Artistiquement parlant, cet attelage n’empêche pas le film d’être un chef-d’œuvre. Son point d’orgue est la scène dite « Bataille du Lac gelé ». Ou, plus exactement, les six minutes qui précèdent le choc des guerriers. Elles commencent par un écran noir où s’inscrit en lettres blanches la date du combat (5 avril 1242) et se poursuivent par une série de plans sur les lignes russes attendant avec anxiété l’impact de la charge ennemie en train de foncer vers elles, une charge folle, une charge de mort, menée par une nuée de cavaliers aux lances jaillies et à la tête couverte de heaumes affolants, une charge endiablée, sublimée par la musique de Prokofiev, d’abord lugubre et menaçante, puis qui s’envole dans un crescendo épique qui culmine à l’instant où, alors qu’ils doivent rejoindre leurs positions, les deux hommes de confiance de Nevski, rivaux en amour mais avant tout amis, s’étreignent passionnément, peut-être pour la dernière fois, tandis que, impassible et résolu, leur chef ne quitte pas des yeux la gigantesque vague cuirassée qui, dans une poignée de secondes, va s’abattre sur le mur de son armée.
Sur le plan de la propagande aussi, le succès est au rendez-vous : le public se presse dans les salles et Staline est ravi de l’incarnation que l’acteur Nikolaï Tcherkassov donne d’Alexandre Nevski, c’est-à-dire, en réalité, de lui. Des esprits soupçonneux pourraient cependant relever quelques points troublants. Ainsi, par exemple, au début du film, le héros est montré en exil, écarté des lieux de pouvoir par des dirigeants qui, à dessein, ont choisi de se passer d’un homme valeureux et compétent. Toute ressemblance avec l’épuration alors en cours au sein de l’Armée rouge ne saurait-elle être que fortuite ? Peu importe. Ce détail ne trouble pas l’appréciation générale et Eisenstein se voit décerner l’Ordre de Lénine, puis, deux ans plus tard, en même temps que Tcherkassov, le Prix Staline, cela alors qu’Alexandre Nevski est privé de diffusion publique depuis la signature du pacte germano-soviétique d’août 1939.
La lune de miel circonstancielle entre les deux dictatures ne dure cependant pas. A l’été 1941, Hitler envahit l’URSS, laquelle va plier mais ne rompra pas. L’avancée du conflit contraint toutefois les studios de cinéma à être relocalisés à Alma-Ata (aujourd’hui Almaty), dans le Kazakhstan. C’est là qu’Eisenstein réalise sa dernière œuvre : Ivan le Terrible. A la base, le concept est le même que pour Alexandre Nevski : glorifier Staline via l’exaltation d’une personnalité historique exceptionnelle (ici, le premier « tsar de toutes les Russies »), laquelle, confrontée à un péril mortel, unifie le pays, neutralise les traîtres et vainc la menace extérieure.
Le film est prévu pour être une trilogie. Son premier volet, tourné en 1944, satisfait les attentes. Il débute par le sacre du jeune Ivan. Dans les travées de l’église, des doutes se font entendre. « Il n’est pas légitime ! » disent les uns. « L’Europe ne le reconnaîtra pas » ajoutent d’autres. Narquois, un courtisan murmure : « S’il est fort, l’Europe n’aura pas le choix ». D’emblée, le ton est donné. Le style aussi. Majestueux et imposant. L’ouverture est une succession de plans où sont tour à tour montrés les attributs impériaux, l’intérieur bondé de l’édifice où a lieu la cérémonie, la proclamation par le dignitaire religieux de l’avènement du tsar, puis la composition de l’assistance : d’un côté les partisans d’Ivan ; de l’autre ses opposants, au rang desquels d’abord les boyards, ces aristocrates présentés comme accaparant les richesses du pays sans souci de l’intérêt du peuple, puis, celle qui sera son pire ennemi, sa tante Efrossinïa, flanquée de son fils débile qu’elle veut mettre sur le trône. Alors seulement, le tsar apparaît à l’écran. D’abord de dos. Puis, son couronnement achevé, de face, pour prononcer un discours adressé tant à la sainte Russie du XVIe siècle qu’à l’URSS en guerre, un discours martial, qu’il conclut par des mots sans appel pour affirmer son statut de chef prêt à tout pour sauvegarder le pays. L’expressivité figée des visages, le décor monumental, le travail sur la lumière d’Edouard Tissé (qui dirigea la photographie de tous les films d’Eisenstein), la musique une nouvelle fois de Prokofiev et, comme toujours, l’art du montage du cinéaste, font de la scène une fresque tragique, lente et superbe.
Le film se poursuit par les premiers succès militaires d’Ivan, puis sa prise de conscience d’un entourage où les traîtres sont légion, la mort de son épouse, le temps des doutes et, en guise d’épilogue, l’exil volontaire du souverain, suivi de son rappel par le peuple accouru en masse le supplier de reprendre sa place. Rien ne manque, tout y est, Eisenstein peut recevoir un second Prix Staline et s’atteler à la deuxième partie du film.
Dans celle-ci, l’ambiance de plus en plus oppressante de la fin du premier volet s’accentue jusqu’à en devenir étouffante. La lumière qui émanait d’Ivan a disparu, les complots avivent sa méfiance, une méfiance qui va virer à la paranoïa et muer sa garde rapprochée en sinistre police politique exécutrice des basses œuvres. Les cygnes blancs du début de règne sont devenus noirs, la transformation est morale et physique, Ivan est devenu « terrible ». Terrible, et pervers. Le paroxysme est atteint lors d’une séquence étonnante, qui a la particularité d’être … en couleurs. De telles pellicules ont en effet été abandonnées par l’armée allemande en déroute et sont utilisées pour le tournage de l’avant-dernière scène, un banquet effarant, aux teintes saturées de noir et d’un rouge glacé, dont la combinaison renforce l’impression d’assister à un festin tenu non pas chez un empereur, mais dans l’antre de Satan.
