Otar Iosseliani
Longs métrages
1966 : La Chute des feuilles (Giorgobistve)
1970 : Il était une fois un merle chanteur (Iko shashvi mgalobeli )
1994 : Seule, Géorgie (documentaire)
Otar Iosseliani
Otar Iosseliani
Otar Ioseliani en 2010
Nom dans la langue maternelle
Nom de naissance Otar Iosseliani
Nationalité Géorgien
Domicile
Formation
Activités
Période d'activité
Depuis 1957
Films notables Adieu, plancher des vaches !
Otar Iosseliani, né le 2 février 1934 (86 ans) à Tbilissi (Géorgie, à l'époque en URSS), est un cinéaste géorgien installé en France depuis 1982.
Ses films sont particuliers, sortes de films muets parlants, habités de nostalgie et d'un désespoir amusé. On y trouve parfois une certaine familiarité de style qui le rend proche de Tati.
Biographie
Iosseliani étudie d'abord le piano à l'école de musique de Tbilissi (il est diplômé de piano, de composition et de direction d'orchestre). En 1953, il entre à l'université de Moscou pour suivre des cours de mathématiques et mécanique, il y reste jusqu'en 1955. Il s'aperçoit que suivre ce type d'études en Union soviétique signifie être recruté par l'Armée et y être retenu. Pour se dégager en douceur, il s'oriente vers des études de mise en scène à l'Institut de cinéma de l'Union soviétique (VGIK). Il y réalise en 1958 son premier film, Aquarelle, qui passera à la télévision.
En 1961, il réalise Avril. Le film, interdit, ne sera vu en Union soviétique qu'à partir des années 1970.
Iosseliani devient alors pêcheur puis ouvrier métallurgiste, ce qui le ramènera au cinéma deux ans plus tard, avec la réalisation de La Fonte, documentaire sur le travail d'ouvriers d'une fonderie.
En 1967, sortira La Chute des feuilles, le film sera retiré de la distribution en URSS. Il passera cependant les frontières pour être présenté au Festival de Cannes.
1968, Vieilles chansons géorgiennes est interdit par le Comité de Cinéma de Tbilissi. Pour Il était une fois un merle chanteur (1970) la distribution sera limitée aux ciné-clubs mais le film passera également les frontières et arrivera à Cannes en 1974 avec Otar Iosseliani. En 1976, Pastorale est interdit jusqu'en 1979, année où Iosseliani est nommé Personnalité émérite des Arts de Géorgie.
À partir de 1982, Iosseliani travaille en France : il y tourne une Lettre d'un cinéaste pour l'émission de télévision Cinéma, cinéma. En 1983, toujours pour la télévision, il tourne un documentaire, Euskadi.
1984, nouveau long-métrage de cinéma : Les Favoris de la lune, qui obtient le prix spécial du jury à la Mostra de Venise. Iosseliani est nommé Artiste du Peuple de Géorgie. L'année suivante il tourne un documentaire pour la télévision : Un petit monastère en Toscane.
En 1989, Et la lumière fut obtient le prix spécial du jury à la Mostra de Venise.
La Chasse aux papillons sort en 1992.
Nicolas Zourabichvili, compositeur français d'origine géorgienne, assure la collaboration musicale pour nombre de ses films.
En 1994, Arte diffuse le triptyque documentaire Seule, Géorgie.
Avec Brigands, chapitre VII (1996), Otar Iosseliani obtient son troisième prix spécial du jury à la Mostra de Venise.
En 1999, Adieu, plancher des vaches ! se voit récompenser du prix Louis-Delluc. En 1999, il remporte également un Nika du meilleur réalisateur (partagé avec Alekseï Balabanov) pour Brigands, chapitre VII (1996).
En 2001, sort Lundi matin qui se voit décerner L'Ours d'argent au Festival de Berlin.
En 2015, le Festival du film de Belfort - Entrevues lui consacre une rétrospective.
LA PERIODE GEORGIENNE D'OTAR IOSSELIANI
Avant de gagner la France en 1982, où il poursuivra sa carrière, Otar Iosseliani fait un cinéma plein de fraîcheur, respirant la douceur de vivre, et ce malgré le cadre contraignant du communisme. Une atmosphère qui tranche avec son premier film français, Les Favoris de la lune, où les gens courent et grouillent, sous le regard plus que circonspect du réalisateur. Mais déjà on trouve dans Avril, Pastorale, La Chute des feuilles et Il était une fois un merle chanteur, ce recul philosophique face à la frénésie d’une époque, cette volonté de ralentir le temps lorsque tout s’accélère. Dans ses œuvres géorgiennes, le désir de quiétude des personnages est confronté au rythme vorace de la société qu’ils habitent. Chroniqueur des folies de notre temps, son ton se fera plus incisif et noir dans sa période française, le déracinement jouant certainement un grand rôle dans cette vision assombrie de l’humanité.
