Youssef Ishaghpour
Naissance | Téhéran |
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Décès | (à 81 ans) 5e arrondissement de Paris |
Nationalité | |
Formation | Université Sorbonne-Nouvelle (doctorat) (jusqu'en ) Institut des hautes études cinématographiques École pratique des hautes études (doctorat) |
Activités |
Youssef Ishaghpour, né le à Téhéran et mort le à Paris 5e1, est un essayiste français d'origine iranienne.
Biographie
À dix-huit ans, Youssef Ishaghpour est venu en France en 1958, pour étudier le cinéma : l'École Louis-Lumière pour la prise de vue puis l’IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques) pour la réalisation et le montage. Ensuite il a étudié la philosophie et la sociologie à l'École pratique des hautes études, y obtenant un doctorat d'État ès lettres.
L’appartenance à une minorité religieuse rendant chimérique la possibilité de faire des films en Iran, il est resté en France, atteint par « la tentation de l’Occident ».
Jean Mitry l’a initié à la théorie du cinéma et grâce à Lucien Goldmann, il a découvert les œuvres du jeune Lukács et un Marx penseur critique. Auxquels se sont ajoutés Adorno et Benjamin, comme point d’ancrage et horizon de pensée.
Le passage d’Orient en Occident l’a conduit à ce lieu de nulle part qui est propice à la pensée essayiste. Cette traversée a abouti à un ensemble d’essais incluant la philosophie, la politique et la littérature, mais consacré pour l’essentiel à la réflexion sur l’image : à propos de cinéma (des monographies consacrées à Orson Welles, Visconti, Ozu, S. Ray, Kiarostami et plusieurs recueils d’essais sur le cinéma en général et sur des films et des cinéastes particuliers) et à propos de la peinture (Poussin, Courbet, Manet, Seurat, Duchamp, Hopper, Morandi, Rothko, Staël, Tàpies, Rauschenberg).
Mais ce chemin ne lui a pas fait oublier l’Iran - avec des essais sur la miniature persane et sur Hedayat, le grand écrivain moderne, et sur la plasticienne Chohreh Feyzdjou - ni la pratique de la prise de vue avec cinq albums de photographies.
L’Académie française lui décerne le prix Lequeux en 1991.
Publications
Cinéma
- Luchino Visconti (signé Yves Guillaume), Éditions Universitaires, 1966
- D'une image à l'autre : la nouvelle modernité du cinéma, Éditions Denoël, 1982
- Visconti : le sens et l'image, Éditions de la Différence, 1984 ; réédition augmentée Éditions de la Différence, 2006
- Cinéma contemporain : de ce côté du miroir, Éditions de la Différence, 1986
- Formes de l'impermanence : le style de Yasujiro Ozu, Éditions Yellow Now, 1994 ; réédition Éditions Farrago/Léo Scheer, 2002
- Opéra et théâtre dans le cinéma d'aujourd'hui, Éditions de la Différence, 1995
- Le Cinéma, Éditions Flammarion, collection Dominos, 1996 ; réédition éditions Farrago, 2006
- Archéologie du cinéma et mémoire du siècle, dialogue avec Jean-Luc Godard, éditions Farrago, 2000, réédition Verdier poche, 2020
- Kiarostami : le réel face et pile, Éditions Farrago, 2001 ; réédition Éditions Circé, 2007
- Orson Welles, cinéaste, une caméra visible I (Mais notre dépendance à l'image est énorme...), Éditions de la Différence, 2001
- Orson Welles, cinéaste, une caméra visible II (Les films de la période américaine), Éditions de la Différence, 2001
- Orson Welles, cinéaste, une caméra visible III (Les films de la période nomade), Éditions de la Différence, 2001
- Satyajit Ray : l'Orient et l'Occident, Éditions de la Différence, 2002
- Historicité du cinéma, Éditions Farrago, 2004
- Le Cinéma : histoire et théorie, Éditions Farrago, 2006, réédition augmentée, Verdier poche, 2015
- Kiarostami. II. Dans et hors les murs, Éditions Circé, 2012
- Jean-Luc Godard, Une encyclopédie, Éditions Exils, 2023
« Orson Welles cinéaste »
Une Caméra Visible, Tome 1, Mais notre dépendance à l'image est énorme
- Type
- ETUDES
- Sujet
- RÉALISATEUR > ORSON WELLES
- ORSON WELLES, BIOGRAPHIE, ANALYSE, FILMOGRAPHIE
- Année d'édition
- 2005
- Editeur
- LA DIFFÉRENCE
- Collection
- LES ESSAIS
2E ÉDITION - Langue
- FRANÇAIS
Taille du livre
- Format
- BROCHÉ • 669 PAGES • ? €
15 X 23 CM - ISBN-10
ISBN-13 - 2-7291-1580-3
978-2-7291-1580-7 - Appréciation
- (5 VOTES)
Description de l'ouvrage :