Quand commanditaire et apparatchiks découvrent ce second opus, la colère le dispute à la consternation. Les sanctions ne tardent guère : le tournage du troisième volet est arrêté et la diffusion de la deuxième partie interdite. Ce n’est qu’en 1958 que sera enfin autorisée sa projection, cinq ans après la mort de Staline, dix ans après celle d’Eisenstein, lequel passa les derniers mois de sa vie en semi-disgrâce. Le prix de l’inconscience ? Ou celui d’un esprit désireux, malgré tout, de conserver une certaine indépendance ?
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«Chose dégoûtante! Pourquoi Staline n'a pas pu accepter la suite d'Eisenstein de `` Ivan le Terrible ''
La première partie du film d'Eisenstein a reçu la plus haute distinction de l'URSS, le prix Staline
Global Look Press«… Ivan le Terrible d'Eisenstein, la deuxième partie. Je ne sais pas si l'un d'entre vous l'a vu, je l'ai vu. C'est une chose dégoûtante! Le dirigeant soviétique Joseph Staline a déclaré lors d'une réunion de direction du Parti communiste en août 1946. Moins d'un an auparavant, la première partie du film d'Eisenstein a reçu la plus haute distinction de l'URSS, le prix Staline. Le dirigeant soviétique a d'abord apprécié le film, qui parle du premier tsar de Russie.
Sergei Eisenstein, 1930
Scherl / Global Look PressLe film commence avec la première partie du règne d'Ivan, la période avant que le dirigeant ne devienne `` terrible '' et ne lance une campagne brutale pour éliminer ses ennemis réels et perçus parmi la noblesse. Nous voyons comment Ivan s'engage à rendre le pays grand, en combattant à la fois des ennemis internes et externes, un programme qui était important après la précédente période d'instabilité politique. Fort et confiant, le tsar atteint ses objectifs. Il bat l'ennemi extérieur traditionnel du pays, les Tatars, mais chez lui, il fait face à la résistance des boyards qui veulent empêcher Ivan d'étendre son autorité royale.
Ivan indécis
Jusqu'à ce stade du film, tout allait bien pour Staline. La deuxième partie, cependant, montre l'opposition croissante des boyards et traite des épisodes les plus controversés du règne d'Ivan - la campagne de terreur oprichnina contre les nobles. Eisenstein n'a pas réussi à le présenter d'une manière qui convenait aux attentes de Staline. Une avalanche de critiques s'est abattue sur le réalisateur, qui aurait également mal dépeint la personnalité du tsar.
Staline a souligné le fait que Ivan d'Eisenstein était «indécis, ressemblant à Hamlet»
Global Look PressQu'est-ce qui n'allait pas dans la description du dirigeant russe médiéval, et pourquoi était-ce si important pour le dirigeant soviétique? On peut trouver des réponses dans le compte rendu de la réunion de février 1947 que Staline a eue avec le directeur et d'autres responsables soviétiques.
«Le tsar Ivan était un grand et sage dirigeant… Sa sagesse résidait dans le fait qu'il défendait les intérêts nationaux et ne laissait pas les étrangers entrer dans le pays… Ivan le Terrible était une personne très cruelle. Vous pouvez le dépeindre comme un homme cruel, mais vous devez montrer pourquoi il a dû être cruel. L'une des erreurs d'Ivan concernait le fait qu'il ne massacrait pas entièrement les cinq grandes familles féodales. … Ensuite, il n'y aurait pas de problèmes plus tard. .. Il aurait dû être plus résolu », a déclaré Staline, soulignant le fait que Ivan d'Eisenstein était« indécis, ressemblant à Hamlet ».
Selon un haut fonctionnaire soviétique, Andrey Zhdanov, qui était également présent à la réunion, le directeur a qualifié le tsar de «névrosé».
Ku Klux Klan dans la Russie médiévale
Outre la personnalité du tsar, Eisenstein avait une vision différente du conflit avec les boyards. Staline considérait les régiments de garde d'Ivan ( oprichniks) , formés pour combattre ses adversaires, comme une «armée progressiste». «Vous dépeignez les oprichniks comme Ku Klux Klan», se plaignit Staline.
Staline ne pouvait pas être d'accord avec l'attitude négative d'Eisenstein envers la terreur d'Ivan
Global Look PressIl y a eu un moment rare dans la conversation où Eisenstein était en désaccord avec le dirigeant soviétique d'une manière qui pouvait même impliquer du sarcasme. Le directeur a répondu que si les membres du Klan portaient des cagoules blanches, ses oprichniks étaient vêtus de cagoules noires.
En général, Staline ne pouvait pas être d'accord avec l'attitude négative d'Eisenstein envers la terreur d'Ivan. Il a insisté sur le fait que c'était une mesure progressiste qui a aidé à renforcer le pays et à le défendre contre les princes féodaux qui aspiraient à le déchirer.
Staline et le cinéma
Il est clair que Staline a accordé une attention particulière au cinéma. «Staline penchait le plus vers le cinéma [parmi les autres formes d'art]. … Il aimait prendre une figure de l'histoire qui pourrait être utile du point de vue de la situation politique contemporaine et de la lutte idéologique », a déclaré l'écrivain soviétique Konstantin Simonov. Staline n'avait pas besoin de l'image d'un dirigeant faible et hésitant qui souffrait psychologiquement parce qu'il n'avait aucune valeur de propagande.
Joseph Staline a accordé une attention particulière au cinéma
Yevgeny Khaldei / Global Look PressDans le cas de la deuxième partie d' Ivan le Terrible , on suppose souvent que Staline n'aimait pas la façon dont le réalisateur dépeignait le tsar et ses actions parce que cela mettait ses propres politiques sous un jour négatif.
