duminică, 14 ianuarie 2024

LE NÉORÉALISME ITALIEN

 


HISTOIRE DU CINÉMA

LE NÉORÉALISME ITALIEN

Au lendemain de la guerre, le cinéma italien s’affirma dans le monde entier avec le néoréalisme, un nouveau courant qui, en s’attachant à observer fa vie quotidienne, révélait avec une extrême sincérité les problèmes du pays.

S’il était permis de donner une date précise de la naissance du néoréalisme, il faudrait la fixer au 24 septembre 1945. Ce jour-là, en effet, avait lieu dans la Ville éternelle la première projection de Rome ville ouverte (Roma città aperta), non dans un cinéma mais dans un célèbre théâtre : le Quirino. Organisé par l’académie Sainte-Cécile, la R.A.l., l’Office italien du théâtre, l’Académie d’art dramatique, l’Association industrielle et l’Association culturelle du cinéma, « le grand festival du cinéma, du théâtre et de la musique », anticipation des manifestations vénitiennes qui reprendront le nom de Biennale, s’y tenait depuis le 22 septembre.

VERS LA FIN DU RÉGIONALISME

Le programme cinématographique était composé d’une intéressante rétrospective qui réunissait des œuvres signées René Clair, Poudovkine, Eisenstein, Renoir, et d’un florilège de films choisis parmi la production internationale la plus récente. C’est ainsi que figuraient au calendrier des manifestations : Les Enfants du paradis (1945) et Les Visiteurs du soir (1942) de Marcel Carné ; Henry V (1944) de Laurence Olivier, Ivan le Terrible (1944) d’Eisenstein, Goupi mains-rouges (1943) de Jacques BeckerLe Voleur de Bagdad (The Thief of Bagdad, 1940) de Ludwig Berger, Tim Whelan et Michael Powell ; Lénine en 1918 (1939) et Matricule 217 de Mikhaïl Romm, L’esprit s’amuse (Blithe Spirit, 1945) de David Lean… L’Italie était représentée par le film de Roberto Rossellini qui fut jumelé avec Nostra guerra (1945), un documentaire d’Alberto Lattuada sur la part prise par les premières formations italiennes, au lendemain même de leur reconstitution, dans la marche des Alliés sur Rome.

Aucun battage publicitaire n’avait précédé la projection de Rome ville ouverte qui fut salué par un tonnerre d’applaudissements tandis que nombre de spectateurs cachaient mal leur émotion. L’angoisse, l’anxiété, l’héroïsme humble et caché, la solidarité, les attentes exténuantes pendant des heures interminables où, sur Rome déclarée « ville ouverte » se déchaînait la violence nazie, palpitaient dans le film.

Chargé de pathos, controversé par la critique, ce film apportait néanmoins la preuve que le cinéma italien commençait à se relever. Au Cours de l’été de 1945, malgré la réunion des deux Italie, l’avenir n’était guère souriant. Une avalanche de films étrangers – américains en premier lieu mais aussi anglais, français, soviétiques (bien qu’en nombre moins élevé, pour ces derniers) – s’était abattue sur les écrans italiens, et apportait quelque apaisement à un besoin longtemps contenu de voir autre chose que des histoires bien provinciales. Les autorités militaires alliées avaient imposé la suppression de toute mesure protectionniste ; elles créèrent ainsi les conditions favorables à une opération de « dumping » pour imposer de nouveau le film américain sur le marché italien. Privés d’autonomie, les gouvernements alors en place n’eurent pas l’autorité nécessaire pour édicter décrets et mesures en vue de défendre l’industrie cinématographique italienne et d’en accélérer la relance.

Le bilan était désastreux : des réfugiés se pressaient dans les studios de Cinecittà; la pellicule était rare (on dit que Rossellini, au cours du tournage – continuellement interrompu – de Rome ville ouverte, s’en procurait de petits stocks dans les magasins d’optique et de fournitures pour photo) ; le courant électrique était distribué avec parcimonie ; les commanditaires des années d’or étaient devenus rares et difficiles à convaincre. Pourtant, grâce à la bonne volonté de quelques-uns, le cinéma italien aligna 25 titres en 1945, contre 800 étrangers, en grande majorité hollywoodiens. Dans cet amoncellement de pellicules, un petit nombre de spectateurs devina que Rome ville ouverte annonçait une ère nouvelle.

