duminică, 10 martie 2024

Zona de interes / Film 2024 / O gradina a raiului vecina cu un lagar al mortii

titrat in romana 
Naziștii SS numeau „Zona de interes” cei 40 de kilometri pătrați care înconjoară complexul de la Auschwitz, cel mai mare în sistemul concentraționar nazist, alătuit din trei lagăre principale și aproape 50 de lagăre secundare.

 Cannes 2023 : « The Zone of Interest », un bourreau dans son jardin

Par Jacques Mandelbaum

Publié le 24 mai 2023

Jonathan Glazer montre la vie quotidienne de Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz-Birkenau, et de sa famille installée à côté du camp. Une œuvre d’une grande puissance.

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Zona de interes / Film 2024 / O gradina a raiului vecina cu un lagar al mortii


SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION

Jonathan Glazer, 58 ans, quatre longs-métrages à son actif, dont Under the Skin en 2013, un chef-d’œuvre où Scarlett Johansson incarnait une sculpturale extraterrestre attirant les hommes sensibles à ses charmes pour les faire disparaître à jamais dans la nuit. On attendait, depuis, fébrilement de ses nouvelles. Son entrée en compétition à Cannes nous en donne enfin, et elles sont excellentes, tant pour un concours qui patinait un peu jusqu’ici que pour la carrière de ce cinéaste si singulier, qui signe de nouveau, avec ce film, une œuvre d’une grande puissance, aussi intellectuelle que plastique.

L’histoire est simple, il s’agit de donner une image de la vie quotidienne de la famille Höss, constituée de Rudolf (Christian Friedel), le père, d’Hedwig (Sandra Hüller), la mère, de leurs quatre enfants, de la mère de madame, matrone germanique, et d’une servante dont la vie ne tient qu’à un fil. Car, il faut le préciser, Rudolf, technicien hors pair du meurtre de masse, est le commandant historique d’Auschwitz-Birkenau, le plus grand camp de concentration et d’extermination nazi, et sa maison avec jardin est attenante au camp.

La « zone d’intérêt » était justement, dans la langue nazie forgée d’euphémismes, le périmètre qui entourait le camp. Voici donc, un jour après le nouvel Indiana Jones, le retour des nazis sur la Croisette, cette fois-ci dans un film dont la pertinence esthétique s’inscrit en lettres de feu, ou plutôt de glace, dans l’histoire, plus souvent qu’à son tour obscène, de la représentation de la réalité concentrationnaire.

On se souvient du dernier essai important consacré en 2015 à cette question, Le Fils de Saul, de Laszlo Nemes, lequel fit sensation à Cannes. 

Martin Amis, Zona de interes, M Pandora 
Cartea care a stat la baza scenariului
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Le grand prix pour The Zone of Interest de Jonathan Glazer, l'enfant terrible du cinéma britannique

Par Le Figaro / Publié le 27/05/2023

Le grand prix est attribué au film The Zone of Interest du Britannique Jonathan Glazer. CHRISTOPHE SIMON / AFP

Le quatrième long-métrage de ce réalisateur venu des clips et de la pub raconte l'horreur d'Auschwitz sans la montrer.

C'était notre palme d'or. Dans The Zone of Interest, Jonathan Glazer adapte à sa façon, implacable et glaçante, le roman de Martin Amis se déroulant à Auschwitz. Le film décrit la vie quotidienne d'une famille de nazis logée juste à côté du camp et indifférente à l'horreur. Au bout du jardin, la mort est signalée par des cris et des bruits industriels. La banalité du mal dans toute son horreur. Le réalisateur de 58 ans vient donc d'être récompensé par le Grand prix. Quatrième long-métrage d'une carrière commencée il y a vingt-trois ans, il s'agissait de la première venue du Britannique au festival de Cannes.

Jonathan Glazer cultive un sens du suspense et du marketing remarquable. Avant Cannes, on savait seulement que The Zone of Interest s'inspirait du roman de Martin Amis, qui vient de décéder. « On m'a proposé de passer un casting sans me dire pour quel film, nous racontait l'actrice Sandra Hüller à Cannes. Nous n'avons pas ce goût du secret en Allemagne donc il était évident qu'il s'agissait d'un réalisateur étranger. J'ai d'abord lu trois ou quatre pages sans savoir de quoi il retournait exactement. J'ai appris ensuite que Jonathan Glazer était derrière ce projet et qu'il parlait de la famille Höss. »

The Zone of Interest est une production A24, le studio américain derrière la crème du cinéma d'auteur ( Uncut Gems, Lady Bird de Greta Gerwig, First Cow, The Whale, Everything Everywhere All at Once). Contrairement aux usages, il n'a pas montré The Zone of Interest aux distributeurs avant Cannes. Bac Films l'a acheté plus d'un million d'euros à l'aveugle, sans lire le scénario ni voir le film, sur le nom et la réputation de son auteur. Une projection la veille de Cannes leur a permis de se rassurer sur l'investissement.

La première partie de la carrière de Jonathan Glazer a été consacrée à la réalisation de publicités (Levi's) et de clips musicaux (Radiohead, Blur). Passé au cinéma en 2000, Jonathan Glazer ne raconte jamais des histoires simples. Sexy Beast, en 2000, mettait dos à dos deux gangsters dans l'ambiance tendue d'une villa de la côte espagnole. « J'avais aimé ses publicités et ses vidéo-clips pour lesquels il a reçu de nombreuses récompenses internationales, expliquait Ben Kinglsey, en 2001, qui incarnait l'un des deux personnages. Jonathan a du style, un univers bien à lui. »

Univers qui s'est étoffé en 2004 avec Birth. Un conte fantastique à la Rosemary's Baby, coscénarisé par Jean-Claude Carrière, dans lequel Nicole Kidman croise le fantôme de son défunt mari réincarné en un petit garçon de dix ans… L'ambiguïté psychologique se mélangeait au surnaturel. En 2013, Jonathan Glazer marque les esprits avec Under the Skin, dévoilé à la Mostra de Venise, où Scarlett Johansson incarne un alien vengeur et sexy dans les rues d'Édimbourg. Entre ce film de genre très stylisé et The Zone of Interest, le réalisateur n'avait rien tourné, sinon une installation au festival Coachella en 2011 et un court-métrage hallucinatoire, en 2019, The Fall. Après son Grand prix, son prochain film devrait susciter une attente encore plus forte.                                      

   La zone d'intérêt  

 Jonathan Glazer

2023 / Genre : Biopic / Thème : Shoah / 

Cine-club Caen

  (The Zone of Interest). D'après le roman de Martin Amis. Avec : Sandra Hüller (Hedwig Höss), Christian Friedel (Rudolf Höss), Freya Kreutzkam (Eleanor Pohl), Ralph Herforth (Oswald Pohl), Max Beck (Schwarzer), Ralf Zillmann (Hoffmann), Imogen Kogge (Linna Hensel), Stephanie Petrowitz (Sophie), Johann Karthaus (Claus Höss). 1h45.


  Trois minutes de musique, grondante et stridente, sur un écran noir avec quelques bruits puis des chants d’oiseaux de plus en plus audibles. En soudain, en plein soleil, un décor champêtre: au bord d'une rivière, deux couples d’amis avec leur nombreuse progéniture s’affairent dans l’eau ou à ramasser des fraises des bois. Puis c'est le retour à pied sans paroles échangées tant l’un des bébés crie pour atteindre les voitures, des tractions avants noires. C’est le retour jusque tard dans la nuit vers la maison, celle de la famille Höss, en bordure d’Auschwitz-Birkenau.

Le soir, le mari, Rudolf, et sa femme, Hedwig, discutent, chacun dans leur lit jumeau. Hedwig souhaite que son mari la ramène dans la ville d’Italie où ils profitèrent des joies du spa et rencontrèrent un couple d’italiens charmant avec un mari qui jouait de la musique aux vaches qui semblaient apprécier. Ils en rient encore.

Le matin, une surprise attend Rudolf, conduit les yeux bandés dans l’allée de son jardin par ses jeunes fils Claus et Hans : un canoë trois places flambant neuf offert pour son anniversaire. Il y place son bébé, Annegret et Inge-Brigitt alors que Heidetraud reste en retrait. Mais c’est déjà l’heure du travail et son cheval l’attend pour pénétrer dans le camp. Sophie, la gouvernante, presse les enfants d’aller à l’école.