«Tous ceux qui ont vu le film ont établi des parallèles, ce qui était bien sûr absolument inacceptable pour Staline», a déclaré Naum Kleiman, ancien directeur du Musée du cinéma de Moscou. Staline a favorisé l'image d'un dirigeant fort, tel qu'il était représenté à l'époque. Les répressions d'Ivan étaient également un sujet sensible étant donné les purges en URSS à la fin des années 1930, faisant de nombreuses victimes.
En ce qui concerne le sort du film, Eisenstein a été invité à corriger les «erreurs». Il mourut bientôt, cependant, et la deuxième partie du film ne fut montrée au public qu'en 1958, et selon la coupe du réalisateur.
https://www.rbth.com/history/327217-ivan-terrible-stalin-eisenstein
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Ivan le Terrible: quand Eisenstein a tenté d'échapper à la censure de Staline
Selon Charlie Chaplin, c'est «le plus grand film historique qui ait jamais été réalisé» . Orson Welles l'a jugé dans le New York Post avec des tons plus critiques, pointant du doigt surtout les maigres ressources du cinéma russe, mais il n'a pas manqué d'en souligner les mérites esthétiques. Le succès du public en Russie en a fait un véritable phénomène collectif, et Staline, qui l'a financé avec des fonds publics en tant que véritable expression du parti communiste, en a publiquement loué le mérite, donnant au directeur le prestigieux prix Staline en 1946. Sergei Eisenstein, le artiste. L'ancien rebelle qui jusqu'à quelques années auparavant, lorsqu'il a fait trimballer Bežin , a été directement accusé par les dirigeants du cinéma soviétique, puis assassiné par Staline lui-même. Et le plus curieux, c'est queIvan le Terrible , le film commandé par le secrétaire général du Parti communiste, était pour Eisenstein un moyen caché d'affirmer l'indépendance de l'art sur la dictature politique.
Petit pas en arrière. Nous sommes en 1944. La Russie est sous le commandement absolu du Parti communiste et Josif Staline est de plus en plus convaincu que la production artistique n'est légitime que si elle transmet un message conforme à l'image du parti. Les réactions des artistes sont partagées entre ceux qui acceptent les faits et tentent de s'adapter aux nouvelles conditions afin de continuer à produire leur art (comme Mejerchol'd, Chostakovitch et Mayakovsky) et ceux qui ont tenté de résister, se retrouvant exilés ou exilés. condamné au silence (c'est le cas de Cvetaeva, Zamjatin et Gor'kij). A mi-chemin entre les deux, il y a une petite terre du milieu où les artistes ont tenté de mettre en œuvre un compromis, selon leurs propres règles: explicitement fidèles aux règles du parti, tout en essayant en même temps de ne pas cesser d'être fidèles à leurs propres principes . Sergei Eisenstein, le plus grand réalisateur russe, était l'un de ceux-ci. EtIvan le terrible était son projet le plus ambitieux: obtenir l'approbation du parti pour représenter la figure du pouvoir, faire le premier film d'une manière qui convaincrait tout le monde (chef de parti inclus), puis essayer dans les parties suivantes (le projet était censé être une trilogie) pour présenter sa vision artistique.
L'opinion partagée disant que vous ne pouvez pas comprendre le premier Ivan le terrible sans d'abord comprendre le concept de «réalisme socialiste»est vrai à 100%. Le réalisme socialiste, tel qu'il était voulu par le Parti communiste dans son intention de diriger la production artistique de tout le pays, entendait donner vie à un art simple à comprendre, parce qu'il s'adressait à des personnes, capables de contribuer à la éducation idéologique de la classe ouvrière selon la philosophie communiste et fidèle aux faits historiques et à leur évolution. Le film d'Eisenstein est un pur réalisme socialiste, réalisé avec l'acceptation la plus complète des principes exigés par le parti. Et le tsar Ivan est la représentation absolue du pouvoir, la poigne de fer contre les opposants, la force de la fidélité à ses propres principes, l'autorité qui ne doit jamais être remise en question et doit utiliser tous les moyens pour éliminer ses ennemis. Il n'est pas surprenant que Staline s'identifie de manière très personnelle à la figure d'Ivan, le premier tsar de Russie unie. Il n'est pas surprenant que le portrait d'Ivan conçu par Eisenstein l'ait pleinement satisfait: Ivan est ferme, autoritaire, catégorique. La pleine expression d'une puissance terrestre qui vient de la volonté divine. L'image la plus forte du pouvoir est jamais apparue sur film. Enrichi par la vision esthétique incomparable d'Eisenstein, qui prend vie à travers les effets de lumière, les yeux sanglants des personnages, les visages immobiles, les superpositions symboliques. L'image de L'image la plus forte du pouvoir est jamais apparue sur le film. Enrichi par la vision esthétique incomparable d'Eisenstein, qui prend vie à travers les effets de lumière, les yeux sanglants des personnages, les visages immobiles, les superpositions symboliques. L'image de L'image la plus forte du pouvoir est jamais apparue sur le film. Enrichi par la vision esthétique incomparable d'Eisenstein, qui prend vie à travers les effets de lumière, les yeux sanglants des personnages, les visages immobiles, les superpositions symboliques. L'image deIvan le terrible , dans chaque image, ne pouvait pas être plus puissant.
Pourtant, ce devait être le premier de trois chapitres, censés couvrir toute la vie d'Ivan IV de Russie. Le deuxième chapitre aurait déjà montré un tsar différent. Moins divin et plus humain. Capable de poser des questions, de permettre à son entourage d'exprimer ses positions, de permettre à la dissidence de prendre la parole sans conséquences majeures, de revenir sur ses propres décisions. Eisenstein voulait probablement envoyer un présage, un espoir que le pouvoir pourrait vous permettre de donner des conseils, pourrait s'ouvrir aux positions des autres, pourrait comprendre que la réalité qu'il tente de gouverner est plus complexe qu'il n'y paraît. Le deuxième Ivan le Terrible a été le moment où l'image du pouvoir a commencé à s'éloigner de la dictature qui était sous les yeux de tout le monde pendant ces années.
