vineri, 26 aprilie 2024

(II) / Soupçons (Suspicion) d'Alfred Hitchcock - 1941

Umbra unei banuieli


soupçon
nom masculin

(latin suspectio, de suspicere, suspecter)

1. Opinion défavorable à l'égard de quelqu'un, de son comportement, fondée sur des indices, des impressions, des intuitions, mais sans preuves précises : De graves soupçons pèsent sur lui.

Synonymes : doute - suspicion

2. Doute sur l'authenticité de quelque chose : J'ai des soupçons sur sa sincérité.
3. Simple conjecture, idée vague : J'ai quelques soupçons sur l'origine de cette rumeur.
Contraire: certitude 
(Larousse)
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bănuia, bănuielisubstantiv feminin

CASTING

Joan Fontaine

Lina McLaidlaw Aysgarth

Cary Grant

Johnnie Aysgarth

Nigel Bruce

Gordon Cochran Thwaite aka Beaky

Cedric Hardwicke

General McLaidlaw

May Whitty

Mrs. McLaidlaw

Isabel Jeans

Mrs. Newsham

11 juin 2019

Soupçons (Suspicion) d'Alfred Hitchcock - 1941

Shangols
http://shangols.canalblog.com › archives › 2008/08/03

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On est là dans la crème de la crème, une pierre de touche dans l'oeuvre de Bouddha. Suspicion n'est peut-être pas truffé d'idées comme maints autres de ses films, mais encore une fois Hitch y fait la preuve qu'il est le master pour faire monter une ambiance, rendre ambivalent le moindre petit fait sans importance et servir un divertissement raffiné et retors.

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Ça commence par une demi-heure de romance classique parfaitement admirable. La rencontre entre Cary Grant et Joan Fontaine est fulgurante, menée tambour battant par un Hitch très attentif à la petite flamme qui naît entre les deux. Grant se la joue comédie enlevée, genre dans lequel il excelle totalement : corps élastique, sens de la répartie hilarant, glamourissime, il est le parfait dandy énervant et craquant dont doivent rêver toutes les jeunes filles en fleurs. Pour le coup, c'est Joan-Monkey Face-Fontaine qui craque, dans une sorte de spirale amoureuse parfaitement menée. Les scènes où elle se languit de son amoureux, cherchant désespérément son nom dans l'annuaire, retrouvant subitement son visage radieux quand il l'invite au bal, sont splendides : Hitch semble avoir tout compris de ce qui fait la passion amoureuse, ses attentes, ses espoirs, ses énervements et ses moments lumineux. Même si cette partie est relativement ironique, enfermant la pauvre Fontaine dans le piège avec sarcasme, on y sent un Hitch romantique et énamouré : le baiser pris dans un travelling latéral somptueux, les arbres qui épousent les mouvements des corps sur la lande, la musique viennoise, la naïveté du personnage féminin, tout contribue à nous mener sur la piste de l'amour fou, qui n'est d'ailleurs pas du tout une fausse piste comme le laissent entendre nombre de critiques.

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Car si la suite fait la part belle au suspense et à l'intrigue policière, c'est bien d'amour fou et exclusif qu'il va s'agir jusqu'au bout. Au fur et à mesure des soupçons qui assaillent Fontaine quant à la vraie personnalité de son mari, elle s'enfonce de plus en plus dans cette passion dont elle ne sait plus sortir. Plus Grant est ambigu, plus elle l'aime. C'est bien là toute la beauté du film : une femme découvre que son mari est un monstre, et elle l'accepte. Jusqu'aux splendides scènes finales, où on voit Fontaine se laisser aller complètement à l'emprise meurtrière de Grant. Quand elle le soupçonne de vouloir l'empoisonner, elle ne lutte pas, et se contente de demander "Est-ce que ça va faire mal ?". Fontaine joue à merveille de cet alanguissement, de ce renoncement, de cet abandon de son caractère au profit de l'homme qu'elle aime. Suspicion pourrait bien, finalement, être le film le plus "masculin" de Hitch. Mais celui-ci dirige également Grant avec une formidable intelligence : il reste attachant jusqu'au bout, par son exubérance, par l'amour qu'il porte à sa femme, par sa drôlerie et son côté gamin.

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Finalement, la peur qui habite Joan Fontaine apparaît bien étrange, même si on l'éprouve avec elle. Et on se met alors à rêver à une de ces fameuses lectures psychologiques qui viennent forcément à l'esprit à chaque film d'Hitch : c'est peut-être bien la peur de l'homme qui tient la jeune femme, la peur du sexe, la peur de l'inconnu. Il y a une curieuse insistance de la part de ses parents quant à son peu de sex-appeal, il y a de nombreuses allusions au caractère dépravé de l'homme qu'elle a choisi. Les regards effrayés et verticaux qu'elle adresse à Grant ne sont peut-être que le résultat d'une terreur d'être "initiée" à ce monde de perversion (représenté surtout ici par des lits vides, par une vie parallèle et mystérieuse dont elle est exclue (les affaires, les courses), et par un décompte de ses conquêtes passées auquel se livre un goguenard Cary Grant au début du film).

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Côté mise en scène, c'est bien sûr du génie total. Chaque petit geste, chaque fait, est disséqué par Hitch comme étant potentiellement dangereux. Il manipule encore une fois son public par le bout du nez, et le film est une infinie succession de soulagement et de tension. Toutes les 2 minutes, il renverse la situation, nous persuadant tour à tour que Grant est innocent, puis coupable, puis innocent, etc. Tout est basé sur les angles de caméra, sur les changements de points de vue : suivant celui qui regarde (principalement 3 personnages : le mari, la femme, le pote), notre regard à nous change. Si la fin est un peu trop chargée (les jeux d'ombre sur le visage de Fontaine, le final très décevant), tout le coeur du film est chargé d'électricité. Il y a bien sûr la fameuse scène du verre de lait, aussi tendue que la montée des escaliers dans Psycho, mais il y a mille autres plans gigantesques, comme ce poulet découpé par un médecin légiste tout en parlant de meurtre, comme ce montage hyper-serré sur une voiture qui s'affole dans des virages, comme ces ombres qui strient l'univers bourgeois de la jeune femme au moment de ses doutes, comme ces gros plans sur le visage tourmenté de l'actrice... Suspicion est grand, je ne suis pas le premier à le dire, mais je serai le dernier. (Gols 03/08/08)

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Alors, oui, non, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas envie d'écrire. J'adore Suspicion (un titre absolument parfait : tout est dit) et notamment la fameuse scène dans les escaliers avec ce verre de lait luminescent et le Grant, tel un veuf noir, qui avance vers sa proie - les ombres projetées sur les murs en raison de la présence d’un « oeil de bœuf » donnent parfaitement cette impression de toile d'araignée, une toile dans laquelle depuis le début Joan est prise. J'adore Suspicion parce que Grant, tout en jeu de sourcils, me semble le seul à pouvoir être aussi à l'aise dans la légèreté, dans la romance facile, dans le sérieux soudain et dans l'inquiétude profonde - il balance deux ou trois répliques à Joan, sur la fin, relativement tranchantes et avec toujours un naturel et une aisance hallucinants. J'adore ce jeu de dupe où Grant, avec ces airs de vautour, finit par se révéler un petit poussin faisant son mea culpa. J'aime aussi la piste de Gols sur cette attitude de Joan envers les hommes : il y a en elle un soupçon de crainte, de paranoïa (purement sexuelles ? pas forcément d’ailleurs) envers cette gente masculine qu'elle connaît si mal, sa seule expérience semblant se résumer au côtoiement de ce père  affreusement sclérosant ("castrateur" n'est pas adapté pour le coup, on est d'accord) ; ne les connaissant peu, pour ne pas dire pas du tout, elle se renferme un tantinet dans cette impression un rien fabulatrice qu'ils sont forcément contre elle... C'est une vision un peu "souterraine" du film, freudiennisante (oui, j'évite en général de faire référence au type mais comme cette fois-ci Gols me tend la perche...) qui peut lui donner encore plus de relief, de lecture possible.

