duminică, 1 iunie 2025

JAMES STEWART : L’HOMME TRANQUILLE

 

  • [flash-back] JAMES STEWART : L’HOMME TRANQUILLE
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    [flash-back] JAMES STEWART : L’HOMME TRANQUILLE

    Maigre, extraverti, adolescent attardé, souvent bafouillant et gesticulant, James Stewart ne correspondait pas à l’idée préconçue du séducteur hollywoodien, ni même du bon comédien. Il fut pourtant adulé par la critique autant que par le public, et Kim Novak le désigna comme son partenaire « le plus sexy ». Père de famille tranquille, il fut l’une des rares superstars à ne donner naissance à aucun mythe. À l’écran, on le vit se battre pour ses idées, tout en demeurant réfractaire à toute idéologie : James Stewart, c’est la pure Amérique telle qu’elle se rêve, malgré la conscience progressivement douloureuse d’une utopie contrariée.

    Interprète des valeurs et des idéaux de l’Amérique profonde, James Stewart a prouvé également qu’il était capable de s’adapter à des rôles d’une grande modernité. Sa carrière est marquée par une collaboration féconde avec les meilleurs cinéastes de Hollywood. 

    James Stewart, né en 1908, est l’aîné d’une famille de commerçants aisés d’Indiana, en Pennsylvanie. Après avoir obtenu un diplôme en architecture, il rejoint Joshua Logan dans une compagnie théâtrale du Massachusetts, les University Players. En 1932, il débute à Broadway et, en 1935, déménage à Hollywood, où ses anciens camarades Henry Fonda et Margaret Sullavan sont déjà installés.

    Mr Smith, invité au Sénat par des politiciens corrompus souhaitant faire passer leurs idées malhonnêtes, reste déterminé à demeurer juste et pur, démantelant complots et magouilles. Ce film, le plus idéologique de Capra, se place sous l’ombre tutélaire des présidents Washington, Lincoln et Jefferson, opposant l’homme « simple » à l’homme de pouvoir, la campagne à la ville, l’individu au groupe. Les acteurs sont tous époustouflants, et James Stewart, incarnant l’homme qui croit en l’homme personnifie les naïfs avec une finesse infinie.

    C’est le plus beau des Lubitsch, car le plus sensible : les gags irrésistibles, comme celui de la boîte à cigarettes musicale ou de l’employé qui fuit chaque fois que son patron lui demande un avis sincère, sont teintés d’une délicieuse mélancolie slave. Dans cet imbroglio sentimental, cette valse des malentendus somptueusement orchestrée, pas de princes, d’escrocs ou de charmeuses, mais des gens ordinaires, moins insouciants, plus fragiles, craignant le chômage, la solitude, tentés par le suicide, mais finissant par en rire.

    James Stewart débute au cinéma en 1935 dans Murder Man de Tim Whelan, où il joue un journaliste, un rôle qu’il interprétera fréquemment. En 1936, il apparaît dans huit films aux côtés de stars de la M.G.M. comme Jeanette MacDonald, Jean Harlow et Eleanor Powell. Margaret Sullavan le choisit comme partenaire dans Next Time We Love d’Edward H. Griffith, et ils tourneront trois autres films ensemble. En 1938, Stewart se révèle comme acteur de comédie dans Vivacious Lady de George Stevens avec Ginger Rogers et dans You Can’t Take It with You de Frank Capra avec Jean Arthur. Dans ce dernier, il incarne un jeune héritier capitaliste qui renie son milieu grâce à la famille bohème de sa fiancée. Capra exploite à nouveau ce tempérament candide mais frondeur dans Mr. Smith Goes to Washington (1939), où son marathon oratoire final fait sensation.

    Ce n’est pas une comédie musicale au sens propre ; c’est un film d’amour(s) qui plante son décor dans l’univers étincelant mais impitoyable du music-hall. Trois grâces sont engagées comme girls par le tout-puissant imprésario Florenz Ziegfeld. Du jour au lendemain, ces étoiles (d’un jour ?) voient leur vie et leurs amours bouleversées par le mirage de la célébrité. Bien sûr, le film est ponctué de ballets, mais ce n’est pas ce que l’on retiendra : hormis les numéros chantés et dansés par Judy Garland, qui n’ont pas vieilli, les « pièces montées » de girls florales et satinées de Busby Berkeley ont un petit parfum suranné.

    L’usine à rêves d’Hollywood ne sait pas seulement adapter pour le grand écran des contes glamour pour adultes, elle sait aussi décrire ce qui se passe en marge de la société, preuve de la faculté d’adaptation des plus grands studios cinématographiques du monde. Call Northside 777 appartient à ces drames sociaux qui racontent des histoires de laissés-pour-compte. Son réalisme social minimaliste fascine par sa complexité inhabituelle : à côté d’emprunts aux films de gangsters, de détectives, de tribunaux et de reporters, des stratégies quasi documentaires veillent à l’authenticité et à la crédibilité du récit.

