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Jugement à Nuremberg : une fiction historique magistrale (en Blu-ray et DVD)
Note artistique : (4/5)
Synopsis
En 1948, après le procès des criminels de guerre, se tient à Nuremberg celui des hauts fonctionnaires du régime Nazi. Haywood, un vieux juge à la retraite, est désigné par les Etats-Unis pour présider les débats. Certains font pression sur lui pour qu'il soit clément.
LA SUITE APRÈS LA PUB• Titre original : Judgment at Nuremberg• Support testé : blu-ray• Genre : guerre, drame• Année : 1961• Réalisation : Stanley Kramer• Casting : Spencer Tracy, Burt Lancaster, Richard Widmark, Marlene Dietrich, Maximilian Schell, Judy Garland, Montgomery Clift, William Shatner• Durée : 2 h 59 mn 10• Format vidéo : 16/9• Format ciné : 1,66/1 Noir et Blanc• Sous-titrage : français• Pistes sonores : DTS-HD MA 5.1 anglais - PCM 2.0 anglais, français• Bonus VOST de 2004 : conversation entre le comédien Maximilian Schell et le scénariste Abby Mann (19 mn 39) - hommage à Stanley Kramer (14 mn 26) - La valeur d'un être humain (6 mn 03) - film annonce (3 mn)• Éditeur : Rimini ÉditionsCommentaire artistique
Avec son prestigieux casting et son traitement dramatique d’un sujet historique particulièrement sensible - d’autant plus qu’il est produit en pleine guerre froide - Jugement à Nuremberg appartient à la catégorie des films de procès avec tout ce que sous-genre suppose de codification, de statisme et de joute oratoire. Néanmoins le film de Stanley Kramer visait l’excellence de la mise en scène avec de nombreuses recherches de mouvements (travelling circulaire autour de Richard Widmark) et proposa une saisissante et magistrale démonstration de « fictionnalisation » écrite par Abby Mann dont le travail sera couronné par un Oscar. Le scénario se fonde sur l’un des seconds procès de Nuremberg concernant des ex-magistrats nazis et sur la version télévisée intitulée Judgment at Nuremberg qui le reconstituait dans la série Playhouse 90 (épisode 28 de la saison 3 diffusé le 16 avril 1959) avec, déjà, Werner Klemperer et Maximilian Schell. Très bien documenté, ne nous épargnant pas des archives réelles et insoutenables sur les camps de concentration et reprenant diverse autres affaires judiciaires mettant en jeu des exactions nazies, Jugement à Nuremberg est un modèle de subtilité. Filmé juste dans l’après-guerre, à Nuremberg pour les extérieurs et dans une copie réduite du vrai tribunal reconstituée à Hollywood, ce film courageux aurait pu n’être qu’un récit manichéen ou un règlement de compte basique avec les sbires hitlériens mais la réalisation de Stanley Kramer s’applique à décortiquer les implications des uns et des autres, notamment en soulignant, par le biais de la plaidoirie de l’avocat Hans Rolfe (joué par Maximilian Schell), le laxisme de la politique américaine qui laissa Hitler accéder au pouvoir (d’ailleurs ne pourrait-on pas y déceler une résonnance assez contemporaine ?). Le cinéaste a su également étoffer et nuancer les caractères et les doter d’une réelle humanité, servi par une interprétation hors pair. Si Spencer Tracy, Judy Garland, Richard Widmark ou Marlene Dietrich n’avaient plus rien à prouver concernant leur immense talent, cela se voit à l’écran, il faut souligner la performance de Maximilian Shell qui remportera un Oscar justifié ainsi que celle époustouflante de Burt Lancaster, incarnant un Ernst Janning mutique qui n’aura droit de prononcer ses répliques qu’à l’extrême fin du film ! La mise en scène ne fut pas de tout repos entre Marlene Dietrich soucieuse de son image et rechignant à jouer une allemande dans le déni, Judy Garland submergée par l’émotion et Montgomery Clift affecté par son penchant pour l’alcool (sa prestation sera néanmoins probante). Abordant de nombreuses questions d’éthique, d’eugénisme, de culpabilité, de responsabilité politique et de justice, résumées dans le remarquable monologue de onze minutes de Spencer Tracy joué et filmé en une seule prise, Jugement à Nuremberg reste un film complexe et étonnamment moderne, en particulier sur la question de la survivance du nationalisme-socialisme, qui ne craint pas de trancher par sa sentence finale sans ambiguïté. Avec son scénario exceptionnel, suscitant la réflexion par son argument dérangeant, son casting prestigieux et sa très belle photographie en noir et blanc, le film de Stanley Kramer n’a rien perdu de son efficacité psychologique et de sa virtuosité à développer une fiction historique aussi riche en questionnement. Un film à recommander sans hésiter même s’il faut déplorer que la présentation « roadshow » avec ses musiques (dix minutes supplémentaires) d’ouverture, d’entracte et de clôture n’ait pas été retenue. Brillant.
