Pierre Etaix, un Buster Keaton francez
Arte éditions (5 DVD)
L’intégrale Pierre Etaix
Clown, peintre, affichiste, acteur, auteur et cinéaste, Pierre Étaix était tout cela à la fois. Né en 1928 à Roanne, Pierre Étaix a été l’assistant de Jacques Tati mais aussi son gagman ingénieux et l’auteur de la très belle affiche de Mon oncle. Après un passage par le music-hall et le slapstick, Pierre Étaix réalise son premier court métrage en 1961 co-écrit avec celui qui restera son ami et complice, Jean-Claude Carrière. Ensemble ils écrivent un autre court-métrage qui obtient l’oscar du meilleur court de fiction. Leur collaboration se poursuit et en 1963, Étaix réalise le très poétique Le soupirant couronné du Prix Louis Delluc. Suivent Yoyo, Tant qu’on a la santé, Le grand amour et Le pays de Cocagne.
Ses films resteront invisibles pendant longtemps suite à une triste querelle juridique sur les droits d’auteur avec son producteur. Il faudra attendre 2010 pour mettre fin à ce procès et pour que ses films soient enfin restaurés et diffusés.
Sa filmographie est mince, six films, mais laisse une empreinte indéniable dans le paysage du cinéma français. En digne héritier de Buster Keaton et de Laurel et Hardy qu’il adorait, Pierre Étaix a créé des films traversés par la poésie, le burlesque, la tendresse et une forme de douce tristesse face à l’absurdité de notre monde. Ses films sont aussi un vibrant hommage au cirque qu’Etaix aimait tant (il suffit de revoir Yoyo pour s’en persuader). Avec sa femme Annie Fratellini, Pierre Étaix fondera d’ailleurs L’école nationale de cirque en 1974 et s’y consacrera toute sa vie.
Pierre Etaix récupère (enfin) cinq de ses films
Première victoire après de nombreuses défaites Le cinéaste Pierre Etaix est devenu ces derniers mois un symbole de la défense du droit d'auteur. Etaix a remporté un Oscar en 1963 avec son court métrage Heureux anniversaire co-signé avec Jean-Claude Carrière et a réalisé cinq longs métrages. Homme de cirque et dessinateur, amateur de burlesque à l'instar de son ami Jerry Lewis, il fut aussi l'assistant-réalisateur de Jacques Tati sur Mon oncle.
Vendredi 26 juin , le Tribunal de Grande instance de Paris l'a autorisé à recouvrer les droits sur cinq de ses films que lui contestaient depuis 2007 la société Gavroche Productions, qui n'a jamais exploité ses longs-métrages. La décision du tribunal étant exécutoire, les négatifs sont déjà partis aux Archives françaises du film (AFF) pour des vérifications techniques, notamment les éléments sonores.
Flash-back en 2004. Pierre Etaix et le scénariste Jean-Claude Carrière entrent en négociation avec la société Gavroche Productions, en vue de restaurer et d'exploiter quatre films qu'ils avaient co-écrits : Le Soupirant, Yoyo, Tant qu'on a la santé et Le grand amour, en plus d'un autre écrit par Pierre Etaix seul, Le pays de Cocagne. Ils signent un contrat de cession de droits d'auteur, donnant ainsi l'intégralité des droits sur les cinq oeuvres réalisées entre 1963 et 1970. Ce contrat, proposé par l'ancienne avocate du réalisateur, Me Francine Wagner-Edelman, cédait à la société Gavroche Productions, gérée par le producteur Alain Wagner, frère de l'avocate, les droits exclusifs de restauration, de représentation et d'exploitation des cinq longs métrages pour le monde entier. Mais la société de production ne leur avait adressé en retour aucun document d'acceptation. Deux ans et demi plus tard, les auteurs avaient donc fini par considérer que, faute d'engagement ferme de la part du producteur, le contrat était caduc.
Un contrat annulé et 10 000 euros de dommages
Cependant Gavroche Productions s'est dépêché de contester cette interprétation, et, dès janvier 2007, elle fait publier le contrat au Registre public de la cinématographie et de l'audiovisuel (RPCA). En réplique messieurs Etaix et Carrière engagent une action en justice en décembre 2007, soutenus par la SACD. Le TGI vient de leur donner raison, "en l'absence de consentements valablement échangés" et a prononcé la "nullité du contrat de cession de droits d'auteur publié au RPCA".
Le tribunal a aussi débouté la société de productions des poursuites de contrefaçon qu'il avait engagées contre la Fondation Groupama GAN pour le cinéma à qui elle reprochait d'avoir fait restaurer les négatifs de Yoyo et présenté le film lors de projections publiques en 2007 (Festival de Cannes, du Festival du cinéma de Paris). Gavroche productions devra d'ailleurs verser 10 000 euros de dommages et intérêts à la Fondation pour procédure abusive.
