duminică, 7 aprilie 2024

George Cukor (1899-1983)

 


En 1982, George Cukor dans “Télérama” : “C’est la faute de la presse si j’ai cette réputation de metteur en scène de femmes”


LES RÉALISATEURS

GEORGE CUKOR

On a toujours tendance en évoquant Cukor à ne se souvenir que des actrices qu’il a remarquablement « servies » en oubliant sa fabuleuse originalité.

Né à New York en 1899, George Cukor était déjà connu à Broadway comme metteur en scène de théâtre lorsqu’il fut appelé, en 1929, à travailler pour le cinéma alors aux prises avec les premières difficultés du parlant. Il débuta dans sa nouvelle activité comme dialoguiste dans River of Romance (1929) et dans A l’ouest rien de nouveau (All Quiet on the Western Front, 1930), de Lewis Milestone. L’évidence de son talent était telle que la Paramount lui proposa immédiatement plusieurs coproductions. En 1931, deux films dirigés par Cukor lui-même, Viveuses (Girls about Town) et Tarnished Lady le firent remarquer comme un metteur en scène attiré par les sujets modernes ayant pour cadre une grande ville.

C’est aussi pendant cette période qu’il devient l’ami de David O. Selznick, tout d’abord producteur à la Paramount, puis à la RKO. Pour cette dernière, ils feront Héritage (Bill of Divorcement, 1932), What Price Hollywood ? (1932) et Our Betters (1933), dans lequel Cukor traite déjà ses futurs sujets de prédilection : le divorce, l’adultère et la guerre des sexes.

UN CHOIX IMPRÉVISIBLE

En 1933, Cukor décida de réaliser Les Quatre Filles du Dr March (Little Women), ce qui constituait à la fois un tournant dans sa carrière et une surprise pour le monde du cinéma. C’était à l’origine un projet de Selznick qui n’avait pu le mener à terme, étant passé entretemps de la RKO à la MGM. On s’étonna du choix du metteur en scène : comment un homme habitué à des films bien plus ambitieux en était-il arrivé à s’intéresser à un sujet si mineur et si éloigné de ses préoccupations habituelles ? Cukor faisant un film « pour la famille » ! Voilà qui semblait surprenant ? Quel roman, en effet, répondait mieux aux critères moraux les plus traditionnels que celui de Louisa May Alcott ? Quatre jeunes sœurs affrontent la vie courageusement unies autour de leur mère, tandis que le père risque sa vie dans les combats de la guerre de Sécession. Cukor ne semblait pas être l’homme de la situation. Et. pourtant, il parvint, sans trahir l’esprit du roman à restituer le climat de la Nouvelle-Angleterre du XIXe siècle.

Little women (1933)

Dans Les Quatre Filles du Dr March, Cukor s’attacha tout particulièrement aux personnages forts : Jo et Amy. Jo (Katharine Hepburn) était la plus volontaire des quatre sœurs. Pour se réaliser comme écrivain, elle quittait sa famille, épousait un étranger et s’installait à New York, centre de la vie littéraire. Amy (Joan Bennett) était, au contraire, une jeune fille frivole qui acceptait de jouer le rôle traditionnel de la femme à l’époque, bonne épouse tout en restant mondaine. Elle finissait ainsi par épouser l’ancien fiancé de Jo. Comme on peut le constater Cukor, même dans la romance à grand spectacle, savait rester fidèle à ses thèmes.

ON SET – Little women (1933)
NAISSANCE D’UN GENRE

Le succès du film de Cukor mis à la mode l’adaptation cinématographique des classiques de la littérature. Un genre naissait, et Cukor semblait être le réalisateur le plus apte à le faire accepter par le grand public. Il se mit donc à l’ouvrage et tira de l’œuvre de Dickens, de Shakespeare et d’Alexandre Dumas fils une série de films remarquables sans toutefois cesser de mettre en scène les comédies sophistiquées qu’il affectionnait particulièrement : Les Invités de huit heures (Dinner at Eight, 1933), Sylvia Scarlett (1936), Vacances (Holiday, 1938) et Indiscrétions (The Philadelphia Story, 1940). Il fit la démonstration éclatante qu’il était aussi à l’aise dans les deux genres, et le tact avec lequel il dirigeait ses actrices est resté proverbial.

Une grande part du succès obtenu par David Copperfield (1935) est redevable, précisément, à la justesse des personnages pittoresques et fortement typés, tels la grand-tante Betsey Trotwood (l’excellente Edna May Oliver) et le sadique Murdstone (Basil Rathbone, le futur Sherlock Holmes), sans oublier la faune des bas-fonds au sein de laquelle se débat le pauvre David (Freddie Bartholomew).

