mon cinéma à moi
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LE CINÉMA FRANÇAIS SOUS L’OCCUPATION
En juin 1940, après les quelques semaines de combats qui suivirent ce que l’on a appelé « la drôle de guerre », les Allemands occupent Paris, Le gouvernement du maréchal Pétain s’installe à Vichy, au sud de la Loire, et la France, coupée en deux, peut apparaître désormais comme un élément de l' »Europe nouvelle » en cours d’édification…
Dès 1940, les Allemands entendent contrôler l’industrie cinématographique de la France occupée, et, surtout, favoriser l’exploitation de leurs propres films. Le cinéma français connaîtra pourtant une exceptionnelle vitalité.
LES FILMS DE LA CONTINENTAL
Mais le public français boude les œuvres importées d’outre-Rhin : opérettes viennoises, comédies légères, policiers, évocations historiques « de circonstance » exaltant le nationalisme germanique, etc. Seules quelques brillantes réussites comme Le Maître de poste (Der Postmeister, 1940), Bel-Ami (1939) ou Pages immortelles (Es war eine Rauschende Ballnacht, 1939) et, plus tard, les premières réalisations en couleurs, La Ville dorée (Die Goldene Stadt, 1942) et Münchhausen (Les Aventures du baron de Münchhausen, 1943), remplissent les salles. Pourtant, avant la guerre, les films allemands avaient été introduits avec succès sur le marché français.
Le cinéma fera l’objet d’une double censure : celle du ministère allemand de la Propagande, et celle du gouvernement de Vichy. Une censure aussi bien morale que politique : le plan fameux du Jour se lève (1939) de Carné, où Arletty apparaît nue, avec une éponge pour toute parure, sera coupé. De même, L’Escalier sans fin (1942) de Georges Lacombe se verra amputé de plusieurs séquences, les censeurs jugeant d’une verdeur excessive cette histoire d’une assistante sociale écrite par l’un des meilleurs scénaristes de l’époque, Charles Spaak. On assiste aussi au boycottage des personnalités notoirement antinazies : Jean Delannoy, qui vient d’achever à la veille de l’Occupation Macao, l’enfer du jeu (1939), un film d’aventures fort anodin, doit retourner toutes les scènes où apparaît Erich von Stroheim ; le grand acteur, qui n’a pas caché son hostilité au IIIe Reich, sera remplacé par Pierre Renoir.
Que pouvait-on attendre d’un cinéma français ainsi muselé ? Et qui, par surcroît, avait perdu certains de ses représentants les plus prestigieux. Entre 1939 et 1940 en effet, Jean Renoir, René Clair, Julien Duvivier, Jacques Feyder, Max Ophüls, Jean Gabin, Charles Boyer, Louis Jouvet, Michèle Morgan, Françoise Rosay avaient émigré. Seul Marcel Carné était resté (était-ce, comme devait le dire François Truffaut, parce qu’il n’avait eu aucun succès outre-Atlantique ?) On pouvait certes espérer que le cinéma français allait survivre honorablement, en attendant des jours meilleurs. Mais personne n’aurait osé annoncer l’extraordinaire essor des années 1942 et 1943.
Ce formidable « bond en avant » n’aurait sans doute pas été possible si un autre phénomène, tout aussi inespéré, ne s’était produit : l’augmentation vertigineuse du nombre de spectateurs. Les recettes, qui étaient en 1938 de 452 millions de francs, atteignent, pour l’année 1943, 915 millions ! A cette soudaine prospérité du cinéma français, on peut avancer deux explications: d’une part l’insuccès relatif rencontré par les productions allemandes, et surtout, d’autre part, la disparition des films américains. La production nationale se trouvait libérée du lourd handicap représenté par l’écrasante concurrence hollywoodienne.
UNE « COLLABORATION » PLUS QUE DISCRÈTE
En dépit des contraintes, l’idéologie nouvelle reste fort discrète sur les écrans, même si les autorités vichyssoises encouragent particulièrement les sujets « moraux ». Il est bienvenu d’exalter l’héroïsme, le travail, les saines vertus familiales et la vie au grand air. Mais, à de rares exceptions près, les artistes français se garderont de collaborer. Ils travailleront en ignorant les Allemands et ne montreront aucune complaisance suspecte pour les thèses national-socialistes. Il est significatif qu’aucun producteur – et pas même la Continental n’ait entrepris un film à la gloire de l’Allemagne hitlérienne. La poursuite de l’activité professionnelle n’exclue ra d’ailleurs pas l’engagement patriotique puisque Jacques Becker, Jean Grémillon, Louis Daquin, Jean Painlevé et le comédien Pierre Blanchar créeront clandestinement, en 1944, un Comité de libération du cinéma français.
Cette augmentation massive de la fréquentation des salles a pour corollaire l’essor – quantitatif et qualitatif – de la production. 220 longs métrages seront réalisés au cours de ces quatre années d’occupation, parmi lesquels une bonne quinzaine de chefs-d’œuvre ! On assiste au retour, parfois intéressant, de gloires déjà anciennes. C’est le cas de Marcel L’Herbier ; La Nuit fantastique (1942) est l’un de ses meilleurs films depuis l’époque du muet. Les révélations de l’avant-guerre, tels Carné et Grémillon, voient leur talent confirmé.
LA RELÈVE
Mais surtout on voit la naissance, au cours de ces années 1940 à 1944, d’une véritable nouvelle vague de jeunes auteurs, dont certains deviendront immédiatement les piliers du nouveau cinéma français comme Clouzot, Becker, Bresson ou Autant-Lara. Si bien qu’au moment de la Libération, il existera un cinéma français intéressant, ambitieux, original. En quatre ans, vingt metteurs en scène font leurs débuts, souvent prometteurs, contre quelques-uns seulement au cours de la décennie suivante : une disproportion écrasante. Une authentique école du cinéma français est née, digne des précédentes.
L’année 1941 se révèle cependant fort médiocre. Nous n’en retiendrons que La Fille du puisatier de Marcel Pagnol, L’Assassinat du Père Noël de Christian-Jaque, et Nous les gosses du débutant Louis Daquin. La Continental, qui s’inspirera souvent des genres américains à succès, produit Premier Rendez-vous, une brillante comédie d’Henri Decoin. Henri-Georges Clouzot, qui avait déjà réalisé à Berlin, au début des années 1930, plusieurs versions allemandes de films français, est nommé directeur artistique de la nouvelle firme. Il participera au scénario et à la production de deux films importants : Le Dernier des six (1941) de Georges Lacombe, et surtout Les Inconnus dans la maison (1942) d’Henri Decoin, d’après Simenon. Un autre roman de Simenon, adapté par Marcel Aymé, Le Voyageur de la Toussaint (1942) sera porté à l’écran par Louis Daquin.
Mais la production de 1942 allait réserver de très heureuses surprises. Outre Les Inconnus dans la maison, citons Le Mariage de Chiffon d’Autant-Lara et Pontcarral de Delannoy (on verra dans les stoïques vicissitudes de cet officier bonapartiste sous la Restauration de claires allusions à l’actualité). Deux films policiers, Dernier Atout et L’assassin habite au 21, marquent les remarquables débuts de Becker et de Clouzot. Au mois de décembre, enfin, éclate la révélation des Visiteurs du soir. Au sein de la pénurie générale, le cinéma français entamait un paradoxal « âge d’or ».
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