Orson Welles est l'initiateur du cinéma moderne, il occupe, dans le parlant, la place qui était celle de Griffith dans le muet. En faisant des films à partir de la parole, Welles a montré que "notre dépendance à l'image est énorme". L'œuvre d'Orson Welles est l'histoire de l'émergence et de la disparition de l'Individu : de Kane à Falstaff, des Elisabéthains et de Cervantès à Conrad, Kafka et Picasso, de la fin du Moyen Age à la réalité contemporaine des communications de masse et de la télévision. Elle est la parousie de la Subjectivité, liée à l'image et la représentation, au fondement de la modernité occidentale. Elle est la mise en scène de l'Individualité Souveraine, dans sa double figure antinomique et liée volonté de domination et impouvoir de l'Artiste. Au moment de l'apparition de la civilisation industrielle et des masses anonymes des grandes villes, la reproduction technique, la photographie et la grande presse avaient séparé l'art et le public en opposant deux phénomènes liés et contemporains : l'avant-garde et l'industrie culturelle. L'utopie de tous les grands cinéastes a toujours été de dépasser par le cinéma - reproduction technique, industrie culturelle, art et marchandise, à la fois - le fossé entre l'art et le public. L'œuvre et la vie ruinées d'Orson Welles sont emblématiques de l'impossibilité de cette utopie : être en même temps un génie et un article de masse. Orson Welles cinéaste, une caméra visible aborde le cinéma comme le souhaitait Eisenstein : en gros plan et en plan d'ensemble. Ce premier volume est la constitution de la constellation historique, sociale, politique, philosophique, artistique, cinématographique et biographique qui a donné naissance à l'œuvre de celui qui voulait que chacun de ses films soit une expérience cinématographique nouvelle.
Prix littéraire du syndicat français de la critique de cinéma 2001.
« Orson Welles cinéaste »
Une Caméra Visible, Tome 2, Les films de la période américaine
- Type
- ETUDES
- Sujet
- RÉALISATEUR > ORSON WELLES
- ORSON WELLES, BIOGRAPHIE, ANALYSE, FILMOGRAPHIE
- Année d'édition
- 2005 (ÉPUISÉ OU DIFFUSION RESTREINTE)
- Editeur
- LA DIFFÉRENCE
- Collection
- LES ESSAIS
2E ÉDITION - Langue
- FRANÇAIS
Taille du livre
- Format
- BROCHÉ • 427 PAGES • ? €
15 X 23 CM - ISBN-10
ISBN-13 - 2-7291-1581-1
978-2-7291-1581-4 - Appréciation
- (4 VOTES)
Description de l'ouvrage :
A la différence de la première génération des créateurs du cinéma, Orson Welles avait, devant lui, un langage et, surtout avec Hollywood, un système constitués. Il a inauguré le cinéma moderne, en partant de la parole, par des écarts, par un retour réflexif au musée et à l'histoire du cinéma. "Portraits" de l'Amérique, Citizen Kane, La Splendeur des Amberson, La Dame de Shanghai constituent, en même temps, trois moments d'invention de la modernité cinématographique : la question du cinéma, du temps, de l'image. Par sa forme de "narration montagiste", comme Eisenstein définissait Citizen Kane, avec ses styles hétérogènes pour construire un tout brisé, "cubiste", dépendant du temps, ce film reprend à l'art moderne ce que l'existence même du cinéma lui avait donné. Avec son absolue nouveauté, sa force d'irruption, son énergie, sa "brutalité" journalistique, Citizen Kane est aussi une encyclopédie du cinéma, un retour réflexif à son histoire, au musée, et à ses questions d'origine : entre Lumière et Méliès, fait et fiction, art et reproduction technique. Dans son "aura poétique", La Splendeur des Amberson est un film sur le temps et la mort implicite à la reproduction technique, développés - comme on le fait d'une photographie - par le cinéma. L'évocation de quelque chose de perdu et en train de s'obscurcir, de disparaître, de s'effacer : ce moment historique, contemporain de la naissance du cinéma, où la technique a définitivement triomphé et a transformé le temps en temps perdu, souvenir de la demeure, de l'habitat, de la figure de la mère et de l'enfance. La Dame de Shanghai est une véritable poétique du présent, telle que seul le cinéma, reproduction technique de ce qui est, le permet. Et le premier dans son genre. Expérience limite de l'actuel, de la société contemporaine, et réflexion critique sur cet actuel et sur "le Cinéma" lui-même dans cette actualité, qu'il brise en mille éclats : univers d'aventure, de romance, de stars, fantasmagorie de la marchandise et fatale beauté des images du miroir-écran : "la maison de la folie" d'Hollywood où Orson Welles s'était égaré.