LES ANTÉCÉDENTS DU NÉORÉALISME

A quelques exceptions près, rares furent parmi les critiques ceux qui devinèrent ce qu’annonçait le film de Rossellini. De France, par contre, arrivèrent les commentaires les plus enthousiastes, les jugements les plus flatteurs, lesquels ne se limitaient pas à la découverte de « l’arbre » : ils devinèrent la forêt qu’il cachait et comprirent l’importance et la valeur du nouveau phénomène. En Italie, on lui donna le nom de « néoréalisme » pour le relier, comme l’analysait Umberto Barbaro, « à une vieille tradition du cinéma italien remontant à 1913 : une tendance qui, bien qu’ayant été, plus que toute autre, vitale, ne bénéficia pas longtemps des appuis officiels et de la critique et passa pendant de nombreuses années au second plan par rapport à la production d’un genre plus spectaculaire ».

Umberto Barbaro faisait ici allusion à des films comme Assunta Spina (1915) de Gustavo Serena et Sperduti nel buio (1913) de Nino Martoglio, ainsi qu’aux films axés sur le personnage de Za-la-Mort qui avaient été évoqués à maintes reprises lors des discussions culturelles relatives aux perspectives du cinéma italien pendant le fascisme. On commença à parler de néoréalisme dans les cénacles au début des années 1930, à la suite des suggestions proposées par la « nouvelle objectivité allemande », la jeune littérature soviétique et les films russes. Et c’est ainsi que l’on vit certains metteurs en scène – Alessandro Blasetti dans Sole (1929), La tavola dei poveri (1932), 1860 (1934), Vecchia guardia (1934); Mario Camerini dans Rotaie (1929), T’amerò sempre (Je t’aimerai toujours, 1933), Il cappelli a tre punte (1934) ; Raffaello Matarazzo dans Treno popolare (1933) – se libérer de l’esclavage des studios, des mécanismes dramaturgiques les plus sophistiqués et de l’obligation d’utiliser les stars populaires.

Walter Ruttmann, engagé par Emilio Cecchi pour le compte de la Cines dans Acier (Acciaio, 1933), fait intervenir ensemble acteurs professionnels, ouvriers, femmes du peuple et transporte sa caméra dans les aciéries mêmes de Terni. Ce qui suffit aux critiques et aux théoriciens pour donner libre cours à leur imagination. A l’équivoque d’ordre esthétique vient s’ajouter une autre confusion d’ordre politique cette fois, selon laquelle la volonté de s’intéresser à ce qui se passe dans le pays signifie l’avènement de l’homme nouveau forgé par la révolution fasciste.

Une partie – la plus jeune – de l’intelligentsia, attirée par le modèle épique du cinéma soviétique et l' »avant-gardisme » d’Eisenstein, de Vertov et de Poudovkine, rêvait d’un cinéma politique italien marqué au coin d’un signe idéologique « noir ». On commencera à sortir du réseau des « théorisations » brouillonnes et des intentions fumeuses pendant la guerre grâce à un groupe de critiques gravitant autour du bimensuel Cinema et du Centre expérimental, qui avaient revendiqué avec acharnement et même parfois avec violence le renouvellement de l’industrie cinématographique et le remplacement des metteurs en scène « poétiques », Giuseppe De Santis, Mario Alicata, Carlo Lizzani, Gianni Puccini, Luchino Visconti, Cesare Zavattini et Umberto Barbaro ont défriché un terrain sur lequel purent opérer, avec la sensibilité que l’on sait, le Vittorio De Sica de Mademoiselle Vendredi (Teresa Venerdi, 1941) et des Enfants nous regardent (Bambini ci guardano, 1943) ; le Blasetti de Quatre Pas dans les nuages (Quattro passi fra le nuvole, 1942) ; le Rossellini du Navire blanc (Nave Bianca, 1941), Un pilota ritorna (1942) et de L’uomo della croce (1943) ; le Visconti d’Ossessione (Les amants diaboliques, 1942), tandis que le commandant Francesco De Robertis dans S.O.S. 103 (Uomini sul fondo, 1941) et dans Alfa Tau! (1942) recourait à des procédés néoréalistes et à d’efficaces stratagèmes de propagande pour louer le sacrifice des Italiens rappelés sous les drapeaux.

