joi, 1 octombrie 2020

SOIMUL MALTEZ / John Huston / 1941

The Maltese Falcon/ John Huston / 1941


L'HISTOIRE

San Francisco. Une femme arrive dans le bureau des détectives Samuel Spade et Miles Archer. Elle souhaite qu'on retrouve sa sœur qui, soi-disant, aurait fugué avec un certain Floyd Thursby. Archer est assassiné dès le début de son enquête ainsi que Thursby. Les soupçons se portent dans un premier temps sur Sam Spade qui a une liaison avec la femme de son collègue défunt. En fait, tous ces meurtres tournent autour d'une mystérieuse statuette d'un faucon qu'une bande d'aventuriers sans scrupules cherche à s'approprier par tous les moyens...

ANALYSE ET CRITIQUE

"Pour un premier film, ce n'est vraiment pas mal" : cette sentence un peu condescendante, répétée un peu trop facilement lorsqu'il s'agit d'une première oeuvre, ne devrait plus avoir lieu d'être après la vision de ce coup d'essai de John Huston : un coup d'essai transformé en coup de maître comme tant d'autres exemples et parmi les plus récents Little Odessa de James Gray ou Un faux mouvement de Carl Franklin pour en rester dans le domaine du film noir. D'emblée, le réalisateur signe un chef d’œuvre et le prototype du film noir des années 40 : peu d'autres oeuvres du genre arriveront à se hisser à ce niveau, y compris à mon avis dans le sous-genre qu'on pourrait nommer 'films de privé', ceux de Howard Hawks d'après Raymond Chandler (Le grand sommeil) et de Robert Aldrich d'après Mickey Spillane (En quatrième vitesse). Mais les trois romanciers possèdent au départ des styles tellement différent les uns des autres que la préférence pour l'une de ces trois adaptations demeurera toujours très subjective. Pendant 50 ans Le faucon maltais reste pourtant la plus parfaite adaptation du grand écrivain Dashiel Hammett avant qu'un certain duo de frères iconoclastes vienne nous donner la leur, fabuleuse et très personnelle, du roman le plus réussi de l'auteur américain : La moisson rouge. Les frères sont Joel et Ethan Coen et le film est évidemment le somptueux Miller's crossing. Aujourd'hui pourtant, un grand nombre de cinéphiles ne comprennent pas pourquoi Le faucon maltais est placé sur un tel piédestal : nous allons tenter de les convaincre mais si effectivement au départ, on n'est pas sensible à la littérature de Hammett, il y a peu de chance qu'on le soit à cette transposition cinématographique d'une fidélité absolue au roman. Pour les fans, cependant encore nombreux, sachez que cette pépite noire est telle que nous la voyons aujourd'hui grâce à de nombreux coups de pouce du destin.

 