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« Orson Welles cinéaste »
Une Caméra Visible, Tome 3, Les films de la période nomade
- Type
- ETUDES
- Sujet
- RÉALISATEUR > ORSON WELLES
- ORSON WELLES, BIOGRAPHIE, ANALYSE, FILMOGRAPHIE
- Année d'édition
- 2005
- Editeur
- LA DIFFÉRENCE
- Collection
- LES ESSAIS
2E ÉDITION - Langue
- FRANÇAIS
Taille du livre
- Format
- BROCHÉ • 872 PAGES • ? €
15 X 23 CM - ISBN-10
ISBN-13 - 2-7291-1582-X
978-2-7291-1582-1 - Appréciation
- (6 VOTES)
Description de l'ouvrage :
A l'instar de Gregory Arkadin, la figure mythique qu'il a inventée, Orson Welles, devenu nomade, allait de lieu en lieu. Non pas, comme le personnage de son conte moderne, pour étendre sa domination sur le monde, mais en tant que Souverain d'un royaume inexistant où il aurait pu réaliser des films. Ce royaume avait eu une terre d'origine : Shakespeare et le théâtre où l'acteur et le metteur en scène Orson Welles était venu au monde. C'est là que, réduit à lui-même, Welles retournait sans cesse, pour réinventer toujours, en expérimentateur comme il se définissait, de nouvelles formes de cinéma dans des rapports, chaque fois différents, du théâtre et de la reproduction technique : avec l'expérience "magique" de Macbeth, l'expression "opératique" d' Othello, la nostalgie "narrative" de Falstaff. Ces retours à Shakespeare n'étaient cependant pas pour Welles dépourvus d'intentions actuelles, plus sérieuses encore que la parodie de Staline, avec "le Géorgien" Gregory Arkadin poignardant ses anciens acolytes. Welles avait commencé sa carrière pendant la Dépression par un engagement politique qui s'exprimait encore clairement dans son seul film hollywoodien d'après l'exil : La Soif du mal le dernier grand moment d'Hollywood, dans lequel Welles lui reprenait ses propres inventions formelles qui avaient renouvelé le cinéma américain. La même vision politique marquait son approche du Procès, comme "le cauchemar" du XXe siècle, dans une critique de l'Etat totalitaire et bureaucratique. A l'absence réelle de la liberté souveraine, Citizen Kane avait opposé déjà la souveraineté esthétique. Celle-ci faisait l'objet des derniers films de Welles : Falstaff, Une histoire immortelle, Vérité et mensonge et l'inachevé De l'autre côté du vent consacrés tous à l'art et à l'artiste, devenus de plus en plus problématiques, dans un monde dominé, à la fin, par l'image-communication-marchandise, où même l'artiste, disait Adorno, se transforme en Fake : "faux".
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Orson Welles | ||
(1915-1985) | ||
15 films | ||
1 | ||
3 | ||
7 | ||
histoire du cinéma : puissances du faux |
L'oeuvre de moyens ou longs métrages d'Orson Welles ne tient qu'en treize films seulement, quinze si l'on y ajoute It's All True et Don Quichotte, tous deux inachevés. Mais il a laissé derrière lui des dizaines de scénarios inaboutis et IMDB comptabilise trente-huit réalisations plus ou moins achevées, plus ou moins courtes, plus ou moins montées, pour le cinéma ou la télévision.
