Es-tu prêt à découvrir le plus grand film de tous les temps ?

Rares sont les films qui ont été aussi impactants et influents ; qui ont été aussi largement étudiés, décortiqués, analysés ; aussi révérés et portés aux nues que Citizen Kane. Près de quatre-vingts ans après sa sortie initiale en 1941, le chef-d’œuvre d’Orson Welles continue d’être acclamé par les cinéphiles du monde entier, portant sur ses épaules la lourde réputation d’être l’un des, sinon le, meilleurs films de tous les temps. Force est de constater qu’il en est digne.

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CITIZEN KANE

  • Réalisateur : Orson Welles
  • Acteurs principaux : Orson Welles, Dorothy Comingore, Everett Sloane
  • Date de sortie : 5 septembre 1941 (US), 3 juillet 1946 (France)
  • Pays : États-Unis
  • Budget : 839 727 $
  • Box-office : 1,6 millions $
  • Durée : 1h59

DOULEUR ET GLOIRE

Charles Foster Kane est mort. Le magnat américain laisse derrière lui un véritable empire médiatique et l’une des plus grandes fortunes du monde, ainsi qu’un palais démesuré, Xanadu, rempli de merveilles artistiques de tous les continents. Surtout, il laisse derrière lui une énigme sous la forme d’un dernier mot, « Rosebud » (« Bouton de rose ») , dont personne ne connaît la signification. Est-ce une femme ? Une œuvre d’art ? Ou quelque chose de très simple ? Citizen Kane retrace la gloire et la déchéance d’un homme extraordinaire, vues par ceux qui le côtoyèrent de son vivant.

En dépit de la réputation qu’il a acquise au fil du temps, Citizen Kane ne fut pas un succès immédiat, bien au contraire. Les résultats au box-office furent inconséquents ; en cause, le boycott d’un magnat de la presse – bien réel, celui-ci – du nom de William Randolph Hearst. Source d’inspiration principale du personnage de Kane, il interdit toute promotion ou toute critique dans ses très nombreux journaux, et fit pression sur les salles de cinéma pour empêcher la diffusion du long-métrage, considérant l’œuvre comme une diffamation à son égard – le tout, sans n’avoir jamais vu le film. Pas rancunier, Welles, croisant Hearst dans un ascenseur, l’invita tout de même à une projection. Le magnat refusa, ce à quoi le cinéaste rétorqua « Charles Foster Kane aurait accepté ». Et vlan.

Ajoutons à cela une réception mitigée de la part de la critique, ou du moins en tous cas, de ceux qui avaient le droit de publier, qui préférèrent consacrer à la cérémonie des Oscars suivante le nettement inférieur Qu’elle était Verte ma Vallée, en dépit des neuf nominations de Kane, qui ne repartit qu’avec la statuette du Meilleur Scénario Original partagé par Herman Mankiewicz et Welles – ce serait le seul Oscar de sa pourtant magistrale carrière. En 1942, le film était déjà oublié de tous.

Il faudrait attendre la sortie en Europe, décalée en 1946 à cause de la guerre, pour que le vent tourne pour Citizen Kane. C’est notamment grâce à l’éminent critique français André Bazin, cofondateur des Cahiers du Cinéma (tout de même), qui avait perçu avant beaucoup l’immense mérite du film, que l’opinion générale fut réévaluée. À travers les nombreux articles qu’il consacra au film (Citizen Kane est le film le plus cité de son admirable carrière, derrière La Règle du Jeu de Renoir), il participa grandement à redorer son blason aux yeux des critiques comme du public. Une tendance qui se confirmerait outre-Atlantique grâce à une ressortie dans les années 50, influencée par le succès européen.

Dès lors, Citizen Kane se hissa au panthéon du 7ème Art, jusqu’à trôner pendant un demi-siècle au sommet du classement décennial de Sight & Sound, le plus prestigieux classement de cinéma. Tout ceci en étant le tout premier film de Welles en tant que réalisateur, producteur, scénariste et acteur, à tout juste 25 ans. Pas mal, non ?

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Je dis bravo.

QUESTION DE PROFONDEUR

Dès la toute première séquence du film, le réalisateur fait la démonstration incontestable de son génie à travers un pseudo traveling avant – en réalité constitué de plans fixes progressifs – magistralement composé avec comme constante une fenêtre illuminée dans la nuit enveloppant Xanadu, toujours située au même endroit dans le coin supérieur droit de la pellicule.

Comme Griffith l’avait été avec Intolérance avant lui, Welles est un agrégateur ; il a su percevoir toutes les possibilités techniques et artistiques offertes par le cinéma en son temps et les réunir en un seul film-somme monumental, nourri en intraveineuse à l’expressionnisme allemand (Le Cabinet du Dr. Caligari en tête) et à John Ford – dont le Qu’elle était Verte ma Vallée volerait tous les Oscars de Citizen Kane, comme je le disais tantôt.

Accompagné du directeur de la photographie Gregg Toland, Welles dévoile des trésors de mise en scène au sens le plus noble du terme, peignant des tableaux évocateurs à la composition subtile, dont les clairs-obscurs marqués feraient les grandes heures des films noirs durant les deux décennies à suivre. Le développement d’optiques spécifiques permit aussi à la caméra de filmer aussi nettement les premiers plans que les arrières, étendant l’action dans une profondeur de champ jusqu’ici inégalée qui devient gage de la profondeur du récit.

On pourrait s’étendre encore longtemps sur les qualités du film tant elles sont nombreuses. Welles accomplit un tour de force à tous les niveaux, tournant l’ignorance qu’il a du métier à son avantage ; armé uniquement de ses idées, il met en œuvre ce que ses contemporains n’auraient jamais rationnellement envisagé. En clair, il ne savait pas que c’était impossible, alors il l’a fait.

Je relèverai tout de même la façon virtuose dont le scénario se fonde sur les processus de setup & payoff, plus connus dans la langue de Molière par l’analogie du fusil de Tchekov. C’est ce principe qui préconise que tout élément utile d’un film doit être précédemment introduit ; et réciproquement, tout élément introduit doit avoir une utilité future. Parmi les innombrables détails qui se répondent dans le film, on peut noter la luge de substitution offerte par Thatcher en remplacement de celle que Kane abandonne chez ses parents ; ou encore le puissant « Get out! » hurlé par Susan Alexander au journaliste, un trait de caractère qu’elle reprend de son ex-époux comme on le voit plus tard dans le film (mais chronologiquement dans le passé) quand ce dernier vire Jim Getty de chez elle.

Surtout, cette maîtrise des setups & payoffs se révèle plus que jamais dans la façon dont toutes les histoires, tous les témoignages, sous couvert de n’apporter aucune réponse, tendent irrémédiablement vers une seule et même chose : Rosebud.

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Surveille tes arrières(-plans) !

AMER ICARE

Le bouton de rose est le bourgeon duquel éclot le filmCitizen Kane s’ouvre sur une bobine d’actualité qui nous dit tout, « sauf qui [Kane] était » ; nous connaissons dès ces dix premières minutes le où, le quand, le qui, le quoi, mais pas le comment et le pourquoi derrière lesquels le journaliste Thompson part en chasse. L’ultime parole du magnat médiatique devient la promesse d’une clé qui résoudra l’énigme de cette étude de personnage.