Un jardinier traverse le jardin pour conduire une brouette vers la maison. Hedwig fait toucher au bébé toutes les fleurs de son splendide parterre. L’une des bonnes de la maison récupère le contenu de la brouette, des provisions, un petit sac et un sac de jute plus grand qu'elle donne à Hedwig. Celle-ci appelle ses bonnes et leur offre de choisir l’une des pièces de lingerie du petit sac. Elle se dirige vers sa chambre où elle sort du grand sac un manteau de vison. En l'examinant, elle constate un ourlet déchiré qu'elle demande à l’une des bonnes de réparer. Une autre des bonnes prépare soigneusement un petit verre sur un plateau qu'elle porte sur la terrasse.

Les officiers du camp affluent pour souhaiter bon anniversaire à leur chef, Rudolf Höss, qui se saisit du petit verre pour porter un toast de remerciement. Dans l’après-midi arrivent des ingénieurs et leur famille. Rodolf dépose ses bottes à l’entrée et l’une des bonnes les lave à l’eau qui emporte avec elle du sang. Les ingénieurs, sous la conduite de Oswald Pohl, proposent un four circulaire permettant l’élimination d'un premier chargement par un feu qui se propage ensuite dans le compartiment suivant grâce à un appel d’air puis au suivant selon le même principe. Perdant que le feu se propage de compartiment en compartiment, les premiers refroidissent ce qui permet d’enlever les cendres et de faire entrer un nouveau chargement. Le four peut ainsi brûler en continu, nuit et jour. Rudolf est admiratif et prépare déjà une note pour obtenir la construction de ce four en continue. Pendant ce temps, les femmes, qui ont accompagné leur mari, discutent de ce qu'elles peuvent récupérer des juifs déportés et de la roublardise qu’ils mettent pour les en empêcher, ainsi un diamant caché dans un tube de dentifrice.Le soir, la lettre de son ami Martin Bormann, devenu conseiller d’Adolf Hitler, demande à ce que Höss, vu ses qualités de soit pas déchargé de son travail actuel pour le camp d’Oranienburg, en Allemagne.

Le lendemain, c'est l’arrivée de la mère de Hedwig, Linna Hensel, qui se réjouit de tout ce que possède dorénavant sa fille. Une belle maison avec de jolies chambres, un personnel, des déportées non juives, qu'elle dirige avec fermeté. Hedig lui confie qu'elle est désignée "reine d’Auschwitz"» par son époux. A elle revient la gloire d’avoir conçu le vaste jardin de la propriété : potager, massifs de fleurs, piscine et serre qui offre au couple un espace de détente où il fait bon respirer ; à leurs quatre enfants, une aire de jeux idéale, parfaitement sécurisée. Sa mère s'en réjouit, elle qui faisait les ménages chez une efmme juive dont elle regrette de n'avoir pas eu les moyens d'acheter les rideaux aux enchères quand elle est partie dans un camp. Un dahlia rouge se transforme en écran rouge sang. La nuque de Rudolf domine un convoi de déportés dont on entend qu'ils sont malmenés, insultés par des gardes alors que les fumées de la cheminée montent vers le ciel. Rudolf conduit ensuite son fils Claus dans un champ pour lui apprendre à monter à cheval et ils longent de nouveau un défilé de déportés qu'ils entendent insultés et maltraités.

  Rudolf conduit ses deux jeunes enfants en canoë jusqu'à une rivière où ils jouent pendant qu'il s'adonne à la pêche. Mais soudain, la rivière charrie des cendres et, en se penchant, Rudolf trouve un morceau d'os. C’est la panique et Rudolf fait sortir en urgence ses enfants de l’eau. Le retour en canoë est difficile sous la pluie et à contre courant l’obligeant à tirer le canoë avec une corde tout en rassurant ses enfants. A la maison les enfants doivent, en urgence, être lavés des cendres. La bonne qui nettoie la baignoire comprend ce qui s’est produit.

  Rudolf lit une histoire aux enfants qui s'endorment. A peine plus âgée, une jeune fille résistante profite de la nuit pour déposer des pommes lumineuses sur des mottes de cendre ou de terre à proximité du camp, dans l'espoir de nourrir les déportés encore vivants.

  Des amis sont invités à une fête. C’est là que Rudolf annonce à Hedwig qu’ils vont être mutés. Hedwig ne l'entend pas ainsi, désespérée à l'idée de quitter son petit paradis. Elle poursuit Rudolf, parti chercher les sandales de sa fille. Au bord de la rivière, elle lui dit fermement que s'il part, elle restera dans sa maison avec les enfants. Le soir, ils l’expliquent aux enfants et à Lina.

Durant la nuit, Rudolf rédige une lettre à l‘inspecteur des camps pour lui demander d'accéder aux souhaits de sa femme. Il a fait venir une déportée autrichienne non juive dont il a fait sa "maîtresse". Il se lave le sexe ensuite soigneusement dans un sous-sol glauque alors que Hedwig dort toujours. Lina, sa mère, ne trouve pas le sommeil. Elle voit le feu et la fumée sortir de la cheminée et ne peut le supporter.

  Dans la nuit, la résistante polonaise  dépose des poires dans la boue des camps. Elle découvre une boîte abandonnée dans laquelle elle trouve un poème et une partition de musique qu'elle joue le lendemain au piano.

Le matin, alors qu'Hedwig prend son petit déjeuner, Sophie lui apprend que sa mère est partie sans dire au revoir. Elle a laissé un mot et Hedwig est folle de rage, rappelant à la bonne qui a servi deux petits déjeuners que son mari pourrait la réduire en cendre à la moindre incartade.

  La mutation est une promotion pour Rudolf qui devient inspecteur-adjoint des camps. Il l’explique à Claude dans une autre promenade à cheval. Puis il rédige une lettre demandant à ce que les officiers du camp ne ramassent le lilas qui borde sa propriété qu'en prenant soin de l'arbre dont la fonction est d'embellir le camp.

  Décembre 1943, Rudolf est maintenant à d’Oranienburg, près de Berlin. Il organise la réunion en se faisant réciter le nom de tous les officiers de chaque camp de concentration. Un général explique le but de la réunion : planifier l'élimination de 300 000 hongrois juifs. Il félicite un colonel avant de laisser la parole à Rudolf qui fait preuve de précision dans le nom des officiers et les règles à suivre.


  Dans la serre de sa maison, Hedwig a fait venir un grand et bel ouvrier, manifestement pour autre chose que du travail.

Rudolf attend dans un couloir avant d’être convoqué par son chef qui l’informe que son successeur à Auschwitz n’a pas sa poigne et qu'il va y retourner comme tête de pont de l'élimination des Hongrois. Le colonel est sceptique : il redoute que Rudolf élimine tous les Hongrois sans se préoccuper de préserver des prisonniers dont il a besoin pour faire tourner ses usines. Rudolf est content et téléphone à sa femme qui ne manifeste pas une grande joie de le savoir bientôt de retour. Il déclare faire un détour par Vienne avant de rentrer. Dans la fête qui est donnée, il converse avec quelques personnes puis monte à l’étage où il domine la réception avec ses nombreux invités. Il déclare ensuite au téléphone à Hedwig qui a surtout penser à comment les gazer. Elle ne manifeste aucun intérêt, pressée de retourner au lit, bigoudis sur la tête.

Rudolf descend les escaliers sans éclairage et semble vouloir vomir sans y parvenir. Les femmes de ménages entrent aujourd’hui dans la chambre à gaz-crématoire du musée d'Auschwitz. Elles viennent y faire le ménage avant une nouvelle visite du camp.

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Jean-Luc Lacuve, le 4 février 2024

En décrivant dans le couple de Rodolf et Hedwig Ross, des petits bourgeois faisant passer leur confort personnel avant tout, Glazer prétend alerter sur notre possibilité de faire tout pareil. La culture petite-bourgeoise de la majorité des spectateurs restant, pour lui, plus proche que celle que nous pouvons partager avec les déportés. C’est aller plus loin que Hannah Arendt qui dénonce certes la banalité du mal mais pas, potentiellement, dans tout être humain. D'ailleurs Glazer allume des contre-feux : la grand-mère quitte cet infernal enfer, les enfants sont affectés par cet entourage et la petite résistante polonaise fait autre chose qu'évoquer la sempiternelle histoire de Hansel et Gretel.

Mais le principal contre-feux c'est la mise en scène de Glazer qui travaille notre mémoire des camps d'extermination en faisant appel à ce que nous connaissons déjà. En donnant peu à voir, mais stimulé par le son (coups de fusils, insultes des gardes, cris des déportés, sifflets des trains, aboiements des chiens, bruit des flammes et des fours crématoires), il nous incite à compléter ce qu'il nous donne. C'est ainsi par nous-même, et non au travers du regard des bourreaux, que nous sommes invités à réagir. Si nous pénétrons à la fin du film dans le camp d'extermination, c'est dans ce qu'il est devenu aujourd'hui, un musée pour la mémoire. A nous donc de travailler notre mémoire, même modestement en allant au cinéma ; modestement mais efficacement comme les femmes de ménage qui s'affairent dans le musée pour que toutes et tous puissent comprendre l'horreur des camps nazis.