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Vous attendez le "mais" et Gols se rapproche de son arbalète. Oui, j'avoue lors de cette énième vision avoir été un peu agacé lorsque le grand Hitch s'amuse à vouloir tomber dans le burlesque avec le grand Grant (associé à son pote Beaky) face à la timorée Joan. Les deux hommes tentent de "dérider" la pauvre Joan en pleine crise de doute : Grant se veut taquin pendant que Beaky fait des grimaces et la saynète dure simplement trente secondes de trop – Hitch n’est pas le king de la screwball comedy ; il l’est de tout le reste, ça va. Le scénar a également parfois un peu la main lourde avec cette pauvre Joan qui passe souvent pour une pauvrette un peu niaise et terriblement fébrile - elle finit d’ailleurs par s'évanouir par deux fois... Il y avait surement le moyen d'être un peu plus subtil pour ne pas la faire passer constamment pour le dindon de la farce (Hitch, sexiste - nan, nan, nan, pas son genre...) Quant au personnage de Grant qui finit toujours par s'en sortir, il a tout de même (au cours de cette « passion amoureuse » ? Mouais, c'est pas forcément l'expression dont j'userais) tout du parfait mufle : il ne confie jamais rien à sa femme, incapable qu'il est de lui faire la moindre confiance ; lorsqu'il le fait, ce n'est qu'acculé dans ses derniers retranchements, pour éviter la séparation ; Grant a beau user de tout son charme et de son sens de la répartie, il incarne bien le parfait mâle imbu de soi qui n'aime pas réellement sa femme (ou qui prend conscience de son existence... ce qui est pire) que lorsqu'elle annonce vouloir le quitter. Hum… Dommage que la charge sur ce personnage manipulateur à souhait soit là encore too much... et ce d'autant que, d'autant que... finalement, tout est bien qui finit bien ce qui forcément décevant pour un film noir... Mais restent la scène du lait (brrrrrr) et une histoire fantastiquement bien tournée - à défaut en effet de multiplier les petites trouvailles. (Shang 11/06/19)

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  1. par Selenie  -  27 Décembre 2021, 09:13  -  #Critiques de films

    Après "Joies Matrimoniales" (1941) dont le titre ne reflète pas vraiment le sentiment de Alfred Hitchcock, ce dernier s'attaque à un livre dont la RKO a les droits depuis 1932 sans arriver à l'adapter tant il est sulfureux aux yeux de la censure. Le livre est "Before the Fact" (1932) de Francis Iles pseudonyme de Anthony Berkeley, roman qui mêle meurtre, suicide et adultère de quoi hérisser les poils de tous censeurs mais qui excite logiquement le réalisateur britannique. Ce projet est pour une fois idéal, la RKO désire le produire depuis des années, et Hitchcock considère le roman comme un chef d'oeuvre du genre. Après la déception de sa première comédie avec "Joies Matrimoniales", le cinéaste retrouve ses deux fidèles collaboratrices au scénario avec son épouse Alma Reville et Joan Harrison, cette dernière ayant déjà signée "La Taverne de la Jamaïque" (1939), "Rebecca" (1940) et "Correspondant 17" (1940). Le côté comédie de couple en filigrane est sans doute l'oeuvre du troisième scénariste, nouveau venu dans l'univers du cinéaste britannique, Samson Raphaelson scénariste fétiche d'un certain Ernst Lubitsch notamment sur des succès comme "Haute Pègre" (1932), "La Veuve Joyeuse" (1934) ou "Ange" (1937). À noter que ce projet a quelques similarités avec "Rebecca" (1940) sur la dimension thriller aux thématiques sujettes à la censure, ce qui a sans doute aussi pousser Hitchcock à refaire appel au compositeur Franz Waxman pour la musique...

    Lina, jeune héritière, fait la rencontre de Johnnie dont la réputation de coureur de jupons et de joueurs invétérés le précède, genre vilain petit canard de la bonne société. Pourtant elle se laisse séduire et croit en lui. Mais bientôt elle doit s'avouer que son époux est un menteur au point qu'elle commence à le soupçonner qu'il veut la tuer... Johnnie est joué par Cary Grant, star depuis peu avec des films comme "L'Impossible Monsieur Bébé" (1938) de Howard Hawks ou "Indiscrétions" (1940) de George Cukor, et qui retrouvera Hitchcock pour trois chefs d'oeuvre "Les Enchaînés" (1946), "La Main au Collet" (1955) et "La Mort aux Trousses" (1959). Son épouse Lina est incarnée par Joan Fontaine qui a connu quelques jolis succès jusqu'à "Femmes" (1939) de George Cukor mais qui est surtout devenue une star grâce justement à "Rebecca" (1940) après lequel elle retrouve Hitchcock. Mais elle comme Hitchcock retrouvent aussi plusieurs partenaires après ce film, comme Nigel Bruce, Leo G. Carroll, Leonard Carey, Edward Fielding, Lumsden Hare, tous ces acteurs retrouvent et/ou retrouveront Hitchcock à l'instar d'autres acteurs comme Dame May Whitty héroïne de "Une Femme Disparaît" (1938), Isabel Jeans de retour des années après dans le giron du Maître après "Downhill" (1927) et "Le Passé ne Meurt pas" (1928), Gavin Gordon qui sera aussi dans "Les Enchaînés", Gertrude Hoffman qui était dans "Correspondant 17" ou Heather Angel qui sera dans "Lifeboat" (1944). Notons que plusieurs d'entre eux se retrouveront aussi sur deux autres films hors Hitchcock, ainsi Reginald Sheffield retrouvera sur "Prisonniers du Passé" (1942) Edward Fielding, Aubrey Mather et Lumsden Hare, ces deux derniers se retrouveront quant à eux dans "La Dynastie des Forsyte" (1949) de Compton Bennett avec Leonard Carey. Pour finir, citons Sir Cedric Hardwicke, grand acteur shakespearien qui sera aussi très présent au cinéma notamment dans les grands drames historiques de "Marie Tudor" (1936) et "Les Mines du Roi Salomon" (1937) tous deux de Robert Stevenson à "Les Dix Commandements" (1956) de Cecil B. De Mille en passant par "Salomé" (1953) de William Dieterle... Pour commencer, expliquons le titre originel  qui est en V.O. "Before the Fact", mais lors de tests il s'avère que le public ne comprend pas la référence juridique ("complice par instigation") puisque Lina dans le roman se suicide par amour, et donc est complice de son propre meurtre prémédité par son époux. C'est ensuite qu'il a fallu chercher un autre titre plus "banal et bon marché" dixit Hitchcock ; ce sera donc "Suspicion". Autre petite différence, Lina est surnommée Monkey Face en V.O. puis Ouistiti en V.F., ce qui est un peu imprécis puisque le terme anglais signifie "petite coquine" ou "petite espiègle" ; avouons-le, Ouistiti n'est pas si dénué de sens.

     Malgré une production hollywoodienne l'histoire reste très britannique, c'est pour cette raison que Hitchcock choisit des acteurs majoritairement britannique, notamment en choisissant Joan Fontaine plutôt que la française Michèle Morgan, tandis que pour accentuer l'empathie il choisit Cary Grant qui est alors vu comme un acteur de comédie. Ce dernier choix est d'autant plus judicieux que Hitchcock veut qu'il soit coupable ! Malheureusement, les producteurs de la RKO refusent partant du principe qu' acteur aussi populaire ne serait pas accepté par le public comme étant un meurtrier. Mais c'est finalement mal connaître Hitchcock qui n'est jamais aussi fort que quand il faut contourner les règles ou la censure. Ainsi la grande réussite du film réside dans le fait que tout le film est construit comme si le doute de Lina était tangible et malgré un happy end on a pourtant la douloureuse sensation que Lina se fait une fois de plus berner ! Cette sensation est pourtant assez désagréable car Cary Grant est clairement coupable dans son jeu et Hitchcock fait tout pour qu'on le croit, mais officiellement son personnage est innocent... Ou pas ?! Il est certain que bon nombre de spectateurs ne ressentent pas la même chose sur la culpabilité ou non de Johnnie. Hitchcock lui-même dira tout et son contraire, finalement le fait que le Code Hays censure et interdit le suicide comme le meurtre impuni ouvre une autre opportunité et Hitchcock s'y engouffre avec vice et délice. On peut aussi y voir que le réalisateur interroge le spectateur sur la fragilité des soupçons et des interprétations de ce qu'on peut voir comme des indices par exemple sur les coïncidences qui n'en sont peut être pas (voir sur ce point le livre "Hitchcock, biographie, filmographie illustrée, analyse critique" p. 451 de Patrick Brion). Le réalisateur abordera ce genre de questionnement sur beaucoup d'autres films comme dans "Le Faux Coupables" (1956) ou "Frenzy" (1972). L'autre bon point du film est le mélange des genres, mais cette fois dans une symphonie royale, entre une Lina/Fontaine qui joue avec nuance une nouvelle Rebecca face à un Johnnie/Grant qui passe en revue le panel du playboy entre cynisme, humour, ironie, charme, mystère et fantaisie. L'homme est ainsi tout et son contraire ce qui pousse au doute et/ou à l'espoir. Ce jeu entre culpabilité et innocence est subrepticement mis en valeur en jouant sur le même ton entre ombre et lumière. En effet, quand Johnnie semble coupable il y a un voile qui s'impose, et quand une lueur d'espoir ou un signe d'innocence arrive la lumière surgit, littéralement et/ou avec en plus une musique adéquate comme la valse quand arrive l'ami que Lina croyait mort. L'actrice Joan Fontaine sera d'ailleurs récompensée, après une nomination déçue pour "Rebecca" elle obtient enfin l'Oscar de la meilleure actrice pour sa performance dans "Soupçons", un des rares Oscars dans la filmo Hitchcockienne. Avec ce film Alfred Hitchcock frôle la perfection, un thriller malin à tous les niveaux même si on aurait aimé sans doute un doute plus appuyé sur la culpabilité mais cela reste très subjectif. Un grand film. 

     

    Note :            

     

    17/20

  2. Ugly
    8

    Critique positive la plus appréciée

    Hitchcock nous mène par le bout du nez

    Hitchcock a souvent dit que Soupçons était son second film "anglais" (après Rebecca) tourné à Hollywood ; les acteurs, le roman, l'ambiance, le décor, tout est anglais, et c'est justement cette...

