ROBERT SIODMAK
Au cours de sa carrière hollywoodienne, Robert Siodmak dirigea une série d’excellents « thrillers » dans lesquels la tradition expressionniste de sa patrie d’origine se fondait parfaitement avec le style du film noir américain.
Robert Siodmak naquit dans le Tennessee mais sa famille retourna en Allemagne au cours de sa première année. Après avoir abordé le cinéma comme traducteur (de sous-titres) et monteur, il persuada le producteur Seymour Nebenzahl de financer un film sur une idée de son frère, Curt (qui deviendra célèbre notamment avec son roman « Le Cerveau du nabab »). Un jeune écrivain, Billy Wilder, collabora à la rédaction du scénario et c’est ainsi qu’en 1929 Les Hommes, le dimanche (Menschen am Sonntag), dirigé par Robert Siodmak et Edgar G. Ulmer, avec le concours de l’opérateur Eugen Schufftan assisté de Fred Zinnemann, apparut sur les écrans. On y voyait un chauffeur de taxi, un commis voyageur, une vendeuse et un jeune mannequin passant leurs loisirs du dimanche dans un parc des faubourgs de Berlin. Au cours de cette innocente promenade se succèdent de menues intrigues amoureuses, des petits faits sans importance dignes d’un film de Lubitsch, le tout dans un décor qui rappelait par le contraste ville-campagne le film de Murnau : L’Aurore (Sunrise, 1927). La référence explicite à ces deux grands metteurs en scène allemands n’est d’ailleurs pas surprenante si l’on songe qu’au milieu des années 20 ils faisaient déjà partie des « grands » de Hollywood ; il était inévitable que les jeunes cinéastes germaniques les prissent pour modèles.
Après avoir vu le film, Erich Pommer, producteur en chef de l’UFA, engagea Robert Siodmak. Il connut son premier succès au sein de cette firme avec L’homme qui cherche son assassin (Der Mann, der seinen Mörder sucht, 1931), un film non dépourvu d’humour noir, racontant l’histoire d’un aspirant au suicide qui engage un tueur anonyme afin qu’il l’exécute, mais auquel il cherche, par la suite, à échapper.
Dans le film suivant : Autour d’une enquête (Voruntersuchung, 1931) – dont la version française était dirigée par Henri Chomette -, l’influence de Lang et des expressionnistes allemands est évidente. Une prostituée est assassinée et c’est le propre fils du magistrat chargé de l’enquête qui est soupçonné. La séquence de la découverte du crime est réalisée avec une exceptionnelle maîtrise : la caméra saisit tout d’abord, en premier plan, les pieds de la victime puis recule par la porte entrouverte, s’arrête un moment sur le palier et ensuite à chaque étage, tandis que la nouvelle du meurtre se répand parmi les locataires de l’immeuble. Le sentiment d’angoisse et de peur qui, tel un incendie, se propage dans toute la maison annonce l’atmosphère du Maudit (M. Eine Stadt sucht einen Mörder) qui sortira un mois plus tard.
Avec la montée du national-socialisme, Siodmak, dans l’impossibilité de pouvoir travailler en Allemagne, se réfugia à Paris, où il retrouva Billy Wilder et Eugen Schufftan. Son départ fut précipité par Goebbels qui avait attaqué le metteur en scène, l’accusant de « corrompre la famille allemande » pour avoir quelque peu insisté, dans Brennendes Geheimnis (1933), sur une mésentente conjugale.
L’atmosphère parisienne stimula le côté frivole de Robert Siodmak qui, en 1936, dirigea La Vie parisienne, assez lourde version de la célèbre opérette d’Offenbach, une comédie : Mister Flow (1936), et plusieurs films assez moyens, excepté l’excellent Mollenard. Mais c’est Pièges (1939), qui nous montre comment la police peut amener un vieil homme (Pierre Renoir) à s’accuser des crimes de Jack l’éventreur, qui demeure son meilleur film réalisé à cette époque.
L’occupation de la France par les Allemands, poussa Siodmak à émigrer. Il arriva à Hollywood bien après Lang, Wilder et Ulmer. Il trouva du travail à l’Universal fondée par l’émigré allemand Carl Laemmle qui avait déjà accueilli nombre de ses compatriotes.