Et pourtant.

« JOURNALISTE – If you could have found out what « rosebud » meant, I bet it would have solved everything.
THOMPSON – No, I don’t think so. No. […] It wouldn’t have explained everything. I don’t think any word can explain a man’s life. »

Rosebud n’est qu’un prétexte. C’est le fil rouge qui guide le spectateur tel Ariane à travers le labyrinthe qu’est le film, mais sa signification ultime, bien qu’elle ne soit pas sans importance, n’est qu’une pièce parmi d’autres d’un puzzle bien plus vaste dont il serait malheureux d’ignorer l’image d’ensemble.

Citizen Kane est un film-monde kanocentrique, et chacune des histoires racontées par ses innombrables narrateurs apporte une pierre à l’édifice qui vise à répondre à la question « Qui était Charles Foster Kane ? ». L’ascension et la chute d’un homme qui vécut autant de gloires et de déchéances que de personnages les relatent au cours du long-métrage. Le twist final se révèle en fait être un appât pour forcer le spectateur à rester attentif à un scénario brillamment étayé et incroyablement complet, qui multiplie les points de vue pour aborder toutes les facettes qui ont fait qu’un héros est tombé en disgrâce.

La légende de Kane est fondée sur celle, bien réelle, de l’empereur mongol Kubilaï Khan, qui fut souverain de l’un des plus puissants et vastes empires de l’Histoire avant de sombrer dans l’alcool, la dépression et la maladie vers la fin de sa vie, accablé par des défaites militaires qui contribueraient à la chute de la dynastie dans les décennies suivantes. Reprenant son nom, anglicisé, et son palais – Xanadu -, le personnage de Welles s’inscrit déjà de façon métaphorique comme une figure mythologique.

Pourtant, s’il est un mythe dont il se rapproche, c’est bien celui d’Icare. Kane s’apparente à une figure idéaliste qui brûle tous ceux qui l’entourent dans sa course invétérée vers le soleil avant de se noyer lui-même – à ceci près que le sien, à défaut d’une boule de feu, est une boule à neige. Ce n’est jamais aussi vrai que pour Susan Alexander, sa deuxième femme, dont la tragédie nous prend à la gorge dès sa première apparition et redouble d’intensité dans la terrible scène de l’opéra ; sans doute celle qui représente le mieux toute la profondeur contrastée du caractère de Kane, aux côtés de son mémorable discours triomphal qui pave le chemin vers l’une de ses plus effroyables défaites.

En fin de compte, Welles incarne en réalité à travers son personnage une certaine idée du mythe américain ; à la fois l’apothéose des rêves de richesse et de gloire qui nous sont parvenus de tous temps de l’autre côté de l’Atlantique, et l’amer revers de la médaille, la corruption corrosive qui ronge le cœur des Hommes et les ramène à la réalité. Citizen Kane, c’est l’Amérique, son essence-même ; après tout, ce n’est pas seulement l’histoire de Kane, mais bien celle du citoyen Kane. Et peut-être qu’en définitive, la bobine d’actualités nous disait bien tout dès le départ, à travers la toute première déclaration de son personnage.

« KANE – I am, have been and will only ever be one thing – An American. »

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America, america.

LE MOT DE LA FIN

La perfection objective n’existe pas, mais rares sont les films qui l’approchent d’aussi près que Citizen Kane. Initialement aptement titré American, le chef-d’œuvre d’Orson Welles incarne le mythe américain à travers un protagoniste légendaire dont la gloire et la déchéance étayent une inoubliable étude de personnage. Voilà, vraiment, qui était le citoyen Kane.

Note : 9 / 10

« KANE – Rosebud… »

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Rosebud.

— Arthur

TOUS LES GIFS ET IMAGES UTILISÉS DANS CET ARTICLE APPARTIENNENT À RKO, ET C’EST TRÈS BIEN COMME ÇA


Citiezn Kane (c) D.R.CITIZEN KANE
d’Orson Welles
Par Nadia MEFLAH


SYNOPSIS : Le milliardaire Charles Foster Kanes (Orson Welles), magnat de la presse, vient de mourir dans sa fabuleuse propriété en prononçant un denier mot : " Rosebud "… A partir de cet énigmatique indice, le reporter Thompson va tenter de reconstituer la vie de ce personnage si étrange. Pour parvenir à ses fins, il rencontre avec détermination toutes les personnes qui ont pu approcher Kane de près ou de loin. Au fil de l’enquête, il découvre la vraie personnalité de ce milliardaire hors du commun...

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MAUX D’ENFANT

Citizen Kid

 Citiezn Kane (c) D.R.

Raconter un conte à son enfant, au soir, auprès de lui, dans un mouvement secret où se joue, entre vous, quelque chose qui se grave, une voix de gravats. Presque noir et doux, terrifiant comme l’amour. Retrouver, chaque soir, ce rendez-vous d’amour phatique semble hanter le premier long-métrage d’Orson Welles. Citizen Kane ne serait qu’une longue incantation de la mère perdue, trop tôt arrachée. Le degré zéro du conte de fée est de raconter le récit d’un trauma de l’enfance : perte du père pour Blanche Neige, mort de la mère pour Cendrillon, abandon de l’enfant avec le Petit Poucet et Hänsel et Gretel. Kane, comme ces personnages de conte, déroule une vie marquée par les épreuves, et celle, première de la rupture du lien familial. Il est abandonné à une banque pour le bien de sa vie. Dans un conte, le héros doit quitter ses proches, sa demeure, son village, sa vie ancienne pour accéder à son identité, en vivant une série d’épreuves initiatiques. Avec comme horizon d’attente la récompense suprême : gloire, amour, richesse. Sauf que la fin de l’histoire pour Kane n’est pas « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » D’une grande pauvreté matérielle (la propriété est au nom de la mère, le père ne possède rien, si ce n’est sa main qui s’abat souvent sur le fils) il passera à une extrême richesse quasi obscène, la 3ème au monde. Ce basculement du destin, d’une banalité (celle des pionniers de la terre) à l’exception (celle des puissants de la modernité industrieuse) inscrit le film dans une logique d’excès, du trop, du débordement. De l’ordre de la maladie, d’une peste au cœur de la transmission qui s’est rompue sans raison. Aucune raison au monde (comment expliquer que sa mère l’a abandonné pour son bien ?) ne comblera Kane qui ne cessera d’accumuler des trésors du monde entier, sans satiété, sans jouissance de l’acquis. Le lien phatique fut trop rompu. Il ne peut être qu’une bouche énorme que rien ne pourra combler. Alors l’ogre Kane voudra tout et ne jouira de rien...



"Citizen Kane", le film qui a révolutionné le cinéma
Grand Format
Wolf Tracer Archive / Photo12 - AFP
Introduction
Sorti en 1941 et premier long métrage d'Orson Welles alors âgé de 26 ans, "Citizen Kane" deviendra l'un des plus grands films de tous les temps.