    Par

    le 15 août 2019

    40 j'aime

    47

    Arimaakousei
    5

    Critique négative la plus appréciée

    Critique de Soupçons par Arimaa_kousei

    Vu sur Arte en VF le 29/12/2021
    C'est nécessairement assez délicat de se mettre dans un contexte de quasi début de l'histoire du cinéma étant donné que j'y connais rien, mais peu importe.
    C'était mon...

    le 16 janv. 2022

    1 j'aime

    lessthantod
    8

    A la fois film brillant et extrêmement frustrant

    Soupçons est le second film américain d'Alfred Hitchcock, réalisé juste après le triomphe de Rebecca à Hollywood (Oscar 1940 du meilleur film) et toujours avec Joan Fontaine, mais cette fois-ci sans...

    le 11 nov. 2021

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    Kogepan
    8

    Flippy Grant

    Sur le fond je ne vous apprends rien en dévoilant que ce film traite de la paranoïa. Celle d'une jeune mariée (jouée par Joan Fontaine) qui épouse un homme séduisant (Cary Grant) autant sur un coup...

    le 13 déc. 2014

    28 j'aime

    Sergent_Pepper
    8

    Critique de Soupçons par Sergent_Pepper

    Un beau film sur le point de vue et la paranoïa, sur les fausses pistes et le fantasmes.
    Grant est extraordinaire de séduction - supposées - vénéneuse et l'amour devenu angoisse très subtil chez Joan...

    le 19 juin 2013

    30 j'aime

    2

    Docteur_Jivago
    8

    L'amour du risque

    Alors qu'elle rencontre Johnnie, un charmant et malin joueur, dans un train, la belle et riche Lina s'éprend peu à peu de lui. Pourtant, elle va commencer à découvrir sa vraie personnalité et douter...

    le 8 août 2016

    27 j'aime

    6

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  4. .DVDCLASSIK.

L'HISTOIRE

Https://www.dvdclassik.com/critique/soupcons-hitchcock

Jeune aristocrate un peu rigide, Lina McLaidlaw fait dans un train la rencontre de Johnny Aysgarth, séducteur impénitent et amuseur mondain. Elle tombe sous son charme, il avoue s’être lui aussi épris de sa « bouille de singe », ils se marient. Après leur voyage de noces, Johnny loue une somptueuse maison mais s’avère très vite débordé par ses dettes de jeu. Lina le soupçonne alors de ne l’avoir épousée que pour sa fortune. Progressivement, son angoisse grandit, au point de redouter que son mari veuille en fait se débarrasser d’elle...

 

ANALYSE ET CRITIQUE

Avant, je n’aimais pas Soupçons. Je l’avais pourtant découvert durant ma prime adolescence, à une époque où tout ce qui portait le label Hitchcock (des épisodes d’Alfred Hitchcock présente… à la série des Trois jeunes détectives, dans la Bibliothèque Verte) provoquait mon enthousiasme, où je pouvais me repasser inlassablement telle séquence des 39 marches ou de La Mort aux trousses en jurant avec mon assurance juvénile que c’était « ça », le cinéma. Mais Soupçons, non, dès la première vision, ce n’était pas passé. Pour être clair, je ne permettrais pas ici de faire de ma petite expérience personnelle un critère d’évaluation d’un film d’Alfred Hitchcock, et la redécouverte du film préalable à la rédaction de cette chronique m’a confirmé que j’avais à l’époque eu bien tort (ou plutôt que ma réalité d’alors a laissé sa place à un autre jugement que je me permets, au moins temporairement, de juger plus fin). Malgré tout, elle m’aura permis de mieux comprendre en quoi le film m’avait à l’époque déçu, et en conséquence de mieux percevoir la singularité d’un film en général jugé plutôt secondaire - pour ne pas dire dispensable donc - dans la filmographie d’Alfred Hitchcock.

 

D’apparence, Soupçons est un film qui souffre d’un problème d’unité de ton : extrêmement désinvolte, aussi badin que le personnage de Johnny, dans une première partie au point de vue relativement neutre (donc plutôt objectif), il bascule ensuite vers le cauchemar paranoïde en adoptant les œillères de Lina, convaincue que son époux veut l’éliminer. Trop léger dans ses premières minutes, il paraît comparativement trop grave dans ses dernières, extrêmement sombres. Tout ce qui semblait n’être pas sérieux dans un premier temps revêt alors soudainement une importance tragique, et cet apparent contraste a de quoi déstabiliser. D’autre part, Soupçons est un film extrêmement frustrant, qui vient à l’instant final, là où traditionnellement le genre policier opte pour un climax, un sommet d’intensité, faire retomber le soufflé pour nous dire qu’on a fait fausse route, qu’on s’est trompé d’idée… C’est assez, et les fidèles du cinéaste goûtent trop habituellement son art du suspense pour tolérer une telle effronterie ; la déception est légitimée, le film honni, n’en parlons plus.
Ou plutôt si, revenons-y...

 

Soupçons est, après Rebecca le deuxième film « anglais » tourné par Hitchcock aux Etats-Unis. Il y retrouve Joan Fontaine, admirable héroïne de l’adaptation de Daphné du Maurier, avec laquelle Hitchcock s’était bien mieux entendu que son partenaire masculin, Laurence Olivier. Il souhaite lui confier un nouveau rôle d’envergure, mais deux problèmes se présentent : d’une part la présence au casting de Cary Grant, consacré depuis la fin des années 1930 superstar de la comédie hollywoodienne, et d’autre part un scénario, adapté d’un roman de Francis Iles (alias A. B. Cox), qui se concentre en priorité sur la figure masculine. Alfred Hitchcock a déjà, pour The Lodger (avec Ivor Novello), rencontré la difficulté qui consiste à rendre inquiétante, voire maléfique, une vedette adulée du public. Mais pour tout dire, cette intrigue où une brave épouse découvre peu à peu que son mari est un meurtrier n’emballe guère ni le cinéaste ni son studio, la RKO, qui souhaite une fin « heureuse ». La conclusion du roman est donc modifiée (1), transformant radicalement la nature même de l’intrigue : il ne s’agit plus de montrer une enquête policière jusqu’à l’arrestation d’un coupable, mais d’accompagner le basculement dans la folie d’une femme innocente. Ce qui rendait alors le film décevant à sa première vision peut désormais prendre tout son sens : Soupçons est un film mental, sur les fantasmes et les frustrations d’une jeune aristocrate que tout son entourage voit déjà vieille fille et qui va, par esprit de contradiction, s’abandonner à l’amour autant qu’à une paranoïa morbide.

 

On peut, rétrospectivement, relire tout le film et affirmer que la mise en scène d’Hitchcock annonce déjà cette structure mentale, que la manière dont il adopte le point de vue de Lina aurait dû nous aiguiller dès le début. C’est, dans un premier temps en tout cas, en partie assez faux (il y a de quoi confirmer l’hypothèse autant que de quoi l’infirmer), et Hitchcock lui-même était à ce point incertain qu’il tourna plusieurs fins, dont celles où il s’avère, comme dans le roman, que Lina avait raison et que Johnny est un meurtrier. De cette incertitude découle probablement l’indécision du ton du film dont nous parlions précédemment. Mais puisque chez Hitchcock, même le hasard (pourtant en général assez rarement sollicité) fait bien les choses, cela participe à l’atmosphère d’un film intégralement centré sur la question du doute : l’intrigue pouvant à tout moment basculer d’un côté ou d’un autre, il y est impossible de savoir sur quel pied danser, ce qui met le spectateur dans le même état d’instabilité que Lina. Sur ce point, le titre français s’avère plus rationnel qu’un titre original (Suspicion) qui renvoie davantage à un état psychologique et donc à la dimension morale du film.

 

La frustration finale dont nous parlions précédemment participe elle aussi à l’affirmation d’une réussite plus psychologique que policière du film : le suspense créé tout au long du film n’était qu’artificiel, comme une métaphore filée d’un art cinématographique qui fait ce qu’il veut de son spectateur. D’ailleurs, Soupçons, quelques années avant un Grand alibi qui fera jaser pour cette raison précise, est probablement (mais l’affirmation ne demande qu’à être contredite) le premier film d’Hitchcock dans lequel il nous est montré une scène n’ayant pas eu lieu dans la réalité : on y est bien dans le domaine de la projection mentale, de l’hypothèse psychanalytique, dans l’expression d’une frustration dont on sait qu’elle aura façonné Hitchcock lui-même, l’homme comme le cinéaste. Il ne faut donc pas se tromper en regardant Soupçons : le film ne vaut pas vraiment pour son intrigue ; plus curieusement, il ne vaut pas fondamentalement non plus pour sa mise en scène (quoique celle-ci, vous vous en doutez, regorge de petits trésors sur lesquels nous nous attarderons plus tard) ; il vaut pour sa retranscription, intra comme extra-diégétique, de l’état de flottement provoqué par le doute, la frustration de ne pas savoir, le déséquilibre mental de l’incertitude. Esthétiquement, le film est donc conditionné par l’idée du regard, de la vision : cela se traduit nous, l’avons déjà dit, par un basculement de point de vue, en cours de film, ou par cette séquence fantasmée de la mort de Beaky, mais aussi par l’idée d’une soumission des personnages à la puissance du visible. (2) Au début du film, Lina est une jeune femme écrasée par le regard du père (représenté sur un imposant tableau que Johnny évite lui-même de contempler), et assujettie elle-même aux propres limites de sa vision : elle a besoin de ses lunettes, qui lui serviront par deux fois de « révélateurs » (du moins en apparence) lorsqu’elle se mettra à douter de Johnny. Vers la fin du film, elle se passera de plus en plus de ses verres, comme pour mieux témoigner d’une vision désormais essentiellement centrée sur l’intérieur de son esprit ; à titre d’exemple, citons cet instant où de manière spontanée son subconscient lui fait former le mot « murder » avec les lettres du Scrabble. De la même manière, un peu plus tôt, lors de la séquence où elle est pour la première fois sur le point de s’abandonner à Johnny, elle ouvre son sac à main pour y saisir un miroir, dans un geste réflexif qui régalerait les psychanalystes.