"Dans The maltese falcon, j'ai essayé d'être le plus fidèle possible aux dialogues que Dashiel Hammett avait écrit. C'était un romancier extraordinaire, j'ai simplement mis le livre en images" dira souvent John Huston. En effet la plupart des dialogues du roman ont été conservés hormis la célèbre réplique finale tirée de Shakespeare et qui a fait beaucoup pour la réputation de Huston, cinéaste de l'échec : alors qu'un policier demande à Sam Spade de quoi est faite la statuette, Sam Spade réplique "De l'étoffe dont les rêves sont faits". John Huston s'attaque ici pour la première fois à la réalisation après avoir été un excellent scénariste à la Warner, ayant collaboré à des films aussi prestigieux que L'insoumise de William Wyler, High sierra de Raoul Walsh ou Sergent York de Howard Hawks. Le roman d'Hammett avait déjà donné lieu à deux adaptations signées Roy Del Ruth en 1931 et William Dieterle en 1936. En 1941, Huston se sent prêt à passer derrière la caméra. Jack Warner lui lance un défi : "Si tu es capable de tirer un bon scénario du roman Le faucon de Malte de Hammett, la réalisation du film t'en sera confiée". Huston racontera plus tard qu'avec le scénariste Allen Rivkin, ils décomposèrent simplement le roman en scènes et parties dialoguées sans rien y toucher et que ce travail totalement mécanique arriva entre les mains du producteur qui n'y vit que du feu, félicitant au contraire Huston d'avoir retrouvé toutes les qualités du livre et l'encourageant à se jeter à l'eau. John Huston s'y lance alors à corps perdu. Il choisit de tourner dans la continuité de son scénario afin que les acteurs arrivent à suivre l'intrigue très obscure et confuse. Le film est mis en boîte plus tôt que prévu, en seulement 6 semaines pour à peine 300 000 dollars. Il est nommé pour l'oscar mais se le verra soufflé par Qu'elle était verte ma vallée de John Ford. Nous rêverions aujourd'hui d'avoir deux tels chefs d’œuvre en lice dans la compétition aux oscars! Devant le succès considérable de son film, la Warner envisagera d'en tourner une suite avec la même équipe mais qui n'aboutira pas. La suite d'un film aussi réussi aurait vraisemblablement été superflue.

 

Le faucon maltais atteint cette sorte de perfection parce que Huston suit à la lettre les conseils que lui a prodigués le producteur Henry Blanke : "Réalisez chaque scène comme si elle était la plus importante du film et faites que chaque plan compte." Le résultat est une sorte 'd'épure rigoureuse 0% matière grasse' : pas un plan de trop, une préparation millimétrée qui ne laisse pas de place à l'improvisation ; le script était parfait sur le papier, Huston le tourne tel quel sans y ajouter ni y retirer quoique ce soit : la justesse et l'intelligence de sa méthode sont flagrantes. Le scénario est brillantissime ; les dialogues pleins d'humour sont parsemés de répliques qui font mouche ; la photographie de Arthur Edeson, à la limite de l'expressionisme, est magnifiquement contrastée et donne au film cette atmosphère typique qui sera maintes fois copiée par la suite durant l'âge d'or hollywoodien ; enfin, Adolph Deutsch nous gratifie d'un score particulièrement réussi. Le roman offre aussi à John Huston une situation dramatique souvent reprise tout au long de sa carrière : un groupe disparate constitué de personnages tous plus ou moins ambigus qui cherchent un trésor se révélant en fin de compte inexistant, disparu ou introuvable ; Huston s'en régale et le plaisir qu'il a de filmer cette abracadabrante chasse au trésor en quasi huis-clos rejaillit sur le spectateur.

 

Mais si l'on se rappelle surtout de ce classique de nos jours c'est pour son casting imparable dont les participants, grâce à ce film, connurent une popularité accrue. Et encore, Bogart a failli ne pas être de la partie et rester toujours englué dans ses rôles de 'bad guy'. Au départ, le rôle de Sam Spade est offert à George Raft qui le refuse, ne voulant pas risquer sa réputation et gâcher son plan de carrière avec un cinéaste débutant: "Je pense fermement que Le faucon maltais que vous voulez me faire tourner n'est pas un film important et je vous rappelle qu'avant de signer mon nouveau contrat, vous m'aviez promis de ne m'en proposer que d'importants". Encore un coup de chance et c'est Bogart qui hérite du rôle qui permettra à sa carrière de s'envoler. Personne n'a jamais su aussi bien que lui se mettre dans la peau du personnage du 'privé' et nous en serons éternellement reconnaissant à Huston et à... George Raft. Impossible de lire aujourd'hui un roman noir de l'époque sans imaginer l'acteur dans le rôle du privé. Bogart trouve dans le héros - ou antihéros - de Hammett, un personnage à la fois cynique et romantique, las et désabusé, obstiné et machiavélique, côtoyant la pègre mais conservant son intégrité morale en suivant un code de conduite dont il ne dévie jamais ; il est finalement moins corrompu et pourri qu'il semblait l'être au départ. "Voici Sam Spade. Voici le rude, l'âpre détective du faucon maltais... L'homme qui méprise son client mais découvre le coupable ; l'homme qui pense que c'est du mauvais travail de laisser l'assassin l'emporter, tant pis pour qui en souffre, même si c'est la femme qu'il aime... voici l'homme sauvage de San Francisco qui appelle un chat un chat ; voici Sam" écrira Ellery Queen pour la préface du livre 'Sam Spade'. Sa manière d'allumer ses cigarettes, son ironie permanente, sa façon de sourire après avoir joué un mauvais tour à ses poursuivants, la moindre de ses séquences est inoubliable ; et sachant que le film est vu par son regard et qu'il est donc de toutes les scènes (excepté celle du meurtre de son collègue), on comprend quel régal ce film procure aux admirateurs de Boggy.