TENSIONS MORALES ET OBJECTIVITÉ

Il faut constater que si l’assujettissement de l’activité cinématographique à un rigoureux système de contrôle et de commercialisation effréné fit obstacle à la réalisation de nombreux projets, la bataille des idées menée par les intellectuels désormais détachés du fascisme put enfin ne plus se limiter à d’étroits cénacles. Malgré un certain « extrémisme conceptuel » et le caractère sommaire des condamnations contre quiconque ne s’alignait pas sur les schémas établis, les collaborateurs de Cinema avaient exprimé les aspects d’une crise qui marquait la fin de toute illusion sur le régime fasciste et l’avènement d’une nouvelle conscience. C’est le travail théorique et critique de la période 1940-1943 qui influera de façon déterminante sur le néoréalisme. Mais, cela dit, ce sont avant tout les bouleversements qui secoueront la Péninsule, la résistance dans les villes et dans les montagnes, les souffrances endurées par les populations qui laisseront une empreinte indélébile.

C’est là qu’il faut voir la matrice du néoréalisme : dans les exigences d’une profonde réforme de la vie moderne et le désir de connaître ; dans le souffle puissant de démystification et d’élimination des mythes entretenus par la culture de l’Italie préfasciste et par vingt ans de fascisme ; dans un besoin naturel de rétablir l’exercice de la critique en l’appliquant aux contradictions de la société ; enfin, dans un désir de révéler l’Italie aux Italiens en faisant tomber masques, hypocrisies et tabous. C’est de ces dénominateurs communs que découle une orientation qu’il est impossible de définir en termes d’école, de tendance ou de mouvement, parce que cela serait restrictif par rapport à l’ampleur d’une mutation qui, dans le passage de la dictature à une démocratie ouverte aux principes les plus avancés, projette le cinéma à la tête des processus culturels.

LES AUTEURS DU NÉORÉALISME

Le mouvement se présente à première vue comme un ensemble d’éléments très disparates : Rossellini et sa vision brûlante ; De Sica, la solitude des pauvres et l’art de dédramatiser les structures cinématographiques ; Zavattini et le rêve d’utiliser le cinéma comme un révélateur ; Visconti et l’amour des grandes fresques ; Zampa et le rire amer sur les malheurs des braves gens ; Lattuada, Germi, De Santis et leur attitude romanesque, etc. Mais si l’on y regarde de plus près, on constate qu’une même volonté de rénovation animait ces tempéraments si divers.

Ce n’est pas l’effet du hasard si les films néoréalistes les plus cohérents et les plus rigoureux – de Païsa (Paisà, 1946) à Sciuscià (1946), du Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette, 1948) à Allemagne année zéro (Germania anno zero, 1947), de La terre tremble (Terra trema, 1948) à Umberto D. (1952) – furent accueillis avec indifférence par la plupart des spectateurs italiens tandis que les plus fortes recettes allaient à des productions reproduisant les clichés les plus éculés, à des films pour lesquels aucun changement n’était acceptable et qui évoquaient une culture poussiéreuse et paternaliste conforme à un modèle plus modéré : une culture liée davantage à la tradition que tournée vers l’avenir, sinon dépourvue de doutes et d’interrogations.

Au cours des cinq années qui suivirent la guerre, la précarité de l’industrie – à peine atténuée par une loi approuvée par le parlement en 1949 – amena les groupements étrangers aux milieux cinématographiques à prendre des initiatives dans le domaine de la production. En 1945, l’Association nationale des partisans italiens (A.N.P.I.), avec le concours du ministère de l’Italie occupée, réalisa Giorni di gloria, un long métrage sur la résistance coordonné par De Santis et Mario Serandrei que dirigèrent Marcello Pagliero et Luchino Visconti. L’ A.N.P.I., qui sera également productrice du film d’Aldo Vergano : Le soleil se lèvera encore (Il sole sorge ancora, 1946), s’adonnait à une polémique classique sur des scènes de la résistance. L’ A.N.P.I. , finança encore Chasse tragique (Caccia tragica, 1947), qui marqua les débuts de De Santis. Avec la vallée padouane pour décor, il conte l’histoire d’une coopérative agricole, des difficultés auxquelles se heurtent les anciens combattants pour se réinsérer dans la vie civile et du banditisme. En 1947, Luchino Visconti réalisa un documentaire sur la Sicile qui, repris et complété par une firme importante, deviendra La terre tremble.