Comme avant lui Stroheim, autre proscrit de Hollywood, c'est de ses talents de comédien que Welles a vécu, exilé sur le Vieux Continent. Dans la plupart de ses films, le montage lui a échappé et nul n'a jamais retrouvé les mythiques 43 minutes perdues de La Splendeur des Amberson, les 20 minutes amputées du Criminel, les scènes disparues de La Dame de Shanghai. Presque tous ses films également possèdent plus d'une version, parfois sensiblement différentes (la fin du Procès) souvent amputée (Macbeth). Néanmoins le travail de restauration a permis la mise à disposition de versions restaurées raisonnablement satisfaisantes (Don Quichotte en 1992, It's all true en 1993).
Orson Welles est probablement le réalisateur sur lequel on a le plus écrit. La monumentale analyse de son oeuvre par Youssef Ishaghpour rend justice à sa place dans l'histoire du cinéma :
"
La Subjectivité. C'est la teneur de l'œuvre de Welles, l'unité stylistique de ses films, la "révolution copernicienne" qu'il a provoqué dans l'histoire du cinéma. Il ne s'agit pas de cette dimension subjective, sans laquelle il n'y a jamais eu de vie humaine, de pensée d'œuvre, pas plus qu'il ne s'agit d'état d'âme, d'univers mental, d'intériorité. Mais de la subjectivité posée au fondement, érigée en seigneur de l'être, maître de la vérité : volonté de puissance et sujet de la représentation. Subjectivité et représentation comme figures philosophiques, individu et image comme catégories de l'existence sont constitutifs de la modernité ; en tant qu'époque historique de l'Occident, ce qui la distingue d'autres temps et d'autres lieux dans le monde.
Subjectivité et représentation, individu et image ont pour "réalité" l'idée et la figure de la Souveraineté, sous deux aspects liés intérieurement et contradictoires (Charles Foster Kane et Falstaff). La souveraineté comme volonté de domination, de pouvoir, de maîtrise sur le monde dont la royauté absolue, en tant que réalisation de l'individualité, est l'incarnation. Et la souveraineté comme non pouvoir de l'artiste, de la puissance du génie, de l'imagination créatrice, qui dépassent les limites constitutives de la Souveraineté comme volonté de domination.
L'œuvre d'Orson Welles, artiste moderne, est emblématique par sa relation à la modernité de l'Occident : depuis la naissance de l'individu dans la crise de la Renaissance et la tragédie shakespearienne (Macbeth, Othello), jusqu'à sa disparition, son devenir obsolète - un survivant, un faux - dans le monde de la communication de masse (F for Fake)
Le parlant est l'essence du cinéma de Welles, dont les films, d'un effet visuel puissant, jusqu'à rappeler les recherches du muet, sont construits fondamentalement par rapport à la parole, au son en général, et pour l'oreille. Welles vient du théâtre, où le mot est primordial ; de la radio, un média aveugle, dans lequel il a, lui-même, introduit la voix narrative à la première personne. C'est le premier réalisateur qui soit arrivé à l'image en partant de la parole. Et c'est en dissociant les mots et les choses qu'il a bouleversé le cinéma. Le mot "Rosebud" prononcé au début de Citizen Kane et le traîneau qui apparaît à la fin constituent la plus simple manifestation de cette dissociation mais, avant l'apparition de la chose - où sont inscrit à la foi l'image et le mot- et à travers le reporter Thompson, le spectateur est mis en garde de ne pas croire à une identité, à une évidence immédiate du sens donné : le lien entre le début et la fin, entre le mot et la chose, est médiatisé par la totalité de l'œuvre et reste dépendant de son opacité.
L'instance de la parole découvre, comme a dit Welles, que "notre dépendance à l'image est énorme". Elle fait apparaître l'image (qui détermine toute l'existence de Kane) dans sa différence à la réalité et met leur relation en question (La dame de Shanghai). Contrairement à ce que supposait le cinéma, tout en étant toute puissante, l'image n'est pas pour Welles simplement un être premier, présent et plein. Elle est comme la première image de Citizen Kane, trouée et interdite, marquée par l'écriture, surmontée par la caméra. Elle n'a rien d'immédiat en elle-même, ou dans son rapport au filmé. Elle est médiate, posée par la réflexion, dépendante. Sans l'expérience de l'instance discursive, et sans la perspective sonore, il n'y aurait pas eu de réflexivité de récit, pas plus que de profondeur de champ, comme champ significatif. C'est l'instance narrative et symbolique, à la fois de la parole qui, chez Welles, pointe, dans le prétendu réel de l'écran, un imaginaire.
