duminică, 17 ianuarie 2021

Jean Gabin 2

 

Jean Gabin

Jean Gabin
Description de cette image, également commentée ci-après
Jean Gabin en 1948, studio Harcourt.

Jean Gabin est un acteur français, né le  à Paris (9e arr.) et mort le  à Neuilly-sur-Seine.

Commençant sa carrière comme chanteur de revue et d'opérette, il s'impose ensuite à l'écran, devenant une vedette du cinéma français, avec sa « Gueule d'amour », tournant avec les réalisateurs importants de l'entre-deux-guerres comme Julien DuvivierMarcel Carné ou Jean Renoir. Lors de la deuxième guerre mondiale, il s'engage dans les Forces françaises combattantes, comme marin embarqué, puis en  comme chef de char au 1er régiment de fusiliers marins. Après la guerre, il connait une période creuse. À partir de 1954 et de la sortie de Touchez pas au grisbi, il devient un « pacha » au physique imposant et au regard sombre incarnant la plupart du temps des rôles de truands ou de policiers, toujours avec droiture, dans des films souvent dialogués par Michel Audiard.

Sa filmographie de 95 films, compte d'importants classiques, parmi lesquels Gueule d'amourLa Bête humainePépé le MokoLe Quai des brumesLa Grande IllusionUn singe en hiverLe ChatLe Pacha ou La Traversée de Paris. Il tourne avec la plupart des grands acteurs de l'époque dont certains, comme FernandelLino VenturaBernard BlierJean-Paul Belmondo, ou Alain Delon, sont ses amis. Acteur populaire, il a attiré plus de 161 millions de spectateurs dans les salles après-guerre1, auxquels il faut ajouter ses nombreux succès parmi sa trentaine de films d'avant-guerre au box-office inconnu.

Il a remporté trois fois le prix d'interprétation masculine de la Mostra de Venise, en 1951 pour La nuit est mon royaume et en 1954 pour L'Air de Paris et Touchez pas au grisbi, ainsi que deux fois l'Ours d'argent du meilleur acteur à la Berlinale, en 1959 pour Archimède le clochard et en 1971 pour Le Chat.

Biographie

Enfance

Jean, Gabin, Alexis Moncorgé2 (Gabin est donc son deuxième prénom3), naît à Paris le  à deux heures du matin, au 23 du boulevard de Rochechouart (9e). Il est le plus jeune fils de Ferdinand Joseph Moncorgé (1868-1933), tenancier de café et comédien d'opérette sous le nom de scène de Ferdinand Gabin, et de Hélène Madeleine Petit (1865-1918), plumassière du quartier du Sentier dont la famille vient de la Nièvre, reconvertie dans le registre « chanteuse fantaisiste » de café-concert sous le pseudonyme d'Hélène Petit. Le couple a eu sept enfants dont trois meurent en bas âge ; Jean a donc un frère, Ferdinand-Henri (1888-1939) et deux sœurs, Madeleine (1890-1970) et Reine (1893-1952)4.

Il passe ses dix premières années à la campagne, pour laquelle il garde toute sa vie un profond attachement. Loin de la vie parisienne de spectacle de ses parents, il est élevé par sa sœur aînée Madeleine, dans le petit bourg de Mériel dans le Val-d'Oise (alors Seine-et-Oise), à l'actuel 63, Grande rue, dans une maison à l’étroite façade dont le pignon arrière, où se trouve la fenêtre de sa chambre, offre une vue imprenable sur la gare5.


Jean Gabin, élève au lycée Janson-de-Sailly en 1918.

En 1914, un coup appuyé lors d'un combat de boxe lui écrase le nez. Le , alors qu'il a quatorze ans, sa mère meurt. Il obtient son certificat d'études primaires à l'école rue de Clignancourt, mais mauvais élève il délaisse le lycée Janson-de-Sailly à Paris, où il est inscrit, et enchaîne de petits métiers : garçon de bureau à la Compagnie parisienne de distribution d'électricité, cimentier à la gare de la Chapelle, manœuvre dans une fonderie, magasinier aux magasins d'automobiles de Drancy, vendeur de journaux6. À 17 ans, il veut, comme son grand-père maternel, devenir conducteur de locomotive à vapeur dont il peut voir les évolutions depuis sa chambre.

Premiers pas au music-hall

En 1922, son père le force à entrer, à 18 ans, dans le monde du spectacle, et aurait dit au directeur des Folies-Bergère Fréjol, un de ses amis : « Tiens, voici mon fiston. Il aimerait faire du théâtre. Peux-tu l'aider ? Si tu arrives à en tirer quelque chose, tu auras bien du mérite. Moi, j'y renonce… » . Devenu figurant, Jean est placé sous la bienveillance du comique troupier Bach7.

De 1924 à 1925, Jean Gabin effectue son service militaire dans la marine nationale, d'abord comme fusilier marin à Lorient, puis au ministère de la Marine à Paris. Pendant une de ses premières permissions, le , il épouse une admiratrice, la future actrice Marie-Louise Basset, dite Gaby, avec qui il n'a pas d'enfant8.

En 1926, à 22 ans, il devient un véritable artiste de music-hall et chanteur d'opérette. Il fait monter sur scène La Goulue auprès de Mistinguett, et il imite Maurice Chevalier. Il entame un tour de chant avec succès pendant deux ans dans toute la France. Il part en 1927 pour le Brésil avec Gaby mais l'affaire tourne au fiasco : ni contrat, ni tournée, ni cachet. Il rentre à Paris via Cherbourg puis, lors d'une audition au printemps 1928, au Moulin Rouge Mistinguett le remarque et lui propose de rejoindre sa troupe. Il débute comme boy, le , dans la revue Paris qui tourne. En chantant On m'suitJulie c'est Julie et La Java de Doudoune de José Padilla en 1928, il devient le partenaire de Mistinguett, qui vient de rompre avec Maurice Chevalier, au Moulin-Rouge et aux Bouffes-Parisiens dont le directeur est le célèbre auteur de l'époque Albert Willemetz9.

À partir de 1929, il joue les jeunes premiers dans des opérettes comme Flossie ou Les Aventures du Roi Pausole, toutes deux sur des paroles d'Albert Willemetz. Il vit une amourette avec Jacqueline Francell, sa partenaire de Flossie, et divorce de Gaby.