Chapitre 01
Un film qui ne laisse personne indifférent
Archives du 7eme Art / Photo12 - AFP
Le film "Citizen Kane" mélange les genres, les procédés cinématographiques, alternant le grand et le détail, proposant une sorte de ballet moderne, réaliste, expressionniste et poétique, composé de quatre récits, parfois contradictoires, sur la vie de Charles Foster Kane.


Une histoire romancée, mais qui fait écho à la vie d'un vrai magnat de la presse, William Randolph Hearst, très mécontent de se voir caricaturer dans une fiction. Le scandale est inévitable.


Film d’une grande force, au scénario complexe, à la violence satirique, au montage ciselé, il est considéré comme l’un des meilleurs films de l'histoire du cinéma.


"Citizen Kane" débute avec la mort de Charles Foster Kane. Dans un dernier râle, le moribond prononce le mot "Rosebud", ce qui intrigue son entourage et la presse. Un journaliste reporter, Jerry Thompson, est chargé par son rédacteur en chef, directeur des actualités cinématographiques, de trouver la signification de ce dernier mot du milliardaire excentrique, mort seul dans son manoir de Xanadu.


Le journaliste enquête et rencontre ceux qui ont connu Charles Foster Kane. Ainsi, le film se construit à coup de flashbacks levant petit à petit le mystère de la vie de cet homme.


L’histoire de "Citizen Kane" tient sur un script de 51 pages. C’est tout. 51 pages pour devenir un des films les plus révolutionnaires de l’histoire du cinéma. Une révolution que l’on doit, en grande partie du moins, à Orson Welles, à la fois le réalisateur et le comédien qui incarne le personnage de Charles Foster Kane.


>> A voir: la bande-annonce du film "Citizen Kane":




Chapitre 02
Le génie d'Orson Welles
Archives du 7eme Art / Photo12 - AFP
Orson Welles est une grande gueule, talentueux, coureur de femmes, redoutable buveur, gros mangeur, sujet à des accès de mélancolie autant qu’à de grandes envolées lyriques et à des colères effroyables. On le connaît excessif, cabotin, génial, ne tenant pas en place, multipliant les projets.


Il est né à Kenosha, Wisconsin, le 6 mai 1915. C’est un enfant prodige. Il sait lire à deux ans. A trois ans, il commence à jouer du piano. A cinq ans, il se passionne pour Shakespeare. Il connaît plusieurs pièces par cœur, les met en scène avec des marionnettes. A huit ans, il rencontre Harry Houdini, le célèbre illusionniste qui lui apprend quelques trucs. Il devient magicien. Il apprend à dessiner, se révèle être remarquablement doué pour ça aussi. Il voyage avec ses parents, son père, ingénieur, sa mère pianiste. Elle meurt quand il a dix ans. Ce qui le motive peut-être à écrire une analyse de "Ainsi parlait Zarathoustra" à onze ans.


A treize ans, notre jeune prodige fonde sa première troupe de théâtre. A quinze ans, il monte un condensé des huit pièces historiques de Shakespeare et reçoit un prix de l’association dramatique de Chicago pour sa mise en scène de "Jules César". Il mesure déjà 1m80, fume des cigares, se coiffe de chapeaux imposants et perd son père. Le voilà orphelin, élevé par un ami de la famille.


A 21 ans, marié et papa, il commence sa carrière radiophonique, proposant des actualités dramatiques en prêtant sa voix aux personnalités vivantes: Négus, Mussolini, Hitler.


Pendant une période heureuse, il court les stations de radio, louant une ambulance pour passer plus vite d’une station à l’autre dans les villes déjà étouffées par la circulation. A 23 ans, il fonde le Mercury Theater et crée une véritable panique en adaptant "La Guerre des Mondes" de H. G. Welles.


Nous sommes le 30 octobre 1938, veille d’Halloween. Le texte est saisissant. Quelques auditeurs ne comprennent pas qu’ils ont affaire à une pièce radiophonique. Ils pensent qu'une invasion martienne est réellement en train de se passer et ils paniquent. L’événement est monté en épingle par la presse. Orson Welles est durement critiqué.


>> A écouter: une archive radio de la RTS: "Orson Welles: A propos de sa célèbre émission radiophonique "La guerre des mondes", suivie de l'émission originale





Orson Welles pendant l'émission "La guerre des mondes" le 30 octobre 1938. [Costa/Leemage - AFP]Costa/Leemage - AFP


Démarge - Publié le 1 décembre 1987
Orson Welles, enfant génial, adolescent brillant, et jeune homme volontaire à qui tout réussit ne peut pas manquer de croiser à un moment donné la route d’Hollywood.


En 1939, tout auréolé du scandale qu’il a créé, Orson Welles, 23 ans, débarque à Hollywood. Le patron du studio RKO Pictures, George Schaefer, lui a offert un incroyable contrat.


A rebours des habitudes les mieux établies de Hollywood, Schaefer accorde à ce garçon un peu rondouillard, et très "Côte Est", la promesse de financer un film par année qui est, à choix, produit, écrit, réalisé et/ou interprété par lui.


Dans la promesse est incluse, chose qui ne se fait jamais à Hollywood dans les années 40, la liberté totale, soit le "final cut". Le studio n’aura aucun droit de regard ni sur les sujets ni sur la mise en scène.


"Voilà bien le plus beau train électrique qu’un garçon puisse rêver".


Orson Welles, visitant pour la première fois les studios de la RKO
Dès lors, on peut imaginer à quel point l’arrivée d’Orson Welles à Hollywood, avec un contrat pareil, va soulever jalousie, rancœur, et même haine.


Interviewé en 1974 par le journaliste anglais Michael Parkinson, Orson Welles raconte: "Je n’ai jamais appartenu au milieu hollywoodien. Quand j’ai débarqué, (...) j’étais ce type avec une barbe qui allait pouvoir faire tout ce qu’il voulait, tout seul, et je représentais un futur terrible: je représentais ce qui allait arriver à cette ville. J’étais haï et méprisé. Bon j’avais quand même quelques amis qui étaient des dinosaures, et j’ai bien aimé cette période. Je crois, quand je regarde en arrière, que je me suis montré trop optimiste sur Hollywood."


Orson Welles a le don de provoquer. Son arrogance est aussi célèbre que son talent. Il annonce haut et fort son mépris et son antipathie pour le milieu des stars, producteurs et réalisateurs. Bref, le gratin hollywoodien. Mais on en a autant pour lui. On se moque de lui, on boycotte sa première réception, on se moque de ses cravates, de sa barbe, on souhaite son départ et on est très content quand ses deux premiers projets hollywoodiens tournent courts.


Car en arrivant à Hollywood, chose incroyable, venant du théâtre, il ne sait encore rien du cinéma. On sait qu’il possède sur le bout des doigts les règles de la dramaturgie et qu’il sait captiver un public. Mais la technique cinématographique, l’écriture cinématographique, c’est autre chose. Son producteur George Schaefer lui a fait rédiger un manuel. Welles multiplie alors les stages techniques, s’initie aux caméras, aux projecteurs, aux mystères des enregistrements sonores. Et il apprend vite. Au bout de quelques mois seulement, il connaît tous les mécanismes du studio et les secrets de la prise de vue.


Pour parachever sa formation, il regarde beaucoup de films, avec une prédilection pour "Le Cabinet du docteur Caligari", de Robert Wiene, chef d’œuvre de l'expressionnisme allemand, et "La Chevauchée fantastique" de John Ford.