Ça n'a pas marché. Du tout. Le deuxième film a été tourné entre 1944 et 1945. Au printemps 1946, Eisenstein écrivit à Staline pour lui demander son approbation. Mais Staline n'a pas aimé le film. Il n'a pas apprécié les caractéristiques avec lesquelles Ivan était représenté: «Le tsar Ivan était un grand et sage dirigeant, tandis que dans le film d'Eisenstein, il est un indécis, ressemblant à Hamlet» . Ce sont les paroles de Staline lors de la réunion du parti. La sortie du film est refusée. Six mois plus tard, Staline a convoqué Eisenstein au Kremlin et réitère la critique:«Ivan le Terrible était une personne très cruelle. Vous pouvez le dépeindre comme un homme cruel, mais vous devez montrer pourquoi il a dû être cruel. L'une des erreurs d'Ivan concernait le fait qu'il ne massacrait pas entièrement les cinq grandes familles féodales. … Ensuite, il n'y aurait pas de problèmes plus tard. " Le film aurait dû être révisé dans ce sens. La nécessité de la main de fer doit être réaffirmée.
Eisenstein, déjà malade et faible, mourra deux ans plus tard, sans suivre la demande. Le troisième film de la trilogie ne sera jamais terminé, le tournage a été bloqué immédiatement après le deuxième film, alors que ce dernier est resté victime de la censure pendant plus de dix ans, et il n'a été diffusé pour la première fois qu'en 1958. moment où le deuxième Ivan d'Eisenstein a pu être vu: l'introduction de la couleur dans la partie la plus significative du film, les scènes les plus fidèles à l'esthétique théâtrale si chère au réalisateur russe, le flash-back sur l'enfance d'Ivan, les derniers mots quand il était assis à le trône dans la dernière scène, selon laquelle«Un tsar doit être à tout moment circonspect, être miséricordieux envers les humbles et condamner les pécheurs aux tortures. Sinon, le tsar n’est pas un tsar. » Ivan The Terrible Part 2 est un autre grand Eisenstein. Moins glorieux que le premier, par choix intentionnel, et pour cette raison plus personnel et significatif.
Dans le livre Le triomphe de l'artiste , Tzvetan Todorov résume le résultat des tentatives de contrôle du Parti communiste sur la production artistique par ces mots: «L'État soviétique est bien plus puissant que l'individu, il n'a aucune difficulté à condamner à mort. ou des personnes d'inexistence sociale qui ne se sont pas conformées. C'est un combat sans espoir et la résistance directe est presque impossible. Le régime finira par gagner de nombreuses batailles. Mais il perdra la guerre. Et il perdra contre les idées qui lui survivront après sa chute. Les mêmes idées proclamées par les artistes russes avec leur résistance, explicite ou cachée.
Eisenstein a fait ses concessions volontaires pour assurer la possibilité de son expression artistique. Grâce à cela, il a réalisé ses chefs-d'œuvre et sa résistance cachée. Grâce à cela, nous pouvons aujourd'hui célébrer l'un des plus grands maîtres esthétiques que le cinéma ait jamais eu.
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Staline était-il un admirateur d'Ivan le Terrible?
Les opinions de Staline sur Ivan IV étaient quelque peu complexes et il est difficile de le classer comme un admirateur. Ivan IV était l'une des nombreuses figures comme Alexandre Nevsky et Pierre le Grand dont la réputation a été réhabilitée à l'époque stalinienne. Mais cette redécouverte du passé russe dans les années 1930 était souvent très sélective et soulignait que seules certaines parties de leur biographie étaient célébrées dans le discours officiel. Dans le cas de Pierre I et d'Ivan IV, ce que l'État célébrait, c'était leur étatisme, mais souvent à travers une lentille marxiste. Dans une interview avec le journaliste allemand Emil Ludwig en 1931, Ludwig a demandé à Staline s'il suivait la voie de Pierre, mais Staline a nié cela, mais a dit ceci de ce tsar:
Oui, bien sûr, Pierre le Grand a fait beaucoup pour l'élévation de la classe des propriétaires terriens et le développement de la classe des marchands embryonnaires. Peter a fait beaucoup pour la création et le renforcement de l'état national des propriétaires fonciers et des commerçants. Il faut dire aussi que l'élévation de la classe des propriétaires terriens, et l'aide qu'il a apportée à la classe embryonnaire des commerçants et le renforcement de l'état national de ces classes ont eu lieu au détriment de la paysannerie enserfed, qui ont été égarés trois fois par leur.
Cette citation illustre l'une des clés pour comprendre la redécouverte stalinienne du passé tsariste; ces personnages avaient des éléments dans leur biographie qui leur permettaient de faire avancer le développement historique de la Russie, mais ils étaient également piégés par leur époque socio-économique particulière.
La construction de l'État d'Ivan IV et la défense de la Moscovie contre les envahisseurs étaient des éléments de son règne que Staline lui-même trouvait tout à fait admirables. Le penchant d'Ivan IV pour la répression cruelle a également reçu une approbation nuancée du dictateur soviétique. Anastas Mikoyan a affirmé dans ses mémoires:
Staline a déclaré qu'Ivan Groznyi avait tué trop peu de boyards, qu'il aurait dû tous les tuer, puis il aurait créé un État russe vraiment uni et fort encore plus tôt.