Dans cette compagnie, dont le style des productions était fort proche de celui de l’UFA, Siodmak se trouva parfaitement à son aise. Entouré d’autres réfugiés allemands, il commença les prises de vues du Fils de Dracula (Son of Dracula 1943), suite du Dracula de 1931 interprété par Bela Lugosi , premier grand film d’horreur de l’Universal.
FILM NOIR, THRILLER ET HORREUR
Toutefois, c’est avec Phantorn Lady (Les mains qui tuent, 1944) que Siodmak amorça le passage de l’expressionnisme au style particulier du film noir hollywoodien des années 40. Construit sur une série « d’absences » (un témoin en fuite, un chapeau disparu, une preuve anéantie), le film nous montre comment Kansas – secrétaire et maîtresse d’un homme accusé injustement d’homicide -part à la recherche de la seule preuve qui pourra disculper l’être aimé, précisément cette femme-fantôme qui donne son titre original au film.
Le chef-d’œuvre de Siodmak est sans doute Deux Mains, la nuit (The Spiral Staircase, 1945) qui offre toutes les qualités du film noir auxquelles s’ajoutent des éléments propres au cinéma d’horreur. Siodmak plonge le spectateur dans le monde silencieux d’une jeune sourde-muette persécutée par un maniaque ; la terreur muette de l’infirme rejoint celle des héros des anciens films d’épouvante contemporains du Cabinet du docteur Caligari (Das Kabinett des Dr. Caligari, 1919) et de Nosferatu le vampire (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens, 1921).
La rencontre entre la psychologie du film noir et le nouveau souffle réaliste du cinéma américain situe l’œuvre de Robert Siodmak dans une perspective aux limites mal définies ; ce qui apparaît nettement dans La Proie (The Cry of the City, 1948) aussi bien que dans Pour toi, j’ai tué (Criss Cross, 1949), après une première esquisse dans Les Tueurs (The Killers, 1946), d’après une nouvelle d’Hemingway.
Avant de regagner l’Europe, Siodmak réalisa encore quelques films à Hollywood. Le Corsaire rouge (The Crimson Pirate, 1952), tourné en Angleterre et en Espagne et bien enlevé par Burt Lancaster, est un film d’aventures maritimes, spirituel et haut en couleur, aux antipodes ou presque du style hollywoodien de Siodmak, Ce fut aussi son dernier succès international. Après une brève et décevante parenthèse parisienne, le cinéaste regagna l’Allemagne où il réalisa quelques œuvres excellentes, bien que peu connues. Les Rats (Die Ratten, 1955), auquel les ruines de Berlin servent de décor, est une allégorie de la société malade que le metteur en scène retrouve à son retour en Allemagne, Les S.S. frappent la nuit (Nachts wenn der Teufel kam, 1957) conte au contraire dans un style délibérément réaliste l’histoire de Bruno Ludke qui, pendant la guerre, assassina quatre-vingts femmes. L’ombre du Maudit revenait, menaçante, sur l’horizon cinématographique. Après L’Affaire Nina B (1961), évocation réussie d’un fait divers qui secoua la République de Bonn (le film était dialogué par Roger Nimier), Siodmak se mit à tourner n’importe quoi, et la fin de sa carrière ne présente plus d’intérêt, suivant une courbe exactement parallèle à celle de son compatriote William Dieterle. Robert Siodmak est mort d’une crise cardiaque le 10 mars 1973 dans un hôpital suisse, seul, ruiné et quasiment oublié.
A VOIR ÉGALEMENT
PIÈGES – Robert Siodmak (1939)
La guerre est à la porte : Quand sort Frères corses, Robert Siodmak est plongé dans la réalisation de ce qui sera son plus grand succès public en France, Pièges. Ce film marque les débuts de Maurice Chevalier dans le registre dramatique : de retour dans les studios cinématographiques après deux ans d’absence, « Momo » a décidé d’abandonner son canotier et le vaudeville du Casino de Paris pour un rôle sérieux et exigeant : celui d’un directeur d’une boîte de nuit accusé à tort de meurtre (ce qui lui permet quand même d’interpréter deux chansons célèbres : « Elle pleurait comme une Madeleine » et « Mon amour »).