Un couple enfermé dans un confort tragique

Glazer ne garde presque rien du roman éponyme de Martin Amis. Il s'inspire davantage de de Gillian Rose, une philosophe qui a écrit sur Auschwitz. Elle imaginait, dit Glazer dans le dossier de presse, un film qui pourrait nous déstabiliser en nous montrant combien nous sommes plus proches émotionnellement et politiquement de la culture du bourreau que nous aimons à le penser. Ce film pourrait nous laisser avec "les yeux secs d’un profond chagrin". Des yeux secs versus des larmes sentimentales. C’est ce qu'il a cherché à obtenir dans un film qu'il veut moins froid que clinique. En témoigne le dispositif de tournage avec une dizaines de caméra cachées des acteurs et la construction de la maison à moins de 200 mètre de celle, historique, occupée par les Hoss au sein de la "zone d’intérêt" (interessengebiet en allemand), expression effroyable aussi euphémisante que "la solution finale", utilisée par les nazis pour décrire le périmètre de 40 kilomètres carrés entourant le camp de concentration d’Auschwitz en périphérie d’Oświęcim en Pologne.

"Nous avons un drame familial à propos d’un homme et de son épouse, ils sont d’heureux parents de cinq enfants et habitent une maison magnifique, entourée de nature", dit Glazer. "Le père reçoit l’information que sa société veut qu’il déménage dans une autre ville, ce qui crée une fissure dans leur mariage. Mais ils font de leur mieux et n’abandonnent pas. Et il y a une fin heureuse : il revient et continue son travail, en restant auprès de sa famille. Et il se trouve que c’est le commandant nazi d’un camp de la mort. La chose qui nous effraie le plus, je crois, est que ces gens pourraient être nous. C’étaient des êtres humains.

Ce dispositif intéresse peut-être moins que la névrose schizophrène de Höss qui menace. Avant de se coucher, Rudolf Höss ferme et verrouille méthodiquement les nombreuses portes de sa propriété. Pour Primo Levi, Höss est "un homme vide, un idiot tranquille et empressé qui s'efforce d'accomplir avec le plus de soin possible les initiatives bestiales qu'on lui confie, et qui semble trouver dans cette obéissance un total assouvissement de ses doutes et de ses inquiétudes" (L'asymétrie et la vie, 2002, p. 27). A la fin, alors qu'il va conduire l'extermination de 300 000 juifs hongrois, Höss pourrait en vomir mais n'y parvient pas, s'enfonçant dans l'horreur. Son échec face à l'histoire sera matérialisé par l'ouverture du musée par les femmes de ménage qui travaillent à ce que l'histoire soit toujours convoquée.

Si regard clinique il y a bien, c'est dans le refus de la médiatisation du regard des Höss sur l'horreur. Il n'y a nul contrechamp sur ce qu'il pourraient découvrir qui atteindrait une potentielle conscience morale. Aucune effet de suspens qui pourrait surgir si, par exemple le bébé, découvrait dans un parterre de fleurs un reste macabre que Hedig serait amené à écarter. Au contraire, l'entrée dans la maison des crimes commis de l’autre coté du mur est franche : le sac de vêtement et ensuite la discussion sur les ruses des Juifs. Les cendres et la poussière ossements feront d'une scène de panique quand ils affluent en couvrant la rivière qui charrie aussi des os non complètement calcinés. Cette panique se prolonge par le bain précipité des enfants et seule la bonne comprend, se recueille pour nous sur les cendres qu'elle est chargée éliminer de la baignoire.

Cette banalité du mal est constamment évoquée par l'aveuglement des personnages à leur entourage qui est un scénario en soi. Il n'y a nul besoin de mettre en scène une suite d'événements scénarisés. C’est sans doute par là que le film se révèle un anti 
Liste de Schindler.

Le regard n'est pas le même pour la grand-mère et les enfants. Claus manipule les dents comme un trésor que l'on doit cacher. La grand-mère part sans prévenir. La résistance polonaise agit bien autrement qu'un enfant que l'on endort avec des contes, agissant en effet parallèlement aux histoires que raconte Rudolf Höss à ses enfants. Le filmage la nuit par une caméra thermique donne un voir comme un négatif des agissements des personnages

Notre regard par delà les barbelés

Glazer respecte ainsi le tabou imposé par Lanzmann d'une Shoah irreprésentable. C'est par notre imaginaire que nous allons au-delà des barbelés et du mur. Le film est une œuvre d'imagination, usant d'artifices plastiques comme des signes en appelant à notre révolte d'un cours tranquille de l'histoire vers la destruction.

Il y a un incontestable exercice de style à vouloir stimuler le regard de façon novatrice sur des camps qui sont devenus l'un des sujets les plus sensibles quant à l'éthique de la représentation. Il y a un pas de côté dans le refus des images les plus connues comme l'entrée conservée du camp d'Auschwitz avec l'inscription Arbeit macht frei. Il y a aussi un risque à utiliser l'artifice de la fiction qui assume un décalage avec la réalité : l'anniversaire de Höss devrait se situer le 25 novembre 1943 alors que ce sont des jours d'été qui sont présentés. De même l'odeur n'est jamais évoquée pas plus que les cendres déversées des cheminées qui devraient recouvrir le linge, ici toujours immaculé. 

Notre regard ne passe pas par la conscience morale des Hoss qui n'en ont justement pas mais par des plans que nous savons compléter de nous-même : les toits de baraquements qui dépassent du mur au travers des barbelés, le sang sous les bottes, la fumée d'un train qui va livrer les déportés qui seront exterminés, le mirador dans le dos de Höss, le long travelling qui suit Hedwig lorsque, en colère, elle rejoint son mari pour négocier son maintien dans la maison.

Comme l'écrit Jean-Michel Frodon dans Le cinéma et la Shoah (2007) :" Du Dictateur de Chaplin à La Liste de Schindler, de Nuit et Brouillard à Shoah, de la polémique entre Lanzmann et Godard aux débats sur le virtuel : l’extermination des Juifs d’Europe a mené le cinéma, plus que tout autre art et moyen d’expression, à remettre en question ses codes et ses techniques. C’est en référence à la Shoah qu’a été construite une part décisive de la pensée du cinéma moderne. Et, consciemment ou non, beaucoup des plus beaux films portent la marque de cet évènement". La zone d'intérêt en est un nouvel exemple, peut-être pas majeur du fait de sa forme maniérée mais qui, indubitablment, exerce notre regard et notre conscience.

Jean-Luc Lacuve, le 4 février 2024

Noté 4,1 sur 5 : "c'est le meilleur film sur l'Holocauste" depuis 30 ans selon SpielbergNews - Stars

L’inspiration réelle derrière l’ histoire effrayante de l’Holocauste de The Zone of Interest

PAR ARMANI SYED

12 JANVIER 2024,

La villa Höss, dans le sud de la Pologne, est un bâtiment idyllique de deux étages avec un jardin paysagé à la perfection. Il est également situé dans l’ombre d’Auschwitz, le camp de concentration le plus grand et le plus meurtrier du Troisième Reich. L'ancienne maison du commandant nazi Rudolf Höss, qui servit comme commandant du camp d'Auschwitz de mai 1940 à décembre 1943, partageait la maison avec sa femme Hedwige et leurs deux enfants. Et le bâtiment est le lieu de l'action dans le drame insidieux sur l'Holocauste de Jonathan Glazer, The Zone of Interest , son premier film dans la décennie depuis Under the Skin (2013), et lauréat du Grand Prix et du prix FIPRESCI au Festival de Cannes 2023. .

Le film, adapté du roman du même nom de Martin Amis de 2014 et diffusé dans tout le pays aux États-Unis le 12 janvier, dépeint le bonheur domestique de la famille Höss, qui a construit son Eden sur des fondations génocidaires. Et cela n’oppose jamais cette utopie aux victimes de l’Holocauste de l’autre côté du mur. Au lieu de cela, nous restons avec ses auteurs. Le film s'ouvre sur une famille profitant d'un pique-nique au bord du lac, sous le soleil mûr. Mais à la maison, nous apprenons que Rudolf (Christian Friedel) est à l’avant-garde de l’extermination des Juifs européens. Hedwige (Sandra Hüller), qui se surnomme froidement « Reine d'Auschwitz », dirige une maison stricte qu'elle place au-dessus de tout, même de son mari. La famille fait de son mieux pour étouffer les cris, les cris et les coups de feu, mais les atrocités qui se déroulent au-delà du mur sont indéniables et s'infiltrent à travers les fissures.