LE METTEUR EN SCÈNE DES STARS

Après Les Quatre Filles du Dr March, Cukor suivit Selznick à la MGM : il devait y rester vingt-cinq ans. Dès le début, on lui confia des films importants, Roméo et Juliette (Romeo and Juliet, 1936) et Le Roman de Marguerite Gautier (Camille, 1936), qui sera un des plus beaux rôles de Garbo. Utilisant le « génie » de la Divine, Cukor réussit à saisir l’essence de toute une époque, celle dans laquelle évolua la célèbre courtisane française du XIXe siècle.

Romeo and Juliet (1936)

Avec les années 1930, le star system prit un essor rapide et Cukor devient le réalisateur le plus recherché par les grandes vedettes convaincues, à juste titre, de trouver en lui l’homme le plus apte à les mettre en valeur. Hepburn, Bennett, Shearer, Garbo et Crawford, toutes voulurent tourner sous sa direction… et elles y parvinrent. C’est sans doute pour cela qu’il garda le surnom de « metteur en scène des femmes ».

Camille (1936)

En réalité, il ne faudrait pas réduire à ce rôle de faire-valoir de luxe un cinéaste dont la carrière s’étend sur un demi-siècle et embrasse tous les genres avec le même bonheur (seul le film de gangsters manque à son palmarès). On serait mieux inspiré en disant que Cukor, grâce à son habileté, a mieux défini ce que peut être un « cinéma pour la femme », en transplantant l’univers spécifique de la comédie légère sur le terrain plus épineux de la morale.

The Women (1939)

Son attitude vis-à-vis de Hollywood, qui n’est pas sans rappeler celles d’un Frank Borzage, d’un John M. Stahl ou d’un Gregory La Cava, peut se qualifier de libérale, voire détachée. Les thèmes qu’il a traités, et surtout la manière dont il les a traités, reflètent, aujourd’hui encore, le conflit existant entre un metteur en scène intelligent et sensible et une industrie cinématographique bien décidée à imposer le mythe américain. Ce n’est pas la moindre qualité de Cukor de nous avoir prouvé qu’un grand metteur en scène pouvait résoudre ce conflit.

Zaza (1939)
UNE FEMME NOUVELLE

Le personnage par excellence du cinéma de Cukor, c’est la femme qui ose afficher des idées très personnelles, ni héroïne traditionnelle ni vamp sophistiquée, et pour qui des notions comme la sacrosainte respectabilité n’ont absolument aucune importance. Chez Cukor, la femme proclame son identité sans le moindre complexe, et refuse toutes les compromissions ; par voie de conséquence, elle remet en cause le héros type du cinéma américain. Face à elle, l’homme voit s’écrouler le mythe de sa supériorité naturelle et connaît les doutes, les crises et la perplexité d’un être humain soudain privé de certitudes. On voit donc jusqu’à quel point Cukor est immunisé contre les mythes et les préjugés hollywoodiens et postule une vision radicalement nouvelle du rapport entre les sexes, au sein de laquelle trouvent toujours place l’amitié et l’amour, mais débarrassés de la rhétorique sentimentale et annihilante qui les enrobait auparavant.

Au stéréotype du héros pur corrompu par la femme, source de tous les vices, Cukor oppose l’image de la femme qui épouse l’homme égaré : le fasciste de La Flamme sacrée (Keeper of the Flame, 1942) ou le psychopathe de Hantise (Gaslight, 1944). Ce n’est qu’à partir de Edouard, mon fils (Edward, My Son, 1949) et Ma vie à moi (A Life of Her Own, 1950) que le personnage féminin est influencé par le pessimisme du metteur en scène, tendance qui peut le mener à se détruire. On sait que ces films furent des exceptions. A là fin des années 1940 Cukor commença une série de comédies à succès écrites par Garson Kanin et Ruth Gordon, et interprétées par Spencer Tracy, Katharine Hepburn et Judy Holliday : Madame porte la culotte (Adam’s Rib, 1949), The Actress (1953) et Une Femme qui s’affiche (It Should Happen to You, 1954).

LE VIEUX MAÎTRE DU CINÉMA

Réaliser Une étoile est née (A Star Is Born) en 1954 ne fut pas pour Cukor chose facile. Écartant délibérément les schémas classiques de la comédie musicale, il laissa à Judy Garland une liberté de jeu qui a véritablement marqué son époque. Il se révéla en outre un maître du Cinémascope, l’utilisant avec une efficacité consommée, mêlant réalité et fiction, biographie et fait divers pour decrire les travers et la misère morale du monde du spectacle. Après ce film remarquable à bien des égards Cukor s attaqua aux genres les plus divers : le film d’aventures – La Croisée des destins (Bhowani Junction, 1956) et Justine (1969); le western – La Diablesse en collant rose (Heller in Pink Tights, 1960) sans oublier la comédie musicale – Les Girls (1957) et My Fair Lady (1964).