Dans Citizen Kane, c'est la caméra qui est cette voix, elle transgresse l'interdit, rentre par les plafonds, résout l'énigme qu'elle avait posée, tout en faisant dépendre, contre une recherche de "signification", l'énigme et sa solution de la totalité complexe qui est celle de l'œuvre. Dans La splendeur des Amberson, la voix est présente, mais c'est la place absente et nécessaire devant le micro, là où le sujet de la narration ne s'identifie précisément pas avec l'individu empirique et ne peut donc pas être visible que par une trace, la marque qui efface sa singularité physique. Dans La dame de Shanghai, la voix narrative à la première personne s'est encore rapprochée mais ne se confond pas simplement avec la même personne dans l'image, et produit de la distance par rapport au présent de l'image, au vécu. Cette voix est là constamment pour déjouer le suspens, conduire hors du labyrinthe, en dehors des mirages, et des massacres de l'imaginaire. Même là où la parole devrait être présente à sa source sur l'écran, comme elle l'est au théâtre, dans le monologue tragique de Macbeth -la parole de l'être solitaire- bien que prononcée par Macbeth dans l'image, elle est off adressée à l'autre, dans son absence.
Dans tous ces cas, c'est la parole qui rend la "caméra visible", en la libérant de la relation au donné et, en même temps, en la transformant en simple instrument. Non pas comme se sera pour Rossellini, un moyen s'effaçant devant la révélation de la réalité, mais en quelque chose qui est toujours là, et qui ne servirait tout au plus qu'à la reproduction mécanique insignifiante de ce qui est là également devant elle, si elle n'était pas malmenée tout autant que l'image et la réalité : "il faut savoir ne pas être timide avec la caméra, lui faire violence, la forcer dans ses derniers retranchements, parce qu'elle est une vile mécanique. Ce qui compte c'est la poésie". C'est ainsi seulement que la caméra peut devenir "l'œil dans la tête d'un poète" et la pellicule "un ruban de rêve".
Ce faisant, Welles s'accorde, dans ses trois premiers films, avec les premiers théoriciens de l'art moderne - au début du romantisme allemand- pour qui "l'idée de la poésie est la prose". En dépouillant l'image de sa réalité, de son immanence de sa prégnance, Welles rompt avec la conception poético-magique de l'image et de la ressemblance, mais aussi avec l'idée esthétique de la beauté et de ses mystères, pour la remplacer par l'idée de l'art, de la représentation, de l'image et de la réalité devenues des énigmes. Une pareille métamorphose qui privilégie l'art contre la beauté, et implique la perte des certitudes et des croyances et engendre des tensions irrésolues entre le contenu et la forme, a toujours été ressentie comme intellectualisme "non cinématographique" - ce que Sartre, qui avait compris immédiatement la suspension de l'action présente et son remplacement par le temps et la réflexion avait reproché à Citizen Kane, comme maniérisme, formalisme virtuose dépourvu de substance, tandis qu'il s'agit de l'être-devenu de qui était substantiel et ne pourrait plus se perpétuer que par ses défroques académiques.
Un tel passage entre Ford et Welles, pour rester dans le contexte du cinéma américain - et aux propres références de Welles : entre "Ford, faiseur de mythe" et lui-même ayant "un rapport au mythe comme passé"- entre mythe et histoire, entre épopée poétique et prose romanesque avait été pensé par Barthes comme le passage du "classique" au "bourgeois". Avant, l'image du monde, donnée comme une réalité, était le modèle hégémonique de domination sociale. Après, cela vient en question, ce n'est plus l'adéquation avec la réalité qui est affirmée mais une différence, quelque chose de tourné vers soi-même et vers ses présupposés. Mais c'est dans ce retour même que se produit le temps et la nostalgie du paradis perdu, et une tonalité de deuil inhérente à la réflexivité moderne.
"
Sources :
- Youssef Ishaghpour : Orson Welles cinéaste, une caméra visible, édition La Différence, Paris 2001.