Pourtant ce même TGI de Paris avait créé la polémique. Le 28 novembre dernier, il avait rejeté vendredi la demande formée par Pierre Etaix et Jean-Claude Carrière, de "restaurer et d'exploiter non commercialement" ceux-ci. Tout en reconnaissant "l'importance pour le patrimoine cinématographique français des oeuvres en cause", le Tribunal avait estimé qu'un tel argument est "sans portée" sur le contentieux qui oppose les demandeurs à la société Gavroche Productions. En revoyant l'affaire, afin que le dossier soit jugé sur le fonds, il a laissé les milieux culturels s'emparer rapidement du sujet, devenu depuis une affaire politique. "Je me battrai jusqu'à la mort pour qu'aucun autre auteur ne subisse ce que je vis", avait alors affirmé Pierre Etaix, dont le ton inhabituellement tragique contraste avec les oeuvres burlesques.
56 000 signatures pour la pétition
Car depuis, aucun de ces cinq films puissent ne peut-être exploité ou restauré. La ministre de la Culture et de la Communication de l'époque, Christine Albanel, a souhaité une "issue rapide" du conflit juridique qui empêche la nouvelle sortie en salles des films de Pierre Etaix et a réaffirmé son "soutien moral" au cinéaste. Elle avait reçu une délégation, conduite par le comédien Jacques Weber et composée de Tom Novembre, Christophe Malavoy, Cabu et Jean-Paul Rappeneau qui lui avait remis une pétition de 56 000 signatures appelant à favoriser la diffusion des films de Pierre Etaix.
Etaix, 80 ans, a très mal vécu cet épisode. Accablé, il spérait que ses oeuvres très estimées soient diffusées de nouveau au plus grand nombre de son vivant. La décision de novembre dernier était pour beaucoup incompréhensible. Le cinéaste avait en plus trouvé un partenaie, la Fondation Thomson, qui s'engageait à restaurer les quatre négatifs à ses frais, et ne demandait ue le droit de sauvegarder son oeuvre. Des distributeurs réputés pour leur travail pour les films de patrimoine, Wild Side et Carlotta, avaient fait des offres fermes pour exploiter ces films et Arte souhaitait les diffuser lors d'une rétrospective. Cette demande pouvait aussi se ressentirsur les marchés internationaux.
Aussi les amis du cinéastes ont-il décidé de jouer l'opinion conte le système. Mise en ligne sur le site internet d'Etaix, une pétition avait recueilli près de 19 000 signatures, dont celles de Woody Allen et David Lynch, en quelques jours, avant de tripler son nombre grâce aux réseaux sociaux et à Internet. Le monde du cinéma belge s'est mobilisé le 18 novembre 2008 lors d'une soirée de soutien organisée au théâtre de la Toison d'or à Bruxelles.
C'est donc la fin d'un imbroglio juridique. Même si Gravroche peut faire appel d'ici un mois, on peut espérer (re)voir les films de Pierre Etaix en version restaurée prochainement. "Ce n'est que justice ! J'espérais ce dénouement heureux, j'ai attendu bien longtemps", a déclaré de son côté à l'AFP Pierre Etaix, vendredi dans la soirée. "Mon souhait est avant tout que mes films ressortent en salles et pour cela qu'ils soient restaurés au plus vite" a-t-il dit, ajoutant : "ce cinéma-là franchit très bien les frontières, car il n'a pas besoin de sous-titres".
http://ecrannoir.fr/blog/blog/2009/06/30/pierre-etaix-recupere-enfin-cinq-de-ses-films/
C’était un papillon posé sur l’échine de ce mastodonte qu’est le cinéma. Pas même: un rayon de lune… Pierre Etaix appartenait à cette classe rare d’artistes susceptibles de transcender la réalité du monde, de distiller la poésie de l’instant, de perpétuer la grâce de l’enfance. Le plus aimable, le plus discret, le plus génial des clowns français vient de s’éteindre dans sa 88e année. C’est au cirque que se dessine sa destinée: «J’ai vu des clowns à 4 ans et demi et j’ai eu envie de faire ce métier. Tout ce que j’ai appris dans la vie n’a eu qu’un seul but: faire rire les autres».
Il apprend à peindre et à dessiner, et aussi à jongler, à jouer du violon et de la mandoline. Jacques Tati l’engage comme gagman pour Mon Oncle. Il dessine des story-boards et illustre la novélisation que son ami Jean-Claude Carrière tire du film. Il épouse la première femme auguste, Annie Fratellini, avec laquelle il fonde en 1973 l’Ecole nationale du cirque, destinée à ceux qui rêvent des métiers du cirque sans être nés dans la sciure.
«Je suis venu au cinéma parce que j’avais fait le clown», expliquait-il. Il signe Le Soupirant (1962), Tant qu’on a la santé (1965), Le grand amour, et Le Pays de Cocagne (1969). Son chef-d’œuvre reste Yoyo, évocation délicate et nostalgique du monde du cirque dans lequel, pour les beaux yeux d’une écuyère, un milliardaire ruiné par le krach, prend la route.
Le goût du burlesque
Au cinéma, Pierre Etaix joue dans Pickpocket de Bresson, Max mon amour d’Oshima, Le Havre, d’Aki Kaurismäki… Il incarne un clochard au sang bleu dans Chant d’hiver d’Otar Iosseliani (2015). Il tient son rôle dans Les Clowns de Fellini. Le courant passe mal entre les deux hommes: le Maestro tient le clown pour un imbécile ou un ivrogne, quand Etaix voit en lui un enfant éternel. Il a aussi écrit une pièce de théâtre (L’âge de monsieur est avancé, hommage à Sacha Guitry), publié de nombreux livres illustrés…
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