duminică, 25 octombrie 2020

UNDERCURRENT (Lame de fond) – Vincente Minnelli (1946)

 

LE FILM NOIR

UNDERCURRENT (Lame de fond) – Vincente Minnelli (1946)

Le film noir a permis à de grands metteurs en scène comme Fritz Lang, Nicholas Ray, Otto Preminger et Anthony Mann de créer leurs œuvres les plus imaginatives. Malheureusement, le seul film noir de Minnelli, manque parfois de puissance malgré certaines qualités, défaut regrettable car on y trouve pourtant le style du metteur en scène. A peine sortie de son cocon familial, on voit l’héroïne (Katharine Hepburn) entrer dans une réalité cauchemardesque – incarnée par son mari Alan (Robert Taylor) – et chercher à s’en protéger en tombant amoureuse d’un rêve – personnifié par Michael (Robert Mitchim). Katharine Hepburn maîtrise ici parfaitement son rôle mais la mise en scène pèche par complaisance et utilise des motifs d’un symbolisme trop évident comme celui du cheval de Michael ou des flammes vacillant dans la cheminée, apparaissant à chaque séquence-clé.

UNDERCURRENT (Lame de fond, 1946)

Le début d’Undercurrent pourrait être celui d’une de ces brillantes comédies sophistiquées chères à Hollywood et à la Metro-Goldwyn-Mayer puis, peu à peu, le ton change et la fin, véritable catharsis amoureuse, permet à Katharine Hepburn de satisfaire le transfert passionnel de Robert Taylor vers Robert Mitchum, d’un frère vers l’autre. Premier des grands films dramatiques de MinnelliUndercurrent donne au cinéaste la possibilité de poursuivre, parallèlement à ses comédies musicales, la recherche de certains de ses thèmes les plus secrets, que l’on aurait tort de croire réservés au domaine du « musical ».

UNDERCURRENT (Lame de fond, 1946)

Undercurrent (Lame de fond) marque la première rencontre entre Minnelli et Pandro S. Berman qui produira par la suite Madame BovaryFather of the Bride (Le Père de la mariée) , Father’s little dividend (Allons donc, papa !), The Long long trailer (La Roulotte du plaisir), Tea and sympathy (Thé et Sympathie) et The Reluctant debutante (Qu’est-ce que maman comprend à l’amour ?). Tout en étant moins prestigieux qu’Arthur Freed et moins ambitieux que John Houseman, Pandro S. Berman jouera un rôle qu’on aurait tort de sous-estimer dans l’œuvre de Minnelli. Producteur éclectique, Pandro S. Berman possède à son actif plusieurs chefs-d’œuvre – The Picture of Dorian Gray (Le Portrait de Dorian Gray d’Albert Lewin, The Three Musketeers (Les Trois mousquetaires de George Sidney), Ivanhoe de Richard Thorpe – et on lui doit également des réussites telles que Battle Circus (Le Cirque infernal) et Blackboard jungle (Graine de violence) de Richard Brooks et All the brothers were valiant (La Perle noire) de Richard Thorpe, sans oublier le joyau que sera The Prisoner of Zenda (Le Prisonnier de Zenda) , tourné par le même Thorpe en 1952 avec Stewart Granger, Deborah Kerr et James Mason. [Minnelli « De Broadway à Hollywood » – Patrick Brion, Dominique Rabourdin, Thierry de Navacelle – ED.  5 continents Hatier (1985)]

UNDERCURRENT (Lame de fond, 1946)

Le premier, Berman comprend l’intérêt de faire réaliser à Minnelli qui vient de mettre en scène deux films musicaux, Ziegfeld Follies et .Yolanda and the thief une œuvre purement dramatique. « J’ai beaucoup aimé réaliser Undercurrentracontera Minnelli. La conduite névrotique des personnages, leurs relations psychologiques me fascinaient. Je suis toujours d’accord pour m’attaquer à un sujet qui semble m’être étranger, et regarder ce qu’il y a sous la surface… »  A mi-chemin entre le drame psychologique et le film noir, Undercurrent est également influencé par les théories psychanalytiques dont on connaît l’importance dans le cinéma hollywoodien des années 1940.

UNDERCURRENT (Lame de fond, 1946)

Comme Gene Tierney dans Dragonwyck (Le Château de Dragon) de Joseph L. Mankiewicz, tourné la même année, l’héroïne de Undercurrent est arrachée à sa province natale et confrontée à un monde dans lequel elle se sent inférieure. Mankiewicz utilisera à nouveau ce thème dans A Letter to three wives (Chaînes conjugales, 1948) – le personnage joué par Jeanne Crain – alors que Minnelli l’oriente ici d’une manière différente. Obsédé par le souvenir d’un frère plus brillant, sachant au fond de lui-même qu’il ne doit sa notoriété qu’à un vol doublé d’un meurtre, Alan Garroway (Robert Taylor) voit ici l’occasion de remodeler, selon sa volonté, cette femme qu’il vient d’épouser et qui va, en grande partie grâce à lui, trouver une féminité jusqu’ici latente. Le fait qu’Ann (Katharine Hepburn) ressemble à Sylvia Lea Burton qui préférait le frère d’Alan, Michael (Robert Mitchum), donne d’ailleurs au film une seconde dimension.