Tome 1 : Mais notre dépendance à l'image est énorme..., 671 p.
Tome 2 : Les films de la période américaine, 427 p.
Tome 3 : les films de la période nomade, 872 p. - Jean-Pierre Berthomé pour la rétropective organisée au Festival de La Rochelle en 1999
Autres sources bibliographiques :
Frank Brady : Citizen Welles, Doubleday, New York 1990.
Filmographie :
1941 | Citizen Kane |
Avec : Orson Welles (Charles Foster Kane), Joseph Cotten (Jedediah Leland), Dorothy Comingore (Susan Alexander Kane), Everett Sloane (Mr Bernstein), Georges Coulouris (Walter Parks Thatcher). 1h59. Né dans une modeste famille, Charles Foster Kane parvient, grâce à une volonté inflexible, et à un total manque de scrupules à devenir l'un des hommes les plus puissants des Etats Unis. En 1941, il meurt d'une crise cardiaque en prononçant le mot "rosebud" dans son palais de rêve, Xanadu.... | |
1942 | La splendeur des Amberson |
(The magnificent Ambersons). Avec : Tim Holt (George Amberson Minefar), Joseph Cotten (Eugene Morgan), Dolores Costello (Isabel Amberson Minefar), Anne Baxter (Lucy Morgan). 1h28. Eugene Morgan aime Isabel Amberson mais celle-ci préfère Wilbur Minafer. Un fils, George, naît de cette union. Wilbur meurt et Isabel se consacre entièrement à George qui devient un être tyrannique. De son côté, Eugene s'est marié, a eu une fille Lucy mais sa femme est morte... | |
1942 | It's all true |
Avec : Manuel 'Jacare' Olimpio Meira, Jeronimo André De Souza, Raimundo 'Tata' Correia Lima, Manuel 'Preto' Pereira Da Silva, Jose Sobrinho. 1h25. tourné en 1942 au Brésil, le film est interrompu brutalement par son producteur, déçu par la qualité des rushes, terrifié par la quantité de pellicule impressionnée. Des 314 boîtes de négatif retrouvées en 1982, Richard Wilson, Myron Meisel et Bill Krohn tirent en 1993 un montage de 85 minutes qui se concentre principalement sur l'un des épisodes prévus : Four Men and a Raft (Quatre Hommes et un radeau). | |
1945 | Le criminel |
(The stranger). Avec : Orson Welles (Franz Kindler alias Charles Rankin), Loretta Young (Mary Longstreet), Edward G. Robinson (L'inspecteur Wilson). 1h35. Pour arrêter un criminel de guerre caché aux Etats-Unis sous une fausse identité, un policier laisse s'évader un de ses complices. En le suivant, il retrouvera la trace de l'ancien nazi. | |
1946 | La dame de Shanghai |
(The lady from Shanghai). Avec : Rita Hayworth (Elsa Bannister), Orson Welles (Michael O'Hara), Everett Sloane (Arthur Bannister), Glenn Anders (George Grisby). 1h26. San Francisco. L'aventurier Michael O'Hara s'éprend de la séduisante Elsa Bannister et accepte l'offre de son mari, le riche Arthur Bannister, de devenir marin sur son yacht. Michael espère ainsi revoir Elsa dont la présence l'obsède... | |
1947 | Macbeth |
Avec : Orson Welles (Macbeth), Jeanette Nolan (Lady macbeth), Dan O'Herlihy (Macduff). 1h47. Macbeth et Banquo, tous deux généraux de l'armée de Duncan, roi d'Écosse, reviennent de leur victorieuse dernière campagne. Sur la lande désertique, ils rencontrent trois sorcières. Celles-ci prédisent que Macbeth deviendra bientôt comte de Cawdor, puis roi d'Écosse et que son compagnon, Banquo, engendrera des rois bien que lui-même n'en soit pas un. La première prophétie se réalise, Macbeth est nommé comte de Cawdor, l'ancien comte ayant été exécuté pour trahison... | |
1952 | Othello |