 

Car enfin, et même si ce n’est pas la dimension la plus immédiate du film, Soupçons est une histoire d’amour ; pas d’un amour idéal s’affirmant dans l’exaltation de la passion réciproque, mais d’un amour contrarié, qui ne s’avoue pas, qui met les personnages en péril par ce qu’il révèle d’eux. Les deux scènes les plus romanesques du film (celle avec le miroir dont nous parlions à l’instant et celle, finale, au bord de la falaise) révèlent de grandes similitudes formelles, qui témoignent de cette agitation intérieure : deux personnages qui se heurtent et se confessent, isolés dans une nature menaçante et tourmentée (un ciel nuageux, de frêles arbres balayés par le vent…). Dans un même élan, elle le repousse autant qu’elle le réclame, dans cette logique d’un amour paradoxal, entre attraction et répulsion. Dans le rôle de l’amoureuse percluse de contradictions, en proie à un trauma émotionnel (son personnage annonce en quelque sorte ceux de Marnie ou de Constance Petersen), prête à mourir de ne pas savoir comment aimer (elle envisage un temps le suicide - voir note (1)), Joan Fontaine est remarquable et sa performance sera couronnée d’un Oscar (3). Face à elle, Cary Grant surprend, ajoutant non sans maladresse une facette mystérieuse à son personnage bien rôdé de dandy irrésistible : s’il ne s’agit pas de sa meilleure performance, loin de là, ce rôle révélait une ambigüité inattendue qu’il saura ensuite exploiter, y compris chez Hitchcock. C’est d’ailleurs son image inquiétante, portant le verre de lait, qui aura marqué l’imaginaire collectif, pour la scène la plus célèbre du film (alors que, là encore, c’est une séquence qui ne nourrit en réalité que très peu l’intrigue). Il monte un escalier obscur, porteur d’un plateau d’où émerge l’étonnante lumière d’un verre de lait : durant les minutes qui ont précédé, Johnny s’est renseigné auprès d’une amie écrivaine à propos d’un poison indolore et imperceptible. Pour le spectateur, il n’y a pas de doute, le poison est dans le verre. Hitchcock étire la scène, dilate le temps pour rendre la tension insoutenable, les ombres portées de la verrière au plafond évoquant la forme d’une toile d’araignée fatale. Plus il monte, et plus l’escalier s’obscurcit, à tel point qu’on finit par ne plus voir que le lait, d’un blanc terrifiant. Interrogé par François Truffaut sur cette séquence,

 
 

Hitchcock révéla son astucieux secret :
« A. Hitchcock : J'avais fait mettre une lumière dans le verre de lait.
F. Truffaut : Un projecteur dirigé vers le lait ?
A. Hitchcock : Non, dans le verre. Parce qu'il fallait que ce fût extrêmement lumineux. Cary Grant monte l'escalier et il fallait que l'on ne regardât que ce verre.
 »

Cette séquence, cumulée avec d’autres idées remarquables et éminemment hitchcockiennes qui parsèment le film (notamment dans l’utilisation des mcguffins), provoque un frisson cinéphile inégalable. Pour tout dire, le projet d’une adaptation du roman de Francis Iles, Before the Fact, traînait dans les cartons de la RKO depuis quelques années, et Louis Hayward, puis Robert Montgomery avaient été approché pour incarner le rôle de Johnny. Sans faire de la divination, il y a fort à parier que ces films, s’ils avaient vu le jour, n’auraient eu que très peu à voir avec celui-ci. Tout simplement parce que, malgré ses défauts, Soupçons porte la patte de son auteur, qui s’est rapproprié un assez faible matériau de départ pour en faire une œuvre personnelle, bancale mais attachante. Avant, je n’aimais pas Soupçons. Mais c’est du passé.


(1) Hitchcock confie à Peter Bogdanovitch la fin qu’il souhaitait tourner : « Joan Fontaine écrit une lettre à sa mère, indiquant qu’elle aime son mari mais aussi qu’elle a l’impression qu’il est un assassin. Elle ne souhaite plus vivre avec lui et est prête à mourir de ses mains à lui. Mais elle pense en même temps que la société doit être protégée contre lui. Il arrive avec le fatal verre de lait et lui donne. Avant de boire, elle lui dit : « Peux-tu poster cette lettre que j’ai écrite à ma mère ? » Elle boit le lait et meurt. On voit ensuite Cary Grant de bonne humeur et sifflotant aller jusqu’à la boîte aux lettres et poster la lettre ! »
(2) Une séquence amusante montre un inspecteur de police observer avec attention mais circonspection un tableau cubiste, comme une allégorie de la fragmentation de la perception qui conditionne une bonne partie du film.
(3) Dans leur ouvrage consacré au cinéaste, Claude Chabrol et Eric Rohmer voient même Lina comme un « vampire, se nourrissant du soupçon pour pouvoir se vautrer dans l’échec de son amour. »

EN SAVOIR PLUS

La fiche IMDb du film

Par Antoine Royer - le 28 septembre 2010

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13 juillet 2016

Suspicion (Alfred Hitchcock, 1941)

On peut difficilement faire plus hitchcockien que ce film merveilleux, l'un des chefs d'oeuvre du metteur en scène. Il se fait plaisir, avec une adaptation d'un livre, dont il a confié la mise en oeuvre à son épouse Alma, assistée de Joan Harrison; le roman Before the fact, de Francis Iles, avait presque tout pour intéresser Hitchcock: une intrigue classique située dans le sud de l'Angleterre, une narration à la première personne par une femme qui allait être la victime d'un meurtre, et le découvrait progressivement. Parmi d'autres mensonges naïvement colportés par François Truffaut, Hitchcock est supposé avoir regretté toute sa vie avoir "trahi" son idée initiale en changeant le personnage de Johnny Aysgarth qui dans son film devient innocent de tout crime. On ne croit pas une seule seconde à cette hypothèse: d'une idée amusante dans le roman, Hitchcock passe à une étude noire sur l'âme humaine, doublée d'un regard impressionnant sur la psychologie d'une femme qui a toute sa vie réprimé sa sexualité, et éprouve les plus grandes difficultés à y faire face...

Johnny Aysgarth, meurtrier potentiel et play-boy invétéré, ce sera donc Cary Grant, pour le premier de quatre rôles en or pour Hitchcock. Et face à lui, déjà sollicitée par Hitchcock pour Rebecca, on trouve Joan Fontaine dans ce qui est peut-être son meilleur rôle...

Lina, une jeune femme très comme il faut d'une famille respectable, rencontre le flamboyant Johnny Aysgarth, un play-boy aux manières déplaisantes... dont elle tombe amoureuse de suite. Sans trop attendre, et bien sûr contre l'avis des parents de la jeune femme, ils se marient, et commencent à vivre une vie de luxe, avant que Lina ne se rende compte que son mari n'a en réalité pas un sou... Et si son comportement irresponsable et insouciant ne l'inquiète pas trop, elle réalise assez vite que le tempérament de Johnny ne s'accommode ni d'un travail à plein temps, ni de plaies d'argent. Lorsque il se lance en compagnie d'un ami dans une affaire un peu louche, et que cet ami meurt d'une façon étrange, se peut-il que Johnny ait provoqué sa mort pour mettre la main sur ses parts? Et quand viendrait donc son tour à elle?

Oui, le film est nettement plus intéressant si le soupçon de meurtre n'est qu'un soupçon, et si tout, finalement, est dans la tête de Lina. Tout commence dans l'obscurité, de façon inattendue: on entend la voix de Cary Grant, et la lumière se fait: nous sommes dans le compartiment d'un train qui vient juste de passer sous un tunnel, et Johnny Aysgarth vient d'entrer là ou seule Lina se tenait. Elle lisait, et tout est fait pour nous la présenter comme une vieille fille typique: lunettes, tenue très austère, et un livre de psychologie sur les genoux. Mais Johnny, quand il la reverra, aura le coup de foudre: débarrassée de ses lunettes, à cheval, le sourire aux lèvres, Lina est une femme bien plus elle qu'elle n'y paraissait... Une bonne part de la première moitié du film est consacrée à cette métamorphose à caractère sexuel. Et Hitchcock fait jouer tous les éléments en faveur de la séduction de Lina par Johnny...