 

Mais il ne se trouve pas seul ; au contraire, Sam Spade est magnifiquement entouré par une série de personnages pleins de verve et de saveur tous interprétés à la perfection. Brigid, la menteuse congénitale est jouée à merveille par Mary Astor dont le physique n'est pourtant pas celui de la vamp cher à tout amateur du genre. Le réalisateur l'a fait courir autour du plateau avant les prises afin qu'elle paraisse toujours un peu nerveuse par un débit de parole à la fois rapide et essoufflé : Nous sommes attristés pour Sam Spade quand il doit la sacrifier dans la scène finale assez dure mais émouvante. Kasper Gutman, le gros homme, est confié à Sidney Greenstreet qui, après avoir longuement arpenté les planches, trouve ici son premier rôle au cinéma à 62 ans : Huston s'amuse à le filmer en contre-plongée pour accentuer son embonpoint afin de le rendre encore plus imposant. Joel Cairo, aventurier efféminé au regard trouble et à la diction si étrange est tout aussi génialement interprété par Peter Lorre et le duo qu'il forme avec Greenstreet sera réutilisé à de nombreuses autres reprises par la Warner. Enfin Elisha Cook Jr, l'acteur le plus malchanceux du studio, celui qui interprétera le plus de personnages trouvant la mort avant la fin du film : son physique frêle et son regard apeuré et inquiet en font l'une des autres silhouettes inoubliables de cette perle noire. La façon qu'il a de réagir face aux multiples vexations du détective est absolument jouissive. Walter Huston (le père de John) fait une brève apparition dans le rôle du capitaine Jacobi qui arrive chez Spade avec le faucon et une balle dans le ventre : il se plaindra par la suite des mauvais traitements qu'eu a lui faire subir son fils pour cette séquence dans laquelle il du répéter la scène de sa chute à d'innombrables reprises et qui lui a laissé des bleus sur tout le corps !

 

Ce chef d’œuvre a souvent été taxé de bavard. Alors bien évidemment, ce premier essai de Huston abonde en dialogues mais rien ici de lourd ou d'ennuyeux. Au contraire, le tempo est rapide et haletant, le réalisateur allant toujours à l'essentiel et cela donne des échanges de ce type : "C'est la seconde fois que vous me cognez" dit Elisha Cook à Bogart qui lui réplique alors "Vous vous y ferez" : Concis, serré, sec, percutant, sans un poil de graisse, tel est le film du début à la fin. Dans un article lui étant consacré dans l'encyclopédie Atlas on peut lire ceci qui résume assez bien pourquoi ce premier film et bien d'autres du réalisateur ne subissent pas de coup de vieux : "C'est peut-être cette capacité qu'à Huston d'utiliser les techniques de tournage les mieux adaptées aux buts qu'il se fixe, sans tenir compte des modes, qui permet à ses meilleurs films de supporter l'épreuve du temps".

https://www.dvdclassik.com/critique/le-faucon-maltais-huston

=========================

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941)