Commentaire technique
Image : copie HD, bonne définition globale avec parfois un excellent piqué sur les gros plans de visages, bon contraste, étalonnage homogène, noirs profonds, échelle de gris nuancée, quelques défauts subsistent (taches blanches), arrière plans des transparences moins détaillés, bonne compression
Son : mixage anglais avec choix du la version 2.0 (PCM) ou 5.1 (DTS-HD MA) sans grande différentiation ; ces nouveaux mixages (son mono au cinéma) sont très bien conçus donnant la priorité aux dialogues qui sont spatialisés, jaillissant au niveau des acteurs ou hors champ, la musique d’Ernest Gold qui possède une superbe dynamique est harmonieusement répartie ; pas de défaut ou de distorsion ; VF monophonique plus artificielle et plus datée mais néanmoins très soignée
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Jugement à Nuremberg
Un grand merci à Rimini Edition pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Jugement à Nuremberg » de Stanley Kramer.
« Ce procès est exceptionnel car tous ces hommes ont commis des crimes au nom de la loi »
En 1948, le juge Haywood est envoyé à Nuremberg pour présider le procès de quatre magistrats allemands accusés de trop de complaisance à l'égard du régime Nazi.
L'un d'eux, Janning, se renferme dans un silence méprisant et, en écartant les témoignages et les films sur les camps de concentration, dit qu'il n'a fait qu'appliquer la loi en vigueur...
« On accorde le bénéfice du doute à tout le monde, c’est notre péché à nous les américains »
Fin des années 50. L'Amérique se réveille tout doucement d'une longue gueule de bois. Comme si la Guerre Froide avait rendu les américains tellement schizophrènes qu'ils en étaient finalement arrivés à piétiner leurs propres idéaux de démocratie, à commencer par les amendements de leur Constitution garantissant les libertés individuelles fondamentales, le temps d'une terrible chasse aux sorcières. Tout cela, quelques années à peine après avoir combattu (et triompher) la barbarie des régimes totalitaires, drapés dans leurs idéaux de justice et de démocratie. Et tandis que la société commence à faire son examen de conscience, Hollywood remet au goût du jour les films de procès, comme pour exalter le triomphe de la justice et de la probité revenues. Les nouveaux héros de cinéma seront désormais des hommes humanistes et intègres, près à défendre leur vision de la justice et de la vérité seul contre tous, comme dans « Douze hommes en colère », « Procès de singe » ou « Du silence et des ombres ». C’est dans ce contexte que le très progressiste Stanley Kramer, ardent pourfendeur du racisme (« La chaine », « Devine qui vient diner ») et de la surenchère militaire (« Le dernier rivage ») se lance en 1961 dans la réalisation de « Jugement à Nuremberg ».
« L’Allemagne n’est pas la seule coupable. Le monde entier est aussi coupable d’Hitler que l’Allemagne »
Librement adapté d'un épisode de la série télévisée « Playhouse 90 », lui-même inspiré du véritable procès de la magistrature nazie qui s'est tenu à Nuremberg en 1948, le film propose une subtile réflexion sur le concept même de la justice en tant que référence sociétale morale. Avec en creux la question de savoir si le fait d'obéir à la loi - si mauvaise et immorale soit-elle - engageait la responsabilité personnelle des juges, faisant de facto d'eux des coupables, ou à défaut des complices des crimes de masse de l’Allemagne Nazie. Basé sur un scénario formidablement clair et malin, le film prend le temps de replacer ce procès dans le contexte houleux de l'Allemagne de 1948 encore en ruines, exsangue et sous la menace directe d'une invasion soviétique. Il prend également le temps de faire venir à la barre différentes victimes, présentant un éventail non exhaustif des horreurs perpétrées légalement par le Régime Nazi: condamnations à mort arbitraires, stérilisation systématique des opposants, déportations... On y entendra aussi divers témoins, représentant l'ambigüité morale de la grande majorité des allemands qui cautionnent globalement la politique du régime tout en se cachant derrière l'argument de l'ignorance des crimes de masse. Mais surtout, Kramer sait se montrer transgressif lorsqu'il évoque, le temps de la plaidoirie de la défense, la passivité des régimes occidentaux (et du Vatican) qui ont fermé les yeux autant que les industriels américains qui ont collaboré et prospéré avec un régime dont ils savaient déjà pratiquement tout de son ignominie. Et plus encore lorsqu'il montre l'attitude du gouvernement américain qui, par pragmatisme et au nom de la realpolitik (nécessité de s'assurer le soutien de l'Allemagne face aux soviétiques), se montre prêt à passer l'éponge sans que justice ne soit rendue. Mais outre la pertinence et l'intelligence de cette réflexion sur la légitimité de la justice et de ceux qui la rendent, le film vaut également pour son extraordinaire face-à-face d'acteurs de premiers plans qui dévorent littéralement l'écran: de Spencer Tracy à Burt Lancaster en passant par Richard Widmark, Marlene Dietrich, Montgomery Clift ou Maximilian Schell, qui sera oscarisé pour son interprétation. Un film majeur et essentiel, dont la pertinence de ses interrogations n'a (hélas) pas pris une ride.
