duminică, 22 iunie 2025

JOSEPH L. MANKIEWICZ (1909-1993)

 

Les Réalisateurs

JOSEPH L. MANKIEWICZ (1909-1993)


[prise de vue] JOSEPH L. MANKIEWICZ


Dans les films américains, qui relèvent d’un cinéma du comportement, les personnages se déterminent par leurs attitudes, leurs actions, leurs réactions. Une exception cependant : les protagonistes des films de Joseph Mankiewicz qui, eux, se déterminent par la parole. Celle-ci est si présente, voire omniprésente, dans ses films, elle apparaît si nécessaire, que, dans Cinquante ans de cinéma américain, Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon assurent que « si le cinéma parlant n’existait pas, Joseph Mankiewicz l’aurait inventé ».


En 20 films, et autant de chefs-d’œuvre, Joseph L. Mankiewicz s’est installé au panthéon des plus grands réalisateurs hollywoodiens. Après avoir été dialoguiste et producteur, il met en scène ses propres scénarios, écrits d’une plume vive et acérée. Il fait tourner les plus grands, décortique les rapports humains et moque avec finesse les différences sociales.


Les personnages des films de Joseph Mankiewicz se définissent par leurs dialogues, qui sont d’une précision absolue. Chaque mot, chaque tournure de phrase et chaque expression ont leur importance. Contrairement aux dialogues des autres grands cinéastes américains, ceux de Mankiewicz se distinguent par leur brillance littéraire, leur dimension intellectuelle et leur « ironie amère ». Alors que les dialogues du cinéma américain servent généralement l’action, chez Mankiewicz, ils priment sur l’action.


1844. Miranda Wells (Gene Tierney) quitte sa famille du Connecticut pour rejoindre son riche cousin Nicholas Van Ryn (Vincent Price) qui vit avec sa femme dans la sombre demeure de Dragonwyck. Van Ryn traite ses métayers avec la dureté de ses ancêtres et souffre parallèlement du fait que sa femme, Johanna (Vivienne Osborne), a été incapable de lui donner un héritier mâle. Johanna tombe bientôt malade et meurt. Peu de temps après, Nicholas demande à Ephraim Wells (Walter Huston), le père de Miranda, la main de sa fille…

Réalisé par Joseph L. Mankiewicz, Somewhere in The Night (Quelque part dans la nuit) place la figure du détective privé dans le dispositif des films sur les amnésiques. Sa forme repose sur les transcriptions visuelles de l’angoisse d’un homme sans mémoire qui cherche l’individu susceptible de l’éclairer sur son passé, puis découvre avec stupeur que celui qu’il veut retrouver n’est autre que lui-même. Et qu’il est un détective privé qu’on soupçonne de vol et d’assassinat.


Joseph Mankiewicz a souvent intégré des éléments théâtraux dans ses films, que ce soit par l’adaptation directe de pièces (The Late George ApleyEscapePeople Will TalkJulius CaesarGuys and DollsSuddenly Last SummerThe Honey PotSleuth), l’inspiration théâtrale (Cleopatra), le cadre du spectacle (All about Eve) ou des références au théâtre (A Letter to Three WivesThe Quiet American). La majorité de ses films se déroulent principalement à huis clos ou dans des intérieurs, avec des extérieurs rares et limités à des plans de situation ou de transition. Même lorsque l’action se déroule dans des lieux multiples, l’idée d’enfermement persiste, comme le souligne le titre No Way Out. Il est révélateur que l’action de son seul western se déroule dans un pénitencier.


on Berkeley Square et The House on the Square. Il s’agit d’une nouvelle adaptation de la pièce de John L. Balderston Berkeley Square, inspirée par The Sense of the Past d’Henry James.

Un samedi de mai, Deborah, Lora Mae et Rita délaissent leurs maris pour organiser un pique-nique sur les bords de la rivière avec un groupe d’enfants orphelins. Juste avant d’embarquer sur le bateau, elles reçoivent une lettre : Addie Ross leur apprend qu’elle a quitté la ville avec le mari de l’une d’entre elles. Pendant la promenade, chacune s’interroge pour savoir s’il s’agit du sien…


L’écriture filmique de Joseph Mankiewicz, aussi rigoureuse que sa dramaturgie, se distingue par un découpage précis, multipliant les angles de prise de vue et les valeurs de plan, sans recourir fréquemment au champ-contre-champ. Les mouvements d’appareil sont nombreux, et la mise en scène joue soit sur la profondeur de champ avec des recadrages en travelling ou en panoramique, soit sur la mobilité du cadre, la caméra suivant les mouvements des personnages comme une ombre. Bien que l’abondance et la fonction du dialogue puissent distraire l’attention, le travail à la caméra, dicté par le contenu dramatique de la scène et son effet sur le public, est essentiel pour l’atmosphère et les rapports entre les personnages. La narration utilise souvent des procédés cinématographiques tels que l’arrêt sur image, l’image subliminale et le flash-back. Six films de Mankiewicz possèdent une structure en flash-back, dont trois multiplient les points de vue, tandis que d’autres films linéaires comportent des éléments suggérant un retour arrière, comme le commentaire à la Chambre des lords dans Five Fingers ou les fresques abîmées qui se restaurent d’elles-mêmes dans Cléopâtre.