C'est le point de vue de Lina qui est l'unique vecteur de l'intrigue, et c'est ce qui donnera à la deuxième moitié, celle durant laquelle les soupçons s'installent, tout son intérêt: tout commence lorsque Aysgarth, sans émotion apparente, dit à son épouse que leur ami Beaky ne devrait pas boire de Cognac, car ça le tuera un jour: on passe de la comédie sentimentale, basée essentiellement sur l'embarras d'une jeune femme riche qui découvre la vie un peu dangereuse de son flambeur de mari, à un drame psychologique dans lequel une femme qui s'est donnée à un homme découvre des facettes de plus en plus inquiétantes de son caractère. Et la mise en scène d'Hitchcock se métamorphose de séquence en séquence, tendant inéluctablement vers une confrontation entre les soupçons de l'une et la vérité de l'autre, qui est aussi du même coup un test pour les sentiments de l'une et de l'autre.

La séquence la plus célèbre de ce film est bien sur celle du verre de lait, durant laquelle Lina, qui s'est apparemment résignée à l'hypothèse que son mari veuille l'empoisonner, va se coucher pendant que Johnny va lui chercher un verre de lait. La maison dans laquelle la plupart des scènes se passent est un endroit très lumineux, mais qui sait devenir inquiétant à l'occasion. Cette scène est fabuleuse pour la science des ombres et de la lumière du metteur en scène, et bien sur une idée simple, mais géniale: une source de lumière cachée à l'intérieur du verre de lait, et il nous est impossible de regarder autre chose... Tout le film brille d'une mise en scène assurée, sans aucun effet gratuit, qui joue sur les impressions, le non-dit, et utilise toutes les ressources du décor, et de l'intrigue... Voire les deux: une scène voit Lina recevoir des nouvelles de l'ami Beaky, et comme elle commence à soupçonner son mari, elle reçoit des policiers qui lui donnent un article de journal à lire. Ce qu'elle fait, mais non sans avoir chaussé ses lunettes, et pris place sous le regard inquisiteur d'un portrait de son très sévère père disparu, qui désapprouvait tant son choix de se marier avec Johnny Aysgarth. Elle redevient à cet instant la vieille fille à la sexualité réprimée... En confondant systématiquement ces deux aspects du personnages, Hitchcock nous livre une fois de plus un portrait époustouflant d'un personnage. Bien sur ses propres vues sur la sexualité féminine (on remarquera au passage que parmi les personnages qui "aident" Lina à comprendre, ou plutôt à se méprendre sur Johnny, figure Isobel, une amie auteure de romans policiers, qui a quelques habitudes masculines, et vit avec une femme. Comme toujours, l'homosexualité est indissociable de l'erreur chez Hitchcock!

Mais quoi qu'il en soit, ce film magnifiquement construit, qui voit Hitchcock faire semblant de retourner en Grande-Bretagne, reconstruite en Californie (les matte paintings étaient nécessaires pour transformer le ciel radieux en univers nuageux...) est une oeuvre parfaitement maîtrisée, qui aboutit à une superbe étude du soupçon chez une personne autrement parfaitement sensée. Et nous, spectateurs, n'avons-nous pas eu les mêmes soupçons? Et n'en reste-t-il pas un peu au moment ou le mot fin apparaît? Ce film noir, élégant, est un plaisir sans cesse renouvelé, dans lequel on retrouve deux acteurs au sommet de leur art, et en prime la superbe musique de Franz Waxman.

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Soupçons

Posté le 18 avril 2012 par  — Aucun commentaire ↓


Alfred Hitchcock, 1941 (États-Unis)

Après Rebecca produit en 1940, Suspicion est le second film d’Hitchcock à Hollywood. Pour cette histoire de couple dont la confiance se délite en même temps que la comédie sentimentale qui se joue devant nos yeux se change en un film sombre, Hitchcock confie ses personnages à Joan Fontaine avec qui il se fâche ensuite* et Cary Grant, acteur avec lequel, à l’inverse, il apprécie ensuite collaborer (Les enchaînés, 1948, La main au collet, 1955, La mort aux trousses, 1959).

Les deux premiers plans qui présentent les personnages en champ-contre-champ les barrent chacun d’une ombre comme s’il s’agissait d’un interdit ou d’un conseil qui leur était adressé, peut-être vaudrait-il mieux ne jamais adresser la parole à l’autre.

Johnnie Aysgarth voyage en première classe avec un ticket de troisième classe. C’est un peu le résumé de son train de vie. Lina fait bien malgré elle la rencontre de cet aigrefin dans un wagon. Il lui demande de l’argent pour payer sa place au contrôleur et, à peine a-t-elle sorti son porte-monnaie, qu’il se sert en piquant directement dedans la pièce qu’il lui manque. Sur les champs de courses, la scène suivante, il est séduit. Plus tard à proximité de l’église, ce qui n’est pas insignifiant, au milieu du paysage désolé et dans une étreinte, le couple est formé mais résiste encore à la tourmente sentimentale qui souffle sur lui. Ce moment pourrait également se révéler comme la pessimiste métaphore de la vie à deux. Enlacé malgré tout, elle l’écarte presque. C’est l’environnement familial de Lina qui la décide (soumise à l’autorité paternelle et craignant l’image de vieille fille qu’elle renvoie à ses parents).

Nous pensions à Hitchcock en voyant Hantise de Cukor (1944), voilà que nous repensons à Cukor devant Soupçons. Dans les deux œuvres, qui n’ont que trois ans d’intervalle, la femme était victime, fusse-t-elle imaginaire, de son mari (Ingrid Bergman trompée par le lumineux stratagème de Charles Boyer). Le mariage, d’après ce que nous disent les deux réalisateurs (ils sont exactement de la même génération), est une institution peu favorable à l’épanouissement d’un amour, plutôt l’occasion facilitée pour l’homme méprisable (ou seulement soupçonné) de plumer sa faible mais riche femme. La demeure conjugale dans Soupçons comme dans Hantise n’est plus le cocon chaud et rassurant qu’elle devrait être mais la prison matérialisée d’une union regrettée et la tanière du criminel. Ainsi, le foyer de Lina et Johnnie est propice aux ombres et aux idées noires…

« Vous croyiez que j’allais vous tuer ou vous embrasser ? »

Hitchcock met en scène le récit du point de vue de Lina dont l’angoisse est grandissante. Les premières inquiétudes naissent lorsque Lina découvre que son séducteur de mari est avant tout un fin hâbleur. Ses soucis entament son bonheur lorsqu’elle apprend qu’il a volé de l’argent à son employeur. Elle le soupçonne enfin quand elle lui trouve un mobile pour assassiner son ami Beaky. D’abord la partie de Scrabble dont les mots trouvés comme « murder » trahissent sa pensée, puis Hitchcock met en images le terrible crime qu’elle imagine (Beaky poussé de la falaise). Dès que ses doutes surgissent, Lina n’est plus en sûreté chez elle. La photographie et le décor recomposent alors l’espace mental de la jeune femme. Partout sur les murs, l’ombre d’une immense toile d’araignée se projette et l’emprisonne (en fait une verrière que jamais l’on ne voit). Parfois le voile du soupçon se lève et d’un coup la clarté rejaillit dans la pièce (Beaky retrouvé). L’idée de la proie à la merci du monstre redouté est d’une part accentuée par une scène géniale où Johnny collecte des renseignements sur le meurtre par empoisonnement auprès d’Isobel Sedbusk (Auriol Lee), auteur de romans policiers (Hitchcock lui-même ? « My villain ? My hero ! »**), et d’autre part à travers la mise en scène éloquente de la séquence suivante (Lina coincée dans son fauteuil ou dans son lit, son mari la tirant par la main dans l’escalier ou la dominant de sa hauteur). La scène du verre de lait est restée célèbre. Là encore, le travail sur la lumière fut minutieux (le verre était éclairé de l’intérieur par une ampoule).

Soupçons s’achève de façon ambiguë. Cary Grant en meurtrier ? Ce que les producteurs de la RKO refusaient d’envisager, Hitch laisse le soin au spectateur d’en décider et laisse surtout dans les esprits la paranoïa s’installer.

* Il dira d’elle qu’elle n’était qu’une marionnette et que son rôle n’avait été rendu cohérent « qu’à coup de ciseaux et de colle ». Bruno Villien, Hitchcock, éd. Colona, coll. « L’œil du cinéma », Paris, 1982, p.146-151.
** B. Villien, Hitchcock, p.146-151.

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Soupçon ("Suspicion")

Publié le 15 Juillet 2012, 13:21pm

Catégories : #Philo & Cinéma

De la première à la dernière séquence de l’oeuvre, le travail d’Hitchcock semble concentré sur la « mise en bouche »...

 


L’histoire
Provinciale recluse qui n’y entend rien en matière de plaisir et de sensualité, Lina Mackinlaw (Joan Fontaine) vit par procuration en se réfugiant dans les ouvrages qu’elle dévore. Héritière de bonne famille réprimée par son père qui ne voit en elle qu’une vieille fille, elle rencontre dans un train un vaurien séduisant, Johnnie Aysgarth (Cary Grant), qui va bouleverser sa vie. Collectionneur de jupons, le play-boy vit de ses gains aux courses, de mensonges permanents et d’hypocrisie arriviste.