Dans sa période géorgienne, légèreté et euphorie sont les deux mots qui viennent à l’esprit. On sort comme enivré de ces films, saoulé et revigoré par tant de liberté offerte. C’est que Iosseliani a une tendresse toute particulière pour l’alcool qui délie les langues et rapproche les gens. Il aime rassembler les convives autour d’une table et on ne compte plus les banquets, les repas d’amis, qui parsèment son œuvre. Mais souvent l’euphorie vire à la nostalgie, nostalgie du temps qui passe, nostalgie des choses disparues. Sans peur, sans véritables regrets, juste la simple constatation que le monde change alors qu’on le préférerait immuable. Le passage du temps et le passé revêtent une importance grandissante alors que le cinéaste s’éloigne de son pays natal, qu’une certaine noirceur le gagne. Le passé est vu comme un moment où tout était possible, avant que le monde ne sombre dans le fascisme et le communisme. Mais Iosseliani ne l’idéalise pas, le vit comme un adulte qui pense à ses primes amours, à ses erreurs, avec juste ce qu’il faut de tendresse pour en faire de bons souvenirs. Et le réalisateur de citer la bible : « Pourquoi les jours anciens sont-ils meilleurs que ceux d’aujourd’hui ? », et d’y répondre : « Parce qu’on ne les a pas vécus ». Ainsi, il aime recréer des mondes qui n’ont pas réellement existé, mais plutôt des images reconstituées de ce qui devrait être, comme le Paris réinventé d’Adieu, plancher des vaches ! « Je crois que recréer la réalité signifie que l’on garde dans sa mémoire quelque chose qui a beaucoup d’importance pour soi et que l’on juge nécessaire de le communiquer au spectateur par un dialogue avec lui. »
Ce besoin de recréer le monde naît de son exil, ce qui contraste avec l’aspect souvent documentaire de ses films géorgiens. Mais on sent déjà poindre ce désir de prendre le réel à rebrousse-poil et sous la légèreté, cette tristesse qui va transformer son cinéma quelques années plus tard. C’est que Iosseliani s’accommode mal du communisme et de sa négation de l’individu : « La folie des révolutions, c’est qu’un groupe de gens relativement jeunes décide d’installer la vertu et le bonheur sur terre. Mais, quand on veut rendre les humains justes, bons, libres et généreux, il naît inexorablement le désir de les éliminer tous. » Il est toujours du côté des clochards, des vagabonds, des voleurs et des brigands. Il n’aime pas l’ordre établi et valorise tous ceux qui s’y opposent. Bien entendu la critique est moins radicale, moins ouverte, dans ses films géorgiens, mais malgré le poids des autorités, jamais il n’abandonne son amour de l’homme au profit de la valorisation du système.
Mais cette sourde mélancolie, cette critique voilée, sont portées par un souffle aérien donné par la précision d’écriture du réalisateur. Ce n’est qu’après plusieurs visions que l’on se rend compte de la finesse d’une construction qui donne aux films cette incroyable sensation de liberté et de légèreté. On peut être de prime abord dérouté par l’absence d’histoire forte, mais comme le souligne Gérard Brach (scénariste des Favoris de la lune) : « Les histoires d’Iosseliani sont presque des non-histoires, c’est du temps qui passe avec des péripéties qui sont toutes passionnantes. » Si d’Avril à Il était une fois un merle chanteur, en passant par La Chute des feuilles, le récit repose sur une fable qui accompagne le spectateur doucement dans l’univers du cinéaste, dès Pastorale la tendance à se faire croiser de multiples mini-fictions prédomine. Cette liberté narrative va se renforcer dans ses films de l’exil, où Iosseliani passe du coq à l’âne dans ce qui semble être un joyeux foutoir, fait se télescoper les époques et les lieux, multiplie les personnages loufoques et hauts en couleur, comme dans Lundi matin où l’on croise un facteur tout droit sorti de Jour de fête, un travelo dame pipi, une Gitane et son crocodile...