UNDERCURRENT (Lame de fond, 1946)

Le film joue perpétuellement sur cette dualité entre Alan et Michael comme si ceux-ci ne formaient que les deux faces complémentaires d’un même personnage : Alan, le visage maléfique, Michael, l’aspect positif. Ann, de plus en plus attirée vers ce frère qu’elle croit mort et qu’elle ne connaît pas, commence à douter de son mari jusqu’à le soupçonner d’un crime. Comme Joan Fontaine dans Suspicion (Soupçons, 1941) d’Alfred Hitchcock, Ann se persuade peu à peu, et sans preuves, de la culpabilité de son mari, idéalisant ce Michael disparu dont la personnalité la subjugue de plus en plus. Un recueil de vers, un morceau musical – la 3e Symphonie de Brahms, véritable leitmotiv envoûtant du film – un paysage romanesque et des objets familiers permettent à Ann de laisser vagabonder son imagination amoureuse, et ce n’est pas un hasard si elle ne voit Michael, vivant, qu’une fois son mari disparu, piétiné par le cheval de son frère (encore un symbole !). [Minnelli « De Broadway à Hollywood » – Patrick Brion, Dominique Rabourdin, Thierry de Navacelle – ED.  5 continents Hatier (1985)]

UNDERCURRENT (Lame de fond, 1946)

Comme Gene Tierney qui apparaissait soudain à Dana Andrews, fasciné par sa personnalité, dans Laura (1944) d’Otto Preminger, ici Michael sort progressivement de l’ombre pour se superposer avec l’image créée par Ann. Le thème de Janus, évident dans The Pirate, The Four horsemen of the Apocalypse (Les Quatre cavaliers de l’Apocalypse) ou On a clear day you can see forever (Melinda), figure parmi les obsessions de l’œuvre minnellienne, et Ann est soudain prise entre ces deux frères, celui qu’elle a épousé et celui qu’elle croit mort et qu’elle commence à aimer plus profondément que son propre mari.

UNDERCURRENT (Lame de fond, 1946)

Splendidement secondé par Karl Freund, l’ancien chef opérateur de Fritz Lang et de F. W. Murnau, Minnelli compose – comme il le fera par la suite surtout dans Madame Bovary et dans Home from the hill (Celui par qui le scandale arrive) – un décor qui restitue la personnalité intime de ses héros. «J’ai beaucoup travaillé – dira Minnelli – avec le décorateur de plateau Jack Moore et imaginé, par exemple, le décor du ranch du Maryland, où Michael avait disparu. Le lieu devait être totalement imprégné de sa présence et refléter le caractère serein de Michael, pour que l’endroit fascine la jeune femme. Je crois finalement que ce décor sécrétait une certaine ambiance, tout comme la partition musicale d’Herbert Stothart ; notamment son utilisation d’un thème de Brahms destiné à suggérer la noblesse de caractère du frère. »

UNDERCURRENT (Lame de fond, 1946)

La splendeur de la photographie éclate d’ailleurs dans la séquence dramatique qui voit dans un même temps, Alan tenter de tuer sa femme puis trouver la mort, piétiné. Véritable catharsis du film, cet admirable moment va permettre à Ann de satisfaire le transfert amoureux qu’elle éprouve. Le film oppose Robert Taylor à Robert Mitchum et le choix de Taylor qui joue à contre-emploi est une réussite. « Pour obtenir de Taylor un regard de dément, écrivait Minnellije lui suggérai de s’entraîner à fixer dans le vide, sans ciller, pensant que ses yeux s’élargiraient et qu’il obtiendrait ainsi l’expression d’un fanatique. Bob y réussit parfaitement. »

UNDERCURRENT (Lame de fond, 1946)

Quant à Robert Mitchum, sa composition est une authentique performance car, la nuit, il tournait pour la R.K.O. The Locket (Le Médaillon), sous la direction de John Brahm. A sept heures du matin, il se rendait sur le plateau d’Undercurrent où il personnifiait jusqu’à midi le rôle de Michael Garroway avant de repartir pour Monterey où il travaillait tout l’après-midi aux côtés de Greer Garson dans Desire me (La Femme de l’autre) de George Cukor et Mervyn Le Roy…

UNDERCURRENT (Lame de fond, 1946)

Comparé aux flamboyants mélodrames que Minnelli réalisera par la suite, Undercurrent peut sembler une déception et le film souffre indiscutablement d’avoir été tourné en noir et blanc. Le Technicolor de l’époque aurait en effet permis à Minnelli de se livrer à de nouvelles recherches et à créer une émotion apparente dans ses autres films dramatiques. Minnelli aurait sans doute pu opposer avec une intensité plus grande le monde d’Alan, sombre et crépusculaire, à celui de Michael, idéalisé par Ann.

Katharine Hepburn et Vincente Minnelli sur le tournage d’Undercurrent (1946)

Il réussit de toute manière à sublimer ce sujet dramatico-freudien par l’apport de ses thèmes les plus chers, délaissant, comme chez Hitchcock, l’intrigue criminelle au profit de la femme amoureuse en proie au doute. L’élégance de la mise en scène, la qualité de la direction d’acteurs et les relations étroites qui lient les décors aux personnages portent en tout cas la griffe de Minnelli pour qui le film demeure cependant plus une expérience très intéressante qu’un authentique chef-d’œuvre… [Minnelli « De Broadway à Hollywood » – Patrick Brion, Dominique Rabourdin, Thierry de Navacelle – ED.  5 continents Hatier (1985)]