Par l’intermédiaire de l’Orbis, le Centre catholique cinématographique réalisa de son côté Un jour dans la vie (Un giorno nella vita, 1946) de Blasetti et Le Témoin (Il testimone, 1946 également) de Pietro Germi, ainsi qu’un film de montage : Guerra alla guerra (toujours en 1946). De petits producteurs apparaissaient un peu partout et c’est en Sicile que seront recueillis les fonds nécessaires à la réalisation des Années difficiles (Anni difficili, 1948) de Luigi Zampa.

LA RIPOSTE CATHOLIQUE

Au fur et à mesure que les firmes distributrices italiennes les plus riches intensifieront les investissements, ces « anomalies » prendront un caractère épisodique. Pour leur faire obstacle, il y eut également le climat politique où se trouvait l’Italie en 1947 et qui ne fera que se détériorer après les élections d’avril 1948. Idéologiquement flou au départ, le néoréalisme finit, objectivement, par se situer à gauche ; cela dans la mesure où il réagissait, en un certain sens, contre les valeurs établies. le conservatisme et l’autocensure d’une bourgeoisie qui s’était identifiée au fascisme. A « étendre le linge sale à la lumière du soleil » comme ils osaient le faire, les néoréalistes suscitèrent la colère des bien-pensants qui ne leur pardonnèrent pas de révéler aussi crûment les plaies de la nation.

Une lettre envoyée par le sous-secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil à quelques industriels, en date du 7 octobre 1946, affirme : « Avec un profond regret, j’ai dû constater la facilité avec laquelle la production cinématographique italienne…, se sert, et abuse, de motifs dramatiques et d’éléments spectaculaires peu recommandables au point de vue de la morale. Le thème du banditisme et des hors-la-loi, la fréquentation des maisons de tolérance ; l’importance grandissante donnée aux problèmes sexuels et malsains, entachent tous nos films. Autant de raisons pour lesquelles je considère comme opportun d’inviter les firmes productrices à orienter leurs initiatives vers des thèmes et des motifs plus élevés, en évitant, le plus possible, tout spectacle négatif au point de vue de Ia morale. »

En y regardant d’urf peu plus près, on constatera que le sous-secrétaire Andreotti adoptera une position à peu près analogue dans la lettre qu’il adressera en 1951 à Vittorio De Sica à propos d’Umberto D. : « S’il est vrai qu’on peut combattre le mal en en mettant à nu les aspects les plus crus, il est également vrai que si l’on est amené dans le monde – et de façon erronée – à considérer que l’Italie de la moitié du XXe siècle est celle d’Umberto D., Vittorio De Sica aura rendu un bien mauvais service à son pays qui est également celui de Don Bosco, du Forlanini et d’une législation sociale avancée. »

Parmi ceux qui apportèrent leur soutien au néoréalisme, il y eut les forces progressistes et libérales, les catholiques éclairés, ceux qui avaient su discerner les premières manifestations d’une expression nationale et populaire sans équivalent dans le milieu littéraire, et la possibilité de sensibiliser l’opinion publique aux problèmes de justice sociale. Ce schématisme et l’inclination tendant à faire prévaloir le contenu sociologique d’une œuvre n’altèrent pas, cependant, la valeur d’une attitude qui allait faire du cinéma italien un des plus originaux de l’après-guerre et dont s’inspireraient ensuite bien des cinéastes étrangers.

Parmi les détracteurs et les adversaires dominaient les nostalgiques du fascisme, les monarchistes impénitents, les tenants de l’ordre, les retardataires de l’Histoire, et aussi les foules qui attendaient l’arrivée des années 1960 pour s’émanciper. Ce fut le jeune sous-secrétaire à la présidence du Conseil, Giulio Andreotti, qui prit la tête d’une croisade contre les films néoréalistes, soumettant a la vigilance de ses services et d’une bureaucratie constituée en majeure partie par les anciens fonctionnaires du Minculpop (le ministère de la Culture populaire), l’accès des producteurs aux sources du crédit.