Le décorateur Chris Oddy savait que la conception soignée de la maison était essentielle à l'efficacité du film. "Nous avons commencé au début dans la vraie maison, et je pense que nous avons dû la visiter peut-être six, sept fois au total", explique Oddy. "Je me suis très bien familiarisé avec la maison et je l'ai regardée assez longtemps pour voir ce qui était original."

Les recherches d'Oddy lui ont permis de recréer l'intégralité de la maison et son jardin tels qu'ils étaient après les rénovations de Rudolph. Il a été construit dans le même quartier, non loin du site d'origine. La maison a été prise à une famille polonaise, dit Oddy, et soumise à des modifications architecturales à l'image de la famille Höss. Après des années de préparation et quatre mois « très efficaces » d’efforts pratiques, l’équipe de production a pu se retrouver dans une incarnation de l’utopie nazie, une maison qui devient aussi importante que n’importe quel personnage à l’écran.

"Ce que Chris a construit là-bas est en réalité une simulation directe de la maison et du jardin et sa proximité avec le camp était essentielle pour nous", explique Glazer. « Il n’y a pas de mise en scène fantastique. Vous regardez comment ils vivaient. L'espace recréé était une maison vacante si proche de l'adresse d'origine qu'elle offrait une vue sur la cheminée du camp de concentration. L'équipe a dû retravailler l'espace pour garantir qu'il y ait des espaces dynamiques pour accueillir les acteurs en mouvement, des chambres et le bureau de Rudolph correctement positionnés, ainsi que des fenêtres aux bons endroits.

Capturer le côté banal du mal

Mais la maison, aussi spacieuse et bien meublée soit-elle, reste clinique et peu accueillante à l’écran. Le film a été tourné avec 10 caméras dissimulées dans la maison et sans équipe sur le plateau, pour créer un sentiment d'objectivité neutre dans sa narration. Glazer le compare à une approche Big Brother . Les acteurs entraient sur le plateau et existaient simplement, effectuant des activités ménagères banales à la maison pendant que les caméras tournaient. Le tournage s'est déroulé sur environ 50 jours, a déclaré le directeur de la photographie Lukasz Żal à Deadline. 

"Même si nous sommes en quelque sorte intimes dans leur maison, nous ne nous laissons pas emporter par leur psychologie des écrans", explique Glazer. "Nous les surveillons davantage pour leur comportement et leurs actions que pour leurs pensées." Il a cimenté cette distance critique en évitant les conventions et les outils cinématographiques tels que les gros plans, l'éclairage artificiel et le maquillage. De cette façon, le spectateur n’est pas manipulé par « la gloire et la glamour des personnages », ajoute-t-il.

Au lieu de cela, on nous propose un aperçu détaillé et franchement banal de leur routine domestique ; les enfants jouent, le mari et la femme se remémorent de vieux souvenirs et Hedwige se pare de rouge à lèvres et de vêtements pris à des femmes juives. Nous ne sommes pas encore plus près de connaître ces auteurs, mais leur vie ne semble pas radicalement différente de la nôtre.

"En général, nous pouvons considérer les nazis et les gens qui commettent des atrocités comme des monstres et donc pas comme nous, ni comme des humains (...), ce qui en réalité ne nous apprend rien", explique Glazer. "Cela nous laisse sentir une distance très sûre, en imaginant qu'aucun de nous n'en est capable." En invitant les spectateurs du côté du mur des agresseurs, il nous invite à réfléchir sur nos similitudes avec ces personnes, à voir que nous sommes tous capables d'un tel mal.

En passant du temps de ce côté du mur, nous constatons avec quelle facilité le couple Höss compartimente la réussite matérielle qu'ils ont bâtie sur la souffrance. «C'étaient des gens ordinaires qui parvenaient à séparer leurs cerveaux de telle manière que cela ne les dérangeait pas», explique Oddy. "Ils se sont en quelque sorte délectés du style de vie de nouveaux riches qu'ils s'étaient forgés grâce à cela et n'ont pas sourcillé."

Cette compartimentation est également structurellement présente. Glazer dit que The Zone of Interest est formé de deux films superposés, un sonore et un visuel. Le film que nous entendons lorsque nos yeux sont fermés s’inspire des sons d’images d’archives, de documentaires et de livres d’histoire, dit-il.

Le pouvoir de ce qui reste invisible

Il nous reste un film dont l’impact vient à la fois de ce qu’il montre et de ce qu’il omet. La zone d'intérêt passe au documentaire pendant un bref instant vers la fin du film. Avec l'autorisation rare des administrateurs du site, les visiteurs sont aujourd'hui emmenés à l'intérieur du musée et mémorial d'Auschwitz-Birkenau, alors que les nettoyeurs s'occupent de l'espace.

« Encore une fois, ils capturaient simplement ce qui se passait réellement au musée chaque matin, chaque jour », explique Oddy. L'équipe a travaillé avec le musée pendant de nombreux mois, utilisant sa bibliothèque d'archives et sa vaste collection d'images pour éclairer le film.

« Dans une certaine mesure, j'ai dû prédire ce que je voulais trouver parce qu'ils ont tellement de photos qu'il était impossible de vous laisser les parcourir et de les parcourir », se souvient Oddy. « Lors de toutes les réunions que nous avons eues avec eux, nous nous nous rapprochons de plus en plus dans notre association avec eux.

Les scènes tournées dans le musée sont nos seuls aperçus de l’autre côté du mur, loin de la famille Höss. Nous nous retrouvons avec le terrible héritage d'Auschwitz et nous rappelle toute l'étendue des crimes du nazisme. Les archives du musée ont fourni un aperçu précieux de la vie de Rudolph et Hedwige, qui ont commencé comme une famille ouvrière aspirant à un style de vie bourgeois. Ce n'est que grâce aux promotions militaires de Höss – et à la volonté du couple de compartimenter les souffrances dont leur idéologie est responsable – qu'ils ont pu atteindre ce niveau de mobilité sociale et financer leurs aspirations.

En tant que commandant d'Auschwitz, Rudolph fut en fin de compte responsable du meurtre de près d'un million de Juifs et d'autres personnes détenues dans le camp. Après la fin de la guerre, il a vécu sous une fausse identité avant que les services de renseignement britanniques ne le retrouvent et ne l'arrêtent. Ruloph a témoigné au procès de Nuremberg – un tribunal conjoint ordonné par la France, l'Union soviétique, le Royaume-Uni et les États-Unis entre 1945 et 1946 – avant d'être jugé en Pologne et pendu le 16 avril 1947 sur le lieu de ses crimes.

Rudolph n’a jamais admis sa culpabilité pour ses actes, insistant jusqu’à la fin – dans un refrain qui est devenu étrangement familier comme justification de tant d’autres nazis – qu’il suivait simplement les ordres. Hedwige a établi une nouvelle vie en Allemagne, pour finalement se remarier et déménager en Amérique, où elle a vécu jusqu'à sa mort à 90 ans.

Nous ne voyons pas ces conséquences dans le film. Au lieu de cela, Glazer laisse le public au cœur de ce qu’il appelle un « génocide ambiant ». De nombreux films efficaces ont été réalisés sur l’Holocauste, nombre d’entre eux laissant aux spectateurs des images indélébiles de souffrance. Ce que Glazer a ajouté à cette œuvre est un film dans lequel les atrocités les plus horribles se déroulent juste en dehors du cadre. « Les atrocités sont perpétuelles », dit-il, même si on ne peut pas les voir. "Quand je regarde chaque image du film, elle est toujours là."

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RedArrow Membre du Club Allociné

5,0 Publiée le 5 février 2024

Quelques minutes d'écran noir où les sons et la musique se font anxiogènes pour n'importe quelle oreille humaine.

Et puis vient l'image, un cadre bucolique, une sortie familiale paisible au bord d'une rivière, les enfants jouent, les parents discutent de tout et de rien... Les épisodes d'un quotidien banal se mettent à s'enchaîner mais la froideur du regard qui se pose sur eux, cette impression que chacun de ses membres est scruté comme s'il était une souris de laboratoire enfermée dans la cage d'une présence omnisciente, est palpable.