(The tragedy of Othello, The moor of Venise). Avec : Orson Welles (Othello), Michael MacLiammoir (Iago), Suzanne Cloutier (Desdémone). 1h35. Chypre. Double enterrement d'Othello et de Desdemone. Iago est suspendu au bout d'une cage. Venise. Othello, le mercenaire préféré du Doge de Venise, s'apprête à partir en guerre contre les Turcs et choisit comme lieutenant l'aimable Cassio. Iago, qui espérait ce poste, jure de se venger. L'occasion lui est bientôt fournie par le mariage clandestin d'Othello avec la belle patricienne Desdémone. Iago avertit donc le père de la jeune fille, Brabantio, qui se plaint au Doge. Mais celui-ci juge que le mariage est valable, puisqu'il n'a pas été prononcé sous la contrainte. Chypre, après la victoire d'Othello contre les Turcs, celui-ci est rejoint par Desdemone. Pour déconsidérer Cassio, Iago l'enivre et le pousse à se battre avec Montano, le gouverneur de l'île. Lorsque le malheureux est démis de ses fonctions, Iago l'incite à s'adresser à Desdémone afin qu'elle intercède en sa faveur auprès d'Othello. Parallèlement, il attire l'attention d'Othello sur les possibles désirs charnels de Desdémone. Puis il demande à sa femme, Emilia, dame de compagnie de Desdémone, de lui procurer un mouchoir de sa maîtresse, qu'il laisse traîner ostensiblement chez Cassio. Iago interroge ensuite Cassio sur sa compagne Bianca tout en faisant croire à Othello (dissimulé dans une encoignure) que le jeune homme parle de Desdémone. Ces manigances finissent par porter leurs fruits : Iago devient lieutenant. Avec son ami Roderigo, il tend une embuscade à Cassio et le poignarde. Puis, sans la moindre hésitation, il exécute Roderigo. De son côté, Othello, ravagé de jalousie, assassine Desdémone. Emilia ayant dénoncé ses mensonges, Iago lui assène un coup mortel, mais il sera châtié de ses crimes. Désespéré de son erreur, Othello se suicide. Cassio, qui a miraculeusement survécu à ses blessures, le remplacera à la tête de la garnison de Chypre. | |
1955 | Monsieur Arkadin |
(Condidential report). Avec : Orson Welles (Gregory Arkadin), Paola Mori (Raina Arkadin), Robert Arden (Guy van Stratten). 1h39. Van Stratten arrive chez Jakob Zouk à Munich et lui raconte ce qui est arrivé ces dernières semaines. Il espère s'en faire un allier pour l'aider à contrer Arkadin. Aventurier de piètre envergure, Van Stratten s'était vu proposer un étrange marché par un moribond, assassiné dans le port de Naples : faire chanter Gregory Arkadin, un puissant homme d'affaires, en prétendant connaître son passé... | |
1958 | La soif du mal |
Avec : Charlton Heston (Mike Vargas), Orson Welles (Hank Quinlan), Janet Leigh (Susan Vargas), Marlene Dietrich (Tanya). 1h35. Rudy Linnekar, un important homme d'affaires, est assassiné en compagnie de sa maîtresse; une bombe à retardement pulvérise sa voiture alors qu'il traverse la frontière américano-mexicaine. Deux policiers rivaux, l'Américain Hank Quinlan et le Mexicain Mike Vargas, mènent l'enquête... | |
1962 | Le procès |
(The trial). Avec : Anthony Perkins (Joseph K.), Orson Welles (l'avocat Hastler et la voix du narrateur), Akim Tamiroff (Block), Romy Schneider (Leni), Jeanne Moreau (Mlle Burnster), Elsa Martinelli (Hilda). 2h00. Joseph K. se réveille un matin, accusé par des policiers qui se sont introduits dans son appartement, d'un délit dont il ignore la nature. Il mène sa propre enquête pour savoir ce qu'on lui reproche et finit par se laisser exécuter, consentant et hilare. | |
1965 | Falstaff |
(Campanadas a medianoche) Avec : Orson Welles (Sir John Falstaff), Keith Baxter (Le prince Hal), John Gilgud (le roi Henry IV), Jeanne Moreau (Doll), Margaret Rutherford (Mistress Quickly). 