 

Marié en cachette, le couple fait le tour de l’Europe avant de revenir dans une demeure somptueuse que Johnnie compte entretenir avec les rentes de sa femme. Celles-ci n’étant pas aussi élevées, il est condamné à travailler s’il veut continuer de correspondre au mari idéal dont rêve Lina. Mis ses vieux démons le reprennent, il détourne les fonds de l’entreprise où son cousin l’a embauché, retourne jouer aux courses et dilapide les quelques biens familiaux appartenant à sa femme...

 

I) La mort de l’écrit
La mort suite à un infarctus du père de Lina consacre une double rupture, qui est le point de basculement du film. D’une part la consécration de la sortie des interdits paternels liés à la sexualité (d’où la culpabilité de l’héroïne ayant souhaité inconsciemment la mort symbolique du père par son mariage avec Johnnie) ; d’autre part, le début de la zizanie dans le couple, Johnnie, l’oiseau de mauvais augure qui annonce le décès du père au moment où sa femme apprend ses exactions devenant un personnage ambigu et impénétrable. L’image phantasmatique du mari idéal, comique en diable, le cède en effet peu à peu au cynisme crapuleux d’un individu prêt à utiliser n’importe quel moyen pour parvenir à ses fins, y compris le meurtre. Atteinte coup sur coup par la déception du rapport à l’idéal (le rêve romantique du golden boy s’efface devant le portrait d’un être cynique) et par le rappel de la cruelle réalité (nos proches meurent tôt ou tard, nous laissant seuls avec notre destin), Lina perd les repères offert jadis par les livres, fût-ce le manuel de psychologie enfantine qu’elle consulte lors de sa première confrontation avec Johnnie.

 

Etymologiquement l’ in-fans est celui qui ne parle pas : si elle communique avec son entourage, la jeune femme éprouve des difficultés à s’entendre avec son mari (dont la personnalité complexe lui échappe) et se réfugie dans le support écrit des lettres et autre décharges que lui prodigue Johnnie afin de la rassurer sur sa bonne foi. Mais la tonalité même du texte se trouve modifié, dès lors que le verbe paternel (« tu ne coucheras point » ?) s’est éteint. A partir d’un télégramme porteur de mort, la paranoïa gagne celle qui s’abritait auparavant derrière les parois des mots. Une partie de scrabble sonne l’hallali psychologique, l’épouse se focalisant sur le mot « Murder » (assassin) qu’elle associe à son mari précipitant son ami Beacky du haut des falaises avoisinantes afin d’empocher l’argent investi dans une opération immobilière commune. Désormais, il convient de se méfier même des mots si Johnnie ,comme elle s’en persuade, en veut à sa fortune et cherche à la tuer, tout comme il a vraisemblablement mis fin aux jours de Beackey...

 

II) L’inversion de l’oralité, entre repli suicidaire et perversion
Plus rien n’est donc hors de "soupçons", le doute et l’inquiétude venant gangrener le moindre instant de détente. Convoqué à deux reprises dans le suppléments mis à disposition par Montparnasse Vidéo, Bill Krohn (à qui l’on doit "Hitchcock au travail" ) insiste sur cette dévaluation de l’écrit dans l’effondrement de Lina à quoi correspond une suspicion égale dans le regard de Johnnie. C’est que chacun suspecte l’autre de vouloir soit attenter à sa propre vie soit à celle de son congénère... Un creuset d’instabilité relationnelle qu’alimente Hitchcock avec deux séquences désormais classées comme des « classiques » du genre : apportant le soir un verre de lait à sa femme, Johnnie a tout du meurtrier prêt à utiliser ses connaissances en médecine légale pour récupérer en héritage la somme lui permettant de rembourser ses dettes aux bookmakers qui le harcèlent. Le verre laissé de côté par Lina, celle-ci décide le lendemain de partir chez sa mère : en cours de route, Johnnie emprunte sur les chapeaux de roue un raccourci frôlant des falaises à pic et se penche vers la portière de sa femme, qui se voit déjà précipitée hors du véhicule et s’évanouit de terreur. Revenue à elle, le mari et la femme peuvent enfin s’expliquer, Lina comprenant que son époux s’est renseigné sur le poison avec l’intention de se suicider et qu’elle n’a fait que surinterpréter ses gestes.

 

En ce sens, Soupçons offre une réflexion remarquablement aboutie sur le non-dit et sur le danger inhérent au repli sur soi et à la non-communication altruiste. En fin cinéphile, Krohn insiste plutôt sur la dimension psychanalytique de l’oeuvre, pointant également la critique latente que ferait ici Hitchcock du genre « thriller gothique » (et du cinéma qui l’accompagne) développé aux Etats-Unis avec son premier film sur place, Rebecca. Mais il ne faut pas occulter pour autant le statut particulier que réserve ce film de 1941 à « l’oralité ». De la première à la dernière séquence de l’oeuvre, le travail d’Hitchcock semble concentré sur la « mise en bouche », l’art de la prise de parole et de la rhétorique dont le pendant évoque une sexualité assumée et maîtrisée à l’instar du pur-sang que domine Lina lorsque Johnnie la revoit lors d’une réception. En ouvrant la jeune femme au plaisir des sens, le trublion nonchalant incarné par Cary Grant donne en fait la parole à Lina et lui permet d’éradiquer la "pater potentia".

 

On peut présumer qu’en retour l’épouse tente de combler du mieux possible cet homme expérimenté (qui avoue plus de 73 conquêtes au début du film !) mais qui ne coïncide absolument pas avec l’image qu’elle s’est construite d’un mari et d’un père potentiel, droit et loyal. Un homme « à principes » en somme. En toute logique, et sans savoir si partant elle se refuse à lui, Lina décide de retourner la parole contre celui qui en joue afin de l’abuser. De son côté, chaque mot proféré par Johnnie est un signe de perversion supplémentaire (surtout ne plus l’écouter, ne pas le croire) - ce qui la pousse à se refermer sur son propre univers - ; du côté du mari, le repli de la jeune femme sur elle-même est le dernier indice de sa propre transparence médiocre : même celle qui partage ses jours ne lui fait plus confiance. Les dettes et les sanctions menaçant, la seule sortie digne de ce nom est le suicide. Il faudra donc un cri (le hurlement de Lina dans la voiture, la rage explicative de Johnnie qui ne supporte plus la suspicion attachée à ses faits et gestes) pour que la situation revienne à la normale.

 

Juste retour à l’ordre des choses qui présuppose la reprise d’une sexualité mise en suspens par le décès du père, soit la réactivation d’une oralité tant sexuelle que communicationnelle. L’amour n’est jamais qu’une mort à deux voix. François Truffaut à d’ailleurs noté à ce sujet que chez Hitchcock « il était impossible de ne pas voir que toutes les scènes d’amour étaient filmées comme des scènes de meurtre et toutes les scènes de meurtre comme des scènes d’amour ». Est-ce un hasard ? La dernière séquence de Soupçons nous montre les Aysgarth enfin réconciliés, bras dessus bras dessous dans leur décapotable... sans que la moindre parole soit échangée.

 
 
 

frederic grolleau

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Soupçon ("Suspicion")

Editions Montparnasse Vidéo, 2001 Alfred Hitchcock,1941, N &B, 100 minutes, Studio RKO Acteurs : Cary Grant, Joan Fontaine, Cedric Hardwicke, Nigel Bruce, Dame May, Isabel Jeans Suppléments DVD *Interview (5 mn) de Patricia HITCHCOCK, sa fille (V.O.S.T) *2 grandes interviews de Bill Krohn (auteur du livre " Hitchcock au travail " et correspondant des Cahiers à Los Angeles) : " Une Bovary anglaise " (20 minutes) : analyse critique du film illustrée par des extraits. (VF). Et " La fin de Soupçons : un tour de passe-passe " : explication détaillée de la manipulation opérée par le maître (15 mns environ, V.O.S.T) ; u *Livret de 16 pages rédigé par les Cahiers du Cinéma (avec photos du film).

Caractéristiques techniques Master numérique restauré Son : 5.1 et mono Format Cinéma 1.33, écran 4/3 Standard Pal Zone 2 DVD doté de la VF, VO et VOST

Prix : 30, 00 €

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JOAN FONTAINE

18AVR

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Second film américain d’Alfred Hitchcock, « SOUPÇONS » lui fait retrouver sa vedette de « REBECCA », Joan Fontaine et rencontrer Cary Grant qui deviendra son acteur-fétiche. Ce suspense psychologique est pourtant loin d’avoir aussi bien vieilli que son précédent film.