Car l'innommable est bien là, distribué par touche, au travers d'un uniforme, d'une silhouette cadavérique, d'une fumée qui s'empare du ciel ou de sons qui ne font pas mystère de leur teneur, mais, alors que chacune de ses composantes devrait être a minima un électrochoc sur ces personnages, il est devenu pour eux un décor, un banal arrière-plan dans lequel ils évoluent comme si de rien n'était, comme si la bulle de leurs petites existences insignifiantes était parvenue à assimiler une des plus terrifiantes atrocités de l'Histoire de l'humanité à un tel degré de normalité qu'elle en était de fait rationnelle, invisible et acceptée.

Devenu quelque part lui-même l'extraterrestre qu'il mettait en scène sous les traits de Scarlett Johansson dans "Under the Skin", Jonathan Glazer pose en effet sa caméra en plein centre du camp d'Auschwitz en 1943, nous immerge de façon clinique dans l'espèce de microcosme affolant d'images d'Épinal familiales issu de la petite vie tranquille du responsable de cette usine à massacres de masse, symbolisée par un jardin paradisiaque au milieu de l'Enfer déchaîné sur Terre, pour s'interroger -nous interroger- sur ce renversement complètement fou, absurde, par lequel l'Homme peut accepter l'inacceptable dans la répétition d'un quotidien qui s'est mis à l'intégrer comme une simple couleur supplémentaire à sa toile de fond. Et, en harmonie avec ses magistrales idées en scène pour dévoiler le pire sans le montrer (préparez-vous à un lot affolant de séquences qui vont vous poursuivre bien après le visionnage du film, mention spéciale à celle du cigare), son parti pris narratif est au moins tout aussi dingue et étonnant: traiter l'existence de ces protagonistes telle qu'ils la vivent, faisant suivre à son long-métrage un arc dramatique tout bonnement ordinaire -une mutation professionnelle qui perturbe l'équilibre de la famille- où viennent sans cesse se greffer les horreurs effarantes de ce contexte sans qu'elles ne parviennent à les faire dériver de leurs préoccupations futiles.

Là où aujourd'hui tant choisissent la voie de la démonstration explicite pour espérer créer un semblant de choc, le procédé de Glazer s'avère être un véritable coup de génie, une claque incroyable, qui nous met inévitablement à terre par sa froideur, nous révolte par l'ignominie de l'absence de réactions à laquelle on assiste et nous laisse terrassés, impuissants, face à la taille des oeillères que peut consciemment -puis inconsciemment par la répétition sur la durée, et c'est peut-être encore pire- revêtir l'humain devant une abomination pour assurer égoïstement le fil continu de ce qu'il juge important pour son bien-être. Si quelques très rares lueurs d'espoir viennent émailler le récit (notamment une forme d'aide qui est vue, elle, comme presque irréelle, extirpée de l'imaginaire d'un conte de fée), le film ne fait que s'enfoncer, à l'instar de ses protagonistes, dans cet aveuglement toujours plus croissant et terrifiant, l'élargissant bien sûr à une corporation nazie en forme d'administration infernale où la promotion s'effectue via le nombre de victimes, mais aussi et avant tout aux agissements de son couple à travers le temps, avec une complaisance qui rime bien trop avec une recherche d'épanouissement personnel sidérante dans cette situation.

Enfin, là où on pouvait légitimement se demander comme Jonathan Glazer allait conclure cette visite dans les tréfonds les plus glaçants de l'âme humaine, le réalisateur achève son adaptation du livre de Martin Amis comme il l'a menée, par la porte de sortie la plus brillante qu'il soit: un rappel de ce qui a subsisté dans les mémoires quand les murs autour de l'horreur ont été levés par opposition aux ténèbres qui ont recouvert ceux qui avaient choisi de rester impassibles devant son aspect inquantifiable.

On emploie rarement le terme de chef-d'œuvre mais le quatrième long-métrage de Jonathan Glazer y ressemble en tout cas vraiment beaucoup. Un choc incontournable de 2024.

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FORUM

2,5 Publiée le 31 janvier 2024

Ce n’est pas parce que l’on tient un sujet fort que le film est réussi . Bon c’est très bien réalisé, très bien joué mais avec des séquences difficilement compréhensibles et bizarrement l’émotion ne passe pas . C’est ce m’ont confirmé des spectateurs à la sortie du film. Le propos ne se développe pas.

Tout est dit en un quart d’heure et ensuite on tourne un peu en rond.

C’est une plongée très dérangeante et très impressionnante dans la vie quotidienne du commandant du camp de concentration d’Auschwitz, Rudolf Höss, et de sa famille, côté vie domestique, sans jamais mettre un pied ni un œil de caméra dans le camp. Une incursion dans un confort bourgeois obscène et cynique à quelques mètres de l’horreur absolue. Jonathan Glazer et son équipe technique ont envisagé ce contraste avec une précision clinique et un minimalisme choc : sens géométrique du cadre et de la composition, suggestivité terrible du hors-champ, musique inconfortable. Chaque scène, chaque mot, chaque détail visuel ou sonore a été méticuleusement pensé pour faire sens. Faire sens en évoquant la banalité du mal tout en montrant un mal qui ronge les êtres de l’intérieur (dans la dernière partie du film), un bonheur de façade qui abrite une indifférence relative selon les personnages, une déshumanisation et une indécence, un déni ou un dégoût. Faire sens en questionnant aussi, peut-être, par transposition, notre propre rapport aux horreurs du monde, notre capacité à les tenir à une distance plus ou moins confortable.

La Zone d’intérêt (le titre reprend le nom donné par les nazis au périmètre de vie entourant les camps de la mort), au-delà d’offrir un angle inédit au cinéma sur la monstruosité de la Shoah, est un film d’une intelligence, d’une originalité (avec quelques passages expérimentaux) et d’une perfection technique rares. Rares et glaçantes.

Côté interprétation, il y a quelque chose de fascinant dans le travail corporel de Sandra Hüller.

Philippe C

une fois compris le procédé consistant à parler de l'horreur des camps, sans vraiment en parler mais seulement en la suggérant en arrière plan de cette vie de famille presqu'ordinaire du chef de camp dans sa villa au grand et beau jardin, avec ses enfants et domestiques, ses rares loisirs et son obsession de la productivité, on ressent comme un malaise, celui de ne rien ressentir !

La scène la plus forte du film est certainement la dernière qui se déroule à Auschwitz à l'époque actuelle.

2,0 Publiée le 1 février 2024

La vie quotidienne de la famille de Rudolf Höss, le chef du camp d’Auschwitz pendant la guerre, dont la maison se trouve juste à côté. On ne voit jamais le camp, mais on entend des cris, des coups de feu, on distingue juste de longues cheminées… Un pari radical, mais pour dire quoi ? Le film est très esthétisant mais creux, sauf vers la fin où l’on voit Rudolf Höss au travail avec d’autres chefs nazis à Orianienbourg, près de Berlin, pour organiser l’extermination des Juifs hongrois en 1944. Le film s’inspire alors de La Conférence (i.e. de Wannsee, sorti le 23 avril 2023), une remarquable réussite, lui. Long plan noir au début, musique bizarre, ça ne colle pas. spoiler:

Michèle G

5,0 Publiée le 26 janvier 2024

Ce film de Jonathan Glazer est un choc cinématographique. Ce chef-d’œuvre, d’une puissance « sourde », nous propulse dans le périmètre d’un espace clos où le hors-champ deviendra « visible » grâce à la bande son.

Là où Hannah Arendt parle de « banalité du mal », Jonathan Glazer, lui, filme la banalité d’un quotidien dans la matrice et les viscères de ce même mal.

Le quatrième long-métrage de ce cinéaste, bien trop rare, nous conduit de l’autre côté du mur du camp d’Auschwitz, dans l’enceinte quotidienne de la demeure où vit Rudolph Höss avec sa famille.

Tout ce qui se passe de l’autre côté de ce mur gris, réhaussé de fils barbelés, restera hors-champ. Ne seront visibles à l’image que le faîte des baraquements jalonnant ce mur et une cheminée. La caméra restera d’un seul côté du mur, celui où le quotidien de la famille Höss va se dérouler dans l’indifférence de l’horreur qui l’entoure. Seule la fumée viendra par intermittence « troubler » la quiétude des lieux.

Dès le générique début nous pénétrons dans une zone grise. Lorsque s’inscrit le titre du film, les lettres qui le composent sont peu à peu absorbées par un fond gris, jusqu’à leur effacement total ; nous laissant face à cette couleur dont l’unique présence envahit l’écran un temps qui semble infini.

Césure. Le premier plan s’ouvre sur l’univers bucolique de la famille Höss qui se prélasse au bord de l’eau. La bande son est minimale, laissant la pleine place à une image silencieuse.Chaque plan va peu à peu nous renvoyer l’atmosphère d’une vie programmée dans la méticulosité d’un quotidien où Hedwig, la femme de Höss, interprétée par Sandra Hüller, va régner sur « son Éden », comme elle qualifiera leur demeure, pendant que son époux règne en maître bourreau sur le camp d’Auschwitz.