Débuts au cinéma et consécration (1928-1939)

En 1928, il fait ses débuts au cinéma dans deux courts-métrages avec le comique Raymond DandyOhé les valises ! et On demande un dompteur10.

Ce n'est que deux ans après l'arrivée du cinéma parlant en Europe que Jean Gabin, après avoir refusé de tourner dans Le Chemin du paradis11, fait ses véritables débuts cinématographiques en tournant en 1930 Chacun sa chance, un des premiers films parlants du cinéma français, dans lequel il joue aux côtés de son ex-épouse Gaby Basset et du chanteur Jean Sablon.

Par la suite, il enchaîne les tournages : étant tour à tour policier dans Méphisto, cambrioleur dans Paris Béguin, vendeur de TSF dans Tout ça ne vaut pas l'amour, mécanicien dans Gloria, soldat récalcitrant dans Les Gaietés de l'escadron, capitaine de péniche dans La Belle Marinière, que Gabin considère comme son premier grand rôle à l'écran11, ingénieur dans Le Tunnel et Adieu les beaux jours.

Son père meurt le . Trois jours plus tard, Gabin épouse à la mairie du 16e Jeanne Mauchain, meneuse de revue et danseuse nue du Casino de Paris, connue sous le nom de Doriane Mauchain.

En 1934, il tourne pour la première fois sous la direction de Julien Duvivier dans Maria Chapdelaine et Golgotha, dans lequel il prête ses traits à Ponce Pilate.

Jean Gabin et Michèle Morgan dans Le Quai des brumes

Il tournera également en 1934 aux côtés de Joséphine Baker dans « Zouzou ». Mis en scène par Marc Allégret. À partir de 1935, il devient une star du cinéma français grâce à son « charisme exceptionnel » et à Julien Duvivier qui lui offre les rôles principaux de La Bandera avec Annabella, qui est son premier succès12La Belle Équipe avec Charles Vanel, dans lequel il chante la chanson Quand on s'promène au bord de l'eau, et Pépé le Moko. Il incarne des héros tragiques et romantiques d'origine populaire.

Jean Renoir l'impose dans Les Bas-Fonds avec Louis Jouvet puis, en 1937, dans le film de guerre La Grande Illusion avec Pierre FresnayMarcel Dalio et Erich von Stroheim, qui obtient un énorme succès public et critique, devenant au fil des années un classique du cinéma français.

La même année, il tourne Gueule d'amour, de Jean Grémillon, où il retrouve Mireille Balin, sa partenaire de Pépé le Moko et le méconnu Le Messager, de Raymond Rouleau.

En 1938, il tient le rôle d'un déserteur dans Le Quai des brumes aux côtés de Michel Simon et de la jeune Michèle Morgan, à laquelle il murmure le célèbre « T'as d'beaux yeux tu sais ». C'est sa première collaboration avec Marcel Carné et Jacques Prévert13. Il campe ensuite le personnage de Trott, toujours face à Morgan, dans Le Récif de corail de Maurice Gleize (sorti en 1939), puis un conducteur de locomotive dans La Bête humaine de Jean Renoir, et La Marie du port..

En 1939, il tourne à nouveau sous la direction de Marcel Carné dans Le jour se lèvedrame dans lequel il partage la vedette avec Jules BerryArletty et Bernard Blier.

Le , mobilisé dans la marine nationale à Cherbourg, il obtient une permission exceptionnelle pour terminer le film Remorques, avec Michèle Morgan avec qui il vit une brève idylle.

Les années de guerre

Expatrié aux États-Unis pendant la guerre (1940-1943)

En , il avait accompagné à la gare Saint-Charles à Marseille Michèle Morgan, qui partait pour Barcelone, puis le Portugal, afin de rejoindre les États-Unis. Souhaitant également la rejoindre, il va à Vichy pour obtenir une autorisation.

Le , refusant de tourner pour les Allemands pendant l'Occupation, il franchit la frontière espagnole en , sans que l'on sache s'il le fait légalement. À Barcelone, il obtient un visa du consulat américain et peut gagner New York à bord de l'Exeter14. Il s'expatrie à Hollywood aux États-Unis où il retrouve les Français Jean RenoirJulien DuvivierCharles BoyerJean-Pierre Aumont, etc.

Aux États-Unis, il tourne notamment, après avoir appris l'anglais, La Péniche de l'amour avec Ida Lupino.

Durant cette période, il fréquente brièvement Ginger Rogers et Patricia Morison14. Ayant refait le trajet depuis Los Angeles après une période d'ennui14, pendant l'été 1941, il rencontre Marlène Dietrich à New York. Il emménage avec elle en Californie dans une villa que Greta Garbo leur loue, puis15 au 1006 Cove Way, dans une villa de Beverly Hills.

Gabin ayant le mal du pays, Marlène Dietrich tente de le soulager par sa cuisine ou des distractions lui rappelant la France14. Le , le tribunal d'Aix prononce le jugement de divorce avec sa deuxième épouse Jeanne Mauchain, à ses torts entiers et reconnus16.

Déjà très célèbre, il pourrait tenter une carrière d'acteur aux États-Unis, mais tourne peu malgré son contrat avec la Fox (il avait signé un premier contrat en 1937, mais ne l'avait pas honoré). Par ailleurs, l'acteur intéresse moins les studios hollywoodiens pendant cette période de guerre : ils n'ont plus accès aux salles européennes et donc au public habituel de Jean Gabin. La presse l'accueille néanmoins avec enthousiasme, le magazine Photoplay publiant un reportage de quatre pages avec comme titre : « Escaped from the Nazis »14.

Jean Gabin devait également tourner dans un film catastrophe, The Day that Shook the World, un tremblement de terre vu depuis une colonie pénitentiaire, mais la Fox annule le projet. On lui propose alors Tampico, un film d'aventure avec Gene Tierney, mais Jean Gabin refuse et la société de production se lasse. Un projet avec Jean Renoir (en contrat chez RKO) est envisagé, où Jean Gabin interpréterait un garçon de café dans un pays tropical, avec notamment Michèle Morgan comme partenaire (A Thief in the Night), mais l'acteur se détourne du cinéma et pense à la France, voyant plusieurs acteurs américains participer à l'effort de guerre (Carole Lombard vend des bons de guerre, Charles Laughton déclame du Shakespeare dans une tournée et reverse les bénéfices à ce profit, Bette Davis et John Garfield tiennent la cantine de Hollywood, un club où les soldats sont servis par des stars). Il confie plus tard : « J'étais malade à l’idée d'être obligé de finir ma vie aux États-Unis. Je ne pouvais pas rester les mains dans les poches, continuer à faire des grimaces devant une caméra — en étant bien payé en plus — et attendre tranquillement que les autres se fassent descendre pour que je retrouve mon patelin »14.