UNDERCURRENT (Lame de fond, 1946)
L’HISTOIRE

Ann Hamilton (Katharine Hepburn) mène une vie douillette avec son père qui est professeur (Edmund Gwenn ) jusqu’au jour où elle rencontre Alan Garroway (Robert Taylor), beau et plein de charme, à la tête d’une usine d’aviation. Ils tombent amoureux l’un de l’autre et se marient, mais Alan est en fait un homme perturbé psychologiquement et obsédé par un sentiment de haine à l’égard de son frère depuis longtemps disparu, Michael (Robert Mitchum). Alan prétend que Michael lui a fait de sales coups, professionnellement, puis a disparu. Ann découvre, petit à petit, une autre image de Michael, homme doux et sensible qui aurait peut-être été tué par son frère. Dévorée de curiosité, Ann se rend dans la maison de Michael et fait la connaissance du gardien, qui est en fait Michael en personne. Ce dernier va voir son frère craignant qu’il ne ruine la vie d’Ann. Si Michael a abandonné l’entreprise familiale c’est qu’il sait qu’Alan a tué un ingénieur qui travaillait pour lui afin de s’approprier ses idées, crime grâce auquel sa compagnie a acquis sa prospérité. Alan rassure Michael et lui affirme qu’il aime vraiment Ann mais lorsqu’il se rend compte qu’elle se détache de lui, il  tente de la tuer. Il meurt avant d’accomplir son dessein criminel, tué par le cheval de Michael. Ann avoue plus tard à Michael qu’elle a tout de suite su qui il était lors de leur première rencontre et qu’elle l’aime.

LES EXTRAITS

Curieusement, Minnelli s’est imposé dans The Band wagon (Tous en scène) avec un intermède musical, The Girl Hunt Ballet, qui en dit plus sur le film noir en dix minutes que Undercurrent en deux heures. Il s’agit d’une satire de la fiction policière qui place les éléments littéraires traditionnels du genre dans un contexte visuel exotique. Minnelli intègre une chorégraphie très inventive de Michael Kidd et une musique de jazz romantique, due à Arthur Schwartz, à un décor expressionniste de marches qui ne mènent nulle part et de labyrinthes : l’action se déroule sur plusieurs plans spatiaux. Les couleurs très vives, caractéristiques de Minnelli, permettent d’identifier les personnages archétypaux comme bons ou méchants, dangereux ou innocents. Fred Astaire joue et danse dans le rôle du détective Rod Riley sur un argument écrit par Minnelli lui-même ironisant avec esprit sur les clichés du Noir ; Cyd Charisse tient le rôle de deux femmes mystérieuses qui ne sont pas ce qu’elles prétendent être. Le détective, seul, la nuit « dans la ville qui dort… avec tous les rats dans leur trou » et la musique d’un trombone solitaire, est soudain dérangé par une blonde au visage d’ange qui vient lui demander son aide pour une sordide histoire de meurtre. Rod soupçonne une danseuse de cabaret aux allures fatales (une brune vêtue de rouge) mais, bien entendu, la blonde se révélera la meurtrière et la femme en rouge capable d’une loyauté et d’une fidélité insoupçonnées. « Je hais les tueurs, avait déjà prévenu Rod, et quand je hais c’est pour de bon» ; « les criminels doivent mourir » ajoute-t-il en tirant sur la blonde. Le détective et la sirène en rouge s’enfoncent dans la ville sombre et Rod de conclure : « C’était une femme dangereuse. Je n’aurais jamais pu avoir confiance en elle  mais c’était mon type. »

VINCENTE MINNELLI

Véritable magicien du cinéma, Vincente Minnelli a porté la comédie musicale à son point de perfection, ce qui ne doit pas faire oublier qu’il est l’auteur de quelques chefs-d’œuvre du mélodrame.

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 Lame de fond, Undercurrent, Vincente Minnelli, 1946

C’est un film curieux, sans doute parce qu’il est signé Minelli, et que si celui-ci avait le sens du drame, il n’était pas fait pour le film noir. Mais c’est pourtant bel et bien un film noir, au moins par le scénario qui est très torturé et très psychologique. Les fantasmes, l’imagination, tout ce « courant souterrain » fait avancer l’action.

 Lame de fond, Undercurrent, Vincente Minnelli, 1946 

An et Allan se marient 

Ann est la fille d’un savant modeste qui se trouve être en affaire avec un autre savant multimillionnaire, Alan Garroway, qui est devenu un puissant industriel. Elle est célibataire, mais elle va tomber amoureuse d’Alan et, la réciproque étant vraie, ils vont se marier assez rapidement. Comme Allan est très riche, il fréquente que le gratin de la société, à Washington, à San-Francisco ou  ailleurs. Ann a du mal à s’y faire, passant d’une propriété à une autre, d’un cocktail à un dîner. Mais bientôt elle va découvrir qu’Alan manifeste une haine tenace pour son frère Michael, l’accusant de l’avoir volé, le décrivant comme un parasite vivant et un jaloux. Cette haine latente commence à enfoncer un coin dans la relation des jeunes époux. Ann est intriguée, et elle commence à mener une enquête qui va l’emmener jusqu’au ranch de Mike qu’elle rencontre sans savoir que c’est lui. Tout le monde observant que Mike a disparu, son ancienne maîtresse n’hésite pas à accuser Alan de l’avoir tué. Mike cependant va revenir vers la maison familiale et forcer Allan a avoué que sa richesse il l’a doit avant tout au fait qu’il a volé son invention à un savant allemand, antinazi, qu’il a assassiné. Mike va demander à Alan de dire la vérité à Ann, sinon, il le dénoncera lui-même. Devant se dilemme, et comprenant qu’il ne pourra pas trouver le pardon auprès d’Ann, Allan va tenter de l’assassiner.

