2 février 2012
Ivan le terrible (1945) de Sergueï Eisenstein
TITRE ORIGINAL : « IVAN GROZNYY »
Plus que tout film, Ivan le terrible est la fusion de toutes les composantes de l’art au service d’une idée, d’un propos. En ce sens, sa beauté n’a rien de formelle. C’est un film puissant, fascinant.
https://films.oeil-ecran.com/2012/02/02/ivan-le-terrible-eisenstein/
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« Ivan le Terrible » de S.M. Eisenstein : A Tsar Is Born
8 mai, 2019
Sa majesté Eisenstein. C’est ainsi que des critiques, français et facétieux, transformaient les initiales du prénom du cinéaste russe Sergueï Mikhailovitch Eisenstein. Sa Majesté pour S.M., ça sonnait mieux et c’était tellement vrai. Oui, Eisenstein, auteur du Cuirassé Potemkine (1925), d’Octobre (1927), de La ligne générale (1929), d’Alexandre Nevski (1938), était bien l’auteur de films majestueux. Et oui, son dernier film, Ivan Grozny (Ivan le Terrible), l’est également, majestueux. Tournée en noir et blanc, sa première partie est sortie en 1945. La seconde, avec une séquence en couleurs, a été bloquée par la censure pendant treize ans. La troisième partie, qui se serait appelée Le repentir, raconte l’universitaire et spécialiste du cinéma soviétique Kristian Feigelson dans le bonus du coffret collector DVD/Blu-ray édité par Bach Films, ne verra jamais le jour.
L’éditeur, qui a développé une intéressante collection de cinéma russe des origines (Protazanov, Barnet, Eisenstein, Rom, Vertov, Poudovkine, etc.), nous offre là la superbe version d’un superbe film. On ne sait s’il faut mettre d’abord en avant la mise en scène d’Eisenstein, les décors étonnants dans lesquels évoluent ses personnages, ses portraits magnifiques ou le contenu d’Ivan : une vision du monarque absolu, dans lequel on reconnaît tout à la fois le premier tsar de toutes les Russie et Staline lui-même. Ivan ou Staline, le film verse parfois dans la propagande, parfois dans la critique, peut être exalté dans une séquence, bouffon dans la suivante, à chaque fois étonnant, stupéfiant de maîtrise.
Le film démarre sur le couronnement du jeune Ivan, vision plutôt réaliste peuplée de gros plans de personnages qui pourraient évoquer ceux de Dreyer dans son Jeanne d’Arc (1928). Progressivement, au fur et à mesure que l’on découvre le décor du palais, le réalisme se désagrège au profit d’une vision caligaresque : hauts plafonds, portes basses sous lesquelles les personnages doivent se baisser pour passer, costumes chatoyants, barbiches pointues dont les ombres prennent sur les murs des proportions inquiétantes, coiffures incroyables…
Eisenstein a-t-il vu L’impératrice rouge (1934) de Sternberg, dont les palais russes où erre le fou grand duc Pierre pourraient l’avoir inspiré ? Le début de la seconde partie d’Ivan le Terrible, qui se passe à la cour du roi de Pologne, est génial d’inventivité, avec son carrelage noir et blanc sur lequel évoluent des personnages comme des pions sur un échiquier. Le ton devient quasiment bouffon et le salut des dames de la cour, le bras semi-levé, peut faire penser à celui que s’échangent les nazis.
Nous y voilà. L’aspect politique du film est indéniable et confondre la silhouette d’Ivan avec celle du petit père des peuples n’est pas une hérésie. Eisenstein caresse le dictateur soviétique dans le sens du poil en montrant la solitude qui accompagne le pouvoir, l’impossibilité d’affronter les guerres de palais avec les boyards sans être cruel et intransigeant, le besoin d’avoir à son service une police secrète intraitable. Il parle surtout du besoin du dirigeant de s’appuyer sur le peuple tout en critiquant, lors du couronnement, ces seaux de pièces d’or que l’on déverse sur la tête d’Ivan. « Seul un état fort à l’intérieur, clame le couronné, peut être fort à l’extérieur. » Mais Eisenstein filme aussi la folie qui peu à peu s’empare du tsar, au regard de plus en plus enfiévré, à l’allure de plus en plus christique, à la barbiche de plus en plus pointue comme étaient épaisses les moustaches de Staline. « Il n’est pas d’empire sans terreur », glapit alors le Terrible qui, au rythme de la musique de Prokofiev, défait ses ennemis de l’extérieur et de l’intérieur.