>> A lire aussi: Orson Welles, portrait d'un géant du cinéma


Chapitre 03
"Silence! Un génie au travail"
Archives du 7eme Art / Photo12 - AFP
A la fin de l’année 1939, Orson Welles est prêt à se lancer dans la réalisation de "Citizen Kane". Jouant l’indifférence à la critique hollywoodienne et au fait qu’il a énervé tout le monde, il convoque John Houseman son vieux complice, et Herman J. Mankiewicz.


Ce dernier est à cette époque un scénariste déchu. Il était connu dans les années trente mais se contente désormais de faire de la critique. Orson Welles, en arrivant à Hollywood, le contacte. Car il sait que Mankiewicz est l’ami de Marion Davies qui n’est autre que la maîtresse du magnat de la presse Randolph Hearst.


A ce titre, Mankiewicz a ses entrées dans la demeure des Hearst et peut connaître des détails croustillants qui peuvent alimenter n’importe quelle histoire. Et il semble que ces détails ont bel et bien alimenté l’histoire de "Citizen Kane".


Les trois hommes, Welles, Houseman et Mankiewicz travaillent plus de trois mois sur un nouveau scénario qui parlera d’un magnat de la presse et de l’histoire de sa vie. Selon les propres mots du réalisateur, le synopsis a pour thème une enquête journalistique présentant des points de vue différents sur le même homme, Charles Foster Kane.


"Selon certains, Kane n’aimait que sa mère, selon d’autres, il n’aimait que son journal, que sa deuxième femme, que lui-même. Peut-être les aimait-il tous, peut-être n’en aimait-il aucun. Le public est seul juge. Kane était la fois égoïste et désintéressé, un idéaliste et un escroc, un très grand homme et un individu médiocre. Tout dépend de celui qui en parle. Il n’est jamais vu à travers l’œil objectif d’un auteur. Le but du film réside d’ailleurs plus dans la présentation du problème que dans sa solution" explique le réalisateur.


Sur le tournage du film "Citizen Kane" sorti en 1941. [Archives du 7eme Art / Photo12 - AFP]
Sur le tournage du film "Citizen Kane" sorti en 1941. [Archives du 7eme Art / Photo12 - AFP]


Le scénario terminé, le premier tour de manivelle de "Citizen Kane" est donné en été 1940. Cela fait exactement un an qu’Orson Welles a débarqué à Hollywood.


Dans le Motion Picture Herald, un journal américain, un article commente le fait le lendemain en titrant: "Silence! Un génie au travail".


Sur le plateau, il y a Gregg Toland, un formidable directeur de la photographie. Il vient d’ailleurs d’être oscarisé pour son travail sur "Les Hauts de Hurlevent" de William Wyler. C’est à lui que Welles devra la photographie très contrastée de son "Citizen Kane".


Welles ne veut pas de vedettes hollywoodiennes. Il fait donc appel à ses copains de théâtre et de radio avec à leur tête Joseph Cotten et Everett Sloane.


Je suis né pour jouer les rois.


Orson Welles, réalisateur et acteur
Pour devenir le citoyen Kane, il s’astreint à un régime lait et bananes pour prendre du poids. Le tournage dure 15 semaines. Sa réalisation est entourée d’un secret impressionnant et l’on connaît l’anecdote du commando de producteurs, qui ayant osé pénétrer sur le plateau pendant le tournage ont trouvé les acteurs en train de jouer au base-ball sur ordre de leur metteur en scène.


Le film est livré au montage le 23 octobre 1940. Et c’est là que les choses vont se corser…


Chapitre 04
Un personnage de fiction?
Archives du 7eme Art / Photo12 - AFP
A cause de la discrétion et du silence complet entourant le tournage de "Citizen Kane", on commence à jaser. Dans le milieu, des bruits courent sur la nature scandaleuse du scénario.


Louella Parsons, une journaliste connue attachée aux journaux du magnat de la presse William Randolph Hearst et qui avait jusque là soutenu Orson Welles, avise son patron. On prétend que la biographie imaginaire du héros du film de Welles est largement inspirée de la vie de Hearst lui-même, considéré comme le plus grand trusteur de la presse américaine. Haïssant les Japonais et grand soutien du fascisme aux Etats-Unis, c'est un admirateur d’Hitler et de Mussolini.


Dans le film d'Orson Welles, la vie de Kane apparaît sous divers éclairages et facettes: enfant turbulent, héritier ambitieux, journaliste passionné, amant tyrannique, candidat malheureux, mari maussade, businessman romantique, collectionneur aigri, amant égoïste et mécène manqué.


Le film se construit comme un puzzle pour tenter de donner du sens aux dernières paroles du milliardaire: "Rosebud".


Ce Citizen Kane est un personnage de fiction. L’affaire pourrait s’arrêter là, être sans conséquence. Mais c’est sans compter sur Louella Parsons, la journaliste férue de scandales qui répand la nouvelle dans la presse: "Citizen Kane" est une transposition calomnieuse de la vie d’un grand homme américain, son patron, Randolph Hearst. Elle avance comme preuve le nom de Mankiewicz qui a ses entrées dans la maison Hearst.


Immédiatement, l’autre journaliste en ragot, principale rivale de Louella Parsons, Hedda Hopper prend le relais et soutient Orson Welles de toute sa plume.


Au milieu de ce combat, il y a la RKO, Orson Welles et Randolph Hearst qui lui se reconnaît dans le Xanadu, le palais délirant de Kane qui ressemble à sa maison. Il se reconnaît dans sa liaison avec Marion Davis dont il essaie de faire une star. Il reconnaît le petit mot qu’il utilise, semble-t-il, dans l’intimité pour qualifier le clitoris de sa maîtresse, "Rosebud". Bouton de rose. C’en est trop.


William Hearst ne croit rien des dénégations de Welles et de la RKO et il obtient que ses avocats, ainsi que Louella Parsons assistent au visionnage du film en fin de montage. La RKO cède sous la pression. Ça sent mauvais pour Orson Welles.


Orson Welles (en blanc) dans son film "Citizen Kane". [Archives du 7eme Art / Photo12 - AFP]
Orson Welles (en blanc) dans son film "Citizen Kane". [Archives du 7eme Art / Photo12 - AFP]


Chapitre 05
Une sortie mouvementée
Marty Lederhandler - AP Photo /Keystone
Le film, tourné pour 800'000 dollars entre le 29 juin et le 23 octobre 1940, est un bijou de virtuosité. L’extraordinaire mise en scène ne passe pas inaperçue. Tant dans la forme que sur le fond, "Citizen Kane" est un chef-d’œuvre, malheureusement pas du goût de tout le monde.


Dans la salle, pour cette première projection test, les avocats et Louella Parsons sont scandalisés par ce qu’ils voient à l’écran. Pour eux, on porte clairement atteinte à l’intimité de Randolph Hearst. Du coup, ce dernier fait pression pour interdire la sortie du film. Purement et simplement.