 Lame de fond, Undercurrent, Vincente Minnelli, 1946 

Au fil des jours Alan montre un aspect surprenant de sa personnalité, il est obsédé par son propre frère 

Cette intrigue est compliquée parce que les personnages sont compliqués. En effet, Alan est bien un assassin, mais il est sincèrement amoureux d’Ann et voudrait bien trouver le pardon auprès d’elle. Il a fait fortune, mais il la donnerait volontiers contre l’amour de sa femme. Il l’aime tellement qu’il serait capable de la tuer pour qu’elle n’appartienne à personne d’autre qu’à lui. Mais les autres personnages du film ne sont pas moins ambigus. Ann en recherchant Mike pour comprendre ce qui s’est passé avec Allan, va en réalité tombé amoureuse de l’image qu’elle a de lui, puisqu’elle ne l’a jamais rencontré. C’est un peu comme si elle commettait l’adultère par procuration, et qu’en réalité elle cherche tout ce qui pourra alimenter ses propres fantasmes aussi bien sur son mari qui apparait comme un ogre cruel, que sur Mike qui est pour elle une sorte d’ange rédempteur paré de toutes les vertus. Mais Mike n’est pas très clair, il revient hanter son frère principalement parce qu’en réalité il est amoureux d’Ann. On voit que si Alan déteste son frère, Mike en a autant à son endroit sous le couvert d’une bonté affichée. C’est évidemment les relations compliquées entre ce trio qui fait tout l’intérêt du film. Et il y a en outre la lutte à mort entre deux frères comme un dévoilement de l’hypocrisie de l’idéal familial de l’Amérique.

 Lame de fond, Undercurrent, Vincente Minnelli, 1946 

Ann est conquise par la maison de Michael 

Il y a beaucoup d’emprunts à Hitchcock, à Rebecca et à Suspicion. Encore qu’on pourrait dire que le Marnie d’Hitchcock emprunte aussi à Undercurrent, cette histoire d’une mise en relation de la passion pour les chevaux et de la sexualité féminine. Le secret derrière la porte de Lang a aussi été évoqué comme une source possible de ce film. Le mari qui a un lourd secret et qui peut-être est en train de préparer le meurtre de sa femme. Ça ressemble à du Hitchcock, sans la fausse ironie que ce dernier manipule parfois – très souvent en fait – avec beaucoup de lourdeur. Mais il y a aussi comme très souvent chez Minelli l’opposition entre la richesse (Allan) et la condition modeste de Mike et d’Ann. Il ne s’agit pas de lutte de classes, mais plutôt d’affirmer que la fortune ne peut pas exister sans un cadavre dans le placard. En outre il est clair que cette poursuite de la richesse est une aventure handicapante et mortifère. Je passe sur les serviteurs noirs, on me dira que c’était l’époque, mais j’ai du mal à m’y faire. Ou plutôt ça m’empêche de m’intéresser aux personnages. Par exemple cette scène où la robuste Ann laisse le soin au vieux domestique de porter ses valises a quelque chose d’un peu indécent.

 Lame de fond, Undercurrent, Vincente Minnelli, 1946 

Michael vient prévenir Alan qu’il dévoilera son secret 

Le film se voit cependant sans déplaisir, mais il laisse un goût d’inachevé. Certains ont mis ça sur le compte de Robert Taylor qui dans le rôle de Alan serait un peu trop monolithique. Personnellement je ne trouve pas. Je pense plutôt que c’est une question de rythme. La première partie qui voit l’introduction d’Ann dans la haute société américaine est beaucoup trop longue. Ça devient plus intéressant quand Ann commence véritablement son enquête, qu’elle rencontre Sylvia, qu’elle sent la présence de Mike et qu’elle se rend au ranch de celui-ci. Au lieu de traiter l’histoire comme une romance qui tourne mal, Minelli aurait dû en faire une enquête. Je passe sur la lourdeur de la scène où Ann est sauvée de la mort par un cheval un peu capricieux. Les scènes de foule sont un peu bâclées, même si elles sont richement dotées, et les dialogues sont souvent filmés de profil, avec très peu de mouvements de caméras et de plans de coupe, ce qui donne peu de champ au film, un espace trop resserré.

 Lame de fond, Undercurrent, Vincente Minnelli, 1946 

Alan se méfie maintenant d’Ann 

Peut-être qu’au fond le principal problème est que ce soit un film MGM. En effet ce studio avait une conception du cinéma qui ne s’accommodait pas très bien avec la mise en scène de la crasse et du ruisseau. C’est pour cette raison que la distribution est « haut de gamme ». Katharine Hepburn était une immense vedette, Robert Taylor aussi et Robert Mitchum commençait à percer. Le film tourne autour d’Ann, et donc c’est un véhicule parfait pour Katharine Hepburn qui peut donner tout son registre, de la femme forte et un peu garçon manqué, jusqu’à l’amoureuse tendre et abandonnée au charme de la poésie. Robert Taylor est plu monolithique comme on l’a dit, mais que ce soit ou non dans sa nature, ça correspond de toute façon au personnage qui taille sa route sans tenir compte des personnes qui ne sont que des obstacles sur son chemin. Robert Mitchum par contre à l’air de s’ennuyer profondément, de se demander qu’est-ce qu’il fait là dans le rôle d’un jeune homme épris de poésie et de musique. Mais il a de la présence, c’est indéniable. Donnons au passage un bon point à Jayne Meadows qui incarne l’ancienne maîtresse de Michael. Elle ne percera pas au cinéma et fera une carrière essentiellement à la télévision.