Pour tous ceux qui aiment être déroutés, le cinéma d’Otar Iosseliani est un Eldorado. Il faut se laisser aller, ne surtout pas y chercher de psychologie, juste éprouver pleinement le plaisir d’être constamment surpris par des films où tout est possible, où rien n’est interdit. Et ce coffret contenant ses premières œuvres est une entrée fantastique dans un univers si personnel et si riche.Par Olivier Bitoun - le 12 octobre 2005
ANALYSE ET CRITIQUE
Iosseliani, après une Chute des feuilles plus ouvertement critique, revient avec cet Il était une fois un merle chanteur à la forme de la fable. Le titre renvoie d’ailleurs à la première phrase des contes géorgiens : « Il était une fois un merle chanteur, et voici ce qu’il racontait… » Guia est percussionniste dans un orchestre de Tbilissi. Toujours en retard, il est pris en grippe par le chef d’orchestre qui veut se débarrasser de cet irresponsable. C’est que Guia ne fait que flâner et flirter sans se soucier de grand-chose.
Le sujet du film est assez ambivalent. Il n’est pas toujours aisé de comprendre comment Iosséliani voit son personnage, et c’est tout l’intérêt d’un film qui permet à chacun de se faire sa propre opinion de l’emblématique personnage qu’est Guia. Il semble gaspiller sa vie, passe son temps à courir, et ne mène jamais rien à bien : « Je cours tout le temps, je n’ai pas une minute à moi. » Il a toujours rendez-vous quelque part, prend mille engagements, et au final est toujours en retard, jamais on ne peut compter sur lui. Guia mène une vie qui part dans tous les sens. On sent qu’il a des aspirations artistiques, mais il ne réussit qu’à marquer les clefs sur la portée de l’œuvre qu’il ne composera jamais. Il met en cause le bruit qui l’empêche de travailler, qui l’oblige à quitter son poste de travail, ces bruits de la ville qui l’attirent au dehors. Mais en même temps il confesse que le silence l’étoufferait. Il a des amis dans toute la ville, court plusieurs amours, mais ne parvient à vraiment s’occuper de personne. Il fuit ses responsabilités, ses engagements. Iosseliani semble gronder son personnage, le mettre en garde contre cette vie sans dimension, sans but. Tout au long du film, Guia est à deux doigts de se faire tuer. Un pot de fleurs tombe à deux pas de sa tête, une trappe de théâtre manque de l’engloutir, des gravats de l’ensevelir... la vie s’arrête souvent brutalement, et il ne reste alors que les regrets de tout ce que l’on a pu faire, de ce qu’on n’a jamais mené à bien. A toujours remettre au lendemain on risque au final de ne rien avoir laissé derrière soi (SPOILER : la fable va s’avérer cruelle, quand on se rendra compte à la fin du film que tout ce qu’a laissé Guia c’est un clou planté dans un mur, où l’un de ses amis accroche son chapeau, seul signe tangible de son passage sur terre).
Mais l’autre face de la fable est tout aussi importante. Guia n’a-t-il pas pleinement profité de la vie ? Sa volonté de ne pas participer à l’activité fourmillante et créative (tous les figurants travaillent, s’activent) du monde qui l’entoure est peut-être une manière de se réapproprier le temps, de le plier à sa vie et non d’en être l’esclave. Par cette manière de mener sa barque, en désynchronisation avec la fébrilité qui l’entoure, Guia impose sa personne et s’oppose à une certaine futilité, une certaine absurdité du monde qui l’entoure. C’est ce refus de s’immerger dans un modèle social axé sur le travail et la production, qui a certainement poussé les autorités soviétiques à interdire le film à l’exportation pendant quatre années (il sera finalement présenté à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs). Guia ne peut être endoctriné, le système est une entité qui ne veut rien dire pour lui, et c’est cette simple affirmation de soi qui en fait un personnage dangereux pour la dictature communiste. Ce mouvement propre que Guia oppose à la marche du temps passe également par l’observation constante du monde qui l’entoure, par sa curiosité jamais rassasiée. Dès qu’un appareil grossissant passe à sa portée, Guia se l’approprie : microscope, télescope, caméra de cinéma, instrument de géomètre. Il se précipite sur ces objets qui lui permettent de regarder le monde autrement. Ainsi, Guia voit certainement plus de choses que le commun des mortels. Il scrute, observe, mais ne prend pas parti.
Il était une fois un merle chanteur est porté par son acteur principal, confondant de naturel, qui embobine le spectateur aussi facilement que les protagonistes du film. Iosseliani refuse de travailler avec des acteurs professionnels. Il favorise les vrais paysans, musiciens ou clochards. Ce qui l’intéresse, c’est de conserver ce qui est propre à un individu et non d’utiliser une personne qui a endossé le costume de dizaines et de dizaines de personnages. Comme toujours, le film est baigné de musique : répétitions du conservatoire, concert de la troupe de Guia et toujours les chants géorgiens que Iosseliani aime tant et qui, d’Avril à Brigands Chapitre VII (1996), forment un hommage vibrant à la culture de son pays. En 1968, avec Vieilles Chansons Géorgiennes, il réalise d’ailleurs un véritable poème chanté en hommage aux paysans des petits villages de son pays.
