Les Enchaînés (Notorious) d'Alfred Hitchcock - 1946
Le chef-d'oeuvre des chefs-d'oeuvre, un de ceux qui vous fondent une cinéphilie en moins de deux. En s'attelant à la critique de Notorious, on sent bien qu'on n'arrivera jamais à en faire le tour en quelques lignes. Ce film me hante depuis des années, et je préfère vous inviter à boire quelques bières pour en discuter tranquillement plutôt que de tenter d'en faire le tour ici. Mais bon, les choses étant ce qu'elles sont, allons-y pour un bref aperçu énamouré...
Notorious est le film le plus poignant de Bouddha. Ce qui est en oeuvre ici : comment parvenir à dire son amour, comment le reconnaître, comment le faire passer au premier plan de sa vie. Dès le début, Devlin aime Alicia, et Alicia aime Devlin (le rythme du montage pour nous le faire savoir est d'ailleurs vertigineux) ; le tout est de le reconnaître. Hitch place son couple romantique au sein d'un énorme barnum, tant géographique (le Brésil, et une immense demeure bourgeoise aux escaliers symboliques), historique (la guerre, ses nazis, ses réseaux mondiaux) que narratif (l'histoire d'espionnage). Tout ça pour filmer la trame la plus intime qui soit, tout le film tendant à cette sublime scène finale où les deux amoureux, enfin séparés du monde (plus de musique, plus de décor, plus de trame), osent enfin reconnaître leur sentiment. Avant d'en arriver là, Bouddha dresse un écheveau machiavélique de non-dits et de faux-semblants hallucinant. C'est bien simple : Notorious est un mensonge de bout en bout. Toutes les scènes, toutes les situations, tous les dialogues disent systématiquement le contraire de ce qu'ils montrent (ou montrent le contraire de ce qu'ils disent, cochez la case) : pour tromper l'espion d'en face, on sourit en s'échangeant des informations confidentielles ; pour tromper le coeur, on se balance des injures au lieu de se dire "je t'aime". Toutes les séquences vont dans ce sens : on montre quelque chose (dans la plupart des cas, une vie pleine d'élégance, de sourires) pour en cacher une autre (l'amour, la trahison, l'assassinat). Incroyablement audacieux, Hitchcock prend un malin plaisir à ne jamais démordre de cette option, transformant son film en une sorte de façade glamour toujours en porte-à-faux avec la vérité des sentiments.
Ca donne des scènes sublimes, où nos deux tourtereaux, littéralement rongés par le sentiment tu, plongent dans un engrenage de mensonges complexe : je sais que tu sais que je sais que tu m'aimes, mais je dis le contraire. Bouddha peut traiter ça dans l'humour (une scène de baiser géniale, où on s'échange la recette du poulet frit en s'embrassant à pleine bouche), mais il sait aussi être bouleversé par ce couple en train de se perdre sous les conventions de leur métier : les séquences dialoguées, simplement filmées dans des champs/contre-champs vertigineux, sont des exemples de finesse. Il faut dire que les deux acteurs, Grant et Bergman, sont à leur meilleur niveau : lui, raide, sourire figé, visage opaque, glamour trop professionnel pour être vrai, est ravageur dans ce qu'il laisse paraître de fêlures, de jalousie, de désespoir amoureux ; il apparaît d'abord comme une ombre, de dos, et restera dans ce mystère-là jusqu'à la fin, son visage ne s'ouvrant que quand il partagera pour quelques secondes l'oreiller d'Ingrid ; elle, sublimement magnifiée par des gros plans fulgurants, campe une victime des hommes absolument bouleversante, petite chose abandonnée à l'Histoire et à ses sentiments.
Bien sûr, le film réserve son lot de prouesses de mise en scène, notamment sur cette alternance entre intimité et grandeur qui fait la marque de Hitch : le montage entre plans très serrés sur des objets (clé, serrure, bouteille, tasse de café) et immenses plans larges tout en angles et en ombres est parfait. Cette mise en scène épouse parfaitement le propos : montrer les petits battements du coeur au sein d'une trame bigger than life. Il y a par exemple un mouvement de caméra incroyable, qui cadre d'abord une grande salle de réception pour s'arrêter petit à petit, en zoom avant, sur une main qui tient une clé, pivot de tout le suspense ; il y a aussi cette façon inimitable de faire tenir la tension sur un élément banal, ici des bouteilles de champagne qui vont en s'amenuisant (le destin de Bergman et Grant tient à l'ébriété montante des invités de la réception, ce qui donne un très joli cadre sur Bergman refusant une coupe de champ pour retarder le moment de sa chute) ; il y a la virtuosité de la scène d'ouverture, une minute fulgurante qui suffit à Hitch pour rentrer de plain-pied dans sa trame (on y apprend en quelques plans toute la complexité de la situation) ; il y a enfin cette scène finale, incroyable tableau de personnages qui, tous, se mentent les uns aux autres, tous placés dans le même lieu, un escalier infernal symbolique (qui signifie la descente aux enfers pour certains, la libération pour d'autres).