Pour rendre le rôle du « détective féminin », autour duquel pivote le film, plus crédible, Siodmak place aux côtés du chanteur une inconnue de son crû : Marie Déa joue au théâtre Montparnasse où elle vient d’apparaître dans « Madame Bovary » et « Faust » sous la direction de Gaston Baty. En outre, le cinéaste réunit quelques talents qui firent l’énorme succès de L’Alibi (Pierre Chenal) deux ans auparavant : Erich von Stroheim le scénariste d’origine russe Jacques Companeez et l’opérateur américain Ted Pahle. Sous le pseudonyme du co-scénariste Ernest Neuville se cache le berlinois Ernst Neubach, une vieille connaissance de Siodmak puisque l’auteur de Der mann, der seinen mörder sucht. Wakhévitch signe les décors, érigés dans les studios de Joinville-Pathé (avril-mai). Cette collaboration « internationale » suscitera d’ailleurs l’ire de la presse patriotarde : « Un film dans lequel M. Maurice Chevalier s’est laissé tomber. Deux étrangers, M. Siodmak et Companeez, lui ont joué ce mauvais tour », écrira L’Action française. « M. Von Stroheim, Prussien pur sang, devrait être rendu par nous à M. Hitler. N’est-il pas honteux de penser qu’il est payé plus que tout acteur français, qu’il a bien moins de talent que M. Blanchar, Jean Max, etc., etc. qui ont le même emploi et sont de chez nous ? » Du reste, dans certaines localités, les affiches de Pièges, libellées « un film de Companeez et Neuville », ne mentionneront pas le nom suspect de Siodmak !
Un commentaire aussi abject ne serait pas déplacé dans la bouche d’un des personnages louches de Pièges. Le scénario s’inspire en effet de la ténébreuse affaire Weidmann, qui défraya la chronique judiciaire française en 1937 : l’Allemand Eugen Weidmann avait avoué être l’auteur de sept assassinats. Son procès – auquel assista le Tout-Paris, Maurice Chevalier y compris – s’ouvrit en mars 1939 et le maniaque fut guillotiné trois mois plus tard. Le générique du film donne le ton : il apparaît dans le rayon falot d’une lampe de poche contre un mur. Une ombre menaçante s’approche d’une boîte aux lettres. Gros plan d’une missive adressée à la préfecture de police. Elle contient un court poème se terminant sur « tu paieras pour ta dernière danse ». Suit une séquence très « matter of fact », à la manière quasi documentaire de M le Maudit, sur les efforts de la police judiciaire pour identifier l’auteur de la lettre anonyme : fichiers, empreintes, analyses de caractères de machine à écrire etc. Onze jeunes filles, danseuses de cabaret ou entraîneuses, ont disparu sans laisser de trace. La police judiciaire pense que le meurtrier un maniaque sexuel, attire ses victimes grâce à la correspondance des journaux. L’amie de l’une des disparues, la « taxi-girl » Adrienne (Marie Déa), devient collaboratrice de la police et répond systématiquement à toutes les petites annonces qui concernent les femmes seules. Dès lors, l’intrigue évolue selon le schéma d’un film à épisodes (style Carnet de bal), menant le public sur une série de fausses pistes.
La jeune femme explore les salons de manucure, les bars douteux, les restaurants chics ; elle répond à des rendez-vous nocturnes dans des quartiers déserts et mal éclairés, toujours discrètement filée par la police. Son enquête la mène notamment comme mannequin dans la demeure délabrée de Pears, un ex-grand couturier (Stroheim) dont la folie d’abord inoffensive – il présente sa collection de mode devant une salle vide et parle aux chaises d’une voix susurrante – devient subitement furieuse : il enflamme sa collection et tente d’entraîner Adrienne dans la mort. La scène traversée d’un souille d’expressionnisme germano-hollywoodien, se transforme chez Siodmak en un hallucinant combat de l’ombre et de la lumière.