C’est seulement pour ce dernier film que Cukor eut l’honneur de recevoir un Oscar, peut-être un peu tardif si l’on songe aux précieuses statuettes qu’il fit gagner à James Stewart, Ingrid Bergman, Ronald Colman, Judy Holliday et Rex Harrison.

Appelé par certains « le grand vieillard du cinéma » sans que cela soit péjoratif, Cukor n’a rien perdu de sa vivacité et de sa curiosité intellectuelle, une réussite aussi éblouissante que Voyage avec ma tante (Travels with my Aunt, 1974) est là pour le rappeler. La télévision a fait appel à lui pour Love among the Ruins (1975) et The Corn is Green (1978). Son talent a suscité les commentaires les plus élogieux de maints grands cinéastes, au nombre desquels il faut citer Ingmar Bergman. Pour eux, Cukor est tout à la fois un maître, un exemple et un pionnier. Sa grande finesse pour tout ce qui touche à la psychologie, sa générosité et son approche tout à fait personnelle des personnages féminins sont reconnues bien au-delà des frontières de Hollywood.


Qu’elle soit diablesse, lady, girl, affiche, âgée, aux camélias, en collant rose ou à deux visages, la femme occupe dans l’univers réaliste mais luxueux de George Cukor le devant de la scène. La femme en enfer, la dame damnée : Tarnished Lady (1931), ainsi s’intitule le premier film de George Cukor… Toute l’œuvre de Cukor est ainsi bâtie qu’elle n’est ni drame ni divertissement, et qu’elle refuse les limites d’un choix définitif. Pile, face, Cukor a filmé sur la tranche, dorée au soleil d’Hollywood.


Dinner at eight (Les Invités de huit heures), vaste huis clos donnant une entrevue des vies de personnalités du Who’s Who invitées à une soirée chic de Manhattan, est un subtil mélange d’humour et de mélodrame. Soutenu par le succès de Grand Hotel (Edmund Goulding, 1932), production du studio de l’année précédente mettant en scène de nombreuses stars, le producteur David O. Selznick aspirait à quelque chose d’encore plus grandiose, et l’a trouvé avec cette adaptation de la pièce de théâtre à succès de George S. Kaufman et Edna Ferber, réalisée par George Cukor.

Avec Gaslight (Hantise), George Cukor délaissait la comédie pour s’essayer au film noir, genre forcément tentant pour un cinéaste passionné par le mensonge et la double identité. Pourtant, ce thriller victorien où un mari tente de rendre sa femme folle vaut surtout comme un superbe exercice de style où le son et la photo, l’atmosphère donc, comptent plus que l’histoire, prévisible.

Belle, blonde et sotte, Billie est la petite amie d’un homme d’affaire puissant mais véreux. Celui-ci profite de l’ignorance de sa compagne pour la compromettre dans des affaires louches, jusqu’à ce qu’elle découvre la vérité grâce à un journaliste engagé pour lui apporter un semblant d’éducation. Judy Holliday remporta l’oscar de la meilleur actrice en 1950 pour sa très drôle et brillante prestation dans le rôle de Billie, qu’elle interpréta aussi bien au théâtre qu’au cinéma.

Avec son titre repris régulièrement par la presse pour saluer l’avènement de la moindre vedette, A Star is born (Une Etoile est née) fait assurément partie des films les plus importants de l’histoire du cinéma américain. Il fut pourtant boudé à sa sortie, souffrant avant tout d’un montage tronqué par les exécutifs de la Warner. Mais peut-être le sujet du film lui-même a-t-il rebuté les spectateurs, tant il jette sur les coulisses de l’usine à rêves un éclairage peu reluisant

A première vue, Les Girls pourrait facilement être rapproché d’Un Américain à Paris. Interprétées par Gene Kelly à six ans d’intervalle, ces deux comédies musicales ont pour cadre la capitale française, et résonnent des mélodies de deux géants de Broadway : Cole Porter, pour la première, George Gershwin pour la seconde. Mais la ressemblance s’arrête là, car à l’innocence du film de Minnelli, répond l’ironie de celui de Cukor.

Le titre original de cette comédie musicale, Let’s make love, signifie Faisons l’amour ! Si l’amour a effectivement une belle part dans Le Milliardaire, le tournage du film fut pourtant semé d’embûches de toutes sortes, et les critiques se montrèrent bien injustes à sa sortie.

le film dépeint une pauvre marchande de fleurs Cockney nommée Eliza Doolittle qui surprend un professeur de phonétique arrogant, Henry Higgins, alors qu’il parie avec désinvolture qu’il pourrait lui apprendre à parler « correctement » anglais , la rendant ainsi présentable dans la haute société de Londres édouardienne .


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