Une caméra plane au-dessus de San Francisco sur un air de swing endiablé, puis le nom de l’agence des détectives privés, « Sam Spade and Miles Archer », s’affiche en grandes lettres. L’objectif s’attarde sur le héros : quelques secondes suffisent à nous entraîner dans un tourbillon de mensonge, de trahison et de meurtre. Nous y sommes en bonne compagnie puisque le héros est le détective privé le plus célèbre d’Hollywood, Sam Spade, interprété par l’idole du film de gangsters et de détectives Humphrey Bogart. Mais ce premier film grandiose de John Huston a bien d’autres mérites, et les vedettes que le futur réalisateur de classiques comme The Asphalt Jungle (Quand la ville dort, 1950) ou Moby Dick (1956) a réussi à réunir à l’affiche de cet archétype du film noir sont dignes des plus plus grosses productions : Mary Astor y interprète la fourbe Brigid O’Shaughnessy, Peter Lorre l’escroc distingué Joel Cairo, et Sydney Greenstreet le corpulent Kasper Gutman. Lancés sur la piste d’une mystérieuse statuette noire représentant un faucon, ces personnages ne reculent devant aucun moyen pour entrer en possession de l’objet  tant convoité, le « Faucon maltais ».  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

faucon_maltais_02

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

Ce qui a suscité l’intérêt de John Huston à la lecture de ce roman de Dashiell Hammett dont est tiré le film, ce n’est pas le but des activités criminelles de nos héros, mais plutôt le chemin tortueux qui les conduit vers ce but. Et si l’on s’en tient aux propos du scénariste et réalisateur Paul Schrader – qui signera, entre autres, le scénario de Taxi Driver (1976) – dans l’un de ses meilleurs essais critiques, « Notes on Film noir », selon lesquels, dans le film noir, le « comment » est toujours plus important que le « quoi », nous sommes là en face du meilleur exemple du genre.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

faucon_maltais_04

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

L’embrouille, riche en coups bas et en fausses pistes, commence le jour où la séduisante Miss Wonderly fait son apparition dans le bureau de Sam Spade et le prie de délivrer sa sœur d’un sale type nommé Floyd Thursby. Cela devrait être un jeu d’enfants pour Spade, macho convaincu ; et puis la fille paie bien. Mais dès le départ, quelque chose ne colle pas. Le premier regard que Miss Wonderly jette sur Archer nous révèle ce qu’elle a en tête : d’un instant à l’autre, l’expression de ses yeux froids et calculateurs se fait lascive et envoûtante. Sa stratégie va porter ses fruits, elle en est certaine beaucoup trop rapidement pour Spade, si sûr de lui à propos des femmes.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

faucon_maltais_19

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

L’histoire qu’elle lui raconte est un tissu de mensonges. Spade et son partenaire Archer s’en doutent, mais ils ne peuvent résister ni aux sirènes de l’argent ni aux charmes de la belle. Les deux compères acceptent de mener l’enquête, à la fin de laquelle Miles Archer trouvera la mort et Sam Spade ne sera plus que la marionnette d’une mystification criminelle.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

faucon_maltais_24

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

Le drame se noue lorsque Miles Archer est froidement assassiné dans la rue par un inconnu, ce qui vaut à Spade non seulement la visite de la police et une convocation chez le procureur, mais aussi la rencontre de personnages louches. Joel Cairo, un escroc aux allures de dandy, surgit à l’improviste dans son bureau et lui révèle quelques détails dérangeants sur Miss Wonderly. Celle-ci se nommerait en réalité Brigid O’Shaughnessy et l’aurait roulé, lui et son associé Kasper Gutman – comme avec le détective privé -, en le mettant sur la piste d’une statuette précieuse représentant un faucon.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