Staline a également critiqué les représentations artistiques d'Ivan IV qu'il estimait trop éloignées de ce qui était apparu comme l'interprétation orthodoxe du passé moscovite. Le plus célèbre est que le dictateur soviétique a critiqué la deuxième partie du biopic d'Eisenstein qui se plongeait dans la répression des boyards par le tsar. Dans sa critique personnelle du scénario en 1943, Staline a noté:
Le camarade Eisenstein a prouvé qu'il était à la hauteur de la tâche. Ivan Groznyi en tant que force progressiste pour son temps, et l' oprichnina en tant qu'instrument expédient, ne sont pas mal sortis. Le scénario doit être mis en œuvre dès que possible.
Mais lorsque Staline a projeté une copie du film en 1947, Beria et lui ont été profondément déçus par la représentation d'Eisenstein de l' oprichniki , qui selon Staline ressemblait trop au Ku Klux Klan, et de l'irrésoluité d'Ivan IV. Staline a ordonné à Eisenstein de faire d'Ivan une figure plus déterminée et de l' oprichniki en tant qu'armée progressiste. D'autres personnalités de l'entourage de Staline sont intervenues. Molotov a noté que la répression devait être contextualisée et expliquée clairement, et dans le cas d'Ivan IV, être nécessaire. Staline a également fait pression pour que la scène finale du film soit la victoire dans la guerre de Livonie, qui était la fin du scénario original, montrant que les actions d'Ivan IV avaient un contexte plus large.
Deux choses ressortent de ces critiques du film d'Eisenstein. Premièrement, Staline voyait encore des films et autres représentations fictives du passé tsariste en termes didactiques. Non seulement les biopics historiques comme Ivan Grozniy devaient se conformer aux préceptes marxistes-léninistes sur le développement historique (qui ont acquis une glose stalinienne à cette époque), mais ils ont également servi un véhicule éducatif. Deuxièmement, les critiques de Staline suggèrent qu'il était également sensible aux parallèles historiques entre lui-même et les personnages moins que savoureux du passé de la Russie. Il est très facile de lire des parallèles entre la Terreur de Staline et la répression d'Ivan IV, d'où ces critiques de Staline avaient tendance à souligner la modernité et la nécessité de la politique d'Ivan IV. Décrivant le opritchniksLa terreur du KKK comme orgie de violence avait une signification particulière dans le contexte de la guerre froide naissante où le lynchage du KKK occupait une place importante dans la propagande soviétique contre les États-Unis.
Alors que Robert Tucker a soutenu que Staline a utilisé Ivan IV comme modèle paradigmatique, cet argument repose sur un ensemble de preuves circonstancielles. Staline n'est intervenu directement que deux fois pour une représentation plus positive d'Ivan IV, dans le film d'Eisenstein et la mise en scène d'une pièce de Tolstoï sur Ivan IV. Et la propre interprétation de Staline de la biographie d'Ivan IV n'était pas universelle, plusieurs écrivains ont présenté une vision critique du tsar, même si elle était imprégnée de l'orthodoxie marxiste-léniniste. La réhabilitation de l'État d'Ivan IV n'a pris de l'ampleur qu'après 1940, et s'il est tentant de voir cela comme représentatif de Staline utilisant l'histoire pour justifier rétroactivement la Terreur (et c'était l'opinion de Mikoyan), cette réhabilitation faisait partie d'un projet plus large d'instrumentalisation de la Passé russe à la lumière de la menace allemande.
sources
Perrie, Maureen. Le culte d'Ivan le Terrible dans la Russie de Staline . New York: Palgrave, 2001.
Platt, Kevin MF et David Brandenberger. Révisionnisme épique: histoire et littérature russes comme propagande stalinienne . Madison, Wisconsin: University of Wisconsin Press, 2006.
https://www.reddit.com/r/AskHistorians/comments/4l01fz/was_stalin_an_admirer_of_ivan_the_terrible/
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Staline le Puissant: Prokofiev, Eisenstein et IVAN LE TERRIBLE
Publié dans Film Score Monthly Online , août 2007
Sergei Eisenstein l'a appelé sa «note de suicide». La partie I a remporté le très convoité prix Staline, mais la partie II a été interdite de distribution et la partie III a été pratiquement détruite par les responsables soviétiques. Plus de 60 ans plus tard, Ivan le Terrible reste le film le plus controversé d'Eisenstein et, inexplicablement, la musique de film majeure la moins connue de Sergei Prokofiev.
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Ivan était pour le moins une entreprise risquée. Bien que le compositeur et réalisateur ait réussi à gagner l'approbation de Joseph Staline avec leur première collaboration, Alexander Nevsky (1938), l'exil auto-imposé de 18 ans de Prokofiev et le contrôle constant d'Eisenstein par les responsables soviétiques en ont fait des cibles faciles. Et l'idée de filmer un drame costumé historique détaillant le règne sanglant du tsar Ivan IV (1530-1584) qui présentait des similitudes frappantes avec l'actuel dirigeant soviétique pourrait être au mieux interprétée comme stupide.
Mais toujours soucieux d'utiliser le film comme outil de propagande, Staline approuva Ivan le Terrible , qu'il considérait comme un projet qui glorifiait la richesse de la culture russe et, comme l'a souligné le regretté historien / orchestrateur de la musique de film Christopher Palmer, dépeignait «un autocrate dont la vision d'une grande Russie unie justifiait la cruauté et la brutalité. Eisenstein écrivit le scénario rapidement, en seulement quatre mois, mais après l'invasion de la Russie par Hitler en juin 1941, il dut déplacer ses opérations de Moscou à Alma-Ata, la capitale de l'actuel Kazakhstan. Prokofiev le rejoignit en juin 1942 pour commencer à travailler sur la partition.