    Alternant avec succès entre comédies et drames, aux côtés de Claudette Colbert, Marlene Dietrich, Carole Lombard et Margaret Sullavan, sa rivale professionnelle et correspondante amoureuse dans le chef-d’œuvre doux-amer de LubitschThe Shop around the Corner (1940), Stewart incarne également le reporter éméché qui « dégèle » Katharine Hepburn à la veille de son second mariage dans The Philadelphia Story de George Cukor, remportant l’Oscar du meilleur acteur. Mobilisé comme pilote dès l’entrée en guerre des États-Unis, il revient à Hollywood en 1946, couvert de médailles, et refuse le renouvellement de son contrat avec la M.G.M., devenant free-lance. Désormais, il choisit lui-même ses films avec discernement, n’hésitant pas à mettre son cachet en participation.

    Un soir d’été, dans leur appartement new-yorkais, deux riches étudiants étranglent un de leurs amis pour se donner des sensations et pour mettre en pratique la philosophie de leur ancien professeur. Rope représente une étape importante dans la carrière d’Alfred Hitchcock : c’est son premier film en couleur, le premier aussi qu’il maîtrise totalement, puisqu’il en est le producteur exécutif. Amateur de défis, il choisit de s’imposer des contraintes de réalisation qui l’obligèrent à des prouesses.

    Immobilisé dans son appartement avec une jambe cassée, le photographe L.B. Jefferies observe ses voisins, leur prêtant des vies imaginaires, jusqu’à ce qu’un cri dans la nuit le persuade que l’un d’eux est un meurtrier. Avec Rear Window, Hitchcock montre qu’il peut être dangereux d’épier ses voisins. Dans ce thriller haletant, une curiosité bien naturelle – et sans doute compréhensible – envers la vie des autres plonge James Stewart et Grace Kelly dans un cauchemar de meurtre et de suspense. 

    Après l’échec commercial de It’s a Wonderful Life de Frank Capra en 1947, James Stewart modifie son registre de grand boy-scout naïf. Il explore le film criminel avec Call Northside 777 de Henry Hathaway en 1949 et le western avec Broken Arrow de Delmer Daves en 1950. Sa carrière atteint son sommet avec des collaborations avec Alfred Hitchcock (RopeRear WindowVertigo) et Anthony Mann (Bend of the River, The Naked Spur, The Man from Laramie) où il incarne des personnages tourmentés et obsédés par la justice ou la sérénité. Parallèlement, il joue dans des biographies plus conventionnelles, comme The Stratton Story en 1949, The Glenn Miller Story en 1954 et The Spirit of St. Louis de Billy Wilder en 1957.

    En vacances au Maroc, une famille américaine, les McKenna, se trouve mêlée à une histoire d’assassinat qui l’entraîne dans une sombre affaire d’espionnage, dont les fils la conduiront jusqu’à Londres. Le remake hollywoodien de The Man who Knew too Much (film réalisé en Angleterre en 1934) a bénéficié d’un gros budget pour la couleur et la distribution, avec notamment James Stewart et Doris Day dans les rôles principaux. Alfred Hitchcock réalisa un nouveau grand thriller au suspense habilement mené, qui devint le plus gros succès commercial de l’année.

    Vertigo plonge le spectateur dans un mystère étouffant, explorant la fragilité et l’ambiguïté du corps et des âmes. Sur la musique magnifique de Bernard Herrmann, Hitchcock crée un gouffre subtil avec une avalanche de trompe-l’œil. Le doute envahit tout : le décor majestueux de San Francisco, les personnages, de la rigidité apparente de James Stewart aux deux visages de Kim Novak. Le suspense, épuré et nu, devient un discours troublant sur la passion et l’illusion amoureuse, jouant avec ironie sur la mort et l’angoisse. Le meilleur film d’Hitchcock et même l’un des meilleurs jamais tournés

    Otto Preminger exploite brillamment l’évolution de James Stewart, lui confiant le rôle de l’avocat flegmatique mais déterminé dans Anatomy of a Murder (1959). John Ford le met également en scène, d’abord face à Richard Widmark dans Two Rode Together, puis face à John Wayne dans The Man Who Shot Liberty Valance (1962), une élégie westernienne ambiguë. Par la suite, Stewart ne retrouve guère de films de cette envergure, mais reste actif et populaire pendant deux décennies, au cinéma, à la télévision et sur scène, où il reprend Harvey dans les années 1970. Le western lui offre ses meilleures prestations tardives, notamment dans Bandolero ! (1968) et The Shootist (1976), où il diagnostique le cancer de John Wayne. Sa dernière apparition notable est le rôle du général Sternwood dans le remake dans The Big Sleep (1978) par Michael Winner.


JOSEPH L. MANKIEWICZ (1909-1993)