faucon_maltais_03

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

La recherche de l’objet de toutes les convoitises va vite devenir un sac de nœuds, chaque dénouement laissant la place à une nouvelle confusion. Le spectateur suit le fil de l’intrigue avec les yeux de Sam Spade et n’en sait ni plus moins que lui. La confusion narrative est soutenue par des compositions spatiales désordonnées et oppressantes, des perspectives obliques, ainsi que par un éclairage sophistiqué dominé par une tonalité sombre.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

faucon_maltais_20

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

Le personnage de Sam Spade, cet homme triomphant et bagarreur au cynisme rude, ajoute encore à l’aspect déroutant du film. Il ne peut se résoudre à la réalité: simple pion sur un échiquier mystérieux, il entraîne le spectateur derrière lui tout au long de l’intrigue – pour le meilleur et pour le pire. À la fin du film, lorsque toutes les énigmes semblent résolues mais que tous se retrouvent gros Jean comme devant, ce que Nino Frank, l’inventeur du concept de film noir, a si judicieusement décrit en 1946 à propos du Faucon maltais devient enfin perceptible : cette « troisième dimension » qui laisse transparaitre à la surface du film un abîme de dépravation morale.  [Film Noir 100 All-Time Favorite – Paul Duncan, Jürgen Müller – Edition Taschen – (2013)]

faucon_maltais_22

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

En 1941, John Huston a trente-cinq ans. Jezebel (L’Insoumise), Juarez, High Sierra et The Amazing Doctor Clitterhouse (Le Mystérieux docteur Clitterhouse) ont contribué à faire de lui l’un des scénaristes les plus estimés de la Warner Bros. Il se sent prêt à passer à la réalisation et il sait que Jack Warner est décidé à lui faire confiance, pourvu qu’il puisse lui montrer un excellent scénario. C’est alors que Huston s’intéresse au Faucon maltais de Dashiell Hammett. Le roman, publié en 1930 et dont les droits cinématographiques appartiennent à la Warner, a déjà fait l’objet de deux adaptations, la première, en 1931, mise en scène par Roy del Ruth, et la seconde, cinq ans plus tard, réalisée par William Dieterle avec Warren William et Bette Davis.  [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

faucon_maltais_06

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

Autant la première version, dont Ricardo Cortez et Bebe Danield étaient les héros, suivait assez fidèlement le roman de Hammett, autant la suivante s’en éloignait volontiers, jouant sur les ruptures de ton et le mélange d’intrigue policière et de comédie noire, Gutman étant cette fois-ci devenue une femme dangereuse, jouée par Alison Skipworth et nommée Mrs. Barabbas. Huston demande à sa secrétaire de retaper le texte du livre en le présentant sous la forme d’un découpage scène par scène, et Jack Warner, découvrant le travail achevé, croit qu’il s’agit d’un premier état de scénario et félicite Huston d’avoir retrouvé toutes les qualités du livre. Il ne reste plus à Huston qu’à tourner le film…  [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

faucon_maltais_07

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

Henry Blanke, qui avait déjà été chargé de surveiller la production de la version de William Dieterle, est de nouveau mis à contribution, Hal B. Wallis étant le producteur en titre du film. John Huston se lance dans le travail de préparation proprement dit, dessinant lui-même les plans et les futurs mouvements d’appareils, son ami William Wyler lui servant à plusieurs reprises de guide et de conseiller.  [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

faucon_maltais_08

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

George Raft, pressenti pour le rôle de Sam Spade, refuse de l’interpréter, n’ayant pas confiance en un cinéaste débutant et craignant d’être le héros d’un film de série B. II écrit ainsi à Jack Warner, le 6 juin 1941 : « Je pense fermement que The Maltese falcon que vous voulez me faire faire n’est pas un film important et je vous rappelle qu’avant de signer monouveau contrat, vous m’aviez promis de ne me proposer que des films importants. » Il profite d’ailleurs de l’occasion pour faire jouer une des clauses de son contrat qui lui permettait de refuser d’être l’interprète de films qui ne seraient que des remakes, ce qui est le cas.  [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