Réchappée de justesse, Adrienne fait la connaissance d’un grand brasseur d’affaires, imprésario et directeur de plusieurs boîtes de nuit, Robert Fleury (M. Chevalier) qui la poursuit assidûment de ses avances. Par la suite, elle est engagée comme femme de chambre dans un manoir où les victimes ont occupé son emploi peu avant leur disparition. Avec l’aide de Fleury déguisé en chauffeur, elle y fait arrêter les responsables d’une traite des blanches à destination de l’Amérique du Sud. Mais seuls les noms de trois disparues figurent sur la liste des criminels, aussi l’énigme n’est-elle que partiellement éclaircie. C’est en ouvrant le tiroir du bureau de Fleury, devenu son fiancé, qu’Adrienne découvre avec terreur une poupée nue, une lettre anonyme (« Elle vivra combien ? Pas plus de trois nuits…» et les photographies des autres victimes. Fleury, arrêté, nie d’abord désespérément. Des cadavres sont déterrés dans son jardin. A bout de nerfs, il avoue ; la guillotine l’attend. A deux heures de son exécution, Adrienne confond le véritable assassin – le richissime Brémontière (Pierre Renoir), l’associé et ami de Fleury – qu’elle va trouver, seule, dans sa villa. Elle le trouble sciemment en montrant un peu trop ses jambes, jusqu’au moment où le vieillard se démasque : bourgeois puritain et dépité, il tue les jeunes femmes par refoulement sexuel, par goût morbide de la vertu ; de plus, il espère châtier par des voies légales l’incorrigible coureur de jupons qu’est Fleury. La police intervient à temps. « Quel dommage ! Ça aurait pu faire une erreur judiciaire magnifique ! » conclut sarcastiquement le commissaire.
Le scénario de Pièges, sans cesse rebondissant, hésite entre l’épure psychologique, le documentaire réaliste et une intrigue policière un peu construite, mêlant à ce savant amalgame des épisodes de comédie parfois dissonants. L’accumulation de coups de théâtre et les changements de registres créent cependant une impression de foisonnement baroque non dépourvu de charme : Pièges n’est-il pas une troublante sarabande de masques et d’apparences ? Comme dans Autour d’une enquête, Siodmak porte l’accent sur la description et la confrontation des milieux tantôt l’agitation des bureaux enfumés et encrassés de la police judiciaire : tantôt la faune bigarrée des cafés de boulevard, absorbée dans de louches combinaisons. Il dresse une mémorable galerie de grimaces, de silhouettes bizarres, esquissées au hasard des rencontres (le mélomane au lorgnon, les godelureaux timorés des bals du samedi soir, les ménagères esseulées le peintre de nus) qui traduisent la désillusion et le mal de vivre.
Recherche de l’insolite, voire de l’équivoque : le trafiquant des blanches est un Grec pantouflard, mielleux et imbu de son bon droit, son assistant un majordome pincé, pathétiquement amoureux et fétichiste, le commissaire est efféminé et même le gouailleur Fleury, dont les tiroirs regorgent de photos « osées », ne semble pas être à l’abri de tout reproche. Le cinéaste tient ses interprètes fermement en main : Chevalier surprend en soupirant nerveux, alerte et colérique, la débutante Marie Déa joue l’ingénue détective transformée en appât avec finesse et même une touche d’ironie. Pierre Renoir et Stroheim, particulièrement intégrés à l’univers siodmakien, plient leurs inquiétantes et envahissantes physionomies aux exigences du propos. La séquence du réseau de la traite des blanches est exemplaire quant à la direction d’acteurs : le majordome tyrannique (Jacques Varenne) offre à la soubrette Marie Déa une chemise de nuit, espérant faire d’elle sa maîtresse, et finit par lui obéir servilement ; l’inversion des rapports, dans toute son ambiguïté sexuelle, est indiquée avec une surprenante économie de moyens, chaque intonation, chaque geste suffisant à lui-même. Pièges retrouve par instants le climat des premiers films UFA de Siodmak, avec leur fascination du détail sordide et leur éclairage sans compassion, tandis que certains sketches particulièrement angoissants (le climat de terreur dans l’épisode Stroheim) annoncent déjà des œuvres américaines comme The Spiral Staircase (Deux mains, la nuit). Enfin, les cinq dernières minutes du film suffisent à illustrer l’éblouissant savoir-faire du cinéaste, quand, par un montage serré de gros plans de visages et d’objets (l’horloge, les ombres, la cheminée, les jeux du miroir), Siodmak parvient à suggérer la frayeur et la confusion croissante du coupable ; c’est là une séquence que n’aurait pas reniée Hitchcock et qui explique pourquoi Pièges demeure un film passionnant. L’historien Raymond Chirat le qualifiera avec raison, 35 ans plus tard, de « chef-d’œuvre méconnu du film noir du cinéma français».