Une autre séquence renvoie à la politique russe stalinienne, au cours de la deuxième partie. Un retour en arrière nous montre Ivan jeune. Sa mère vient d’être empoisonnée, il est prince de Moscou et deux ambassadeurs lui présentent les bienfaits d’un accord avec les villes allemandes et baltiques. Qu’Ivan écarte d’un geste rageur. On peut penser au pacte de non-agression germano-soviétique passé entre Staline et Hitler qui prendra fin en 1941, lorsque Hitler décide d’envahir l’URSS. Il y a encore cette lutte entre le métropolite, qui représente l’église, et Ivan et cette représentation théâtrale des trois anges immolés par le tsar païen – passage tourné en couleurs, de toute beauté, qui soudain irradient l’écran. Ivan paraît vieilli, son regard est celui d’un fou, et il n’en fallait pas plus pour que les censeurs staliniens interdisent cette seconde partie.
Jean-Charles Lemeunier
Ivan le Terrible
Titre original : Ivan Grozny
Origine : URSS
Année : 1945
Réal., scén., montage : S.M. Eisenstein
Photo : Andreï Moskvine, Edouard Tissé
Musique : Sergueï Prokofiev
Montage :
Durée : 176 minutes
Avec Nikolaï Tcherkassov, Lioudmila Tselikovskaïa, Serafima Birman, Ada Voïtsik, Pavel Kadotchnikov…
Sortie en coffret DVD/Blu-ray par Bach Films le 9 avril 2019.
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IVAN LE TERRIBLEИВАН ГРОЗНЫЙ
Avec Nikolaï Tcherkassov, Lioudmila Tselikovskaia, Serafima Birman.
1547, le Grand Duc de Moscovie est couronné Tsar de toutes les Russies. Ivan débute son règne dans une atmosphère trouble semée de complots et de jalousie.
« Jamais un film de fiction ne s'était autant approché d'un opéra. Et les conditions dans lesquelles Sergueï Eisenstein devait travailler font que l'ensemble est encore plus dramatique, plus opératique que la plupart des opéras. La première partie d'Ivan le Terrible fut un grand succès en 1944, notamment au Kremlin. Joseph Staline aimait se reconnaître dans le portrait du tsar "héroïque" Ivan IV. Au départ, il était question d'un triptyque, mais la deuxième partie d'Ivan le terrible, Bojarski Zagovar, plut beaucoup moins au tsar rouge. Le récit ne parle plus de conquêtes et de pacifications mais des nombreuses intrigues et machinations à la cour d'Ivan IV. On ne le dit jamais haut et fort, mais il est clair qu'on vise le régime sanguinaire de Staline au Kremlin. Dans son Cuirassé Potemkine, il n'y avait qu'agitation et dynamisme, notamment grâce aux scènes de masse et au rapide montage parallèle. Pour Ivan, Eisenstein opte pour un style presque opposé. Plus solennel, plus mystique, ce qui convient mieux au sujet. Tel un photographe scolaire, il pose sa caméra à un endroit fixe, en créant ainsi un cadre immobile. À ce cadre, il oppose les mouvements des acteurs. Comment les acteurs apparaissent soudainement dans ce cadre, à quelle vitesse et sous quel angle, tout cela est d'une importance capitale pour Eisenstein. Les émotions des personnages trouvent ainsi leur expression. C'est justement ce cadre fixe qui permet de créer une tension supplémentaire. Comme si on voyait l'intérieur d'une mystérieuse boîte à images. »(PaulVerhoeven).
https://www.cinematheque.fr/film/53332.html
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POINT DE VUE
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