faucon_maltais_10

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

Après le désistement de Raft, le choix se porte sur Humphrey Bogart et Mary Astor succède à Geraldine Fitzgerald, initialement prévue pour le rôle de Brigid O’Shaughnessy. « J’ai essayé, déclare Huston, de transposer le style de, Dashiell Hammett en termes techniques. De même que le livre, le film est entièrement vu du point de vue de Spade. Celui-ci, est dans chaque scène, sauf une (le meurtre de son associé). Le public n’en sait jamais plus ou moins que lui et tous les autres personnages de l’histoire ne sont introduits que lorsqu’il les rencontre. J’ai tenté de faire en sorte qu’on les voie comme les voit Spade. »  [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

faucon_maltais_11

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

Le film est tourné en juin et juillet 1941 et Huston suit les conseils de Henry Blanke qui lui avait dit: « Réalisez chaque scène comme si elle était la plus importante du film et faites que chaque plan compte. »  Huston choisit de mettre en scène le film en continuité, c’est-à-dire en suivant la trame dramatique, alors que bien souvent les séquences sont tournées dans le désordre, en fonction des possibilités de décors ou de la disponibilité des acteurs. « John a eu raison, reconnaîtra Hal B. Wallis. En tournant le film en continuité et en augmentant graduellement la vitesse jusqu’à la confrontation finale, il a ainsi contribué à augmenter l’intérêt et le public a été subjugué. »  [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

faucon_maltais_15

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

Huston qui utilise comme chef opérateur Arthur Edeson, déjà responsable de la version de 1936, se plaît à filmer Sydney Greenstreet en contre-plongée pour accentuer sa corpulence et demande même à Mary Astor de courir à plusieurs reprises autour du plateau pour intensifier la nervosité de l’actrice et du personnage qu’elle interprète. Le résultat se révèle conforme à ce que souhaitait Huston et Mary Astor écrira : « C’était un film de Huston, un scénario de Huston. Il avait eu l’intelligence de garder intact le livre de Hammett. Son scénario était une carte précise indiquant où on allait. Chaque plan, mouvement de caméra, entrée et sortie figuraient sur le papier, ne laissant aucune place à la chance, à l’improvisation ou à l’invention. »  [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

faucon_maltais_21

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

Tout en respectant les directives du Code de production de l’époque, Huston joue sur l’ambiguïté de ses personnages, établissant des liens évidents entre Gutman, Cairo et Wilmer Cook, et laissant deviner au spectateur les rapports précis qui unissent Spade aux trois femmes de l’histoire, Brigid, Iva, la veuve de son associé, et Effie, sa secrétaire.  La manière dont Bogart roule ses cigarettes, la sécheresse des dialogues, la superbe et désormais légendaire phrase finale – « It’s the stuff that dreams are made of » (« C’est l’étoffe dont on fait les rêves ») – et l’efficacité de chaque détail portent la marque évidente du travail de Huston qui, non content de suivre scrupuleusement avec ses comédiens le canevas de l’histoire, déjeune chaque jour avec eux, pour renforcer les rapports qui peuvent se nouer entre eux.  [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

faucon_maltais_23

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

Alors que la version de Dieterle avait vu le faucon maltais remplacé par le cor de Roland – celui qu’il avait à Roncevaux -, celle de Huston reprend le thème mythique du faucon offert à Charles Quint et devenu l’objet de toutes les convoitises.  A l’image des grands héros des films de Huston, partis à la poursuite de rêves souvent insensés – détruire la baleine blanche telle capitaine Achab de Moby Dick, retrouver les traces d’Alexandre le Grand au Kafiristan, rencontrer Lily Langtry ou découvrir l’or de la Sierra Madre – ceux du Maltese falcon cherchent au péril de leur vie à s’emparer du faucon fabuleux qui se révèle finalement n’être qu’une dérisoire copie.  [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