Le public de l’époque ne se trompe pas non plus, puisqu’il réserve au film un accueil enviable (décembre 1939) ; l’œuvre reste plusieurs mois à l’affiche, alors que la guerre a éclaté et que la mobilisation générale a été décrétée. (A Zurich, Pièges jouit de 12 semaines d’exclusivité.) « Ce film restera parmi les plus sensationnels du moment », proclame L’Intransigeant, mais la presse catholique fustige son « amoralisme » et son climat « malsain » : « Quant au vrai criminel, c’est tout juste si on ne lui cherche pas des circonstances atténuantes au nom de Freud. L’atmosphère n’a rien de réconfortant, et tout le brio de Maurice Chevalier, toute l’autorité de Pierre Renoir, ne parviennent pas à rendre le film attrayant… et propre », Quand Pièges paraîtra aux Etats-Unis en 1941, sous le titre de Personal Column, il sera même amputé de 12 minutes par la censure, en raison de ses allusions à certaines perversions sexuelles. En juillet 1940, le film sera évidemment interdit par les autorités d’occupation allemandes et ne ressortira sur les écrans français qu’en 1946. Cette, même année, Hunt Stromberg produira en remake américain de Pièges pour la United Artists : Lured (Les Filles disparaissent). L’intrigue en est transposée à Londres au début du siècle – Jack the Ripper oblige ! – mais le réalisateur Douglas Sirk réutilise exactement le même découpage (certains dialogues sont repris tels quels) et la musique de Michel Michelet ; George Sanders, Boris Karloff et Lucille Ball reprennent les rôles de Chevalier, Stroheim et Marie Déa. Cette « annexion » n’est pas surprenante : si Mollenard est le plus allemand des films français de Siodmak, Pièges en est le plus américain. Siodmak fait ici sa première incursion dans le « thriller » pur genre où la forme traduit non plus un simple contexte sociologique, fût-ce au deuxième degré, mais un climat mental paranoïaque dont le public anglo-saxon semble particulièrement friand.
En juillet 1939, tandis que le cinéaste supervise le montage de Pièges, la Milo-Film annonce déjà son prochain film, Splendeurs et misères des courtisanes d’après Balzac. II est difficile de juger à quel point Siodmak prend ce projet assez ambitieux au sérieux, compte tenu des événements politiques, mais son annonce dans La Cinématographie française témoigne du statut très élevé que le cinéaste a atteint après six ans d’activité en France. Un mois plus tard, Siodmak est assis à la rédaction d’un script intitulé Quinine, dont l’histoire se déroule en Hollande. Autour du 15 août, un producteur d’Amsterdam lui offre 20’000 $ pour réaliser ce film sur territoire hollandais en avril 1940 : s’il y a guerre, la Hollande sera sans doute épargnée, comme en 1914-18… A ce moment, Siodmak sait pertinemment qu’il va partir pour les Etats-Unis à la première occasion et rejoindre son frère en Californie ; ayant appris, par hasard, qu’il n’avait pas perdu sa nationalité américaine (comme il l’avait longtemps cru), il a contacté Washington afin d’obtenir un passeport. L’argent du Hollandais lui permettra de vivre pendant une année et de retourner quelques semaines en Europe pour filmer Quinine, l’année suivante… pense-t-il. Le 31 août, les Siodmak s’embarquent à bord du paquebot français « Champlain », avec une copie de Pièges dans leurs bagages. Le lendemain, la guerre éclate ; la traversée se fait tous feux éteints, à cause des sous-marins. [Robert Siodmak (Le maître du film Noir) – Hervé Dumont – Ed. L’Age d’Homme (1981)]
Niciun comentariu:
Trimiteți un comentariu