Welles rétorque que le citoyen Kane n’est pas Randolph Hearst, mais un personnage de composition, imaginaire. Il rajoute même de l’huile sur le feu en annonçant par voie de presse que si on continue à lui échauffer les oreilles avec cette histoire, il mettra en chantier une grande idée de scénario concernant vraiment la vie de Hearst.


C’est alors que le magnat de la presse, l’homme le plus puissant de Californie, décide d’utiliser les grands moyens, ceux à sa disposition. Il impose de retarder la sortie du film. Et ses amis se mettent à l’aider. Louis B. Mayer, le patron de la MGM, fait une offre de 842’000$ au président de la RKO, George Schaefer.


Tout ce que Schaefer a à faire c’est de détruire le négatif. Mais Schaefer ne veut pas. Alors, on mandate le chef de la censure de l’époque, Joe Breen. Et on lui organise une projection privée de "Citizen Kane".


>> A voir: un extrait du film "Citizen Kane"




Va-t-il ou ne va-t-il pas prendre la décision de brûler la pellicule? On sait qu’il a touché des pots-de-vin. Orson Welles est dans la salle. Il se souvient:


"Tout le monde disait: inutile de chercher les ennuis, brûlons-le, tout le monde s’en fiche, ils en encaisseront la perte. J’avais un chapelet que j’avais mis dans ma poche et à la fin de la projection sous le nez de Joe Breen, bon catholique irlandais, je l’ai fait tomber par terre en disant: "Oh excusez-moi" et je l’ai remis dans ma poche. Sans ce geste, c’en aurait été fini de 'Citizen Kane'".


Le négatif est sauvé. Mais le 8 janvier 1941, les vingt-huit journaux, les treize magazines et les huit stations de radio appartenant au groupe Hearst reçoivent l'ordre de refuser toute publicité du studio RKO. De plus, on menace tous les autres studios de leur livrer une guerre sans merci s’ils continuent de soutenir la RKO.


Le studio commence à plier et envisage d’annuler la sortie du film. Orson Welles réplique. Il menace publiquement la RKO d’un procès pour rupture de contrat.


Chapitre 06
Admiré par la critique mais boudé par le public
Photo12.com - Collection Cinema / Photo12 - AFP
Le studio se décide finalement à sortir le film en salle, espérant que l’aura de scandale qui l’a précédé fera venir la foule dans les cinémas.


Mais le public boude, trouve le film abscons, compliqué, labyrinthique. Le 6 mai 1941, jour du 26e anniversaire de Welles, le film est projeté à Chicago devant une salle à moitié vide. Tous les amis d’Orson Welles sont là qui chantent: "Joyeux anniversaire Orson, que Hearst crève d'apoplexie en vociférant des insanités."


Pour la critique, pourtant unanime, le film est un chef-d’œuvre. Ultime.


Le Times écrit: "C'est la découverte décisive de nouvelles techniques dans l'art de la réalisation et de la narration"; Newsweek reconnaît Welles comme "le meilleur acteur de l'histoire du cinéma dans le meilleur film qu'on ait jamais vu", et Life ajoute encore: "Hollywood nous a offert peu de films avec une histoire aussi forte, une technique aussi originale et une photographie aussi excitante."


Tous admirent l’utilisation des flashbacks qui, mêlés à l’écriture du film, lui apportent une fraîcheur d’écriture jamais vue auparavant. On salue également les prises de vue, osées, cadrées, le grand travail sur la lumière, les plans séquence, l’utilisation de fausses actualités cinématographiques, le travail de narration non chronologique, révolutionnaire pour l’époque, ainsi que le son, tout en finesse dans une partition de Bernard Hermann.


"Citizen Kane" gagne un succès d’estime. Mais pas d’argent. "Citizen Kane" est un retentissant échec commercial pour la plus grande joie de Randolph Hearst et des ennemis d’Orson Welles. Et on le sait, à Hollywood, quand un film ne fait pas d’argent, le réalisateur se fait taper sur la caméra.


>> A écouter: L'émission "Travelling" consacrée au film


Citizen Kane, Orson Welles, 1941.
Archives du 7eme Art/Photo12
AFP [Archives du 7eme Art/Photo12 - AFP]Archives du 7eme Art/Photo12 - AFP


Travelling - Publié le 29 septembre 2019
A Orson Welles, le petit génie, on retire tous ses privilèges. Ce fameux contrat qu’il avait signé en 1939 en arrivant à la RKO et qui lui donnait les pleins pouvoirs est rompu.


Le film est sélectionné pour neuf oscars en 1942. Il n’en remporte qu’un, celui du meilleur scénario.


Après "Citizen Kane", Orson Welles se lance dans un nouvel échec commercial "La splendeur des Amberson", amputé par des producteurs peu scrupuleux, puis dans "Voyage au pays de la peur", remonté aussi par les producteurs.


C’en est trop. C’est la rupture avec Hollywood. Welles se décide en 1945 à vendre les droits de "Citizen Kane" pour 20'000 dollars. Mal lui en prend. En 1951, à la mort de Randolph Hearst, le film ressort sur les écrans et connaît enfin un succès important. Orson Welles ne touche pas un centime.

Comme il ne touchera jamais un centime de tous les passages en salles, de toutes les diffusions télé, ni même qu’il ne bénéficiera de l’aura de ce film culte. Le film certainement le plus étudié, le plus vu et le plus analysé de toute l’histoire du cinéma.

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Il ait des films dont on a toujours entendu parler et que l'on n'a jamais vu et Citizen Kane en fait partie. J'ai toujours entendu dire qu'il était le "meilleur film de l'histoire du cinéma", comme si une oeuvre pouvait être pesée à l'aune de l'excellence cinématographique, son essence gravée à jamais dans le marbre !

Il est vrai que le film de Welles est au firmament, dans les classements, et est depuis 30 ans au top 1 de l'American Film Institutegenre de classement intéressant mais fort subjectif, très à la mode à notre époquemais dont il faut se méfier ! Sur le site le plus complet sur le cinéma et le plus fréquenté au moknde, Imdb, le film le mieux noté reste Les Evadés, de Frank Darabont, avec Morgan Freeman et Tim Robbins, et, sans manquer de respect à Darabont, je ne pense pas que son opus carcéral soit le meilleur film de l'histoire du cinéma et j'ai connu meilleur film sur l'univers de la prison !

Ce dernier exemple illustre bien la fragilité du jugement humain, lorsqu'il s'agit d'art et sur le clivage entre critiques de cinéma et choix du public, antagonisme que l'on va retrouver avec Citizen Kane, encensé par la critique, boudé par le public, puisque Welles perdra 150 000 $ sur ce film, somme considérable en 1941 !

Emerveillé par sa Soif du Mal, je me préparais donc à un choc visuel en mirant le Citoyen Kane ...et, malheureusement, malgré les prouesses visuelles et l'originalité du scénario, je suis resté sur ma faim ! En fait, je ne suis jamais vraiment entré dans le film, ni dans la propriété de Kane,

 

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la mythique et mystérieuse Xanadu,

 

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forteresse isolée, sur son promontoire rocheux, qui m'a rappelé les châteaux inquiétants des films fantastiques d'UniversalDracula et Frankestein, clin d'oeil de Welles à la créativité de ce cinéma là !