L’image a beau ne rien nous montrer de ce camp, le diable est dans les détails. Et certains renvoient symboliquement à tout ce qui se passe de l’autre côté du mur. Il y a notamment cette piscine, qui fait la fierté du couple, et au-dessus de laquelle retombe, comme une fleur fanée, une pomme de douche.

Un soir, lorsque toute la famille est couchée, le personnage de Rudolf Höss, interprété par Christian Friedel, déambule dans le jardin et referme d’un geste machinal le robinet de cette douche que quelqu’un n’a pas bien refermé. Un peu comme si rien, absolument rien, ne devait perturber l’ordre des lieux, ni troubler le sommeil de cette famille.

Cette piscine est aussi un marqueur temporel des saisons. L’été finit par céder sa place au plein hiver. L’eau du bassin est gelée. Les enfants jouent avec la neige. L’un d’eux évoque sa bravoure d’avoir affronté ce froid pour le simple plaisir de jouer avec cette neige qu’il aime tant. Si rien d’autre n’est dit, tout est dit par cette image qui parle d’elle-même. D’instinct, cette neige, ce froid, la glace, nous propulsent implicitement de l’autre côté du mur.

Si le jour, Hedwig Höss règne en maîtresse de maison sur cette demeure, la nuit, le maître et bourreau des lieux, en devient l’unique protecteur.

Une scène en souligne le mécanisme pathologique, lorsqu’à la nuit tombée Höss éteint une à une les lumières de chaque pièce, alors que tous dorment. Tout le temps que va durer cette scène, la caméra restera à l’extérieur, filmant en plan fixe la façade de cette demeure dont la vision intérieure n’est visible que par les ouvertures que laisse entrevoir chaque vitre éclairée. Dans le périmètre de ce plan fixe, un seul mouvement, lent, rituélique, celui de Höss se déplaçant d’une pièce à l’autre, jusqu’à cette montée d’escalier le conduisant à sa chambre, où il finira par éteindre une ultime lumière… Fondu au noir sur la nuit sombre d’Auschwitz.

Une autre nuit, on le suivra dans un mouvement névrotique similaire, cette fois à l’intérieur de la maison où il refermera méticuleusement un à un tous les verrous de chacune des portes menant vers l’extérieur ; inversant ainsi dans son propre espace, la notion de menace et de danger.

Ce film nous conduit au cœur d’un univers totalement déshumanisé, auquel la femme de Höss non seulement contribue, mais va s’accrocher ; au point de ne pas suivre son mari le temps de sa mutation provisoire. Ce seul temps, sera celui où la caméra suivra Höss dans un espace extérieur à sa demeure familiale.

Cette atmosphère terrifiante de déshumanisation du couple Höss est un mal qui semble avoir contaminé l’ensemble de la famille. Les dents d’or qu’ausculte l’aîné avec une lampe de poche, la nuit dans son lit, est une scène aussi glaçante et déconcertante que cette autre scène où l’un de ses jeunes frères, dérangé dans son jeu par ce qu’il entend à l’extérieur, s’approche de la fenêtre de sa chambre et finit par marmoner mécaniquement sa propre sentence sur ce que lui renvoient en son imaginaire, les sons et cris qui proviennent du camp. Il retournera à son jeu, comme si ce qui se passait de l’autre côté du mur en faisait partie !

Jonathan Glazer plante sa caméra au cœur d’une plaie, celle d’un mal que l’on croyait avoir vaincu. Mais en ces temps, où le populisme se banalise, où certains réécrivent l’histoire, à faire fi du travail de mémoire, de nouveaux murs s’érigent. Et les plaies s’ouvrent une à une. Demeure la puissance mémorielle de la création… comme un baume.

3,5 Publiée le 12 novembre 2023

C'est dans une maison cossue, avec un jardin extraordinaire, que vivent le commandant d'Auschwitz et son épouse épanouie. Les couleurs du film adapté du roman de Martin Amis sont chatoyantes et rappellent, volontairement, les bobines de propagande tournées au temps du 3ème Reich. A proximité immédiate, les trains de la mort arrivent en gare et et les fours crématoires exhalent leur fumée acre. L'horreur est hors-champ ou plutôt en contrechamp, à un jet de pierre de la vie moelleuse et sereine des criminels de guerre et de leur famille, qui, bien entendu, ne font qu'appliquer le "projet" de la solution finale, en étant jugé sur les résultats. Film sur la banalité du mal, souvent illustré au cinéma, La zone d'intérêt, dans la lignée de La Conférence, ne suscite pas les réactions épidermiques face à l'insoutenable, éprouvées devant Le fils de Saul, par exemple. Son atrocité est nourrie par la connaissance que possède chacun de l'Holocauste et du contraste avec la vie bourgeoise menée par ces serviteurs d'une idéologie nauséabonde. La représentation de l'abomination passe par ses bruits, parfaitement perceptibles, comme une bande originale de l'infamie, auxquels ses voisins et complices restent sourds, englués dans leur quotidien tranquille qui n'est que luxe, calme et félicité.

5,0 Publiée le 5 février 2024

Réalisateur peu prolifique, Jonathan Glazer a le mérite de secouer à chaque fois. Vous pensiez avoir tout vu sur la Shoah ? Le Britannique va vous prouver le contraire...

"The Zone of Interest" chronique le quotidien de la famille Höss, qui vit paisiblement... à côté de l'enceinte d'Auschwitz. Et oui, le funeste Rudolf Höss n'était autre que le commandant du camp, tristement célèbre pour son "efficacité".

Pour ma part, ce film a particulièrement résonné puisqu'il m'a un peu évoqué mon enfance (!). J'ai grandi dans une maison de cadre proprette, à deux pas d'une usine pétrochimique. Très loin de moi l'idée de mettre la pétrochimie et la Shoah sur le même plan, mais j'ai retrouvé des choses similaires.

L'insouciance des enfants à ce qui se passe, les "cadeaux" de l'entreprise, les mauvaises odeurs certains jours, le bruit de fond qui finit par devenir inaudible, les balades au milieu de retenues d'eau souillées par les effluents, la vue sur les cheminées...

Ce portrait cru m'a ainsi paru aussi fort que réaliste. La plongée dans la famille Höss est saisissante. Avec notamment cette matrone ignoble incarnée par l'excellente Sandra Hüller. Et la psychologie de ces gens, pour qui la vie de déportés ne vaut rien, et qui ne se préoccupent que de choses superficielles.

Mais l'ensemble est beaucoup plus intelligent qu'une simple critique de l'élite nazie. C'est une vision clinique de l'intérieur (ou plutôt de l'extérieur ?) sur l'une des machines de mort les plus terrifiantes jamais mises en place par l'Humanité.

La photographie naturelle, et ce jardin paradisiaque, tranchent totalement avec ce qui passe de l'autre côté des clôtures, évoqué presque uniquement en hors champs. Glazer a laissé de nombreux détails funestes en arrière-plan (ces trains qui déboulent sans arrêt !). Tandis que le montage sonore est génial. Laissant deviner en quasi-permanence des cris, des tirs, de la souffrance... bref les rouages de l'industrie de la mort. Rien que ce montage sonore vaut le coup d'être découvert en salles.

Avec en prime des idées de mise en scène brillantes. Et une réplique qui, je l'avoue, m'a fait m'esclaffer tout seul dans la salle... Humour absurde auquel le public était trop sonné pour être réceptif, ou mauvaise interprétation de ma part, je l'ignore...

"The Zone of Interest" a été pour moi une grosse claque, qui secoue autant qu'elle fait froid dans le dos. Le film divisera sont public, mais il aura le mérite de ne laisser personne indifférent.

Goéland

5,0 Publiée le 2 février 2024

La « zone d’intérêt » est l’expression utilisée par allemands pour décrire le périmètre de 40 km autour du camp de concentration d’Auschwitz. Dans le film de Jonathan Glazer, le pavillon du commandant du camp, Rudolph Höss, et de sa famille, est situé juste derrière le mur d’enceinte du camp.

On ne voit ni l’intérieur du camp, ni ses occupants mais ils sont intensément présents, hors champ, par la bande-son, terrible (pleurs d’enfants déchirés, cris de toutes sortes, horribles, aboiements de chiens, détonations, etc.) et par l’image des cheminées fumantes.