Iosseliani favorise constamment les plans séquences. Pour lui, les individus se révèlent dans tout leur égoïsme lorsqu’ils sont soumis à un régime politique sévère. Les individualités sont exacerbées, et le plan séquence permet au cinéaste de retisser les liens entre les gens. Il évite les gros plans qui appuient les personnages et préfère les englober dans un seul et même mouvement. Cette figure deviendra prépondérante pendant sa période française. En 1974, René Clair, président du Festival de Cannes, sort bouleversé de la diffusion d'Il était une fois un merle chanteur. Iosseliani ne pouvait rêver plus bel hommage que celui venant d’un réalisateur qu’il considère comme l'une de ses influences majeures.
Archives 2001-2011 / BRIGANDS, CHAPITRE VII
de Otar Iosseliani
BRIGANDS, CHAPITRE VII
Vano est roi d’un tout petit pays. Ce pays est beau, riche et très convoité par ses voisins. Vano passe tout son temps à la guerre. Comme il se doit, il est entouré de courtisans mécontents, hypocrites, jaloux, et traîtres... Vano est un pickpocket habile, un peu trop peut-être pour ne pas être remarqué par une très belle révolutionnaire, qui l’engage à mettre ses talents au service de sa cause. Après la victoire, ils gravissent ensemble les échelons du nouveau pouvoir : l’avenir radieux du socialisme est devant eux…
« En suivant les clochards – magnifiques de détachement et d’indifférence moqueuse – de Iosseliani, on songe à Monsieur Hulot aux prises avec les pièges absurdes de « la vie moderne ». Comme lui, ces vagabonds célestes puisent leur force dans la non-participation à la démence ambiante, dans le refus têtu des délires meurtriers de ce siècle. Brigands est aussi une ode à l’absence – l’absence à soi-même que procure l’alcool, l’absence dans son sens scolaire ou militaire. À l’héroïsme de pacotille et au cinéma des petits malins, à la précipitation aveugle et à la jouissance de la destruction, Iosseliani oppose la splendeur d’un monde enfin apaisé à force d’être contemplé. »
Frédéric Bonnaud, Les Inrockuptibles
Brigands, Chapitre VII
Film de Otar Iosseliani
Comédie dramatique
2 h 09 min
Avec Nino Ordjonikidze, Keti Kapanadze, Alexi Djakeli
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A différentes époques du royaume, Vano est roi, puis commissaire du peuple puis vagabond...
Notre critique:
D’aucuns considèrent Otar Iosseliani comme le Fellini géorgien, nous on se pose des questions face à un film sonore et pas toujours très parlant où l’on se perd dans un abus de non-dits et une trame peu évidente à suivre.
Prix du jury au festival de Venise de 1996, ce film met en scène les mêmes acteurs dans différentes époques, incarnant divers personnages. Par ce biais, le réalisateur a voulu mettre en évidence le fait que tout ce que nous vivons aujourd’hui existait déjà auparavant et depuis longtemps.
Présenté comme un film optimiste, il démontre que la période actuelle n’est pas spécifiquement noire. La barbarie au travers des siècles sert de toile de fond au film. De la Renaissance et ses séances d’inquisition au Paris de nos jours où se vautrent dans le luxe des profiteurs georgiens et russes enrichis grâce au trafic d’armes, en passant par la révolution russe et des vagabonds essuyant des tirs de snipers à Sarajevo… il jongle avec les époques comme avec les acteurs.
Otar découpe son film sans se soucier du qu’en dira-t-on. Il passe d’une scène à l’autre, y retourne, fait un bond en avant pour achever ses tranches de vies toutes articulées autour d’un même thème: pouvoir rire des saloperies qui nous entourent tout en gardant une lueur d’espoir dans nos coeurs. Ses acteurs passent du rôle de salaud notoire à celui de clodo anonyme ou de femme de sultan à celui de secrétaire de mafieux. L’orchestration déstabilisante de Iosseliani fera perdre le fil à bien des spectateurs de même que son humour. De prime abord peu ou pas accessible, on se devra de vouloir, à défaut de pouvoir, aller le chercher. Cette démarche du spectateur ne sera pas souvent récompensée tant le décalage culturel se fait sentir.
Cette fiction sur les années soviétiques et ce qu’il en résulte est loin d’être inintéressante, le tout étant de s’accrocher au wagon et de ne pas le lâcher!
P.S.: Pourquoi BRIGANDS CHAPITRE VII? Parce que, c’est le septième long métrage de fiction d’Otar Iosseliani et peut-être clôt-il le cycle thématique qui lui est cher: l’éventail des saloperies humaines.
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