Prokofiev était «toujours stimulé» à travailler avec Eisenstein et le considérait «non seulement comme un cinéaste brillant, mais aussi comme un musicien très sensible». Alors que les deux parcouraient le scénario ensemble, Eisenstein a expliqué «en détail la musique qu'il avait en tête… [illustrant] chaque scène du film avec ses propres dessins». Prokofiev a déclaré que sans cette référence visuelle, il «ne pourrait jamais saisir toutes les nuances de la conception d'Eisenstein». Travaillant avec un chronomètre, «les doigts impitoyablement exacts de Prokofiev bougent avec des spasmes nerveux qui ressemblent à un appareil de code Morse», a écrit Eisenstein dans ses mémoires. Promis «une grande liberté dans tous les domaines», Prokofiev composa la majeure partie de la partition avant le début du tournage en avril 1943, et continua à y travailler sporadiquement jusqu'en 1946. Variété appela le résultat «une partition puissante».
Ballet, opéra ou spectacle Mutant Kabuki?
Probablement inspirée par la réalisation d'une production controversée de 1940 de Die Walküre de Wagner , l'approche d'Eisenstein envers Ivan le Terrible a souvent été qualifiée d '«opératique». Dans un article de 1993 dans le Village Voice , J. Hobeman commentait: «Une synthèse majestueuse, minutieusement écrite par Sergei Prokofiev, Ivan semble autant un ballet ou un opéra (ou un spectacle de kabuki mutant) qu'un film. … Utilisant toutes les ressources de la mise en scène (jeux d'ombres, accessoires de qualité muséale, costumes extravagants), coupage sur musique ou geste chorégraphié, la méthode d'Eisenstein aborde l'animation. Un New York Times de 1981critique a déclaré: «La musique de Prokofiev… est pesée avec une signification insistante, comme les gestes et expressions masqués limités mais exagérés trouvés dans les visages cinématographiques d'Eisenstein. En plus de sa musique accessoire, la partition de Prokofiev porte sa propre empreinte lyrique, avec des chœurs chantés, des chants et des hymnes tirés de la liturgie orthodoxe russe et des chansons basées sur la musique folklorique russe.
Thèmes d'Ivan
La musique incidente se compose d'un certain nombre de ce que Christopher Palmer a appelé «des épisodes thématiques… de courts épisodes non conçus pour une scène spécifique mais basés sur un thème spécifique… que le réalisateur était libre d'utiliser tout au long du film et là où il l'entendait. Le plus important de ces épisodes, le thème d'Ivan, est une phrase wagnérienne à quatre phrases qui représente trois aspects différents du personnage. Eisenstein voulait que le thème ait les mêmes caractéristiques que le début de Die Walküre - «tempête, tonnerre, pluie» - et c'est précisément ce que fait la première version du thème d'Ivan. La mélodie dans les cuivres bas surgit sur les nuages noirs de l'ouverture dans les deux parties, et transmet le thème d'Eisenstein du film: «pouvoir». Deux utilisations ultérieures soulignent le cri de guerre «À Kazan!» et la ruée de la foule alors qu'Ivan se tient au-dessus du cercueil d'Anastasia.
La deuxième version du thème d'Ivan est entendue dans des moments plus calmes lorsque le pouvoir d'Ivan est en échec. Joué dans les cordes et la harpe pizzicato, le thème, entendu pour la première fois pendant la scène du mariage, fournit une toile de fond inspirante avant la bataille de Kazan alors qu'Ivan apparaît à l'extérieur de sa tente. La dernière déclaration se produit dans le deuxième flashback de la partie II, fournissant un commentaire ironique sur la jeunesse du jeune Ivan sur le trône.
Eisenstein clôture la première partie dans l'une des séquences les plus visuellement étonnantes (et à juste titre) de tout le film. La troisième version du thème d'Ivan accompagne une photo du profil d'Ivan contre une ligne sinueuse de Moscovites dans la neige russe le suppliant de revenir à Moscou. Le thème grandiose est interprété dans les cuivres graves, accentués par des fanfares dans les trompettes et les glissandi de harpe. Cette version finale remplit la même fonction dans les deux finales, lorsque le scénario n'émet pas trop subtilement les proclamations de l'unité russe.
Les Oprichniki
Deux motifs sont utilisés en relation avec les Oprichniki, les gardes du corps d'Ivan et les précurseurs de la police secrète de Staline. Le premier est un chœur bourdonnant qui se produit dans la première partie avec l'apparition de cet «anneau de fer» de jeunes hommes dévoués «qui ont surgi du peuple et qui doivent tout [à Ivan]…. [Les hommes] qui renieront père et mère à ne servez que le tsar. Cette musique devient finalement la base de la procession vers la cathédrale dans la partie II, dans lequel le refrain muet est accompagné de lourds «battements de cœur» dans les cordes graves, représentant le pas lourd du prince Vladimir se menant involontairement à son propre assassinat. Le thème sert plus tard de serment Oprichniki: «Je jure devant Dieu d'accomplir en Russie ma mission royale, de purger la patrie de ses ennemis sauvages, de verser de mes propres mains le sang des coupables, sans pitié, ni pour moi ni pour moi. autres." Prokofiev et Eisenstein espéraient à l'origine que la chanson ferait partie de la finale de la partie I , mais seule une brève partie de celle-ci est entendue après la défaite d'Efrosinia au point culminant de la partie II . Le deuxième motif est un air vigoureux qui accompagne d'abord la brève scène de transition de la partie IIalors que les Oprichniki retournent à Moscou, et deviennent plus tard une partie de la musique de danse chaotique dans la scène de banquet saturée rouge sang.
Un autre épisode thématique est un motif désespéré pour la clarinette, joué sur des cordes frénétiques alors qu'Ivan explique les sanctions sévères pour quiconque s'oppose au tsar. Le thème trouve sa genèse dans ce qui devait être le prologue de la première partie , impliquant la mort de la mère du jeune Ivan aux mains des boyards, l'aristocratie qui partageait le pouvoir avec le tsar. Cependant, Staline a jugé la séquence inappropriée pour le début du film et Eisenstein a été obligé de la transformer en séquence de flashback dans la partie II . La troisième apparition du thème souligne les exécutions par Malyuta des boyards de la famille Kolychev.