 Lame de fond, Undercurrent, Vincente Minnelli, 1946 

Ann a fait une chute de cheval 

Bien que le film soit plombé par des scènes d’une grande niaiserie, les histoires de chien, les relations avec le père, etc. le film reste intéressant par les audaces sous-jacentes que son scénario contient.

 

 Lame de fond, Undercurrent, Vincente Minnelli, 1946

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duminică, 18 octombrie 2020

Hitchcock / NORTH BY NORTHWEST / CARY GRANT

 

NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959)

Publicitaire sans histoire, Roger Thornhill se retrouve soudain plongé malgré lui dans une histoire d’espionnage hallucinante qui le mène des rues de New York aux vertigineux sommets du mont Rushmore. Tourné entre Vertigo (Sueurs froides) et PsychoseNorth by northwest (La Mort aux trousses) est animé par un souffle de légèreté. Le film est à juste titre reconnu comme le plus grand thriller comique d’Hitchcock, qui parvient ici à concilier audace morale et grand succès populaire. Il deviendra un exemple pour la génération suivante des films d’espionnage, James Bond inclus.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

L’ESPION MALGRÉ LUI

Divertissant et moralement osé pour l’époque, North by northwest  est un des plus grands succès d’Hitchcock. L’intrigue policière à rebonds, menée avec humour, est écrite, interprétée et réalisée avec le plus grand savoir-faire. Si les scènes d’ivresse ou de séduction, tout comme le regard cynique porté sur les services secrets, deviendront banals dans les années 1960, elles étaient encore audacieuses dans le Hollywood des années 1950. Beaucoup d’éléments de North by northwest se transformeront en clichés ressassés dans les films d’espionnage qui se multiplieront au cours des années 1960 et 1970 : les dialogues humoristiques mêlés à une action violente, l’architecture surréaliste et les scènes fantastiques, le rythme effréné, la figure du patron des services secrets excentrique mais bienveillant, la belle espionne, le truand élégant et son bras droit brutal à la sexualité ambiguë, et, enfin, l’intrigue insensée.

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Hitchcock disait à qui voulait l’entendre que North by northwest  était une synthèse de tous ses films américains, née d’une gestation beaucoup plus longue que n’importe quelle autre de ses œuvres.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

LA GENÈSE D’UN CHEF-D’ŒUVRE

Vers 1950, Hitchcock commença à penser à la réalisation d’un film qui culminerait dans une scène sur le mont Rushmore, une montagne située dans le Dakota du Sud célèbre pour ses quatre têtes monumentales de présidents américains sculptées à même la roche. Il imaginait alors un héros ressemblant à ses « faux coupables » habituels, grimpant sur les sculptures. Non sans humour, il avait alors baptisé le projet L’Homme dans le nez de Lincoln.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

En 1952, le journaliste Otis Guernsey lui suggéra l’idée d’un film montrant un américain ordinaire, mais débrouillard, confondu avec un espion et pourchassé à travers tout le pays par une bande d’assassins. L’approche de Guernsey était mièvre et sans originalité ; Hitchcock en retint néanmoins le principe, et l’intégra dans son projet en cours de maturation, au point d’en parler à plusieurs reprises à divers scénaristes tout au long de la décennie.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

DILEMME

Il faudra attendre le tournage de Vertigo pour qu’il trouve enfin le bon collaborateur. Ernest Lehman, un scénariste nominé aux Oscars pour Sabrina (1954) et Sweet smell of success (Le Grand Chantage, 1957), avait accepté de travailler avec lui sur l’adaptation du roman de Hammond Innes The Wreck of the Mary Deare, un vieux projet d’Hitchcock qui présentera trop de difficultés et sera finalement abandonné.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

ERREUR SUR LA PERSONNE

Toutefois, Lehman se montra très intéressé par ce qu’Hitchcock désignait alors comme « une idée provocante qui [l’]obsédait depuis longtemps ». De plus, le scénariste voyait dans l’histoire de L’homme dans le nez de Lincoln l’opportunité de satisfaire une ambition personnelle : écrire un « véritable film animé, [avec] de l’esprit, de la sensualité, de la finesse, du suspense, [et] de nombreux sites hauts en couleur ».

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

D’autres idées vinrent se greffer sur le projet initial : l’homme innocent (appelé Thornhill dès le début) serait confondu avec un homme qui n’existe pas ; un meurtre à l’ONU fut prévu ; l’enchaînement de scènes d’action à travers le pays devait atteindre son point d’orgue lorsque le héros serait suspendu à un nez présidentiel – « une prouesse exceptionnelle », selon Hitchcock.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

Dans le projet de Guernsey, Thornhill était représentant de commerce. Hitchcock et Lehman en firent un cadre de haut vol, grand buveur, travaillant à Madison Avenue, au cœur de l’industrie publicitaire américaine où Lehman avait commencé sa carrière. Le scénariste profitera d’ailleurs du dialogue de la première scène, entre Thornhill et sa secrétaire, pour régler ses comptes avec la publicité. 