Une jeune héritière solitaire tombe éperdument amoureuse d’un play-boy oisif et pique-assiette, qu’elle épouse malgré l’avis de ses parents. Elle réalise bientôt que son charmant époux est un joueur invétéré et qu’il s’endette. Ira-t-il jusqu’au meurtre pour se maintenir à flot ? Tout l’intérêt du scénario provient de l’ambiguïté de Grant, vieux gamin irresponsable et/ou assassin en puissance et de la paranoïa galopante de sa femme, qui mène son enquête jusqu’à se persuader qu’elle sera sa prochaine victime. Cela maintient l’attention jusqu’à la dernière partie, où subitement les cartes sont redistribuées lors d’un dénouement aussi bâclé qu’illogique. On sait que le réalisateur avait imaginé une fin bien différente, justifiant toute la construction de son histoire, mais qu’il fut obligé d’en tourner une plus « positive » pour préserver l’image de séducteur de Grant. Quel dommage ! Et quel gâchis ! Car pour plaisant qu’il soit, « SOUPÇONS » laisse sur une impression d’inachevé et de « tout ça pour ça » pas très gratifiante. Heureusement, les comédiens sont très bien : Fontaine, femme intelligente qui se liquéfie littéralement devant Grant, jusqu’à en devenir stupide et d’une naïveté affligeante, Grant qui s’amuse beaucoup à jouer sur deux registres opposés : la gaucherie sympathique du grand dadais immature et la froideur du meurtrier qui sommeille. Nigel Bruce en fait des tonnes en « bon copain » à cervelle d’oiseau. On notera – à peine esquissée – l’étrange relation entre la romancière (Auriol Lee) et une invitée vêtue en homme lors d’un dîner, second couple lesbien juste après « REBECCA ». À voir « SOUPÇONS », pour l’amoureux du cinéma d’Hitchcock, et surtout pour ce célèbre plan où Grant gravit un escalier dans la pénombre en portant un verre de lait potentiellement empoisonné, à la blancheur fluorescente.


TAINE

CARY GRANT, NIGEL BRUCE ET JOAN FONTAINE
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Ciné-Club de Caen

Soupçons

 

Voir : Photogrammes
Genre : Film noir

(Suspicion). D'après Before the Fact de Francis Iles. Avec : Joan Fontaine (Lina McLaidlaw), Cary Grant (Johnnie Aysgarth), Sir Cedric Hardwicke (Le général McLaidlaw), Nigel Bruce (Beaky), May Whitty (Mrs. McLaidlaw), Isabel Jeans (Mrs. Newsham), Heather Angel (Ethel), Leo G. Carroll (George Melbec), Auriol Lee (Isobel Sedbusk). 1h39.
 

 

En 1938 en Angleterre, l'inconsistant playboy Johnnie Aysgarth rencontre la douce, riche, très sage mais naïve Lina McLaidlaw dans un train, alors qu'il essaie de voyager en première classe avec un billet de troisième. Séducteur comme à son habitude, il lui fait autoritairement la cour. Profitant de la faiblesse amoureuse qu'elle éprouve pour lui, il n'hésite pas à l'infantiliser en la surnommant sans cesse "Monkey face » (« ouistiti » dans la version française). Il la persuade plus tard de se promener avec lui. Elle est sur la défensive . Mais plus tard, à une fenêtre, elle surprend ses parents qui parlent d'elle. Ils supposent qu'elle ne se mariera jamais. Blessée, elle embrasse Johnnie.

Elle espère avoir de ses nouvelles mais Johnnie annule leur rendez-vous de l'après-midi puis disparaît. Cependant, il revient pour une partie de chasse une semaine plus tard et la charme pour finalement s'enfuir malgré la forte désapprobation de son riche père, le général McLaidlaw.

Après une somptueuse lune de miel et un retour dans une superbe maison, Lina découvre que Johnnie n'a ni travail ni revenu, vit habituellement de l'argent emprunté et avait l'intention de demander un prêt à son père. Elle le convainc de trouver un emploi et de travailler pour son cousin, le capitaine George Melbeck, agent immobilier.

Peu après, Lina apprend que Johnnie a continué à jouer malgré sa promesse d'arrêter. Pour payer une dette de jeu, il a vendu deux chaises anciennes, objets de famille, que son père lui avait offerts en cadeau de mariage. Beaky, l'ami sincère mais naïf de Johnnie, essaie de rassurer Lina en lui affirmant que son mari est très amusant et un menteur très divertissant. Elle surprend toutefois à plusieurs reprises Johnnie dans des mensonges de plus en plus importants. Il a ainsi été licencié des semaines auparavant pour détournement de fonds par Melbeck qui ne le poursuivra pas si l'argent est remboursé.

Lina écrit une lettre de rupture à Johnnie mais la déchire ensuite. Johnnie entre alors dans la pièce et lui montre un télégramme annonçant la mort de son père. Johnnie est très déçu de découvrir que Lina n'a hérité d'aucun argent, seulement du portrait de son père. Il convainc Beaky de financer un programme d'aménagement foncier extrêmement spéculatif. Lina a peur que ce soit une escroquerie et tente en vain d'en dissuader Beaky. Johnnie la surprend et l'avertit avec colère de rester en dehors de ses affaires. Plus tard, il annule le tout.

Lorsque Beaky part pour Paris, Johnnie l'accompagne à mi-route. Plus tard, la nouvelle parvient à Lina que Beaky est mort à Paris. Johnnie lui ment, ainsi qu'à un inspecteur de police en disant qu'il est parti directement. Ceci et d'autres détails encore amènent Lina à soupçonner qu'il est responsable de la mort de Beaky.

Lina commence alors à craindre que son mari complote pour la tuer pour son assurance-vie. Il a interrogé son amie Isobel Sedbusk, écrivaine de romans policiers, à propos de poisons indétectables. Johnnie apporte un verre de lait à Lina avant de se coucher, mais elle a trop peur de le boire. Ayant alors un besoin vital de s'éloigner, elle prépare sa valise pour aller quelques jours avec sa mère. Johnnie insiste pour l'y conduire en voiture. Il accélère imprudemment dans sa puissante décapotable sur une route dangereuse à côté d'une falaise. La porte de Lina s'ouvre de manière inattendue. Johnnie tend la main et son intention parait peu claire pour Lina, terrifiée. Quand il s'arrête, elle quitte la voiture et s'enfuit.

Johnnie la rattrappe et affirme qu'il avait en fait l'intention de se suicider après l'avoir emmené chez sa mère. Le suicide est la sortie du lâche, et il est résolu à faire face à ses responsabilités, au point même d'aller en prison pour détournement de fonds. Il révèle être à Liverpool au moment de la mort de Beaky, essayant d'emprunter sur la police d'assurance-vie de Lina pour rembourser Melbeck. Ses soupçons apaisés, Lina lui demande de rentrer chez eux et de se parler enfin. Johnnie refuse d'abord mais, finalement, fait demi-tour et ils repartent ensemble.

 

Hitchcock raconte que le problème qu'il avait eu avec Ivor Novello pour The Lodger se posait à nouveau : on ne pouvait faire d'une grande vedette un criminel. Mais si Johnnie avait bien été un meurtrier -ce qu'il est dans le livre de Francis Iles !- le film n'aurait été que l'histoire d'un séduisant criminel dont la femme découvre peu à peu - et dès lors sans ambiguïté - le comportement criminel. Le personnage principal du film aurait été l'homme et certainement pas celui de la frêle Lina. Hitchcock retrouve en effet Joan Fontaine, qu'il dirigea quelques mois seulement avant dans Rebecca, et c'est elle l'héroïne du film et non pas Cary Grant, que Hitchcock dirige ici pour la première fois avant Les EnchaînésLa main au collet et La mort aux trousses.

Lina fait de son mari un des nombreux faux coupables hitchcockiens. L'histoire est constamment observée de son point de vue et le spectateur est perpétuellement conduit par elle sur de fausses pistes. Lina imagine et visualise même (quelques années avant Le Grand Alibi, Hitchcock n'hésite d'ailleurs pas à montrer -brièvement- au spectateur une scène qui n'a jamais existé autrement que dans l'esprit malade de son héroïne) la mort de Beaky alors que ce dernier est toujours vivant et tout lui est bon pour soupçonner ce mari qu'elle croit capable de tuer. S'il lui apporte un verre de lait, c'est pour l'empoisonner, s'il l'emmène en voiture, c'est pour le précipiter dans le vide et si le malheureux Beaky est mort ce ne peut-être que de la main de Johnnie.

La première leçon du film est que Lina, au début, n'aimait sans doute pas assez son mari pour ne pas douter de lui. Comme si son mariage n'avait été dans un premier temps que le moyen d'échapper à sa famille et notamment à l'autorité trop envahissante de son père. Elle apparait comme une femme sexuellement frustrée. Sa manière de coiffer ses cheveux et ses lunettes sont les attributs évidents de la jeune femme célibataire, incapable de se marier. Ce n'est pas une coïncidence si l'une des scènes montre Lina entendant ses parents déplorer cette situation ! Comme plus tard Marnie, elle préfère la compagnie des chevaux à celle des hommes et croit qu'il suffit de leur passer un mors au dent pour les dresser.

Ce ne sera qu'à la fin que Lina, débarrassée de ses doutes, pourra pleinement aimer son mari, consciente des heures et des jours gâchés par la faute de ses soupçons insensés. L'habileté avec laquelle Hitchcock passe de la comédie romanesque au drame criminel n'est pas pure virtuosité mais pourrait nous signifier qu'il n'est pas d'amour possible sans épreuve. Pour l'avoir sous-estimée, Lina aura dû aller au fond de son angoisse avant que la dernière scène du film - la conversation de Lina et de Johnnie après la séquence dramatique de la voiture- n'agisse comme une catharsis, la libérant de ses soupçons.