Magnat de la presse immensément riche, Charles Foster Kane se meurt, le substantif "Rosebud" étant le dernier mot chuchoté, clôturant une vie bien remplie ! Terme freudien, mi-enfantin, mi-sexuel, qui peut renvoyer à quelques douceurs sucrées ou à une partie très intime de l'anatomie féminine, Rosebud sera le fil conducteur de l'histoire, Graal sémantique que rechercheront les chevaliers de l'investigation journalistique !

 

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La mort de ce tycoon richissime va alors se propager dans le monde, faisant la Une dans tous les pays,

 

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une opportunité pour revenir sur la vie incroyable de ce titan de la presse écrite et radio-diffusée,

 

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dont l'enfance a été volée !

 

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Citizen Kane, jeune rentier milliardaire, va alors se lancer à l'assaut de l'Inquirer, journal quotidien, pour débusquer les turpitudes des puissants et défendre les droits des opprimés,

 

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Robin des bois de papier qui désespérera ses conseillers ! Construit à coups de nombreux flash-back, mêlant scènes de la vie de Kane,

 

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témoignages de proches, et travail des investigateurs,

 

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le film peut se targuer d'une double modernité :

- modernité narrativeavec la construction de tous ces récits enchâssés, qui a du trancher avec l'académisme de l'époque, et qu'on pourrait comparer à la révolution grammaticale de la Nouvelle Vague, au début des années 60, qui a du séduire le critique et décontenancer le grand public !

- modernité visuelle, avec ces jeux d'ombres et de lumières, très caravagesques, ces plongées et contre-plongées,

 

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qui feront la marque de fabrique de Welleset qui ont du époustoufler le critique des années 40, plus habitués au plan américain, qu'à ces vertigineuses prises de vues que n'auraient pas renier Véronèse !

Visuellement, le film est innovantinventant une grammaire cinématographique nouvelle qui sera le bréviaire de Welles,

 

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narrativement originale, l'histoire emporte le spectateur dans un tourbillon de récits différents, entre la biographie et le documentaire, exercice intellectuellement exigeant qui a du ravir le critique new-yorkais !

Mais alors ...pourquoi ne suis je pas entré dans le film ? Car cette oeuvre ressemble à une équation mathématique, finement ciselée, à la logique implacable, mais à laquelle il manque l'émotion ...Il y a une froideur chez Welles qui n'a d'égale que la rigueur cartésienne avec laquelle il pense ses films ! Si Citizen Kane a pu impressionner, par sa nouveauté, le public averti de l'époque, à juste titre, 70 ans plus tard, ce fumet de modernité radicale a disparu, laissant l'histoire à nue, dans sa sécheresse baroque !

 

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 Analyse - Scène de l'enfance, scène une

Avis sur Citizen Kane

Avatar TheBride Critique publiée par TheBride le 8 mai 2014

Scène de l’enfance.


Un enfant avec son traineau glisse sur la neige dans un paysage blanc. Pas d’arrière plan, rien que la neige. L’effacement de toute perspective apporte une dimension féérique. Il était une fois un petit garçon… Mais cette histoire, on le sait n’aura pas une fin heureuse. Ce monde, recouvert d’une neige protectrice, ne restera pas longtemps intact.

Dans cette séquence, Orson Welles révèle la part de cauchemar qui fait parti du conte. Et lorsqu’on voit bruler le traineau à la fin du film, l’histoire du petit garçon est réellement terminée. Le feu emporte à jamais merveilles et cauchemars.

Le mot Rosebud, qui s’est effacé, nous renvoi au tout début du film, à un microcosme, un monde en soit d’une parfaite harmonie, comme au premier plan de notre conte. Mais ce microcosme a explosé sous nos yeux. L’image de la boule éclatée met l’univers du petit garçon sous le signe du danger. Ce monde merveilleux doit lui aussi disparaître.

Dans cet univers blanc, l’enfant a une maison. Le panneau nous indique que cette maison est aussi un lieu de commerce, et que c’est une femme qui le dirige. D’emblée, l’homme, Monsieur Kane, en est exclu. L’enfant jette une boule de neige sur ce panneau. Ce geste, d’apparence innocent, entraine l’apparition de la mère. Un instant, on garde l’illusion d’un retour au plan précédent. On a l’impression d’être encore à l’extérieur avec l’enfant, jouant en toute liberté, mais nous ne le sommes plus. L’intrusion de la mère dans l’espace de l’enfant vient perturber l’atmosphère dans laquelle on s’était installé et donne un autre statut au plan. Désormais, c’est elle qui est maitre de la situation, elle est au centre de la mise en scène, et va imposer son rythme à la caméra. La caméra recule en travelling arrière, rivée à ses gestes. L’extérieur, l’espace de l’enfant, nous avait procuré une sensation d’infini, infini de blanc. Aucun obstacle ne pourra arrêter le regard, espace sans perspective, sans limite. A l’intérieur au contraire, les éléments du décor accentuent la perspective : le plafond, les poutres, la cloison. Cette perspective là bloque le regard.

Nous sommes à l’intérieur de l’espace des adultes, espace de marchandage. Nous sommes à l’extérieur de l’espace de l’enfant, espace de liberté. Ici, pas de hors-champ, tout est dans le cadre. Orson Welles nous expose l’enjeu de la séquence pendant ce travelling arrière entre l’enfant et la table. Il s’agit d’une transaction dont l’objet est un enfant piégé au fond du cadre. Welles met le spectateur en situation d’observateur, de témoin. Tout est net à l’image, de l’avant plan à l’arrière plan. C’est grâce à cette profondeur de champ, caractéristique du cinéma d’Orson Welles, que le regard du spectateur peut aller et venir entre ces deux pôles : du contrat, à l’objet du contrat.

Ce que l’enseigne supposait se confirme : le père n’a pas le droit à la parole. Pas d’hésitation dans la décision de la mère. Pour elle, l’enfant est déjà sous la tutelle de la banque. La caméra quitte l’espace de la signature et vient saisir la résignation du père. Une rente de 50 000$ que le banquier propose de verser à la famille Kane clôt définitivement la discussion. La caméra abandonne le père, et le laisse aller vers la fenêtre. La fenêtre cristallise le conflit du couple parental. Welles joue avec cet élément du décor pour redynamiser la séquence. Le père a fermé la fenêtre sur l’enfant, la mère va l’ouvrir et affronter le problème de face. Le souffle du vent s’engouffre dans la maison. Maintenant, la tension dramatique est à son paroxysme. Welles coupe net, d’un raccord violent.

La tension nait de se raccord, qui met cette fois le spectateur face à une mère meurtrie. C’est seulement au moment où la caméra est à l’extérieur de cet espace de transaction que la mère, tournant le dos aux deux hommes, exprime son émotion, un sentiment qui n’avait pas lieu d’être à l’intérieur. Dans cet espace intermédiaire, entre l’intérieur et l’extérieur, le temps est comme suspendu. Dans un jeu retenu, la comédienne nous fait entrer dans toute la complexité de son personnage. Pour la première fois, la mère laisse apparaître sa fragilité. On comprend que jusque là, elle n’a fait que jouer le rôle d’un personnage fort et sans faille. Mais cet instant d’émotion est de toute façon sans conséquence. Dès qu’elle s’est ressaisie, la caméra la devance et attend les adultes dans l’espace de l’enfant. Ce lieu n’est plus un espace protégé. La neige environnante est comme souillée par la présence des adultes. Ils ont fait irruption dans le monde du jeune Kane et vont procéder à son enfermement.