Le code de censure était toujours celui que le fascisme avait édicté en 1923 et qui demeura en vigueur jusqu’en 1962. Les bureaucrates de la Via Vittorio Veneto en profitèrent pour s’acharner, armés de ciseaux, sur Gioventù perduta (1947) de Germi, Fuga in Francia de Mario Soldati (1948), Adamo e Eva (1949) de Mattoli, Cuori senza frontiera (1950) de Zampa, Volets clos (Persiane chiuse, 1951) de Comencini, Giuliano, bandit sicilien (I fuorilegge, 1950) de Vergano, et ainsi de suite. Et des films étrangers comme Dies Irae (Vredens Dag, 1943) de Dreyer, Le Diable au corps (1947) de Claude Autant-LaraTopaze (1951) de Marcel PagnolCasque d’or (1952) de Jacques BeckerAlexandre Nevski (1938) d’Eisenstein, La Ronde (1950) de Max OphülsUn Tramway nommé désir (A Streetcar Named Desire, 1951) d’Elia KazanLa Corde (Rope, 1948) de Hitchcock qui subit de déprimantes attentes (jusqu’aux années 1960 !) pour obtenir l’imprimatur avant de pouvoir être projeté, ne furent pas davantage épargnés par la censure. On ira même jusqu’à déconseiller le doublage des Raisins de la colère (The Grapes of Wrath, 1940) et de La Route du tabac (Tobacco Road, 1941) de John Ford auxquels on reprochera d’attaquer la société américaine, et l’on invitera l’Universal à ne pas présenter en Italie A l’ouest rien de nouveau (All Quiet on the Western Front, 1930) de Lewis Milestone. [La grande histoire illustrée du 7ème art – Editions Atlas (1983)]



OSSESSIONE (Les Amants diaboliques) – Luchino Visconti (1943)
Ce film soulève une des grandes questions de l’histoire du cinéma. Et si c’était ce film, plutôt que Rome ville ouverte de Rossellini, qui annonçait la naissance d’un genre cinématographique passionnant venu d’Italie ? L’hypothèse est intéressante. Mais, comme le scénario de Visconti s’inspirait sans le dire d’un livre de James Cain, le romancier et ses éditeurs lui interdirent les écrans américains. Il faudra attendre 1976 pour que le film connaisse sa première américaine, au festival de New York, juste après la mort de Cain.


La renaissance de Cinecittà

Le 10 juin 1940, Cinecittà est déserte. Metteurs en scène, producteurs, acteurs, techniciens, ouvriers, employés ont été dirigés vers la place de Venise pour applaudir « le discours historique » qui impose péremptoirement au peuple italien de « prendre les armes ». Mais, le lendemain, Cinecittà reprend son visage de chaque jour. Tout recommence comme si de rien n’était et l’année de l’entrée en guerre de l’Italie s’achève avec la réalisation de 85 films, soit 6 de plus qu’en 1939. Cinecittà a été édifiée trois ans auparavant par Carlo Roncoroni, entrepreneur de construction et député à la Chambre des faisceaux et des corporations qui, sur un terrain dont le prince Torlonia a été exproprié, a construit 6 000 m2 de bâtiments. Cinecittà est désormais « une fleur à la boutonnière du régime ». La cité du cinéma est fréquentée par les fils du Duce, par des personnalités importantes et par les maîtresses des hauts dignitaires du parti fasciste qui sont les « vedettes » du moment. Une entreprise florissante et bien lancée en somme, grâce, surtout, aux libéralités du législateur qui accorde au producteur 225 000 lires pour chaque film mis en chantier : une véritable aubaine qui fera plus tard se demander à Mario Gromo, critique cinématographique de la Stampa, par quel miracle 45 millions d’Italiens ne se sont pas transformés en 45 millions de producteurs !