Bien que les épisodes thématiques jouent un rôle important dans la partition, une grande partie de la musique accessoire de Prokofiev suit des lignes de partition plus traditionnelles, avec des indices attachés à des scènes uniques. Avec Moscou en flammes, les cordes basses et la caisse claire soulignent un thème de cuivres bas éructant alors que les émeutiers envahissent le palais. Une mélodie sinistre pour duo de hautbois et clarinette, tam-toms et cordes de pizzicato souligne une volée de flèches alors que les Tartares massacrent leur propre peuple plutôt que de les faire faire prisonniers. Un ostinato animé pousse les troupes d'Ivan au combat alors que les bombes explosent, les boules de feu sifflent dans les airs et Kazan tombe.
Prokofiev met les cordes au premier plan dans des scènes de désespoir et de trahison. Une mélodie chromatique et implorante accompagne les appels d'un Ivan mourant aux boyards pour qu'ils reconnaissent son fils en bas âge comme l'héritier légitime du trône. À la recherche d'un moyen de détruire Ivan, Efrosinia empoisonne Anastasia au son de cordes furtives de type psycho. Dans la scène flashback de la deuxième partie , une phrase chromatique de 17 notes, soulignée par des triplés furieux dans les violons graves et les cuivres éructants, accompagne le premier scintillement de puissance du jeune Ivan alors qu'il condamne Shiusky à sa mort.
Parmi toutes ces trahisons musicales, Prokofiev insère une surprenante polonaise à clé majeure lors de la scène à la cour de Pologne dans la deuxième partie . Initialement écrite pour une production théâtrale dramatique de Boris Godounov de Pouchkine , la représentation n'a jamais eu lieu, car le réalisateur, Vsevolod Meyerhold, a été arrêté et exécuté. (La production de Meyerhold a finalement été présentée en première mondiale en avril dernier à l'Université de Princeton, accompagnée de la partition de Prokofiev.)
Inventions d'opéra
En plus du «Serment de l'Oprichniki», Prokofiev a employé d'autres chœurs et chansons qui contribuent au sentiment «d'opéra» de la partition. L'ouverture de la partie I contient le chœur du "Black Cloud", qui prépare l'histoire à venir: "Un nuage noir se forme / Une aube sanglante approche / Les boyards ont fait éclore un complot perfide / Contre l'autorité du tsar / Ce qu'ils sont maintenant déchaîné. La séquence de Kazan contient une belle mélodie chorale soulignant des lignes sinueuses de soldats anonymes lâchant des pièces sur une assiette afin que les morts soient comptés après la bataille. Prokofiev a réutilisé l'air dans son opéra War and Peace , et il a ensuite fourni (presque note pour note) la base de l'un des thèmes de James Horner dans le film Glory de 1989.. Un chant de bataille martiale accompagne les artilleurs creusant des tunnels pour trouver de la poudre à canon sous les murs du château.
Au cours de la séquence du mariage, Prokofiev a incorporé deux chansons issues du mariage traditionnel russe: «Song of Praise» a salué le marié et «The Swan» a salué la mariée. En revanche, les paroles de «Le chant du castor» sont tirées d'une collection de textes folkloriques authentiques. La chanson, une berceuse effrayante qu'Efrosinia chante à Vladimir à propos de son intention de l'installer en tant que tsar une fois qu'Ivan est tué, est entendue dans son intégralité avant la séquence du banquet de la partie II.. La musique est principalement liée à la vision d'Efrosinia des connotations de la chanson («Ils veulent tuer le castor et l'écorcher / Faire un manteau royal garni de castor / Habiller le tsar Vladimir»). L'apparition finale de la chanson accompagne les lamentations folles d'Efrosinia sur le corps de son fils, qu'elle a involontairement aidé à assassiner. Enfin, le «Chant des Oprichniki» est une diabolique pantomime asiatique chantée pendant la séquence du banquet («Nous sommes allés visiter les boyards dans les cours! / Nos haches ont été occupées parmi les boyards!»).
Dès le début, Prokofiev et Eisenstein pensaient que l'inclusion de la liturgie orthodoxe russe était tout aussi importante que la musique de Prokofiev. La première partie s'ouvre sur le couronnement d'Ivan et est entièrement écrite avec les adaptations de Prokofiev de la musique orthodoxe russe authentique. Un Kyrie Eleison discret et une chanson monastique du XIXe siècle, «Sofrony's Cherubic Song», soulignent les exclamations de l'archidiacre sur le tsar nouvellement couronné. Un solo de basse chante: «Que le Seigneur le sauve et le garde», et alors que des pièces de monnaie pleuvent sur la tête d'Ivan, le chœur crie: «Longue vie au tsar!»
Des enregistrements réels de musique liturgique ont été incorporés dans trois scènes sans être notés dans la partition. Le premier accompagne les derniers sacrements sur le corps mourant d'Ivan, et plus tard, trois chants liturgiques du service de requiem orthodoxe soulignent la scène au cercueil d'Anastasia. Les chants les plus touchants chantent un deuil sur les corps des boyards de Kolychev massacrés. «Ne pleure pas pour moi, mère» fait le deuil des victimes innocentes, tandis que l'hymne «On vous a dit, Judas» compare Ivan à Judas: «C'était mieux pour toi, traître / que tu n'étais pas né, / traître de la Fils de Dieu."
En représailles au massacre de sa famille, Kolychev prévoit «d'écraser» Ivan «sous le poids de l'église» à travers une représentation du Furnace Play, un ancien drame liturgique russe joué dans les églises avant Noël la semaine des Saints Pères. L'histoire est originaire de la Bible et raconte la délivrance miraculeuse de trois jeunes hommes qui avaient été jetés dans une fournaise ardente par un roi impie pour avoir refusé d'adorer des idoles. Mais Eisenstein a écrit un nouveau texte, qui a souligné la pertinence dramatique du sujet, et Prokofiev l'a mis en musique. Cependant, le "Song of the Boys" obsédant de Prokofiev a été remplacé par "Wondrous Is God", une musique rappelant le chant liturgique traditionnel, qui a peut-être été improvisé par la chorale.