SYNOPSIS

En 1957, Hitchcock apporta un projet de deux pages à la MGM. (Le projet est connu aujourd’hui sous le nom de ln a Northwesterly Direction). Puis, il partit  en vacances aux Caraïbes, Après avoir parcouru pendant deux semaines les sites désignés par le réalisateur (Manhattan, Long Island où est située la villa de Townsend, Chicago et le mont Rushmore), Lehman se mit au travail. Au retour d’Hitchcock, en février 1957, 65 pages de scénario étaient achevées.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

Si Hitchcock se montra content du résultat, il fallut toutefois encore plusieurs mois d’échanges et de réécriture avant que Lehman ne fournisse le scénario plein d’esprit et de rebondissements qui donnera au film toute sa saveur.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

Jusque-là, le rôle de Thornhill avait été pensé pour James Stewart, qui, d’ailleurs, y tenait. Hitchcock, lui, attendait. Vertigo n’avait pas obtenu le succès qu’il avait escompté.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant

CARY GRANT

L’engagement de James Stewart auprès de la Columbia, en contrepartie de l’engagement de Kim Novak sur Vertigo, permit à Hitchcock d’esquiver le problème avec élégance et d’engager un autre de ses acteurs fidèles, Cary Grant, qui obtint finalement le rôle de Thornhill. Bien qu’âgé de quatre ans de plus que Stewart, Grant pouvait incarner un personnage plus jeune (dans North by northwest, l’actrice qui joue sa mère a onze mois de moins que lui !) et plus séduisant, ce qui ne manquerait pas d’attirer un public féminin et de gonfler les ventes à l’étranger. Cary Grant signa un contrat de 450 000 dollars, assorti d’un pourcentage sur les bénéfices.

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ON SET – NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

Les producteurs souhaitaient avoir l’élégante Cyd Charisse pour le rôle féminin, mais Hitchcock lui préféra Eva Marie Saint. L’actrice fut ravie de se mettre entre les mains du maître, qui apporta autant de soin dans le choix de ses toilettes qu’il en avait pris pour l’habillement de Kim Novak dans Vertigo. Il choisit ses vêtements selon l’ambiance de chaque scène, expliquant qu’elle devait être « habillée de couleurs vives pour les ambiances tristes, et vêtue sobrement durant les scènes energiques ».

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Eva Marie Saint

LIEUX DE TOURNAGE

Le film devait être tourné en Technicolor par le chef opérateur favori d’Hitchcock, Robert Burks. Ensemble, ils décidèrent d’utiliser le format Vistavision, une technique avec laquelle l’un et l’autre s’étaient familiarisés à la Paramount et qu’ils savaient parfaitement bien utiliser.

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ON SET – NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959)

Hitchcock commença officiellement à travailler pour la MGM en juin 1958, et se rendit à New York, Chicago et Rapid City en août. Le premier tournage devait filmer Cary Grant sortant d’un taxi devant le bâtiment de l’ONU. N’ayant pas obtenu l’autorisation de tourner sur les lieux, Hitchcock filma depuis une camionnette garée sur le trottoir d’en face. On remarque d’ailleurs que des passants reconnaissent l’acteur.

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ON SET – NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959)

EN STUDIO

Bien qu’ayant d’abord obtenu le droit de filmer le mont Rushmore, Hitchcock se vit retirer l’autorisation quand les responsables comprirent qu’il souhaitait tourner une scène de poursuite impliquant des morts, ce qui, selon eux, porterait atteinte au monument. Hitchcock ne resta donc que deux jours à Rapid City, puis il termina le tournage de la scène en studio. Furieuse, l’administration demanda qu’on retire son nom du film. Hitchcock accepta en haussant les épaules…

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

En novembre, les scènes de studio étaient terminées. Le montage pouvait commencer. Le budget avait explosé, passant des 3 millions de dollars prévus initialement à 4,3 millions – ce qui n’était pas sans agacer les producteurs de la MGM. En avril 1959, Hitchcock réalisait encore de nouvelles prises.

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ON SET – NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

INDÉPENDANCE

La MGM jugeait également le film trop long (avec ses deux heures et quart, c’était le plus long d’Hitchcock) et demanda des coupes, notamment la suppression complète de certaines scènes. Mais le contrat laissait au réalisateur un contrôle artistique total sur le film. Hitchcock put ainsi ignorer les appels frénétiques et toujours plus fréquents de la MGM.

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ON SET – NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

La seule chose qu’il abandonna pour des raisons financières fut un projet de générique montrant Thornhill dans le monde de la publicité. L’idée fut remplacée par l’animation de Saul Bass.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

APAISER LA CENSURE

Pendant que la postproduction avançait, Hitchcock dut apaiser la susceptibilité de la censure, qui s’intéressait notamment beaucoup à l’homosexualité trop évidente de Leonard et aux relations hors mariage d’Eve et Thornhill.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

Hitchcock fut obligé d’effectuer quelques modifications dans son film. Ainsi, certaines scènes, qui avaient été tournées comme prévu dans le scénario, durent ensuite être doublées avec de nouveaux dialogues, laissant aux seules personnes capables de lire sur les lèvres le plaisir d’avoir accès à la version originale du scénario.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

Toutefois, le réalisateur ne put s’empêcher d’avoir le dernier mot… La scène finale du film avait été modifiée afin de faire clairement référence à Mme Thornhill, et légitimer ainsi les rapports hors mariage d’Eve Kendall et Roger Thornhill. Mais Hitchcock ajouta ensuite la séquence du train pénétrant dans un tunnel – une scène qui n’avait jamais été soumise à la censure.