Après qu'il a pris contact avec la France combattante, fin 1942, il lui est demandé de jouer dans le film de propagande gaulliste L'Imposteur, dont le succès critique et public est mitigé14. Long-métrage de propagande gaulliste saluant aussi la bénéfique entrée en guerre américaine, ce film tourné en anglais est produit par le service américain de propagande avec, au générique, seulement deux Français : Julien Duvivier et Jean Gabin. De plus, Gabin déclarera dans un entretien à Cinévie : « Ce que valent les films tournés à Hollywood, je n'en sais rien. Et ça n'a pas d'importance. On donne, en ce moment à Paris, The Impostor. Je n'irai pas le voir. Quand je l'ai fait, il était utile de le faire. J'ai tourné des films dans le goût américain, pour des Américains. C'était eux qu'il fallait toucher alors et je suis content si j'ai réussi. Si maintenant les Français n'aiment pas ça, ils auront peut-être raison parce que les circonstances ne sont pas les mêmes »14.

Engagé dans les Forces françaises combattantes (1943-1945)

Par patriotisme, il s'engage, en , dans les Forces françaises combattantes17 du général de Gaulle pour libérer son pays. Embarqué comme canonnier, chef de pièce sur le pétrolier Élorn, il traverse l'Atlantique en convoi à destination de Casablanca. Le convoi est attaqué par des sous-marins et par des avions allemands aux approches de la Méditerranée et au large du cap Ténès. Volontaire au 1er Régiment blindé de fusiliers-marins, il est sur sa demande chef de char Sherman, à bord du M10 Wolverine Souffleur II, sous les ordres de l'enseigne de vaisseau et futur vice-amiral André Gélinet. Il appartient alors au 2e escadron du régiment blindé de fusiliers-marins de la célèbre 2e division blindée du général Leclerc.

Au printemps 1945, il participe à la libération de la poche de Royan puis à la campagne d'Allemagne qui le conduit au Nid d'aigle d'Hitler à Berchtesgaden14. À la fin de la guerre, il est décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre.

En juillet 1945, à 41 ans, le « plus vieux chef de char de la France Libre » est démobilisé et revient au monde du spectacle avec des cheveux blancs18. Toute sa vie, il reste très attaché à la marine nationale et proche de celui qui fut son chef, le vice-amiral Gélinet et sa famille.

Après avoir retrouvé Marlène Dietrich en Allemagne, il revient en France. Il refuse de défiler sur les Champs-Élysées et observe son ancien char passer, depuis un balcon de l'hôtel Claridge14.

Retour en France (1946-1950)

De retour en France, il veut reprendre sa carrière d'acteur mais il a changé physiquement et moralement et de nouveaux acteurs romantiques sont apparus, tels Jean MaraisGérard Philipe ou Daniel Gélin. Il renonce à jouer Les Portes de la nuit, de Marcel Carné, avec sa compagne Marlene Dietrich car cette dernière refuse d'interpréter la fille d'un collaborateur. En 1946, après avoir acheté les droits du roman, il incarne le rôle-titre de Martin Roumagnac, aux côtés de Marlene Dietrich. Le film, éreinté par la critique, obtient pourtant à l'époque un succès commercial avec deux millions d'entrées19. Toutefois, le film est victime d'une légende qu'il est d'usage de lire20 et entendre, prétendant que ce film a été un cuisant échec commercial21.

Cependant, ce succès n'est pas réitéré l'année suivante avec le film policier Miroir22, dans lequel il est un financier et gangster à ses heures. De plus, il a du mal à trouver un rôle à sa mesure.

Alors que sa relation avec Marlene Dietrich s'étiole, il noue, fin 1945 et en 1946 un lien avec Maria Mauban23,24, puis, en 1947, avec Colette Mars25. Ces relations restent sans suite.

Le , deux mois après leur rencontre, il épouse Christiane Fournier (1918-2002), dite Dominique, mannequin de la maison de couture Lanvin, déjà mère d'un enfant, Jacki, et avec qui il a trois enfants : Florence (1949), Valérie (1952) et Mathias (1955)26.

La même année, il tient le rôle principal du long-métrage Au-delà des grilles, qui obtient un succès honorable en salles27. Il est nommé à l'Oscar du meilleur film étranger, et triomphe au théâtre dans la pièce La Soif, d'Henri Bernstein, aux côtés de Madeleine Robinson et Claude Dauphin.

Le retour du succès (1950-1973)

Changement d'image

En 1950, il retrouve Marcel Carné pour le long-métrage La Marie du port, adaptation du roman de Georges Simenon, qui avec 2,6 millions d'entrées28, permet de confirmer le succès de Gabin après son triomphe théâtral avec La Soif. Son détour dans le cinéma italien avec le drame fantastique Pour l'amour du ciel la même année passe toutefois inaperçu (plus de 679 000 entrées)29.

En 1951, il est le narrateur de De sac et de cordes, une pièce musicale de Léo Ferré écrite pour la radio, qu'il interprète tandis que Léo Ferré dirige l'orchestre et les chœurs de la radio nationale. Au cinéma, on le retrouve dans une adaptation d'une pièce d'Henri Bernstein (Victor), mais sa prestation d'un mécanicien de locomotive aveugle à la suite d'un accident dans le drame La nuit est mon royaume lui permet de rencontrer l'éloge de la critique et de remporter la Coupe Volpi pour la meilleure interprétation masculine au Festival de Venise. Le succès critique se confirme dans les salles avec un bon accueil du public (2,5 millions d'entrées)30.