faucon_maltais_28

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

Huston confie d’ailleurs à son propre père, Walter Huston, le soin d’être le capitaine Jacoby qui n’apparaît que quelques secondes, portant le précieux faucon, avant de s’écrouler, mort. Tourné en six semaines et pour moins de quatre cent mille dollars, The Maltese falcon est nommé pour l’Oscar, mais on lui préfère, comme meilleur film de l’année, How Green Was My Valley (Qu’elle était verte ma vallée) de John Ford. Le succès remporté par le film, qui avait failli s’appeler The Gent from Frisco, incite la Warner à lui envisager une suite, The Further Adventures of the Maltese Falcon dont Huston aurait été le metteur en scène et Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre et Sydney Greenstreet les interprètes. Le scénario devait s’inspirer de trois nouvelles de Dashiell Hammett, Two Many Have Lived, A Man Called Spade et They Can Only Hang You Once, mais le projet n’aboutira pas.  [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

faucon_maltais_38

THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais) – John Huston (1941) avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Lee Patrick,

En 1975, David Giler mettra en scène une vague suite, intitulée The Black Bird, avec George Segal dans le rôle de Sam Spade Jr., Stéphane Audran et Lionel Stander. Lee Patrick et Elisha Cook y retrouvaient leurs personnages d’Effie et de Wilmer Cook. The Maltese falcon offre au film noir un de ses premiers grands classiques. Huston y dirige pour la première fois Bogart, qu’il retrouvera par la suite à cinq reprises, et Sydney Greenstreet et Peter Lorre créent un couple surprenant que la Warner s’empressera de réutiliser. La dernière scène du film voit Sam Spade embrasser et laisser arrêter Brigid qui disparaît dans un ascenseur que la grille transforme – déjà – en prison… [Le film noir – Patrick Brion – Editions de la La Martinière (2004)]

faucon_maltais_102

John Huston, Peter Lorre, Mary Astor et Humphrey Bogart – THE MALTESE FALCON (Le Faucon maltais, 1941)

L’HISTOIRE

Son associé, Miles Archer (Jerome Cowan), ayant été assassiné tandis qu’il suivait un homme nommé Thursby pour le compte d’une mystérieuse Miss Wonderly (Mary Astor), le détective privé Sam Spade (Humphrey Bogart) décide de retrouver le tueur. Il rencontre Miss Wonderly qui lui avoue s’appeler en réalité Brigid O’Shaughnessy ; Thursby est, selon elle, l’assassin de Miles et il la menace, elle aussi. Spade, séduit par Brigid, accepte de l’aider. Son enquête le mène à un étrange trio : Joel Cairo (Peter Lorre), homme d’une élégance terriblement affectée, Kasper Gutman, «le gros» (Sydney Greenstreet), et Wilmer (Elisha Cook Jr.), le tueur débile de Gutman. Tous cherchent le faucon maltais, figurine incrustée de riches pierres précieuses qui ont été recouvertes d’un émail noir. Spade découvre alors que Brigid est une menteuse psychopathe, elle aussi à la recherche de l’oiseau. Le capitaine d’un navire ayant été assassiné, elle récupère le faucon maltais et Spade réunit le groupe suspect pour connaître la véritable histoire. Apprenant que Wilmer est l’assassin de Thursby et du capitaine, Spade exhibe l’oiseau qui s’avère être un faux. Gutman, très déçu s’enfuit avec Wilmer et Cairo. Spade envoie les flics à leurs trousses et oblige Brigid à tout avouer. C’est elle qui a tué Miles pour se débarrasser de son partenaire Thursby, tout en espérant qu’on le prendrait pour le meurtrier. Bien qu’elle déclare à Spade être follement amoureuse de lui, il la remet entre les mains de la police.

https://moncinemaamoi.blog/2019/03/24/the-maltese-falcon-le-faucon-maltais-john-huston-1941/

Niciun comentariu:

Trimiteți un comentariu

ROBERT SIODMAK (1904 - 1973)