Le réalisateur se centre sur la vie quotidienne d’une famille nombreuse aisée vaquant à ses occupations comme si de rien n’était. La mère dirige la maisonnée avec autorité veillant sur ses nombreux enfants et sur ses servantes. Le père se détend après son travail en jouant avec ses enfants, en leur lisant des fables pour les endormir ou en faisant de l’équitation.

Rudolph Höss, est un maître organisateur qui brille par son efficacité dans le rendement du camp évalué en nombre de déportés « traités ». Il se bat pour garder son poste. La mère, Hedwig, jouit de sa vaste maison, de son jardin, de sa piscine qu’elle ne veut lâcher à aucun prix même quand son mari sera muté dans l’est. Les enfants se baignent dans la rivière, la famille organise quelques fêtes, les collaborateurs de Hoss lui souhaitent son anniversaire.

Pourtant, si la famille Hoss semble tranquille, le spectateur ne l’est pas car le réalisateur, au-delà de la bande-son, envoie des signaux sur les horreurs qui se trament derrière le mur et esquisse des fissures dans l’implacable mécanique. Certaines séquences en surbrillance montrent une jeune fille s’activant la nuit autour du camp. Elles sont belles et mystérieuses : cette jeune fille aide-t-elle les prisonniers ?

Le film est d’une beauté formelle remarquable, dans les cadrages, dans les mouvements, dans les lumières. Sandra Hüller joue là peut-être le rôle de sa vie. Elle semble plus vraie que nature, plus vraie que Hedwig Höss. Christian Friedel est moins crédible en Rudolph Höss, il paraît trop indolent pour le poste.

Primo Levi a dit que les allemands considéraient les juifs comme des non-personnes qu’il fallait faire disparaître sans en parler. Jonathan Glazer illustre très bien cet argument.

La bureaucratie nazie gère la déportation et l’exécution des juifs de façon froide, industrielle, sur la base de quotas et de résultats. L’ensemble de la chaîne de commandement exécute les ordres avec zèle, sans aucun état d’âme, avec une discipline, une obéissance sans faille. Alors qu’ils menaient des combats terribles sur deux fronts, les allemands ont trouvé les moyens logistiques d’organiser au cours de l’été 1944 la déportation de 700 000 juifs hongrois vers les camps d’extermination. Une inconcevable folie devient la norme. Cette froideur, cette efficacité, cet ordre nous alertent et nous rappellent que la désobéissance civique est l’une des premières formes de courage et de lucidité.

Les seuls moments où les allemands renâclent sont ceux où leurs petits intérêts personnels sont menacés, quand une promotion n’est pas accordée, quand un transfert est envisagé, tout cela étant médiocrement universel et presque rassurant.

La plupart des critiques disent que ce film est « glaçant », ce qui est vrai mais surtout, il nous interroge profondément, ce qui est encore plus remarquable.

Nicolas L.

1,5 Publiée le 7 février 2024

Exemple même qu' une excellente idée de cinéma ne fait pas forcément un bon film. L'idée de départ (montrer le quotidien d'une famille nazi dont la maison du bonheur juxtapose le camp d'austwich) était une bonne idée de cinéma, ne rien montrer du camp mais juste entendre l'horreur en hors champs était une idée géniale de cinéma. Malheureusement le film n'a rien à raconter de plus et au bout d'un quart d'heure ayant compris le seul interet du film, on s'ennuie severe. La mise en scène est prétentieuse et vide. C'est tres très lent.Quelques scènes expérimentales pour faire intello et une musique (ou plutôt des bruits) affreuse pour séduire les cannois et on repart avec le Grand prix. Bref c'était une super idée au départ mais c'est au final un beau ratage. Dommage

2,0 Publiée le 23 janvier 2024

Un peu la caricature du film intello ou pour les intellos ! Les 20 premières minutes sont bien on comprend bien le point de vue adopté original qui fonctionne bien mais ensuite il ne se passe rien ca tourne en rond sur ce principe de départ - On pourrait presque dire qu'un court métrage de 20 mn aurait été parfait en fait - Et puis le final douteux où il semble que le chef de camp est pris de remords : il a du mal à digérer - nous aussi...

Chris58640

4,0 Publiée le 31 janvier 2024

Le film de Jonathan Glazer ne va laisser personne indifférent. Grand Prix du Jury au dernier Festival de Cannes, « La Zone d’Intérêt » est un film assez déroutant, non pas sur le fond mais sur la forme. Car autant le dire d’emblée, pour qu’il n’y ait aucun malentendu, il n’y a pas à proprement parler de scénario dans ce film, pas d’intrigue avec un début, un milieu et une conclusion. « La Zone d’Intérêt » ne raconte pas une histoire, elle raconte l’Histoire et d’une façon très particulière. Déjà, le film s’ouvre sur un interminable écran noir, et on est envahi de sons que l’on ne peut identifier. Un long écran rouge apparaitra à mi-film, puis il se terminera à nouveau sur un long écran noir. Parce que l’indicible, le in-filmable, Glazer a choisi de n’en rien montrer mais de tout suggérer. La camera ne fraichira qu’une seule fois le mur d’enceinte, à la toute fin, pour une scène contemporaine qui glace le sang. Mais sinon, pendant tout le film long de presque 2 heures, tout est suggéré. D’abord par le son, cet arrière fond sonore insupportable qui, très atténué dans le film en terme de puissance sonore mais totalement permanent : des coups de feu, des ordres aboyés, des cris, des pleurs, et mêmes des sons que l’on n’ose pas identifier, pétrifié dans notre fauteuil de cinéma. Ce bruit de fond, les Höss ne semblent ne plus y faire attention. Mais pour nous il prend toute la place et il en devient assourdissant, au point d’occulter les dialogues lénifiant de cette bonne allemande bon teint, spoiler:

Et en plus du son, il y a les détails, les arrière-plans : la fumée noire de cheminées, le sang sur une botte, les cendres qui retombent sur les jolies plantations, les panaches des trains qui arrivent et repartent à une cadence infernale. Jonathan Glazer décide de jouer à fond la carte du contraste, entre le charmant au premier plan et l’abominable au second, et là encore, forcément, l’arrière plan, prend toute la place. C’est normal, c’est le but recherché : le malaise chez le spectateur est permanent devant ce contraste ultra-dérangeant poussé à l’extrême. Il y a une poignée de scènes peu évidentes à décrypter, et notamment celles filmées en « négatif » spoiler:

car pour les autres, enfants en âge de comprendre inclus, ce qui se passe dans le camp est parfaitement accepté. Madame essaie des jolis manteaux de fourrure que lui apporte son mari, les garçons examinent des dents en or, madame menace sa bonne polonaise de la réduire en cendre : de bons nazis bon teint, parfaitement endoctrinés, probablement irrécupérables. Et puis il y a la belle-mère, en séjour dans la belle maison. Surement le personnage le plus intéressant : spoiler:

C’est un sujet sur lequel on n’a pas finit de débattre. Le film est difficile à placer clairement dans la chronologie de la Guerre. La Solution Finale est clairement en œuvre, les soviétiques encore loin, je dirais 1943-1944. Le vent a déjà tourné, mais Höss ne le sait pas encore. A la toute fin, il y a cette double scène en miroir fiction/réalité. spoiler:

On peut discuter sans fin sur l’interprétation de cette scène comme de toutes les autres scènes du film, Glazer ne donne jamais aucune clef au spectateur. Ce film est le complément parfait du film, sorti l’année dernière, « La Conférence ». Christian Friedel et Sandra Hüller donne à l’horreur le visage de la banalité et de la bonne conscience. Ce contraste est, dans certaines scènes, quasi insoutenable.