Son film suivant est La Vérité sur Bébé Donge, adapté d'un roman de Georges Simenon, dans lequel il est un industriel coureur de jupons empoisonné par son épouse (Danielle Darrieux), n'est pas un grand succès populaire (1,2 million d'entrées)31, mais est considéré au fil des ans comme une œuvre marquante32.

Il réalise en  un de ses rêves d'enfant en entreprenant d'investir une bonne partie de ses revenus dans le domaine de La Pichonnière, situé sur la commune de Bonnefoi, dans le canton de Moulins-la-Marche, dans l'Orne33, en Normandie. Il agrandit progressivement le domaine environnant par plusieurs acquisitions successives. À proximité, il fait construire en 1956 et 1957 une demeure baptisée La Moncorgerie, qui devient sa résidence familiale34. Avec l'idée d'assurer la subsistance de sa famille, il se lance dans l'élevage des bovins35. Passionné par les chevaux, il monte aussi à La Pichonnière, à la fin des années 1950, une écurie d'une quinzaine de chevaux de course, qui, sous les couleurs Bouton d'or, toque lilas, ainsi décrites par l'acteur lui-même, acquiert une certaine renommée dans le milieu hippique. À la fin des années 1950, il fait aménager sur un terrain lui appartenant, non loin de là, à Moulins-la-Marche, un hippodrome, qui est nommé après sa mort : hippodrome Jean-Gabin36.

En 1952, il retrouve Michèle Morgan dans La Minute de vérité, de Jean Delannoy, qui triomphe en salles avec plus de 3 millions d'entrées37.

Il renoue véritablement avec le succès public en tant que tête d'affiche grâce à Touchez pas au grisbi de Jacques Becker, en 1954, qui enregistre 4,7 millions d'entrées en France38. Avec ce film, il retrouve un rôle à sa mesure en changeant son image : l’homme d’expérience, autoritaire et qui impose le respect. C'est durant ce tournage qu'il rencontre celui qui devient un de ses amis, Lino Ventura, dont c'est le premier film.

Le retour du succès lui vaut de recevoir à trois reprises, une Victoire du Cinéma français, en 1952, 1955 et 1956.

Le André-Georges Brunelin, devenu un de ses proches, organise à la Salle Pleyel, à Paris, une manifestation à l'occasion de ses 50 ans et de ses 25 ans de carrière. L'événement réunit quelque deux mille personnes, dont les principaux amis de l'acteur39.

Rencontre avec Audiard

Jean Gabin dans le rôle du commissaire Maigret en 1958.

Son succès se confirme avec L'Air de Paris de Marcel Carné, puis avec French Cancan de Jean Renoir en 1955. Michel Audiard, qui devient son ami, est, avec ses dialogues, pour beaucoup dans le succès de ses films à venir, à commencer par Gas-oil et Le rouge est mis de Gilles Grangier. À cette époque, il entretient une liaison adultère avec la comédienne Dora Doll.

Par la suite, il enchaîne film sur film : il est le maréchal Lannes dans la prestigieuse et pléthorique distribution du Napoléon de Sacha Guitry ; flic infiltré dans Razzia sur la chnouf ; juge pour enfants dans Chiens perdus sans collier ; chauffeur routier dans Des gens sans importance ; restaurateur dans Voici le temps des assassins ; artiste peintre bourgeois s'encanaillant en transportant avec Bourvil de la viande pour le marché noir dans le classique La Traversée de Paris, dont il partage une scène devenue culte avec Louis de Funès, alors méconnu du grand public ; et médecin dans Le Cas du docteur Laurent.

En 1956, il achète une première maison à Deauville et s'établit dans cette station balnéaire avec femme et enfants40. Deux autres maisons suivent, qui l'accueillent à demeure ou le temps des vacances40. Le mois d'août le voit très assidu pour suivre les courses, à l'hippodrome de la Touques40. « Pour nous, Deauville a toujours été associé aux vacances, raconte sa femme40. Jean venait là pour se reposer. Il trouvait à Deauville une douceur de vivre à laquelle il était tout particulièrement attaché 40. ».

En 1958, il prête ses traits au commissaire Jules Maigret dans Maigret tend un piège, rôle qu'il reprend à deux reprises et connaît le plus grand succès public de sa carrière avec Les Misérables, devenant le Jean Valjean du film aux côtés de Bourvil et de Bernard Blier.

Sa carrière est sur sa lancée, confirmée avec notamment En cas de malheur, avec Brigitte Bardot ; Les Grandes Familles, avec Pierre Brasseur ; Archimède le clochard (film dont il a eu l'idée41).

Jean Gabin (à gauche) et Jacques Prévert dans le film documentaire Mon frère Jacques (1961) par Pierre Prévert.

En 1960, il reçoit les insignes de chevalier de la Légion d'honneur sur le plateau où il tourne Les Vieux de la vieille de Gilles Grangier.

Son contrat exclusif avec le producteur Jacques Bar, rencontré à Deauville en 1959, lui offre au début des années 1960, une série de beaux succès, tels que le drame politique Le Président, la comédie policière Le cave se rebiffe, la comédie dramatique Un singe en hiver, dans laquelle il partage la vedette avec Jean-Paul Belmondo.

Dans la nuit du 27 au , sept cents agriculteurs encerclent son domaine familial normand de La Pichonnière pour protester contre la centralisation des terres, en exigeant la location de certaines fermes à de jeunes éleveurs en difficulté. Gabin ayant acquis 150 ha, les cultivateurs ouvrent un conflit avec le célèbre acteur néorural pour médiatiser les problèmes du monde agricole. Cette situation bouleverse profondément et blesse à vie l'intéressé, qui se sent rejeté par la communauté paysanne normande dont il a tant souhaité faire partie42.

Annonçant qu'il va vendre ses terres, Gabin accepte finalement de louer deux fermes à des jeunes. Il porte plainte contre X pour « violation de domicile et tentative d'extorsion de signature ». Défendu par Me René Floriot, il retire finalement sa plainte, dans un souci d'apaisement, en pleine audience du procès au palais de justice d'Alençon le 43,44.

Durant cette même période, il connaît son premier revers avec Le Gentleman d'Epsom (1962), dans lequel il joue aux côtés de Louis de Funès, qui ne rencontre qu'un succès médiocre45, échec vite effacé par le triomphe de Mélodie en sous-sol l'année suivante, avec Alain Delon46.