L’enfant, pris au piège, voit physiquement son espace se rétrécir jusqu’à l’étouffement. Utilisant Thatcher et le père, la mère a verrouillé l’espace et impose l’enferment dans une structure triangulaire. En ne laissant à l’enfant qu’une seule direction possible, celle d’aller vers le banquier, elle lui interdit tout mouvement vers son père. La mère a rendu l’enfant prisonnier, il n’a plus de liberté de mouvement, mais toute la volonté de la mère ne suffit pas à apprivoiser l’enfant. Même si sa révolte ne peut se tourner que vers l’élément étranger, il résiste. C’est à l’emprise et la décision de sa propre mère qu’il tente d’échapper. Dans ce raccord, où pour la première fois dans cette séquence, Welles utilise le gros plan et isole de ce fait la mère de tout contexte pour aller au plus profond de ses sentiments. Elle donne la vraie raison pour laquelle est se sépare de son enfant : l’éloigner de cet homme brutal et du monde qu’il représente.

Madame Kane, a préféré pour son fils le nouveau monde, représenté par la banque, à l’ancien monde, représenté par le père. Elle l’éloigne d’un far-ouest misérable et sans avenir. La découverte d’un gisement d’or lui en a donné les moyens. Elle pousse volontairement le jeune Kane vers le monde capitaliste, la seule voie possible à l’heure où la société américaine se modernise et entreprend son industrialisation, à l’heure où les mythes se transforment. La mère incarne l’esprit de conquête, moteur de l’histoire de l’Amérique. Mais la conquête de l’Ouest est terminée, la circulation des hommes est un temps révolu. La notion même de conquête est passée. On est entré dans l’ère de la circulation des biens, et des marchandises. Le véritable affrontement a commencé, celui d’un individu face à celui de l’argent, le thème de tout le film. La violence sera maintenant une constante dans toutes les métamorphoses que va subir le citoyen Charles Foster Kane.

Le sifflement lointain du train arrache Kane à son enfance. La séquence, qui avait commencée avec le traineau glissant sur la neige, faisant corps avec l’enfant, finit sur ce même traineau, à présent inerte, abandonné, ensevelit.


Scène une.


No Trespassing. La pancarte nous avertit qu’il est interdit de franchir cette grille. La caméra d’Orson Welles commence par entrer par effraction dans une propriété privée. Le ton est donné, la caméra nous entraine dans un délit. On viole le sens de la propriété, valeur fondamentale de la société américaine. La musique contribue à installer le mystère. On est plongé dans un paysage fantastique, où le regard circule dans des espaces, fait de l’accumulation d’éléments hétéroclites, venus d’autres mondes, d’autres temps. Ce décors baroque, fait naitre une atmosphère fantasmagorique. Seule la pancarte du début, qui nous interdisait d’entrer dans ce domaine, renvoyait à une réalité. Ici, nous sommes au cœur de l’inconnu. Cette séquence est un prologue, qui va introduire six témoignages. Dans ce prologue, Orson Welles n’explique rien. Il veut d’abord captiver l’attention du spectateur, l’extraire, en quelques sortes, du monde extérieur, pour l’immerger dans le sien. Au bout d’un moment, on comprend que chaque plan est composé autour d’un point lumineux, positionné au même endroit d’un cadre à l’autre. Comme attiré par ce point lumineux, on s’approche de la fenêtre. Et quand on va entrer à l’intérieur de ce château, Orson Welles brise la continuité. Soudain, la musique s’arrête, et la lumière s’éteint. On passe de l’extérieur à l’intérieur comme dans un tour de passe-passe. Dans les deux plans, la fenêtre garde les mêmes proportions dans le cadre. Ce trucage, pendant un instant, agite notre perception. Le spectateur continu à être basculé entre l’extérieur et l’intérieur, ce qui l’empêche de se sentir installé. Ce trouble entraine une vague sensation de malaise, lié à l’attente. On est venu violer l’intimité d’un individu, jusque dans la mort, saisir son dernier souffle de vie. A peine entré à l’intérieur, on est à nouveau renvoyé à l’extérieur, face à un chalet dans la neige. Un brusque mouvement de caméra en travelling arrière nous fait comprendre que ce paysage dans lequel nous avons cru être n’était qu’une illusion et ne tenait que dans une main. Ce long prologue, ne nous aura finalement conduit qu’à un corps fragmenté, anonyme, énigmatique. A ce moment du film, nous ne savons toujours pas où nous sommes, ce que signifie ce mot, Rosebud, ni qui est cet homme que l’on vient de voir mourir. Le malaise est total. Le mystère reste entier. Un monde d’illusion vient de se briser sous nos yeux. Avec l’infirmière qui entre, on renoue avec la réalité. Mais cette réalité est elle-même déformée. C’est un reflet trompeur qui nous est donné à voir. Dans ce plan, réalité et illusion coexistent. La caméra, qui nous a conduit jusque ici, Orson Welles l’appelle audience-camera, une caméra dont la fonction est de se substituer au regard du spectateur sous le contrôle du réalisateur. L’audience-camera nous guide à la manière d’une voix off, celle de l’auteur s’adressant directement à chaque spectateur et l’invitant dans son univers. Orson Welles, maitrise parfaitement cette audience-camera.


u en VO le 17/10/08,

à l'Institut Lumière (Lyon 8e), à 21h15


(1941) d'Orson Welles


Avec : Orson Welles, Joseph Cotten, Dorothy Comingore...


Au début des années 1940, Charles Foster Kane meurt dans son manoir de Xanadu, en prononçant dans un dernier souffle « Rosebud » (« bouton de rose »). Ce dernier mot énigmatique attire la curiosité de la presse. Le journaliste Thompson est chargé de l'enquête, et va rencontrer différentes personnes ayant côtoyé Kane. Ces rencontres sont accompagnées à chaque fois de flashbacks qui lèvent toujours un peu plus le voile sur sa vie.


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*1941 marque l'entrée en cinéma d'un jeune artiste du nom d'Orson Welles, nourri de Griffith (Intolérance) et de Stroheim (Les Rapaces), et bien décidé à imposer ses trouvailles stylistiques, destinées à révolutionner le Septième Art, qui célèbre depuis des décennies ce Citizen Kane comme le plus grand film jamais réalisé. Si celui-ci est ainsi reconnu et acclamé, c'est donc plus pour sa forme, expérimentale et passionnante, que pour son scénario, simple mais finalement attrayant, qui n'est assurément pas à jeter...