1h59. L'Angleterre en l'an 1399. Après l'assassinat du roi Richard II, Henry IV, né Bolinbroke, qui a usurpé le trône, doit faire face à une révolte de barons dirigée par Hotspur. Dans la taverne de Mr. Quickly, Hal, prince de Galles, son fils aîné, mène joyeuse vie en compagnie de son vieil ami Jack Falstaff. Henry IV demande à Hal de le soutenir devant la menace qui se précise. Après une vaine tentative de conciliation, Hal, à la tête de son armée, triomphe des rebelles à la bataille de Shrewsbury (1403). Falstaff se vante éhontément d'avoir tué Hotspur de ses propres mains, tandis que Hal rejoint son père. Une entrevue convainc Henry IV de la noblesse de son fils. Lorsque le roi meurt en 1413, Hal monte sur le trône, devenant cinquième du nom. Falstaff est fou de joie : lui, son ami de débauche, aura droit à un poste important. Falstaff assiste au couronnement et interpelle familièrement le roi durant la cérémonie. Ulcéré par cette attitude, Hal le fait exiler de la Cour. À l'heure où Henry V prépare l'invasion de la France, Falstaff, pauvre et abandonné, meurt de chagrin dans la taverne de Mr. Quickly. | |
1968 | Une histoire immortelle |
Avec : Orson Welles (Mr Clay), Jeanne Moreau (Virginie), Roger Coggio (Elishama Levinsky), Norman Eshley (le marin, Paul). 0h58. Un riche et vieux marchand est fasciné par une légende qui court parmi les marins : un jeune marin aurait été payé par un riche vieillard pour donner un héritier à la femme de ce dernier. Désirant donner vie à cette légende, il paie un jeune marin danois pour coucher avec sa femme... | |
1975 | Vérités et mensonges |
(F for fake). Avec, dans leur propre rôle, Orson Welles, Oja Kodar, Elmyr de Hory, Clifford Irving et François Reichenbach. 1h25. Orson Welles effectue un tour de magie et annonce : " Ce film traite de tricherie, de fraude, de mensonges... Racontée chez soi, dans la rue ou au cinéma, toute histoire est presque sûrement un mensonge. Mais pas celle-ci ! Tout ce que vous verrez dans l'heure qui suit est absolument vrai. " Vraie, l'histoire de cet Elmyr de Hory, racontée par Clifford Irving, son biographe. Elmyr fabrique des copies de toiles de grands peintres ; même les experts sont incapables de distinguer les vrais des faux. Par contre, lorsque de Hory prétend avoir en main la biographie du producteur milliardaire Howard Hughes, on l'accuse de contre-façon. Or, des graphologues authentifient l'écriture de Hughes! Qui dit vrai ? | |
1976 | Don Quichotte |
Avec : Francisco Reiguera , Akim Tamiroff , Patricia Mccormack Don Quichotte entraîne son écuyer Sancho à la recherche des chimères qu'il veut offrir à son aimée Dulcinée. De nouveau, mais dans l'Espagne des années soixante du XXème siècle, la silhouette extravagante de l'hidalgo telle qu'elle avait été créée par Cervantès, accompagné à contre-cœur par Sancho, parcourt le territoire espagnol sans but fixe, et sans victoire, en proie au mépris et aux jets de pierres. | |
1978 | Filming Othello |
Avec : Orson Welles, Hilton Edwards, Micheal MacLiammoir. 1h24 - 16 mm - couleur et n&b. Essai cinématographique réalisé pour la télévision à propos du tournage du film Othello. | |
2018 | De l'autre côté du vent |
(The other side of the wind). Avec : John Huston (Jake Hannaford), Peter Bogdanovich (Brooks Otterlake), Oja Kodar (L'actrice), Robert Random (John Dale), Susan Strasberg (Julie Rich). 2h02. Brooks Otterlake raconte la mort mystérieuse de Jake Hannaford, un grand cinéaste au volant de sa voiture, il y a cela bien des années. Otterlake a longtemps hésité à montrer le film qui va suivre tant le rôle qu'il y tient n'est guère reluisant. Mais il passe outre aujourd'hui. Il a rassemblé ce petit film historique à partir de diverses sources : des interviews données à la télévision mais aussi les rushes tournés par les admirateurs, étudiants en cinéma qui l'avaient approchés notamment pour ses 70 ans. C'était bien avant les téléphones dotés de caméras et les images numériques. Un portait filmique à travers ces divers viseurs qui intègre son dernier film, De l'autre coté du vent, tel qu'il l'a laissé le jour de son 70e anniversaire qui allait se révéler le dernier jour de sa vie. |
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