de hold-up comme on avait pu en voir dans un millier d’autres films. Je me disais déjà: « Il va falloir construire des décors. Irons-nous dans une véritable banque ou construirons nous un décor? » Je n’étais pas content, et je sentais que je ne le serais pas non plus après si je tournais la scène ainsi. J’ai alors pris ma caméra 16 mm et deux figurants que j’ai payés moi-même, je leur ai expliqué ce que je voulais et nous sommes allés en ville. Là j’ai engagé quelqu’un pour jouer le rôle du policier. J’avais l’idée de tout tourner en un seul plan. Ma caméra 16 mm n’ayant que des chargeurs de cinquante pieds, j’ai dû arrêter, recharger et reprendre la scène. Je suis rentré chez moi, ai monté le tout et l’ai passé sur mon propre appareil de projection. J’ai aimé ce que j’ai vu. J’ai alors dit aux producteurs comment je voulais tourner la scène, en un seul plan. Ils ont cru que j’étais devenu fou. » Lewis réussit à mettre en scène la séquence ainsi qu’il le voulait, la Cadillac des deux criminels ayant été transformée en mini-studio. Il tourne deux prises et garde la seconde.

Non prévenus, les habitants de la ville furent un moment persuadés que leur banque était réellement attaquée. « Lorsque les autres studios entendirent parler du film, chacun en acheta une copie et m’appela. C’était la première fois que l’on utilisait un équipement réellement portable. Nous n’avions pu nous servir de l’habituelle Mitchell Bell and Howell. Elle était trop importante. Nous avions utilisé une caméra beaucoup plus petite avec un chargeur adjacent de mille pieds. Pour le son, nous nous servions de micros-boutons. Nous avions un studio complètement équipé monté sur roues, et vous pouviez le transporter n’importe où.»

Succession de prouesses techniques, Gun Crazy permet à Lewis de développer des rapports de plus en plus ambivalents entre ses deux héros. Annie apparaît comme une superbe garce criminelle, une affolante et inquiétante petite tueuse. « Elle a affolé le garçon, dit Lewis, au point qu’il ne sait plus ce qui compte. C’est un type bien. Plutôt que de la laisser tuer un autre être humain, il lui faut, à la fin, détruire l’objet même de son amour. Il n’avait pas le choix, c’est exactement comme Bogart dans The Maltese Falcon (Le Faucon maltais), envoyant Mary Astor en prison pour quarante ans. La fin, dans le marais, devait à l’origine se situer dans une voiture. On tirait dessus et ils mouraient tous les deux. Cela ne me disait rien. C’était une histoire d’amour et pas un film de gangsters. Au bout de plusieurs jours, je choisis finalement le marécage avec les roseaux. Chasseur de canard, je me rappelais les ombres des roseaux sur le visage de mon compagnon quand nous étions à l’affût. » De même que le décor final du marais, celui de l’usine frigorifique, dont des salles entières sont remplies de quartiers de viande, contribue à l’intensité de ce film brûlant, l’un des classiques de la série B hollywoodienne. «Je n’avais jamais entendu parler de Bonnie and Clyde quand je fis ce film. J’ai vu le film d’Arthur Penn il y a plusieurs années, à la Directors’Guild. À la fin, je dis à ma femme : « C’est Gun Crazy en couleurs, mais en moins bon » » [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

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Annie Laurie Starr (Peggy Cummins), l’une des femmes fatales les plus complexes et les plus fortes de l’âge d’or du film noir, avec son béret emblématique.

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GUN CRAZY (Le Démon des armes) – Joseph H. Lewis (1950) avec Peggy Cummins et John Dall


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