2,5 Publiée le 26 janvier 2024

Allez, on va être le 1% qui n'a pas été embarqué par ce film communément admis comme chef-d’œuvre. Installation dans la salle du Palais plutôt compliquée (un des films les plus attendus sur la Croisette), et finalement ce constat par nos soins : c'est Le Garçon au pyjama rayé, avec une ouverture où vous n'avez pas intérêt (la Zone ?) à vouloir aller faire pipi (c'est un écran noir qui dure 5 min - ou 55 ? Ça nous a paru une éternité, mais notre montre n'était pas d'accord, cette menteuse...-, avec une musique bruyante très pénible. Déjà, on a compris qu'on allait passer un bon moment), avec des séquences entières en négatif (pourquoi ??? Au début on pensait qu'il s'agissait des fantasmes de la mère de famille, et puis non : alors on a regardé les images en abandonnant l'idée de comprendre ces séquences "regardez je fais du cinéma d'auteur"), avec ces plans qui coupent outrancièrement les lignes de fuite par des murs ("comme dans le camp qui est juste à côté", ouh, merci, je crois qu'on était trop niais pour le comprendre au vingtième plan qui nous le refait). On a d'un côté ces scènes qui nous gonflent à nous sur-expliquer tout ce qu'on doit comprendre dans le lien (pourtant évident) de cette famille enfermée dans un nazisme aliénant (la mère est horrible, le gamin joue aux voitures sans comprendre ce qui se trame de l'autre côté du mur, le père est aveuglé par les avantages de sa situation de bourreau...) et les prisonniers du camp. De l'autre côté, ces scènes qui ne s'adressent qu'au Jury des festivals présents dans la salle (et se fichent éperdument des autres spectateurs) en beuglant son esthétisme, son intelligence insaisissable, toute sa mise en scène crâneuse (le négatif étant le plus flagrant) qui cherche seulement les Prix, mais casse tout effet d'émotion. Une émotion étonnamment absente, avec les jeux des acteurs d'une froideur absolue (un parti-pris qui permet de souligner la déshumanisation de cette famille, qui n'est qu'une coquille vide), qui essaie de s'opposer à la violence des sentiments de son concurrent direct Le Garçon au pyjama rayé (qu'on lui préfère mille fois). Peut-être le seul geste sincère de ce film à Prix, dont on a subi l'étalage de mise en scène, et dont on est ressorti en étant le 1% qui crie à l'esbroufe. Le seul endroit où on a trouvé de l'intérêt, c'est dans son titre.

selenie

4,0 Publiée le 1 février 2024

On plonge dans la maison familiale, avec une mère au foyer idéale, des enfants qui jouent dans le jardin d'eden merveilleusement façonnée par madame et sublimement filmé avec un soin particulier au cadre et à la photographie, tandis qu'au-dessus du mur d'enceinte gris on perçoit les toits des baraquements et des cheminées fumantes. Une carte postale champêtre qui dénote juste par l'absence du chant des oiseaux, remplacé par des sons plus ou moins inaudibles provenant de l'autre côté de l'enceinte. Le travail sur le son est assez inouï, un son à la fois vaporeux et métallique avec une musique à la fois fascinante et macabre. Par contre on reste plutôt perplexe sur l'absence, exception fait de 2-3mn vers la fin, trop imposante de cris, du bruit des armes à feu, des aboiements de chiens, et sinon qui proviennent de si loin alors que la maison est accolée directement au camp. On ne voit donc rien, on n'entend que du brouhaha lointain, le récit repose effectivement sur ce quotidien routinier et redondant d'une famille normale dont le père a tout du directeur d'usine ni plus ni moins. L'idée est géniale, le potentiel dingue mais dans un même temps Jonathan Glazer semble être resté à la surface sans jamais avoir osé gratté juste un petit peu l'écrin. Un film à voir assurément, à conseiller ne serait-ce que pour l'expérience.

Site : Selenie.fr

2,0 Publiée le 1 février 2024

Le scénario est vraiment trop court. On ne comprend pas ce que viennent faire ces séquences en noir et blanc de la petite fille qui sème des pommes. Il y a un symbole ? Une allusion à un mythe ? Une histoire mystérieuse ?

Dommage, ça aurait pu sauver du reste qui est touchant mais globalement ennuyeux.

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Jonathan Glazer

Jonathan Glazer, né le 26 mars 1965 à Londres, est un réalisateur britannique.

Biographie

Jonathan Glazer, réalisateur et scénariste né à Londres, entame une carrière dans le théâtre avant de se rediriger vers le cinéma.

Son œuvre est souvent caractérisée par la représentation de personnages désespérés lui permettant d'explorer des thèmes comme la solitude, l'aliénation créant une esthétique visuelle audacieuse couplée à une musique volontairement dramatique.

Jonathan Glazer a reçu 6 nominations pour les Bafta Awards, la Palme d'Or, et deux fois pour à la fois le Lion d'Or et le Grand Prix du Jury du Festival du Film de Venise. Pour La Zone d'intérêt, il a remporté à la fois le Grand Prix et le Prix FIPRESCI (critique internationale) au Festival de Cannes 2023. Il a été nommé pour l'Oscar du meilleur réalisateur et l'Oscar du meilleur scénario adapté lors de la 96e cérémonie des Oscars.

Il a réalisé de nombreux vidéoclips pour Radiohead, Massive Attack, Richard Ashcroft et d'autres. Pour son travail, il a reçu deux fois des nominations pour le MTV Video Music Award de la meilleure réalisation, consécutivement pour son travail sur "Virtual Insanity" de Jamiroquai et "Karma Police" de Radiohead. Il a également réalisé des publicités pour Kodak, Sony, Nike, Barclays et Alexander McQueen, entre autres.

Éléments biographiques

Jonathan Glazer est né dans une famille juive à Londres et a fréquenté l'école de Hadley, un quartier de l'arrondissement de Barnet. Son père était un cinéphile avec qui il regardait fréquemment des films de David Lean ([1] [archive])

Après avoir obtenu son diplôme en conception de décors de théâtre à l'Université de Nottingham Trent, Glazer a commencé sa carrière en dirigeant des pièces de théâtre et en réalisant des bandes-annonces de films et de télévision.

Carrière

En 1993, Glazer a écrit et réalisé trois courts métrages (Mad, Pool et Commission) et a rejoint Academy Commercials, une société de production basée au centre de Londres. Il a réalisé des campagnes acclamées pour Guinness (Dreamer, Swimblack et Surfer) et Stella Artois (Devil's Island). Depuis le milieu des années 1990, il a réalisé un certain nombre de vidéoclips importants et a été nommé réalisateur MTV de l'année 1997. Il a qualifié son clip pour le single Street Spirit de Radiohead de 1996 de « tournant » dans son travail : « Parce que [Radiohead] a trouvé sa propre voix en tant qu'artiste à ce moment-là, j'avais l'impression de me rapprocher de la mienne, et j'étais sûr que je pouvais faire des choses qui émouvantes, avec une sorte de poésie... de valeur prosaïque. Cela a été pour moi un moment clé. »

En 2000, il réalise son premier long-métrage, le film de gangsters britannique Sexy Beast, acclamé par la critique, avec Ray Winstone et Ben Kingsley, ce dernier ayant reçu une nomination pour l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle. En 2004, il réalise aux États-Unis son deuxième long métrage Birth, avec Nicole Kidman en vedette.

En 2001, Glazer a réalisé le spot « Odyssey » pour Levi Strauss Jeans [2]. En 2006, il a réalisé la deuxième publicité télévisée Sony BRAVIA, dont le tournage a nécessité 10 jours et 250 personnes. La publicité a été filmée dans un domaine de Glasgow et montrait de la peinture explosant partout dans les tours [3]. Plus tard la même année, il fut chargé de réaliser une publicité télévisée pour le nouveau téléphone Motorola Red. La publicité, montrant deux corps noirs nus émergeant d'un morceau de chair tournant sur un tour de potier, devait être diffusée en septembre 2006 mais a été mise de côté par Motorola. La publicité devait bénéficier à plusieurs associations caritatives en Afrique.

En 2013, il réalise Under the Skin, une adaptation libre du roman de science-fiction du même nom de Michel Faber avec Scarlett Johansson. Le film a été présenté en première au Telluride Film Festival 2013 et est sorti en salles en 2014, recueillant des critiques élogieuses. Le film a été nommé meilleur film de 2014 par de nombreux critiques et publications, a été inclus dans de nombreuses listes des meilleurs de la décennie et s'est classé 61e sur la liste des 100 plus grands films du xxie siècle de la BBC, un sondage international auprès de 177 grands critiques.

Under the Skin fait l'objet d'un livre non-fictionnel de 2019 intitulé Alien in the Mirror [archive] : Scarlett Johansson, Jonathan Glazer and Under the Skin de l'auteur Maureen Foster, une analyse approfondie du film scène par scène et des coulisses.

Filmographie

Longs métrages

2000 : Sexy Beast

2004 : Birth

2013 : Under the Skin

2023 : La Zone d'intérêt (The Zone of Interest) 

(wiki.)

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DOSSIER 

https://education.parenthesecinema.com/files/books/dossier-pedagogique-la-zone-dinteret-v1-86.pdf

LA ZONE D’INTÉRÊT  / UN FILM DE JONATHAN GLAZER

DOSSIER PÉDAGOGIQUE 

AU CINÉMA LE 31 JANVIER 2024

 DOSSIER INITIÉ PAR PARENTHÈSE CINÉMA AUTEURS : ANNE ANGLES, CLAIRE PODETTI ET THIERRY LEVASSEUR, PROFESSEURS D’HISTOIRE. 

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans un pavillon avec jardin à côté du camp.

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Jonathan Glazer, regizor britanic, n.1965






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