Lecteur audio


BO – North by Northwest / La mort aux trousses (Prélude) – Bernard Hermann

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

DES LONGUEURS ?

En avril 1959, une projection du film entièrement monté renforça les critiques des producteurs, qui estimaient que le film était vraiment trop long. Ils demandèrent des coupures, par exemple la suppression de la scène où Thornhill et Eve se retrouvent dans les bois après la fusillade du restaurant. Hitchcock consulta son avocat, qui l’assura que le contrat ne pouvait être rompu. Le film put donc sortir comme il l’entendait.

SUCCÈS

La sortie de North by northwest eut lieu deux mois plus tard, le 1 er juillet 1959, à Chicago. Le film fut apprécié par la critique, et il n’allait pas tarder à devenir un grand succès commercial mondial. Dans un premier temps, sa seule diffusion en Amérique du Nord entraîna déjà des bénéfices, et il atteignit rapidement le sommet du box-office de l’année.

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NORTH BY NORTHWEST (La Mort aux trousses) – Alfred Hitchcock (1959) – Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason

North by northwest fut nominé trois fois aux Oscars : meilleur scénario (Ernest Lehman), meilleure direction artistique (Robert Boyle, William Horning, Merrill Pye, Henry Grace, Franck McElvy) et meilleur montage (George Tomasini). Mais il n’en obtint aucun !

L’HISTOIRE

Kidnapping 
L’arrière-plan en treillis du générique se transforme progressivement en un immeuble new-yorkais et laisse place à un enchaînement de scènes de rue. Roger Thornhill, un publicitaire, dicte ses messages à sa secrétaire tout en prenant un taxi pour se rendre à une réunion à l’hôtel Plaza. Là, deux gorilles le prennent pour un certain George Kaplan et le kidnappent sous la menace d’une arme.

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Mr Townsend
Thornhill est emmené dans une villa sur Long Island, où il est interrogé par un certain Townsend. On lui fait avaler une bouteille de whisky, puis un des gorilles l’installe au volant d’une voiture sur une route côtière sinueuse. L’ayant éjecté par la portière de la Mercedes volée, Thornhill, ivre mort, parvient à se maintenir sur la route en zigzaguant, avant qu’une voiture de police ne vienne s’encastrer dans la sienne.

Ivresse à charge 
Dans le commissariat, Grant se livre à une scène d’ivresse des plus hilarantes. À son procès, sa mère ajoute encore à l’humour. L’enquête de la police ne trouve rien pouvant étayer la version des faits de Thornhill sur ce qui s’est passé dans la villa. Sa mère et lui se rendent à l’hôtel Plaza, à la recherche de George Kaplan. Pour 50 dollars, Mme Thornhill accepte de demander la clé de la chambre de Kaplan, où son fils découvre une photo du prétendu Townsend.

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L’insaisissable Mr Kaplan
Roger Thornhill interroge la femme de chambre et le garçon d’étage. Personne n’a réellement vu Kaplan – dont les costumes sont visiblement bien trop petits pour Thornhill. Les deux malfaiteurs retrouvent les Thornhill dans un ascenseur bondé où Mme Thornhill tente de détendre l’atmosphère en plaisantant. Roger Thornhill parvient à s’échapper en utilisant avec brio la foule et la galanterie. Il saute dans un taxi et va à l’ONU. Pour la première fois, il utilise le nom de George Kaplan.

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Un mort à l’ONU
L’homme qui a interrogé Thornhill dans la villa n’était pas Lester Townsend : celui-ci se fait tuer d’un coup de poignard dans le dos. Soupçonné du meurtre, Thornhill s’enfuit. Une scène dans les bureaux de la CIA, où trône un énigmatique personnage appelé Professeur, nous révèle que Kaplan est un personnage fictif. Le fait qu’il soit confondu avec Thornhill arrange les agents secrets, qui sont prêts à sacrifier sa vie pour mettre la main sur le truand Philip Vandamm. Thornhill, déclaré fugitif, se faufile jusqu’au train en partance pour Chicago.

Couchette cachette
Dans le train, Thornhill échappe aux contrôleurs grâce à une jeune femme blonde. Plus tard, dans le wagon-restaurant, il se retrouve assis en face d’elle. Elle lui avoue avoir arrangé cette situation et se présente sous le nom de Eve Kendall. Lui dit s’appeler Jack Phillips, mais elle connaît son vrai nom. Un flirt commence : elle l’invite dans sa cabine, une proposition particulièrement franche pour l’époque ! Quand la police monte dans le train à la recherche de Kaplan, c’est dans sa couchette murale qu’il se cache.

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La valse des uniformes
Thornhill s’est confié à Eve au sujet de l’identité de Kaplan. Seuls dans la minuscule cabine, ils s’embrassent, s’étreignent et roulent le long des murs, ce qui suggère, sans la montrer, une scène d’amour. Eve remet un message à l’employé des wagons-lits, qui le transmet à Vandamm et Leonard, eux aussi présents dans le train. À Chicago, Thornhill descend du train avec Eve, portant ses bagages et vêtu d’un uniforme de porteur. Eve va téléphoner à Kaplan. La découverte d’un porteur dépouillé de son uniforme donne lieu à une valse de policiers se jetant sur tous les porteurs à travers la gare.