Le 23 mars 1950, les Academy Awards (Oscars) sont décernés pour les films sortis l’année précédente. Joseph L. Mankiewicz est l’un des grands triomphateurs de la soirée, puisqu’il obtient, pour A Letter to Three Wives (Chaînes conjugales), l’Oscar du meilleur scénario et celui de la meilleure mise en scène de l’année. C’est une véritable consécration. Trois semaines plus tard, il commence le tournage d’All About Eve, le film le plus célèbre de sa période Fox

1951 est l’année la plus prestigieuse de la carrière de Joseph L. Mankiewicz, qui, pour All About Eve (Eve), va obtenir en quelques semaines les Oscars du meilleur film, du meilleur réalisateur,  et du meilleur scénario adapté. La cérémonie des Oscars a lieu le 29 mars. À ce moment-là, Mankiewicz a débuté depuis neuf jours le tournage de People Will Talk, sans aucun doute son film le plus curieux. L’intrigue présente une grossesse non désirée, un souhait d’avortement, une tentative de suicide et une commission d’enquête sur fond de délation, tout ceci dans une atmosphère qui oscille entre la comédie et le drame.


Le cinéma de Joseph Mankiewicz est profondément influencé par le théâtre, qui est au cœur de sa vision du monde. Ses personnages, souvent acteurs, scénaristes ou metteurs en scène, jouent des rôles, élaborent des récits complexes et créent des mises en scène sophistiquées pour servir leurs intérêts, qu’ils soient nobles ou crapuleux. Ils mentent, jouent un double jeu et manipulent, accordant une importance essentielle à la parole. Ces personnages, intelligents et cultivés, connaissent la valeur des mots, qui, au lieu de clarifier, distraient, dissimulent et travestissent la réalité. Ils se laissent souvent piéger par leurs propres mots, comme le souligne l’Américain au narrateur de The Quiet American : « Vous avez un grand talent pour les mots. Vous dépendez d’eux comme si dire une chose la rendait vraie ».


Diello, un serviteur jadis congédié qui lui propose une association, la comtesse Staviska réplique par une gifle. « Parce que vous m’avez parlé en domestique. Comme un être qui se croirait inférieur et qui essaierait d’acheter ce qu’il penserait ne pas mériter. » Scène qui donne le ton des rapports passionnants entre James Mason et Danielle Darrieux (splendides l’un et l’autre). Dialogues étincelants et mise en scène d’une élégance ironique, qui fait de cette Turquie neutre un immense jeu de dupes, que le héros croit, en vain, pouvoir dominer.

Il y a des films qui tombent sous le sens. Des films que rien ni personne ne peuvent enfermer dans une langue définitive ou livrer aux limbes de l’oubli. Tout a été dit sur le cinéma de Joseph L. Mankiewicz. A peu de choses près. mais cette comtesse qui s’avance pieds nus depuis l’année 1954 garde dans nos coeurs une place à part, une place de choix, une place que bien des films voudraient lui prendre.


Obsédés par leur objectif, les personnages de Joseph Mankiewicz, souvent hantés par un personnage « absent  » (mort, disparu ou en coulisse), oublient que les autres poursuivent aussi un but. Le monde est rempli de chasseurs de chimères et de thaumaturges, et ils ne réalisent pas qu’ils sont eux-mêmes manipulés ou qu’une tierce personne va retourner contre eux leurs propres mensonges. Ainsi, le prédateur devient proie. Quand ils en prennent conscience, ce qui n’est pas toujours le cas, il est généralement trop tard. Ces fins ironiques, comme orchestrées par un destin facétieux, mettent en échec les machinations les plus complexes, car « la vie n’est pas un scénario » et elle se charge de modifier l’évolution et la réalisation, de le « bousiller ». [Alain Garel, « Mankiewicz Joseph Leo (1909-1993) », Encyclopædia Universalis]


Guys and dolls a été joué à Broadway à partir du 21 novembre 1950, au théâtre de la 46e rue. Samuel Goldwyn est l’un des spectateurs de la première et, avant même la fin du second acte, il a décidé de produire une adaptation cinématographique du spectacle. Ce ne sera pourtant qu’en 1954 qu’il parviendra enfin à acquérir les droits tant convoités. Il l’emportera sur ses rivaux en garantissant un million de dollars plus 10 % des bénéfices au-dessus de dix millions de dollars. Un engagement considérable qui rend, dès le départ, le succès financier du film très problématique


JOSEPH L. MANKIEWICZ (1909-1993)