Son contrat avec Jacques Bar n'étant pas renouvelé, il crée en 1963 avec Fernandel, la société de production Gafer. La Gafer produit L'Âge ingrat, interprété par Jean Gabin avec Fernandel, puis d'autres films, interprétés par l'un ou par l'autre des deux acteurs.

La fin des années 1960 est marquée par Le Tonnerre de DieuLe PachaLe Tatoué, avec Louis de Funès et Le Clan des Siciliens, avec Alain Delon et Lino Ventura, qui confirme le statut de l'acteur, parvenu à la soixantaine.

Lino Ventura, Jean Gabin et Alain Delon lors du tournage du film Le Clan des Siciliens, en  à Rome.

Dans les années 1970, sa carrière s'enrichit de sept films supplémentaires mais marque une baisse de régime ; l'acteur rencontre pourtant encore le succès public avec La Horse de Pierre Granier-Deferre et Deux hommes dans la ville de José Giovanni, sa dernière collaboration avec Alain Delon. Il obtient également l'Ours d'argent au Festival de Berlin pour son interprétation dans Le Chat en 1971, œuvre que l'acteur considère comme son meilleur film de l'après-guerre47.

Au début des années 1970, le nom de Jean Gabin est évoqué, parmi d'autres, pour interpréter Don Corleone dans Le Parrain48. En 1976, Sergio Leone lui propose de jouer dans son nouveau projet Il était une fois en Amérique, que Gabin décline14.

Les dernières années (1974-1976)

Jean Gabin vers la fin des années 1960 ou dans les années 1970.

En 1974, près de quarante ans après Quand on s'promène au bord de l'eau, Gabin enregistre la chanson Maintenant je sais, écrite par Jean-Loup Dabadie. Cette chanson rencontre le succès au hit-parade et sort également en version anglaise.

Le , il assiste au départ du porte-hélicoptères Jeanne d'Arc sur lequel son fils Matthias est embarqué en qualité de maître d'hôtel des officiers mariniers supérieurs. Il est interviewé sur la passerelle par Yves Mourousi au journal télévisé de 13 heures[pertinence contestée].

Le , il préside la première cérémonie des César. Deux semaines plus tard, il est à l'affiche de L'Année sainte, de Jean Girault. Ce sont ses dernières apparitions en public et sur grand écran.

Au début de 1976, il est nommé officier dans l'ordre national du Mérite49, et est promu officier de l'ordre national de la Légion d'honneur sur la promotion du .

En , il apprend lors d'une interview télévisée du président de la FNSEAMichel Debatisse, qu'il ne touchera pas l'indemnisation de l'« impôt sécheresse ». Comprenant qu'il ne sera jamais accepté par le monde paysan, il décide de vendre son domaine agricole normand de La Pichonnière. Cet événement le touche profondément.

Quelques semaines plus tard, le , il meurt à l'âge de 72 ans des suites d'une leucémie à l'Hôpital américain de Neuilly-sur-Seine50. Il avait connu quelques problèmes de santé sur le tournage de Deux hommes dans la ville51.

Ses obsèques, le , au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, attirent une foule considérable et sont retransmises à la télévision. Selon ses dernières volontés52, son corps est crématisé. Ses cendres sont ensuite transférées à Brest pour être dispersées en mer. Le  se déroule, en présence de son épouse, de ses enfants, de personnalités amies comme Gilles GrangierAlain Delon et Odette Ventura, une cérémonie simple et solennelle à bord de l'aviso Détroyat. Ces honneurs militaires de la Marine nationale ne sont permis que sur autorisation exceptionnelle du président de la République Valéry Giscard d'Estaing. L'urne funéraire est ouverte depuis la plage arrière de l'aviso53, en mer d'Iroise, à 20 milles nautiques de Brest, au sud de la chaussée des Pierres-Noires54.

Vie privée

Sa vie sentimentale est souvent liée à son métier. De 1925 à 1931, il est l'époux de l'actrice Gaby Basset, puis de 1933 à 1943 de la meneuse de revue Jeanne Mauchain.

Il a des liaisons connues avec les actrices Mireille BalinMichèle Morgan et Marlène Dietrich55.

En Algérie, de 1943 à 1945, iI se lie avec Marie Camilleri[réf. nécessaire]. En 1945 et 1946, à Paris, il a une relation avec la jeune actrice Maria Mauban24,56, puis en 1947 avec Colette Mars 25.

Encore sans enfant, il se remarie le  57 avec un ancien mannequin, Marcelle Christiane Marie (dite Dominique) Fournier (née à Saint-Étienne le , morte à Évecquemont le )58, déjà mère d'un garçon, avec qui il a trois enfants :

  • Florence, née le  59 ;
  • Valérie, née le 59 ;
  • Mathias, né le  .

Ses petits-fils les acteurs Jean-Paul Moncorgé, (né en 1981, fils de Florence), et Alexis Moncorgé, (né en 1986, fils de Mathias) n'ont pas connu leur grand-père.

Un acteur symbole

Buste de Jean Gabin à Mériel sur la place du musée qui lui est consacré.

Jean Gabin incarne dans les années 1930 la figure emblématique du petit peuple, du monde ouvrier et des titis parisiens, du temps du Front populaire60 : on le retrouve ainsi successivement chômeur dans La Belle Équipe (1936), spahi dans Gueule d’amour (1937), petit truand dans Pépé le Moko (1937), déserteur dans Quai des brumes (1938), cheminot dans La Bête humaine (1938) ou ouvrier dans Le jour se lève (1939).

L'image de l’acteur s'est parfois confondue avec celle, mythique, de ses personnages qui se sont imposés dans l’imaginaire collectif du public français au cours du XXe siècle. Les différents personnages de Jean Gabin, archétypes professionnels ou sociaux, sont inscrits dans l’histoire du cinéma de manière « horizontale »[pas clair] (l’ouvrier gouailleur avant-guerre, le patriarche bourru à partir des années 1950)61.