Dans Le cinéma selon Hitchcock (cinéma2000/Seghers, p.162-163) :

F.T. : A part ça, êtes vous content de Soupçons ?
A.H. : Seulement dans une certaine mesure. Les éléments qui constituent un film de ce genre ne m’ont pas plu. Les salons élégants, les escaliers somptueux, les chambres à coucher de luxe, etc. C’était le même problème qu’avec Rebecca, un paysage anglais reconstitué en Amérique. Pour cette histoire, j’aurais aimé disposer d’un cadre authentique. Un autre désavantage était la photographie trop brillante. Mais avez-vous aimé la scène du verre de lait ?
F.T. : Lorsque Cary Grant monte l'escalier, c'est très bien.
A.H.: J'avais fait mettre une lumière dans le verre de lait.
F.T : Un projecteur dirigé vers le lait ?
A.H. Non, dans le verre. Parce qu'il fallait que ce fût extrêmement lumineux. Cary Grant monte l'escalier et il fallait que l'on ne regardât que ce verre.
F.T. : C'était très bien, vraiment...

Jean-Luc Lacuve, le 10 novembre 2007.

Test du DVD

Editeur : Montparnasse. Octobre 2007. Format: 1.37.

Coffret Cary Grant

L’impossible Monsieur Bébé (Howard Hawks, 1938) Mon épouse favorite (Garson Kanin, 1941) Soupçons (Alfred Hitchcock, 1941), Lune de miel mouvementée (Leo McCarey, 1942), Un Million clés en main (H.C. Potter, 1948).


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SOUPÇONS DE ALFRED HITCHCOCK

ARTE diffuse Soupçons (Suspicion, 1941) de Alfred Hitchcock lundi 12 août à 20h55.

« Parce qu’il lui ment trop souvent, Lina (Joan Fontaine), la jeune épouse de Johnnie (Cary Grant), se met à le soupçonner d’être un assassin et s’imagine qu’il veut la tuer. »

Soupçons, produit par la RKO, est l’un des films des débuts de la carrière hollywoodienne d’Alfred Hitchcock, dans lequel le cinéaste anglais retrouve Joan Fontaine, la vedette de son premier film américain Rebecca (1940), et dirige pour la première fois celui qui deviendra son acteur de prédilection, Cary Grant.

L’idée motrice de Soupçons est de transposer les indices, fausses pistes et preuves accablantes d’une enquête policière sur le terrain intime de la vie conjugale, en adoptant le point de vue de la femme, possible victime d’un mari dissimulateur. Idée géniale, qui connaitra de nombreuses déclinaisons dans l’œuvre d’Hitchcock et chez d’autres cinéastes. Comment créer du suspense autour d’une rencontre amoureuse, comment transformer un projet de mariage en complot criminel ? Le film modifie profondément la trame du roman dont il s’inspire, trop scandaleuse pour un film hollywoodien en 1941. La situation du livre – une femme découvre que son mari est un meurtrier – est moins exceptionnelle que celle du film – une femme croit que son mari est un meurtrier. Mais ce scénario édulcoré par la censure ouvre finalement des perspectives nouvelles, et permet d’approfondir, et du nuancer, la psychologie des personnages. Cary Grant interprète-t-il un séducteur désinvolte et dépensier, ou alors un tueur de femmes cynique et sans pitié ? Si Hitchcock confessait ne pas aimer la conclusion du film, elle aussi imposée par le studio, il se montrait très fier de la scène du verre de lait, qui demeure l’une des plus iconiques de toute son œuvre.

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Soupçons (Suspicion) est un film américain réalisé par Alfred Hitchcock, sorti en 1941.

Le film évoque la rencontre que fait Lina McLaidlaw dans un train avec John Aysgarth, un homme attirant qui ne tarde pas à la séduire. Peu de temps après, Lina épouse John. Dans les semaines qui suivent, elle découvre la vraie personnalité de son mari : c'est un homme désargenté qui utilise des expédients douteux, si ce n'est frauduleux, pour vivre au-dessus de ses moyens. Lorsque l'ami et associé de John meurt dans des circonstances mystérieuses, Lina en vient à se demander si John l'a tué et si elle est « la suivante sur la liste ».

Synopsis

Cary Grant et Joan Fontaine.

John Aysgarth (« Johnnie »), aussi froidement provocateur que cyniquement indélicat, est un joueur séduisant, qui masque son oisiveté sous son charme, dans un système bien rôdé de perpétuels mensonges. Il rencontre la douce, riche et très sage (mais naïve) Lina McLaidlaw dans un train, alors qu'il essaie de voyager en première classe avec un billet de troisième. Dans une véritable stratégie de séduction, il lui fait quasiment autoritairement la cour, profitant de la faiblesse amoureuse qu'elle éprouve pour lui, n'hésitant pas à l'infantiliser avec finesse, et la surnommant sans cesse « monkey face » (« ouistiti » dans la version française).

Le sentiment amoureux de Lina, à l'égard de celui qui apparaît un peu comme la coqueluche des jeunes filles de la bonne société d'alors, est encore renforcé chez elle par une conversation qu'elle surprend entre ses parents, lesquels la pensent faite pour rester « vieille fille ». Grâce à ce concours de circonstances, John Aysgarth épouse rapidement Lina McLaidlaw sans que les parents en soient informés. Elle quitte le foyer en leur faisant croire qu'elle se rend à la poste.

Au retour de leur luxueuse lune de miel, Lina prend progressivement conscience de la vraie personnalité de son mari. Elle le découvre désargenté, joueur et vivant très au-dessus de ses moyens grâce à divers expédients (notamment emprunts auprès de connaissances). Elle commence alors à se demander s'il ne l'a pas épousée pour son argent, d'autant plus qu'il vend en cachette divers objets lui appartenant. Ses soupçons grandissent quand Beaky, l'ami et associé de Johnnie, meurt dans de mystérieuses circonstances à Paris. Lina soupçonne alors son mari d'avoir tué Beaky pour récupérer, encore et toujours, de l'argent. Et la crainte qu'il la tue grandit en elle, obsédante.

Lina apprend que son époux a été licencié six semaines auparavant pour escroquerie et abus de confiance au détriment de son employeur.

Johnnie s'intéresse aux romans policiers et notamment aux méthodes de meurtres. Quand, lors d'une soirée, il interroge une romancière connue pour ses romans policiers, Lina se demande s'il tente de trouver un moyen pour l'éliminer.

Finalement, malgré ses perpétuels mensonges et malversations, Johnnie parvient à convaincre Lina, sans néanmoins donner de preuves, qu'il n'a pas tué Beaky et qu'il n'a aucune intention meurtrière à son égard. La dernière séquence montre le couple assis dans la voiture ; Johnnie passe son bras autour des épaules de Lina qui ne le repousse pas.

Fiche technique

Distribution

Tournage

Le tournage se déroule du  au . Puis trois jours de tournage supplémentaires (23 et ) sont nécessaires. Le film sort la même année.

La production assurée par la RKO Pictures, représentée par Harry E. Edington, avait déjà ce projet depuis 1935. Ce devait être réalisé par Louis Hayward sur un scénario d’Emlyn Williams. En 1939, l’aventure avait été re-envisagée avec Robert Montgomery et Geraldine Fitzgerald mais en vain. La même année, la RKO avait aussi essayé avec Laurence Olivier et Maureen O'Hara. En réalisant ce film, Hitchcock réalise donc un projet très désiré par la firme.

Autour du film

Lina McLaidlaw surnommée Monkey Face dans la version originale et Ouistiti dans la version française est jouée par Joan Fontaine, qui venait de tourner dans le film Rebecca (1940) du même Hitchcock. Johnnie Aysgarth est joué par Cary Grant dont c’est le premier rôle avec le réalisateur, qu'il a retrouvé plusieurs fois par la suite.

Le terme « monkey face » employé est traduit par « ouistiti » dans la version française. Cette traduction est imprécise, l'expression anglaise étant plus proche de « petite coquine », « petite espiègle ». Nigel Bruce est appelé « Biquet » en V.F.

Caméo d'Alfred Hitchcock : l'homme postant une lettre à la 45e minute.Patrick Brion dans son livre consacré à l'œuvre d'Hitchcock (Hitchcock, biographie, filmographie illustrée, analyse critique, Patrick Brion, p. 451) écrit que « le film invite le spectateur à s’interroger sur la fragilité des indices et des témoignages. », comme c’est le cas pour plusieurs films du réalisateur, dont Le Faux Coupable (The Wrong Man) ou Frenzy.

Récompenses

Joan Fontaine remporte deux titres de meilleure actrice pour son rôle d'épouse soupçonneuse :

en 1941, le New York Film Critics Circle Award

l'Oscar de la meilleure actrice en 1942. Seule statuette remportée pour ce film également nommé pour la meilleure musique, Franz Waxman, et le meilleur film.

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                           soupçonnez, soupçonnez ... il en restera toujours  quelque chose...



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