luni, 18 octombrie 2021

Otto Preminger : Anatomy of a Murder, 1959

 Autopsie d'un meurtre

COMÉDIES / COMÉDIES DRAMATIQUESDRAME0

Autopsie d’un meurtre

Film d’Otto Preminger
Titre original : Anatomy of a Murder
Année de sortie : 1959
Scénario : Wendell Mayes, d’après le roman Anatomy of a Murder de Robert Traver
Photographie : Sam Leavitt
Montage : Louis R. Loeffler
Musique : Duke Ellington et Billy Strayhorn
Avec : James Stewart, Arhur O’Connell, Ben Gazzara, Lee Remick, George C. Scott, Joseph N. Welch, Eve Arden

What’s your legal excuse, lieutenant? What’s your legal excuse for killing Barney Quill?

Paul Biegler (James Stewart) dans « Autopsie d’un meurtre »

En 1959 sortait Autopsie d’un meurtre, un classique du legal drama qui n’a rien perdu de sa saveur et de son intérêt.

Synopsis du film

Années 50, dans une petite ville du Michigan. Paul Biegler (James Stewart), ancien procureur de district, est désormais un avocat qui ne court pas après une grande carrière. Son quotidien tranquille est fait de parties de pêche, de soirées à boire du bourbon avec son ami alcoolique Parnell McCarthy (Arthur O’Connell), lui-même ancien avocat, et de petites affaires plus ou moins banales.

Un jour, une dénommée Laura Manion (Lee Remick) fait appel à ses services. Son mari Frederick (Ben Gazzara) vient d’être arrêté pour le meurtre de Barney Quill, un barman local. Pour une raison compréhensible : Quill, la nuit de sa mort, aurait emmené Laura dans un endroit désert avant de la violer.

Après quelques hésitations, Biegler accepte l’affaire, pour laquelle il réclame à son ami Parnell une assistance technique. Une chose l’ennuie : il s’est écoulé un certain temps entre le moment où Frederik a appris le présumé viol de son épouse et celui où il a abattu son auteur. Ce délai empêche l’avocat d’évoquer un geste purement impulsif. Biegler suggère alors à son client de réfléchir à une « justification légale » de son acte.

Le lendemain, après avoir obtenu la réponse de Frederik, Biegler prend sa décision : il va évoquer une « pulsion irrésistible » – une forme de folie temporaire qui, si elle est reconnue, déleste l’accusé de toute responsabilité pénale…

Critique d’Autopsie d’un meurtre

Si l’un des films de procès français les plus célèbres s’appelle La Vérité, celle-ci est presque secondaire dans Autopsie d’un meurtre. Disons, plus précisément, que le film n’est pas une quête vers elle, pas plus qu’il ne cherche à l’honorer ; mais bien sûr elle plane, en partie insaisissable (hors-champ), dans l’esprit du spectateur, et dans la salle d’audience où se déroule la majeure partie de l’action. Par ailleurs, le récit ne dessine pas d’enjeux moraux affirmés : dès le début du film, nous savons que la stratégie de défense adoptée par l’avocat Paul Biegler (Stewart) et son client le lieutenant Manion (Gazzara) est basée sur une déformation volontaire des faits. Faits dont certains resteront ambigus jusqu’au bout, ce qui rend difficile, chez le spectateur, la formation d’une opinion tranchée – mais dans le fond, un bon film a rarement pour but d’en susciter une…

James Stewart dans Autopsie d'un meurtre
James Stewart dans « Autopsie d’un meurtre »

La formation d’une telle opinion entrerait d’ailleurs presque en contradiction avec le sujet du film, avec sa vocation pourrait-on dire, qui est de montrer le fonctionnement d’un procès criminel dans toute sa complexité et son ambiguïté. Le scénario et la mise en scène décryptent avant tout des stratégies de défense et d’attaque, de manipulation des événements, de témoins et de jurés, et bien sûr d’utilisation du droit. Ainsi, si Autopsie d’un meurtre nous fait adopter assez naturellement le camp des avocats incarnés par James Stewart et Arthur O’Connell, c’est davantage en raison de la sympathie qu’ils inspirent que par adhésion ferme à la cause qu’ils défendent. (Même si on adhère franchement à certains arguments de Biegler, notamment quand il démonte totalement la manière, honteuse, dont le procureur évoque la tenue et le comportement soi-disant provocants d’une femme pour faire douter du viol qu’elle aurait subi).

Arthur O'Connell et James Stewart dans Autopsie d'un meurtre
Arthur O’Connell et James Stewart

À quelques exceptions près donc, Autopsie d’un meurtre ne compte pas parmi les nombreux films de procès qui font vibrer, chez le spectateur, des convictions politiques, sociales ou humanistes : l’approche est ici à la fois technique, pragmatique et volontiers ironique (voire légèrement cynique).

Ce n’est pas un hasard si le film est reconnu par de nombreux professionnels du droit comme l’un des meilleurs du genre (en 1989, l’American Bar Association, qui regroupe des avocats et des étudiants en droit, l’a désigné parmi les 12 meilleurs films de procès de tous les temps) : cette réputation est certes liée aux indéniables qualités artistiques du film (nous y reviendrons) mais aussi à sa pertinence sur le plan purement juridique. Le scénario de Wendell Mayes (également auteur de celui de l’excellent Tempête à Washington, du même Preminger), basé sur un roman de Robert Traver (lui-même inspiré de faits réels), explore en particulier la fameuse règle du précédent (stare decisis).