Dans les années 1960, les films qui mettent en scène Jean Gabin témoignent aussi d'un rejet, au cinéma, de la transformation de la France. Il apparaît dans un certain nombre de films dans lesquels la construction des grands ensembles vient détruire peu à peu le monde dans lequel il vivait62. Dans Rue des prairies de Denys de La Patellière, le personnage de Gabin, qui habite une rue de Paris faubourienne et populaire, est contremaître sur le chantier des Sablons, à Sarcelles. Il est ainsi amené à construire les structures de ce qui va détruire le monde ancien dans lequel il vit, dans le XXe arrondissement de Paris. C'est aussi le cas de Mélodie en sous-sol en 1963, où il ne retrouve pas son pavillon au milieu des barres d'immeubles de Sarcelles nouvellement construites, ou du film Le Chat en 1970, où il vit dans un pavillon qui a vocation à être détruit pour faire place au quartier de La Défense62.

Carrière

Gravure de Jean Gabin pour le musée de Mériel septembre 1992 lithograveur

Filmographie

Avec FernandelLouis de Funès et Bourvil, Jean Gabin fait partie des acteurs français ayant attiré le plus grand nombre de spectateurs dans les salles de cinéma : environ 161 millions entre 1946 et 1976. Dans ce total, sur les 95 films de sa carrière, 32 (soit 34%) sortis entre 1930 et 1945 ne sont pas comptabilisés, dont de nombreux succès comme Les Gaietés de l'escadronLa BanderaLa Belle ÉquipePépé le MokoLa Grande IllusionGueule d'amourLe Quai des brumesLa Bête humaineLe jour se lève..

Box-office

Ses films ayant eu la plus grande audience entre 1946 et 197663.

FilmAnnéeRéalisateurClassementNombre d'entrées
Les Misérables1958Jean-Paul Le Chanois2e9 940 533
Napoléon
(rôle très court et anecdotique)
1955Sacha Guitry4e5 405 252
La Traversée de Paris1956Claude Autant-Lara4e4 893 174
Le Clan des Siciliens1969Henri Verneuil3e4 821 585
Touchez pas au grisbi1954Jacques Becker4e4 713 585
Le Tonnerre de Dieu1965Denys de la Patellière7e4 093 000
Archimède le clochard1959Gilles Grangier6e4 073 891
Les Grandes Familles1958Denys de La Patellière9e4 042 041

Théâtre

Chanson

(2 chansons)

Bibliographie

  • André BrunelinGabin, Robert Laffont, 1987
  • Jean-Marc LoubierJean Gabin-Marlène Dietrich, un rêve brisé, Acropole, 2002
  • Florence Moncorgé-GabinQuitte à avoir un père, autant qu'il s'appelle Gabin…, Paris, Le Cherche midi, 177 p.
  • Florence & Mathias Gabin-Moncorgé, Gabin hors champ, Paris, Michel Lafon, 2004, 1 vol. in f°, 192 p. (album de photos cinématographiques et familiales) 
  • Patrick Glâtre, Jean Gabin, la traversée du siècle, Créaphis, 2004.
  • Claude Gauteur et Ginette Vincendeau, Jean Gabin : Anatomie d'un mythe, Nouveau Monde éditions, 2006
  • Philippe Barbier et Jacques MoreauJean Gabin : Gentleman du cinéma, Dualpha, 2007
  • Philippe Durant, La Bande à Gabin : Blier, Audiard et les autres, Points, 2011
  • Jean-Jacques Jelot-BlancJean Gabin inconnu, Flammarion, 2014 (ISBN 978-2081286238).
  • Patrick Glâtre, Jean Moncorgé-Gabin, acteur de la Libération de Royan, Bonne-Anse, 2015
  • Alain PaucardLa France de Jean Gabin, Xenia, 2016
  • André Nolat, « Jean Gabin : toujours quelqu'un », dans Némésis ou Les vies excessives, Saint-Denis, Publibook

Documentaires et images d'archives

Jean Alexis Moncorgé, dit Jean Gabin 

(Larousse)

Acteur de cinéma français (Paris 1904-Neuilly-sur-Seine 1976).

Cabochard au grand cœur ou héros tragique, porte-parole des humbles ou meneur d'hommes, Jean Gabin travailla avec les meilleurs cinéastes et scénaristes de son époque, qui façonnèrent le « mythe Gabin » en jouant de son regard et de ses « coups de gueule ».

LE HÉROS POPULAIRE

Enfant de la balle (ses parents sont des vedettes de café-concert), Jean Gabin exerce divers métiers (cimentier, vendeur de journaux) avant d'embrasser, à partir de 1922, la carrière théâtrale. Il fait ses débuts comme figurant aux Folies-Bergère et au Vaudeville, puis effectue un tour de chant en province et apparaît dans une opérette aux Bouffes-Parisiens, où il chante et danse avec Mistinguett la Java de Doudoune. Ses autres partenaires sont Dranem, Lucien Baroux (1888-1968) et le clown Raymond Dandy (1887-1953) : avec ce dernier, il paraît pour la première fois à l'écran, dans deux sketches muets. Mais c'est avec le parlant qu'il va s'affirmer, poussant parfois la chansonnette (Méphisto, Henri Debain [1886-1983], 1930), jouant des rôles de bon ou de mauvais garçon (Paris-Béguin, Augusto Genina [1892-1957], 1931 ; Cœur de lilas, Anatole Litvak [1902-1974], 1932), puis fixant progressivement un personnage, plus rude, dans la lignée de Spencer Tracy (la Bandera, Julien Duvivier, 1935 ; la Belle Équipe, id., 1936 ; Pépé le Moko, id., 1937). Charles Spaak (1903-1975), l'un de ses scénaristes, le décrit « à l'aise dans les bagarres, champion de tous ceux qui n'ont guère eu de chance et qui luttent pour des causes simples : la liberté, l'amour, l'amitié ».

C'est alors le temps du triomphe : Gabin tourne successivement dans la Grande Illusion (Jean Renoir, 1937), dans la Bête humaine (id., 1938), dans le Quai des brumes (Marcel Carné, id.) et dans Le jour se lève (id., 1939). Mais la Seconde Guerre mondiale va bouleverser cette carrière prestigieuse. L'acteur gagne en 1941 les États-Unis, où il interprète deux films médiocres (Moon tide et The Impostor). De retour en France en 1943, il intègre les Forces françaises libres et participe à la libération de Paris. Mais, au lendemain de la guerre, il ne retrouve pas de rôle à sa mesure. Renonçant à tourner les Portes de la nuit, le film que Jacques Prévert et Marcel Carné avaient conçu pour lui, il s'égare dans la convention et le mélodrame (Martin Roumagnac, Georges Lacombe [1902-1990], 1946 ; Miroir, Raymond Lamy [1903-1982], 1947), puis revient au théâtre (la Soif, de Bernstein), avant d'aller tenter sa chance en Italie (Au-delà des grilles, René Clément, 1949).