Compte tenu du mauvais équipement d'enregistrement disponible, des signaux qui s'estompent et disparaissent, des répétitions discutables et des croisements avec d'autres signaux, la partition de Prokofiev n'est pas pleinement écoutée dans le film. Au milieu des années 1990, les orchestres ont commencé à programmer la partition de Prokofiev jouée en direct avec le film, une pratique qui avait commencé avec Alexander Nevsky quelques années plus tôt. Cependant, en raison de la présentation peu orthodoxe d'une grande partie de la musique du film, les concerts d' Ivan le Terrible n'ont pas été aussi réussis que ceux de Nevsky .
«Anti-historique et anti-artistique»
Ivan le Terrible , première partie a été créée à Moscou en décembre 1944 avec un grand succès critique. Et en janvier 1946, Eisenstein et Prokofiev ont reçu le prix Staline, décerné chaque année dans les domaines de la science, des mathématiques, de la littérature, des arts et de l'architecture, pour honorer les réalisations qui ont fait avancer l'Union soviétique ou la cause du socialisme. Mais en ce qui concerne la partie II , Eisenstein avait fait peu d'efforts pour dissimuler le lien entre «l'homme de fer» d'Ivan et «l'homme d'acier» de Staline, et le gouvernement soviétique en a pris note.
En juillet 1946, le Département de l'agitation et de la propagande du Comité central du Parti communiste a publié Culture and Life , un nouveau journal bimensuel «pour développer la critique bolcheviste des défauts dans différentes branches de l'économie et de la vie culturelle». En avertissant que chaque film doit être «une production idéologique et hautement artistique», le document décrit les 13 thèmes autour desquels les producteurs soviétiques pourraient développer des films, y compris «le travail d'intellectuels et de scientifiques soviétiques… des ingénieurs qui augmentent l'efficacité technique de l'Union soviétique… .mères héroïnes, c'est-à-dire des femmes qui ont élevé 10 enfants… [et] des exploitations fruitières géorgiennes. »
Eisenstein a été l'un des premiers artistes à être attaqué. Parce qu'Ivan n'a pas été montré «comme un homme d'État progressiste, mais comme un maniaque et comme un scélérat qui se comporte de manière folle», l'article a appelé la partie II «anti-historique et anti-artistique». Eisenstein avait «trahi son ignorance des faits historiques en montrant… [les oprichniki] comme un groupe dégénéré un peu comme le Ku Klux Klan, et Ivan le Terrible lui-même, qui était un homme de forte volonté et de caractère, comme faible et indécis, un peu comme Hamlet."
La deuxième partie a été interdite de distribution et l'interdiction est restée en vigueur jusqu'en 1958, date à laquelle le film a finalement été montré publiquement, après la mort d'Eisenstein, Prokofiev et Staline. De plus, le gouvernement soviétique a «égaré» les quatre bobines de la troisième partie , qu'Eisenstein aurait terminé avant sa mort, bien que heureusement cinq minutes de séquences aient survécu. Selon toute probabilité, Prokofiev a composé de la musique pour la troisième partie . Si c'est le cas, il n'a pas encore été trouvé, sauf peut-être comme éléments dans des œuvres de concert ultérieures.
Sans doute en raison de ses problèmes avec le gouvernement soviétique, Eisenstein a subi une crise cardiaque. Bien qu'il se soit rétabli et ait demandé à Staline d'être autorisé à réviser la partie II comme le voulait la bureaucratie, il a été renvoyé. En fait, Eisenstein était trop faible pour reprendre le tournage, et il est mort en 1948. «Avec la mort de Sergei Mikhailovich Eisenstein», a déclaré Prokofiev, «je considère que mon travail cinématographique est terminé une fois pour toutes. Fidèle à sa parole, Ivan le Terrible était la musique finale du film de Prokofiev.
Tout en travaillant sur la partition, Prokofiev avait caressé l'idée d'écrire un opéra sur Ivan, qui, malheureusement, ne s'est jamais concrétisé. Après la mort d'Eisenstein, Prokofiev a refusé les offres d'écrire une œuvre de concert basée sur la partition, comme il l'avait fait avec sa première musique de film, Lieutenant Kijé (1934) et Alexander Nevsky.. Cependant, en 1962, neuf ans après la mort du compositeur, Abram Stasevich, le chef d'orchestre de la bande originale, arrangea la partition en oratorio. Bien que la pièce fournisse à l'auditeur une juste introduction à la partition de Prokofiev, Stasevich a apporté de nombreux changements à la musique, y compris l'ajout douteux d'un orateur récitant le texte russe des films. L'oratorio a été créé en 1968, avec Stasevich à la tête de l'Orchestre de Saint-Louis. Les versions ultérieures de la partition incluent un autre oratorio compilé par le chef d'orchestre britannique Michael Lankester (avec les textes russes rendus en anglais), un scénario de concert arrangé par Christopher Palmer et un ballet chorégraphié par Yuri Grigorovich. Aucun de ceux-ci n'est devenu un incontournable du répertoire de concert comme les propres arrangements de Prokofiev de Kijé etNevsky .
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Ivan le Terrible est désormais reconnu comme un classique du cinéma russe. Bien que le public moderne puisse trouver les larges gestes des acteurs rebutants, le film est un portrait visuellement époustouflant de la descente d'Ivan dans la paranoïa et la folie, même sans la troisième partie pour compléter la vision d'Eisenstein. Et certainement, le score de Prokofiev mérite une place plus élevée dans son canon.
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