Ben Gazzara et James Stewart dans Autopsie d'un meurtre
Ben Gazzara et James Stewart

Celle-ci diffère de ce qu’on appelle la jurisprudence constante du fait qu’il suffise d’une unique décision « jurisprudentielle » pour qu’elle puisse faire référence. C’est cette règle, qui s’applique notamment dans les pays de common law (dont font partie les États-Unis), qu’utilise habilement Paul Biegler pour défendre son client dans Autopsie d’un meurtre (tout en sachant pertinemment qu’elle ne devrait pas s’appliquer en l’occurrence, ce pourquoi nous sommes face à un film pragmatique et non moralisateur !).

Lee Remick et James Stewart dans Autopsie d'un meurtre
Lee Remick et James Stewart

Pour se référer au titre du film, si autopsie il y a, elle n’est pas objective et neutre comme celle qu’un légiste pratique sur un cadavre. Elle n’est pas scientifique, même si on considère parfois le droit comme une science humaine et sociale, ce qui semble tout de même assez discutable. Ici, l’autopsie se pratique par la rhétorique : on dissèque avec des mots et des arguments, pour révéler non pas une réalité objective mais pour éclairer, de différentes manières, une réalité abstraite, à des fins plus ou moins intéressées (remporter un procès).

Eve Arden et Arthur O'Connell dans Autopsie d'un meurtre
Eve Arden et Arthur O’Connell

Et quels mots, justement. Les dialogues du film sont absolument remarquables. Le sujet l’exigeait, bien sûr, tout comme il exigeait un jeu d’acteur de très haut niveau (quiconque a vu une véritable plaidoirie aura conscience de cela), et Autopsie d’un meurtre est absolument irréprochable sur ces points. Les joutes au tribunal entre James Stewart et le procureur campé par George C. Scott sont de très haute volée. Le talent (et la classe) de Stewart étant davantage reconnu, on saluera ici en particulier celui de Scott, grand comédien qui refusera plus tard l’Oscar remporté pour son rôle dans Patton (1970) par rejet du principe de compétition entre acteurs. Le tout jeune Ben Gazzara (Meurtre d’un bookmaker chinois) est par ailleurs très juste dans le rôle de l’antipathique Frederik Manion, le militaire violent et macho défendu par Biegler. Mais il n’est pas un second rôle qui ne soit servi par des dialogues au cordeau et par un acteur, ou une actrice, qui les maîtrise parfaitement.

George C. Scott livre une performance remarquable dans le film. On aperçoit à l’arrière plan, de gauche à droite, Eve Garden, Lee Remick, James Stewart et Ben Gazzara

À cette précision du jeu et du texte s’additionne celle de la mise en scène d’Otto Preminger, brillante du premier au dernier plan. L’essentiel du film se déroulant dans un tribunal, on saluera notamment la capacité de Preminger à varier les angles de vue, non pas seulement pour dynamiser la réalisation et donc ne pas ennuyer le spectateur, mais aussi et surtout pour souligner les enjeux des différentes séquences, les jeux d’influence et de manipulation qu’elles renferment, en jouant sur les perspectives et les positions des comédiens les uns par rapport aux autres.

George C. Scott, Lee Remick, Joseph N. Welch dans Autopsie d'un meurtre
George C. Scott et Lee Remick (à l’arrière plan, Joseph N. Welch dans le rôle du juge)

Chaque scène est intellectuellement stimulante, formellement parfaite et c’est pour cette raison que la relative longueur du film ne se fait pas ressentir. Autre atout et non des moindres, la remarquable bande originale composée par le génial Duke Ellington et son complice Billy Strayhorn, une BO bien particulière qui ne reprend pas le principe de la plupart des musiques de film (souligner l’atmosphère ou l’émotion propre à une séquence) mais qui se présente plutôt comme un « fond musical » assez libre, souvent cool et décontracté, à l’image, d’ailleurs, du paisible et tranquille Paul Biegler.

James Stewart et Duke Ellington
James Stewart aux côtés du grand Duke…

Une certaine idée de désinvolture se dégage de ce parti pris, qui n’est pas sans rapport avec la distance relative que le film entretient à l’égard de la « Vérité » et de la « Morale ». Rappelons-le, le droit et la morale, si la seconde influence parfois le premier, n’ont ni les mêmes fondements ni la même finalité, et Autopsie d’un meurtre analyse entre autres les liens et les distinctions entre ces deux domaines – avec une finesse inégalée.  

8.5NOTE GLOBALE

Autopsie d’un meurtre demeure, plus de 60 ans après sa sortie, l’un des meilleurs films de procès, se distinguant notamment par une approche technique et pragmatique du genre, qui se teinte volontiers d'une subtile ironie. Servi par une combinaison impressionnante de talents, de génies même (Preminger en était un, assurément), c’est aussi un film admirablement bien écrit, joué, filmé et monté, dont chaque minute est un plaisir des yeux et des oreilles (ces dernières étant par ailleurs flattées par la musique de Duke Ellington et de Billy Strayhorn). Cerise sur le gâteau : le générique de Saul Bass, grand maître en la matière.

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