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Extérieur
Dans une scène pleine d’humour, Thornhill, toujours recherché par la police, se cache derrière un masque de mousse à raser. Eve est toujours en train de téléphoner ; on comprend qu’elle parle à Leonard et non à Kaplan. Elle indique ensuite à Thornhill que George Kaplan le rencontrera à un arrêt de car en dehors de la ville. Sur place, Thornhill ne voit rien d’autre que quelques voitures passant rapidement et un avion bas sur l’horizon. Arrivé en voiture, un fermier blasé lui dit attendre le car dans le sens opposé. Juste avant de partir, il note que l’avion déverse de l’insecticide à un endroit où il n’y a pas de plantations.

Un ciel bleu et limpide
L’avion attaque Thornhill, qui se cache dans un champ de maïs. Ensuite, Thornhill arrête un camion-citerne dans lequel vient s’encastrer l’avion. Au cœur de la confusion qui s’ensuit, Thornhill vole un pick-up et fonce vers Chicago. Toute la séquence dans les champs est filmée avec un minimum de dialogues, un bruitage naturel et sans aucune musique.
À la recherche de Kaplan, Thornhill se rend à sa dernière adresse. Là, il découvre qu’il est parti avant l’heure à laquelle Eve affirme lui avoir parlé. Thornhill comprend qu’il a été trahi. Il aperçoit Eve dans le hall de l’hôtel et la suit dans sa chambre, où elle semble surprise, mais sincèrement heureuse de le voir.

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Double déception
Le gros titre d’un journal annonce deux morts dans l’accident d’avion. On ignore qui sont ces deux morts, mais l’un des agresseurs du début ne réapparaîtra plus. Eve et Thornhill s’opposent : il veut la garder près de lui, elle souhaite s’en débarrasser. En définitive, Thornhill lui joue un tour et la suit jusqu’à une salle de ventes aux enchères, où il la retrouve en compagnie de Vandamm et Leonard.

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La salle des ventes
Il les accoste et menace de se rendre au commissariat, mais les issues sont bloquées par les hommes de Vandamm. Dans une scène qui évoque le meeting politique des Trente-Neuf Marches, Thornhill échappe à ses agresseurs en simulant l’ivresse et en enchérissant d’une manière totalement irrationnelle. Arrêté, il se présente comme l’assassin de l’ONU aux agents qui le conduisent au commissariat. Mais au lieu de l’arrêter, les policiers reçoivent l’ordre de le déposer à l’aéroport.

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Présidents morts
Le Professeur, qui se trouvait à la vente, lui annonce qu’ils vont à Rapid City, où vit Vandamm. Thornhill accepte de coopérer avec lui seulement après avoir appris qu’Eve est un agent double et que sa vie est en danger. Vandamm, Leonard et Eve rencontrent Thornhill dans le restaurant proche du mont Rushmore. La discussion tourne mal, et Eve tire sur Thornhill avec un revolver. Thornhill s’en sort indemne et retrouve Eve. Il apprend qu’elle doit partir le soir même avec Vandamm.

Microfilm
Thornhill est détenu à l’hôpital. La radio annonce que Kaplan a été grièvement blessé dans une fusillade. Sachant qu’Eve part durant la nuit, Thornhill s’échappe et se rend en taxi devant la maison futuriste de Vandamm, au sommet du mont Rushmore. Là, il peut épier Vandamm. Leonard demande un tête-à-tête à Vandamm avant son départ. Sans entendre toute la conversation, on apprend qu’un microfilm est caché dans une statuette achetée à la salle des ventes. Thornhill voit avec horreur Leonard apprendre à Vandamm qu’Eve l’a trompé. Vandamm décide de se débarrasser d’elle au-dessus de l’océan – la sensation de menace est accentuée par les mouvements de caméra.

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Au sommet
Thornhill grimpe jusqu’à la chambre d’Eve pour l’avertir, mais la jeune femme sort de la pièce au moment où il arrive. Il jette alors un mot écrit sur une boîte d’allumettes à ses initiales. Ils se voient brièvement. Eve suit Vandamm pour récupérer la statuette. Thornhill est arrêté par la gouvernante, qui le menace avec une arme. Vandamm emmène Eve jusqu’à l’avion. Des coups de feu éclatent. Quand Thornhill arrive enfin, Eve saisit la statuette. Les portes du jardin étant fermées, ils doivent fuir à pied et se retrouvent au sommet du monument.

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La fuite
Poursuivis par Leonard et son aide, ils commencent à descendre sur les visages monumentaux. l’aide est précipité vers la mort depuis le menton de Washington. Leonard s’empare de la statuette et pousse Eve, qui est retenue de justesse au-dessus du vide par Thornhill. Leonard tente de lui faire lâcher prise en lui écrasant la main, quand un coup de feu le précipite à son tour dans le vide, brisant la figurine. Au loin, on voit Vandamm arrêté, qui déclare : « Pas très élégant d’utiliser de vraies balles… »

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Un dernier message
La dernière minute du film est composée de deux séquences typiquement hitchcockiennes. D’abord, la transition entre Thornhill tentant de hisser Eve sur la falaise et la même Eve tirée dans la couchette du train qui ramène les deux amants, mariés, vers la côte Est. Cette ellipse boucle l’histoire d’amour (le film repose sur le très classique schéma hollywoodien en trois actes : un homme rencontre une femme, il la perd, puis la retrouve). Ensuite, la séquence finale du train pénétrant dans un tunnel, probablement ajoutée par Hitchcock pour réagir à la censure qui n’avait cessé de le gêner durant tout le tournage.