LE BON ET LE MÉCHANT

Il faut attendre 1952 pour assister à la renaissance cinématographique de Gabin. Elle est l'œuvre de Max Ophuls qui le fait tourner dans le Plaisir. Campant un paysan normand étonnant de naturel, l'acteur retrouve alors la faveur du public. Il joue ensuite le truand embourgeoisé de Touchez pas au grisbi (1954), sous la direction de Jacques Becker, que suivent French Cancan (id.), de Jean Renoir, et la Traversée de Paris (1956), de Claude Autant-Lara. C'est le point de départ d'une seconde carrière. Les tempes blanchies, la silhouette épaissie, il joue désormais les flics bonasses, les « présidents », les « pachas », voire les « vieux de la vieille » – des rôles sur mesure que lui façonnent les dialoguistes Michel Audiard et Pascal Jardin, et que dirigent Denys de La Patellière (Rue des prairies, 1959 ; Du rififi à Paname, 1966), Gilles Grangier (Le cave se rebiffe, 1961 ; Maigret voit rouge, 1963) ou Henri Verneuil (Un singe en hiver, 1962 ; le Clan des Siciliens, 1969). L'un de ses plus gros succès des années 1960 est d'ailleurs Mélodie en sous-sol (Verneuil, 1963), où il a pour partenaire Alain Delon.

Gabin se lance ensuite dans la production en fondant, avec Fernandel, la Gafer (de Gabin et Fernandel). Son chant du cygne sera le Chat (Pierre Granier-Deferre, 1971), d'après Georges Simenon, où il est un pathétique retraité de banlieue muré dans son silence et sa haine de l'autre. En 1973, il incarne le patriarche Gaston Dominici dans l'Affaire Dominici (Claude Bernard-Aubert). Il passe ses dernières années dans sa ferme et son haras de Normandie. Un ultime film, de routine, clôt sa carrière en 1976 : l'Année sainte, de Jean Girault. Mais, derrière le vieil homme bougon, Gabin est resté jusqu'à la fin celui dont Jacques Prévert a célébré « le regard toujours bleu et encore enfantin ».

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Dictionnaire du cinéma Larousse

GABIN (Jean Gabin Alexis Moncorgé, dit Jean)

acteur français (Paris 1904 - id. 1976).

Enfant de la balle (ses parents, Joseph Gabin et Hélène Petit, sont des vedettes de café-concert), il exerce divers métiers (cimentier, vendeur de journaux) avant d'embrasser, à partir de 1922, la carrière théâtrale. Il fait ses débuts comme figurant aux Folies-Bergère et au Vaudeville, puis effectue un tour de chant en province et apparaît dans une opérette aux Bouffes-Parisiens, où il chante et danse avec Mistinguett la Java de Doudoune. Ses autres partenaires sont Dranem, Lucien Baroux et le clown Dandy : avec ce dernier, il paraît pour la première fois à l'écran, dans deux sketches muets. Mais c'est avec le parlant qu'il va s'affirmer, dans des rôles de bon ou de mauvais garçon (Paris-Béguin, Cœur de lilas),poussant parfois la romance (J'aime les grosses dames de 125 kilos, dans Méphisto), puis fixant progressivement un personnage, plus rude, de cabochard au grand cœur, dans la lignée de George Bancroft et de Spencer Tracy. Charles Spaak, l'un de ses scénaristes, le décrit « à l'aise dans les bagarres, champion de tous ceux qui n'ont guère eu de chance et qui luttent pour des causes simples : la liberté, l'amour, l'amitié ». Plus qu'un acteur : un mythe. Plus vigoureux que Pierre Richard-Willm, plus sensible qu'Albert Préjean, ses rivaux dans ce registre, il a la chance de travailler avec les meilleurs cinéastes de l'époque, Renoir, Grémillon, Duvivier, Carné. Tour à tour légionnaire, truand, officier, déserteur, cheminot, ouvrier marqué par le destin, il figure, selon André Bazin, « le héros tragique par excellence du cinéma français d'avant-guerre », une sorte d'Œdipe roi en salopette, cristallisant tous les espoirs et les échecs de son temps. « Il suffit, écrit Jean Piverd, que cette silhouette de brute follement vraie traverse l'écran pour que soit créé un climat. Jean Gabin ne joue pas. Il existe. » Et Jean Renoir de préciser : « L'étendue des émotions que peut fournir Gabin est immense, tout son art est de n'en donner que l'essentiel. »

La guerre va bouleverser cette carrière prestigieuse. Après avoir triomphé dans la Grande Illusion et la Bête humaine, il gagne les États-Unis, en 1941, où il interprète deux films médiocres. Combattant des Forces françaises libres, il est de retour à Paris en 1946, mais ne retrouve pas de sitôt un rôle à sa mesure. Renonçant à tourner le film que Jacques Prévert et Marcel Carné avaient conçu pour lui, les Portes de la nuit, il s'égare dans la convention et le mélodrame (Martin Roumagnac, Miroir), revient au théâtre (la Soif, de Bernstein), va tenter sa chance en Italie (Au-delà des grilles). Dans ce que l'un de ses exégètes, Claude Gauteur, appelle sa « traversée du désert », une oasis : le Plaisir, de Max Ophuls, où il campe un paysan normand étonnant de naturel. Il retrouve la faveur du public en jouant le truand embourgeoisé de Touchez pas au grisbi, sous la direction de Jacques Becker, que suivent French Cancan, de Jean Renoir, et la Traversée de Paris, de Claude Autant-Lara. C'est le point de départ d'une seconde carrière : les tempes blanchies, la silhouette épaissie, il joue désormais les flics bonasses, les « présidents », les « pachas », voire les « vieux de la vieille », des rôles sur mesure que lui façonnent Michel Audiard ou Pascal Jardin et que dirigent (sans génie) Gilles Grangier, Denys de La Patellière ou Henri Verneuil. L'un de ses plus gros succès des années 60 sera Mélodie en sous-sol, où il a pour partenaire Alain Delon. Il se lance dans la production en fondant, avec Fernandel, la Gafer (de Gabin et Fernandel). Son chant du cygne sera le Chat, d'après Georges Simenon, où il est un pathétique retraité de banlieue muré dans son silence et sa haine de l'autre (Simone Signoret)... Ses dernières années, il les passe surtout dans sa ferme et son haras de Normandie. Un ultime film, de routine, clôt sa carrière en 1976 : l'Année sainte. Mais, derrière le vieil homme bougon, il est resté jusqu'à la fin celui dont Jacques Prévert a célébré « le regard toujours bleu et encore enfantin » :

GABIN (Jean Gabin Alexis Moncorgé, dit Jean) (suite)

Jean Gabin

acteur tragique de Paris

gentleman du cinéma élisabéthain

dans la périphérie du film quotidien.