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Le DVD : Le film est présenté en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également proposés.
Côté bonus, le film est accompagné du module « Hommage à Stanley Kramer » (6 min.) ainsi que d’une bande-annonce.
Edité par Rimini Editions, « Jugement à Nuremberg » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 8 janvier 2019.
La page Facebook de Rimini Editions est ici.
28 août 2019
Jugement à Nuremberg (1961) de Stanley Kramer
TITRE ORIGINAL : « JUDGMENT AT NUREMBERG »
A la suite du Procès de Nuremberg des grands dignitaires nazis (1945-46), douze procès secondaires, appelés parfois « procès successeurs », se déroulèrent dans la zone d’occupation américaine. Le film de Stanley Kramer s’inspire du « procès des juges » qui se tint en 1947 : 16 personnes, anciennement juristes, procureurs et juges, furent inculpés. Dans le film, ils ne sont plus que quatre à comparaître et l’histoire se concentre sur le plus emblématique d’entre eux. Si, il faut bien l’avouer, Stanley Kramer n’a pas toujours convaincu de la qualité de sa réalisation, Jugement à Nuremberg le montre à son meilleur. Son film est intense et restitue bien la gravité du sujet. Il questionne sur la notion de responsabilité personnelle et collective, et aussi sur la culpabilité. L’intensité est encore plus forte avec l’insertion des images d’archives filmées à l’ouverture des camps de concentration, images épouvantables qui créent un choc. C’est l’un des tous premiers films montrant ces terribles documents (1). Le récit donne une large place aux scènes de prétoire. Stanley Kramer a réuni un plateau prestigieux. Un seul acteur montre une certaine outrance dans son jeu (et c’est lui qui a gagné l’Oscar) : Maximilian Schell en avocat de la défense. Les autres acteurs savent trouver le ton juste. Quelle que soient les critiques que l’on peut lui faire, le film a les qualités de son sujet : ces procès sont l’un des plus grands évènements historiques du XXe siècle, une première dans l’histoire de l’Humanité. Malgré une durée de 3 heures, le film draina une large audience.
Elle:
Lui :
Acteurs: Spencer Tracy, Burt Lancaster, Richard Widmark, Marlene Dietrich, Maximilian Schell, Judy Garland, Montgomery Clift, William Shatner
Voir la fiche du film et la filmographie de Stanley Kramer sur le site IMDB.
Voir les autres films de Stanley Kramer chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Stanley Kramer…
Remarques :
* L’utilisation du zoom était encore récente en 1961. Les quelques « coups de zoom » très brutaux peuvent s’expliquer ainsi. Ils paraissent ridicules aujourd’hui.
* Les personnages Ernst Janning (interprété par Burt Lancaster) et Emil Hahn (celui qui n’a aucun remords) (interprété par Werner Klemperer) sont inspirés de personnages réels.
* Le blocus de Berlin par les soviétiques (24 juin 1948 – 12 mai 1949) n’eut pas lieu pendant le procès des juges (13 février 1947 – 3 décembre 1947) mais il eut bien lieu pendant d’autres « procès successeurs ».
* Lorsque la première du film se tint à Berlin le 14 décembre 1961 (devant tout un parterre de journalistes transportés à grand frais), le verdict dans le procès d’Adolf Eichmann récemment retrouvé et enlevé par les israéliens en Argentine, avait été rendu deux jours auparavant.
* Pour en savoir plus sur ce procès : lire la page dédiée sur le U.S. Holocaust Memorial Museum. (en anglais)
(1) Il faut bien entendu mentionner le court métrage d’Alain Resnais Nuit et Brouillard qui les montraient dès 1956.
Burt Lancaster dans Jugement à Nuremberg de Stanley Kramer.
Maximilian Schell et Richard Widmark dans Jugement à Nuremberg de Stanley Kramer.
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