*Souvent, ceux qui trouvent à redire au sujet de Citizen Kane qualifient son scénario de relativement basique et simple, et surtout son portrait d'homme de peu consistant. Pourtant, à y bien regarder, la grandeur qui émane de l'oeuvre n'est pas seulement due aux prouesses stylistiques de Welles, pas uniquement à l'enrobage des séquences mais aussi à leur pur contenu. On comprend l'impression "d'inconsistance" qui peut découler, au premier abord, de ce portrait d'un géant de la presse, puisque l'histoire de celui-ci ressemble vaguement à celle de tant d'autres personnalités; notamment à celle de Howard Hugues et même, dans une moindre mesure, à celle d'Orson Welles lui-même, connu pour sa mégalomanie et sa volonté de faire parler de lui, de gravir les échelons de la notoriété... Ainsi donc, l'histoire de ce Charles Foster Kane a de quoi séduire et captiver en elle-même, tout d'abord de par le charisme de ses interprètes. Hormis peut-être un Joseph Cotten qui n'en était pas à son premier rôle, Welles s'entoure ici des comédiens au côté desquels il jouait au théâtre; et c'est dire si ceux-ci font d'honorables premiers pas devant une caméra ! Tandis que Welles lui-même fait des débuts marquants à la mise en scène, il porte également avec une aisance folle le personnage titre, et ce sur une période d'au moins quarante ans. On peine à dire si c'est la qualité des maquillages ou le talent de Welles qui rend l'évolution du personnage dans le temps aussi authentique et hallucinante ! Par ailleurs, l'artiste est entouré entre autres de deux comédiennes irrésistibles, qui prêtent leurs traits aux personnages des deux épouses successives de Kane. La première, Emily alias Ruth Warrick, est tantôt touchante, tantôt sujette à un ridicule très drôle, lorsque le réalisateur joue sur des "images-temps" pour matérialiser l'éloignement progressif des époux. Lors de la brillante scène en question, Charles et sa femme sont filmés alternativement à un bout et à un autre d'une table qui s'allonge avec les années, éloignant de son époux une Emily dont les tenues sont de plus en plus affriolantes - sans parvenir à attirer l'attention de Kane - et la moue de plus en plus comique ! La seconde épouse, Susan, est portée par une Dorothy Comingore délicieusement nunuche. Ce personnage est une vague chanteuse dont Kane s'éprend et dont il veut faire une cantatrice, allant jusqu'à lui bâtir un opéra à Chicago. La séquence du cours de chant, donné à la jeune femme par un italien fougueux mais supervisée par un Kane très partial et menaçant, est le sommet de drôlerie du film ! Notons également que la partie concernant cette deuxième idylle bénéficie d'un traitement plus ample que les autres - comme pour souligner l'importance de cet épisode dans la lente décadence du personnage. Là encore, la prestance des acteurs fait que l'histoire captive malgré son académisme; et il en va de même pour l'ensemble du récit, qui est finalement la peinture sensible d'un homme que sa célébrité et sa soif de grandeur dépassent. Si l'on va au-delà de son simple contenu, dont la pertinence a donc souvent été remise en cause, l'efficacité du scénario apparaît comme une évidence, puisqu'il s'organise sous forme de flash-backs à répétition, qui constituent le marqueur le plus flagrant d'un style novateur pour l'époque...


*Le fil conducteur de l'oeuvre est la tentative d'un journaliste de comprendre le dernier mot prononcé par Kane, juste avant sa mort : "Rosebud" ("bouton de rose"). Notons que le film maintient tout le long un mystère impénétrable autour de ce "rosebud", jusqu'à cette fin magistrale où le réalisateur semble faire la confidence du sens de ce mot au spectateur; et ce au dépourvu de tous les autres acteurs de l'histoire. Cette parole est d'autant plus intrigante que la première séquence du film, où elle est prononcée - dans un dernier souffle - par Kane, est d'une esthétique tellement atypique et virtuose, qu'elle ferait tendre le film vers le fantastique... Le métrage s'ouvre sur une pancarte "No trespassing", tandis que la caméra fait fi des hautes grilles pour nous rapprocher lentement de la lugubre demeure de Xanadu, construite par Kane pour sa seconde épouse mais restée inachevée suite à leur rupture. Ca n'est pas tant le parc étonnement exotique que les procédés visuels du réalisateur qui envoûtent et créent une atmosphère très sombre. En effet, les vues du château (de plus en plus rapprochées) sont raccordées les unes aux autres par de langoureux fondus, remarquablement précis dans l'axe linéaire qu'ils dessinent. C'est comme si la fenêtre faiblement éclairée de la chambre du personnage ne bougeait pas, et que le décor alentour rétrécissait pour ne laisser finalement place, à l'écran, qu'à cette fenêtre semblant sortie d'un temps ancien, et donc en un sens surréaliste... Dans cette première séquence comme dans le reste du métrage, chaque effet de style est déjà admirable en lui-même, mais sa reprise, abondante et aisée, presque désinvolte, nous laisse autrement subjugué ! Plus loin, Orson Welles nous impressionnera encore en expérimentant magistralement la technique de la profondeur de champ, qui permet la vision nette et simultanée d'évènements se déroulant au premier et à l'arrière plan. A titre d'exemple, citons cette séquence où le tuteur Thatcher vient chercher un Charles Foster Kane alors âgé de huit ans, dans la maison maternelle. Tandis que la caméra s'attarde sur l'enfant jouant dans la neige, un travelling arrière isole cette image dans le cadre d'une fenêtre et fait comprendre que le point de vue se situait en fait à l'intérieur de la maison familiale, où se décide le sort de Charles. Une manière ingénieuse de figurer l'opposition entre deux mondes : l'extérieur, la nature, le monde de l'enfance sauvage; et l'intérieur, chauffé et même "confiné", où les décisions sont prises de manière presque bureaucratique, entre adultes... Pour en revenir à la narration en flash-backs, notons qu'elle est elle-même porteuse d'un style audacieux pour l'époque. A la première séquence précédemment évoquée succède un document cinématographique sur la vie de Kane, qui se présente comme une sorte de "sommaire" de l'oeuvre prise dans sa totalité. Du jamais vu, qui plus est stylisé par l'apparition à l'écran d'articles de presse et autres écritures au sujet du personnage, dont différents aspects sont dès lors exposés. Tandis que le récit cadre (la recherche du sens de "rosebud") est marqué par une peinture peu reluisante de l'univers de la bureaucratie (qui annonce un peu l'univers étouffant et même assommant du Procès), les flash-backs dessinent eux aussi, en parallèle, un mystère : celui du personnage de Kane en lui-même, tellement différent selon les points de vue que le mythe qui l'entoure demeure insondable et donc intact... Cette impression est accentuée par la succession de deux récits différents d'une même période de la vie du personnage : par sa seconde épouse puis par son majordome. Depuis, Les Ensorcelés (Vincente Minelli, 1952) et bien d'autres auront réutilisé cette forme de narration. Citizen Kane conserve cependant la force du premier geste, comme pour beaucoup d'autres idées de Welles...


*En bref : le fait que l'homme d'affaire William Hearst ait fait campagne contre Citizen Kane - où il s'était reconnu - octroie au portrait du personnage une intéressante résonance sociologique. Mais ne nous voilons pas la face : si cette oeuvre en impose autant et est même qualifiée de "borne indestructible de l'histoire du Septième Art", c'est avant tout pour les prouesses stylistiques de Welles, d'une grandeur désarmante.


Note : 5/5

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Citizen Kane Ending Explained



https://www.slashfilm.com/660149/citizen-kane-ending-explained/