Films  :

Ohé ! les valises et les Lions (sketches muets, auteur inconnu, 1928) ; Chacun sa chance (H. Steinhoff et René Pujol, 1930) ; Méphisto (Henri Debain et Nick Winter, 1931) ; Paris-Béguin (A. Genina, id.) ; Tout ça ne vaut pas l'amour (J. Tourneur, id.) ; Cœurs joyeux(Hanns Schwarz, id.) ; Gloria (Hans Behreudt et Yvan Noé, id.) ; les Gaietés de l'escadron (M. Tourneur, 1932) ; Cœur de lilas (A. Litvak, id.) ; la Belle Marinière(Harry Lachman, id.) ; La foule hurle (Raoul Daumery et H. Hawks, id.) ; Pour un soir (Jean Godard, 1933) ; l'Étoile de Valencia (S. de Poligny, id.) ; Adieu les beaux jours (Johannes Meyer, id.) ; le Tunnel (C. Bernhardt, id.) ; Du haut en bas (G. W. Pabst, id.) ; Zouzou(M. Allégret, 1934) ; Maria Chapdelaine (J. Duvivier, id.) ; Variétés (N. Farkas, 1935) ; Golgotha (Duvivier, id.) ; la Bandera (id., id.) ; la Belle Équipe (id., 1936) ; les Bas-Fonds (J. Renoir, 1937) ; Pépé le Moko (Duvivier, id.) ; la Grande Illusion (Renoir, id.) ; le Messager (R. Rouleau, id.) ; Gueule d'amour (J. Grémillon, id.) ; Quai des brumes (M. Carné, 1938) ; la Bête humaine (Renoir, id.) ; le Récif de corail (Maurice Gleize, 1939) ; Le jour se lève(Carné, id.) ; Remorques (Grémillon, 1940) ; la Péniche de l'amour (Moontide [A. Mayo], 1942) ; l'Imposteur (The Impostor [Duvivier], 1944) ; Martin Roumagnac(G. Lacombe, 1946) ; Miroir (Raymond Lamy, 1947) ; Au-delà des grilles (R. Clément, 1949) ; Pour l'amour du ciel(È più facile che un cammello... [L. Zampa], 1950) ; la Marie du port (Carné, id.) ; Victor (C. Heymann, 1951) ; La nuit est mon royaume (Lacombe, id.) ; le Plaisir (Max Ophuls, 1952) ; la Vérité sur Bébé Donge (H. Decoin, id.) ; la Minute de vérité (J. Delannoy, id.) ; Leur dernière nuit (Lacombe, 1953) ; Fille dangereuse (Bufere[G. Brignone], id.) ; la Vierge du Rhin (G. Grangier, id.) ; Touchez pas au grisbi (Jacques Becker, 1954) ; l'Air de Paris (Carné, id.) ; Napoléon (S. Guitry, 1955) ; le Port du désir (E. T. Gréville, id.) ; French Cancan (Renoir, id.) ; Razzia sur la schnouff (Decoin, id.) ; Chiens perdus sans collier (Delannoy, id.) ; Gas-oil (Grangier, id.) ; Des gens sans importance (H. Verneuil, 1956) ; Voici le temps des assassins (Duvivier, id.) ; le Sang à la tête(Grangier, id.) ; la Traversée de Paris (C. Autant-Lara, id.) ; Crime et Châtiment (G. Lampin, id.) ; le Cas du docteur Laurent (J.-P. Le Chanois, 1957) ; Le rouge est mis (Grangier, id.) ; les Misérables (Le Chanois, 1958) ; Maigret tend un piège (Delannoy, id.) ; En cas de malheur (Autant-Lara, id.) ; le Désordre et la Nuit(Grangier, id.) ; les Grandes Familles (D. de La Patellière, id.) ; Archimède le clochard (Grangier, 1959) ; Maigret et l'affaire Saint-Fiacre (Delannoy, id.) ; Rue des prairies (La Patellière, id.) ; le Baron de l'Écluse(Delannoy, 1960) ; les Vieux de la vieille (Grangier, id.) ; le Président (Verneuil, id.) ; Le cave se rebiffe (Grangier, 1961) ; Un singe en hiver (Verneuil, 1962) ; le Gentleman d'Epsom ou les Grands Seigneurs (Grangier, id.) ; Mélodie en sous-sol (Verneuil, 1963) ; Maigret voit rouge(Grangier, id.) ; Monsieur (Le Chanois, 1964) ; l'Âge ingrat (Grangier, id.) ; le Tonnerre de Dieu (La Patellière, 1965) ; Du rififi à Paname (id., 1966) ; le Jardinier d'Argenteuil (Le Chanois, id.) ; le Soleil des voyous(Delannoy, 1967) ; le Pacha (G. Lautner, 1968) ; le Tatoué (La Patellière, id.) ; Sous le signe du taureau(Grangier, 1969) ; le Clan des Siciliens (Verneuil, id.) ; la Horse (P. Granier-Deferre, 1970) ; le Chat (id., 1971) ; Le drapeau noir flotte sur la marmite (M. Audiard, id.) ; le Tueur (La Patellière, 1972) ; l'Affaire Dominici(C. Bernard-Aubert, 1973) ; Deux Hommes dans la ville(J. Giovanni, id.) ; Verdict (A. Cayatte, 1974) ; l'Année sainte (Jean Girault, 1976).

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