En dépit de la guerre, la production de Cinecittà augmente toujours tandis que le pain et les produits de première nécessité, le charbon, le carburant, manquent. Sur le front, les armes modernes font défaut : on tire au 91 et l’on va en Russie avec des chaussures en carton, mais les films sont en nombre. On en réalise 89 en 1941 et 119 en 1942 ! Tout semble donc aller pour le mieux sur le front du cinéma après l’embargo mis sur les films américains.

L’inauguration des studios en présence de Benito Mussolini.

Puis, après le 25 juillet 1943, le sort de Cinecittà se confond avec celui de Rome : elle est occupée par les Allemands d’abord, par les Alliés ensuite jusqu’au moment où des groupes de réfugiés, trouvant un vague abri dans ses ruines, s’y installent. Là où, autrefois, on avait monté de somptueux décors, maquillé, grimé, habillé les actrices en vogue, là où tant de films avaient été projetés, on trouve maintenant des cuisines en plein air et des dortoirs. Mais voilà que se produit le second miracle de Cinecittà : on prend la décision de la reconstruire et un travail qui semblait impossible est mené à terme en moins de deux ans.

Avec la reconstruction naissent les premières polémiques. Au lendemain même de la libération, à Cinecittà, on respire un air nouveau pour peu de temps. De Venise, les gens du cinéma qui s’étaient ralliés à la République sociale italienne de Salò rentrent à Rome et, comme si de rien n’était, se présentent aux portes des studios, suscitant l’indignation de ceux qui étaient restés au sud. Gianni Puccini, un des rédacteurs de Cinema (et l’un des scénaristes d’Ossessione de Luchino Visconti), dresse la liste des proscrits, des « collaborateurs » en commençant par les acteurs. « Ceux-ci sont des traîtres », ainsi commence la liste qui s’achève par ces mots : « Regardez-les bien en face. Ne les oublions pas ! » Les listes d’épuration marquent la fin officielle du « cinéma en chemise noire ». Vis-à-vis des cinéastes, les « épurateurs » sévissent peu. A tel point que nombre de réalisateurs parmi les plus compromis se remettent immédiatement au travail et que certains vont même jusqu’à célébrer la résistance !

Cuore (1947) de Duilio Coletti (avec Vittorio De Sica et Maria Mercader) est le premier film tourné à Cinecittà après la guerre auquel fait suite, en 1949, Fabiola, réalisé par Alessandro Blasetti. La reconstruction des studios n’est pas encore terminée qu’on commence à respirer un air international. Henry King, arrivé des États-Unis, y tourne Échec à Borgia (Prince of Foxes, 1949) avec Tyrone Power et Orson Welles, et Marcel L’Herbier vient de France pour Les Derniers Jours de Pompéi (1950) avec Micheline Presle. On vivote : 8 films en 1949 et 4 seulement l’année suivante. Mais au nombre de ceux-ci, on note un « colosse », première des nombreuses autres « commandes » hollywoodiennes : Quo vadis ? (1950) de Mervyn LeRoy. En 1951 on tourne 29 films et 36 en 1952. Les actions de Cinecittà sont en hausse, l’entreprise ressuscite. Au début des années 1950, le cinéma italien « décolle » à nouveau : le mot crise, au cours de ces années, est inconnu à Cinecittà.


LE CINÉMA ITALIEN DANS LA TOURMENTE DE LA GUERRE
Quand l’Italie déclare la guerre à la France et à l’Angleterre, le 10 juin 1940, Cinecittà semble ne pas vouloir se rendre à l’évidence de la gravité de la situation. Sur le plan cinématographique, la bataille contre l’invasion américaine a été gagnée dès 1938. Grâce à la loi Alfieri (du 6 juin) et à la loi sur le monopole (du 20 septembre de la même année), la production étrangère a été bloquée et, sur le plan intérieur, on a vu se développer, par voie de conséquence, ce que certains ont appelé une « véritable orgie de production ».

LE CINÉMA ITALEN AU DÉBUT DES ANNÉES 1950
Au début des années 1950, le néoréalisme est en régression. Mais le cinéma italien découvre de nouvelles sources de fertilité, tandis que des cinéastes comme Freda ou Matarazzo illustrent la vitalité des genres populaires. 


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ROBERT SIODMAK (1904 - 1973)