Mais même si on reste bouche bée devant ces inventions formelles, c'est sur sa trame que Notorious atteint au génie, sur cette histoire d'homme amoureux qui sacrifie celle qu'il aime à l'autel du patriotisme et du professionnalisme, avant de se rendre compte que sa vie est là. Il a fallu qu'il assiste à la déréliction de son amoureuse, qu'il se vautre dans la jalousie et la rancoeur, qu'il fasse l'expérience de ce que c'est que de perdre son amour, pour se tourner enfin vers la lumière et l'amour. J'en suis encore tout ému. A l'heure de clore l'odyssée hitchcockienne fondatrice de ce blog, je me permettrai un cri du coeur : HITCHCOCK EST LE PLUS GRAND CINEASTE DE L'HISTOIRE. (Gols 29/09/09)
Notorious, le plus grand film d'espions amoureux ou d'amour espionné, rien à redire au commentaire de mon camarade plein de fougue pour cette vraie merveille. Cary Grant est en effet ici d'une classe immense, Ingrid Bergman apporte sa beauté lumineuse à cette Alicia qui n'a de cesse de vouloir faire ses preuves (d'amour), Claude Rains (Alexander Sebastian) a dès la première image des airs de faux-jeton redoutable, Ivan Triesault (le collaborateur assassin de Sebastian, Eric Mathis) dont le regard est pire qu'un scanner, quant à Leopoldine Konstantin qui interprète la mère ultra possessive, elle est l'image même de la castratrice qui fout les boules (Hitch et les mères...). Porté par un thème musical de toute beauté, le film a tôt fait de nous emmener dans un Rio de fond d'écran, un environnement paradisiaque et grandiose pour ce drame d'amour intime qui va se jouer sous nos yeux ébahis. L'ami Gols évoquait les objets (ah ce petit foulard que Grant noue autour de la taille d'Ingrid "pour qu'elle ne prenne pas froid...") et on pourrait revenir notamment sur ces fameuses bouteilles. Grant achète une bouteille de champ pour célébrer le premier repas en amoureux avec Ingrid à Rio. Avant de revenir à l'appart, il est informé de la mission d'Ingrid qui consiste, ni plus ni moins, à séduire un ancien amant. Il en oublie la bouteille au bureau : un acte manqué qui traduit, certes, qu'il n'a plus vraiment la tête à fêter quoi que ce soit, mais le gros plan sur cette bouteille de champ délaissée semble vouloir insister lourdement sur la signification d'un tel objet. Par la suite, tout semble en effet "tourner" autour d'une bouteille : le collaborateur de Sebastian qui "trahit" en quelque sorte sa cause en réagissant nerveusement devant une bouteille de vin - un geste fatal pour lui mais aussi pour les siens -, la caisse de champagne qui se vide à vue d'oeil lors de la fête chez Sebastian - la bouteille comme moteur du suspense -, la bouteille dans la cave dans laquelle se trouve la clé de l'énigme mais qui, cassée, expose Ingrid à tous les dangers, et puis surtout en fil conducteur, bien sûr, les relations entre Ingrid et l'alcool : si elle rencontre Cary Grant un soir d'ivresse, son abstinence à l'alcool devient rapidement, plus ou moins consciemment, un gage de fidélité entre les deux amants - comme si elle laissait loin derrière elle sa vie passée et ses multiples aventures. Le jour où, malade en fait (elle est droguée par Sebastian and Co), elle raconte à Cary Grant qu'elle se remet d'une gueule de bois, un fossé semble se creuser définitivement entre eux... La bouteille renferme en elle tous les secrets - le désir, la mort, l'amour, le danger... - et seul Hitch est capable, avec autant de subtilité, de faire, à partir d'un simple objet, toute une intrigue. Et je ne parle point de la clé (voire des clés) - un sésame porteur lui aussi de sens multiples (les clés de la mère qui ferment tous les placards (la gardienne de "l'intimité" de son fils), celle du fils qui ouvre la cave (cette clé, dans la petite main d'Ingrid, qui donne là aussi l'occasion d'un suspense terrifiant mais dont le vol est un gage de sérieux et donc d'amour envers le Cary), etc...
On pense aussi, au détour de certaines scènes, à quelques clins d'oeil qu'Hitch ferait à sa propre oeuvre (en particulier Suspicion : ce verre d'eau avec une aspirine (censé éclaircir les esprits d'Ingrid dans Notorious) alors que le verre de lait jetait le trouble dans la tête de Joan Fontain dans ce précédent film; ou encore cette montée des escaliers de Sebastian, empli de rage et de revanche après avoir découvert le pot aux roses, est un plan calqué sur celui de Suspicion lorsque Grant amène justement ce verre de lait). Les escaliers, comme le soulignait mon camarade, retrouvent dans la séquence finale, un rôle central : Cary qui part à l'assaut des escaliers pour aller dans la chambre d'Ingrid tel un chevalier des temps modernes délivrant sa prisonnière, et la descente (Cary portant littéralement Ingrid) de ces mêmes escaliers dont on compte toutes les marches une à une (39, nan ?) alors que les dragons allemands menacent (de faire feu ?... euh non pas exactement) alentour. La fin est une délivrance pour nos deux héros/hérauts (au service de leur Patrie... donc de la liberté), qui peuvent consumer enfin leur amour jusqu'à la lie, et le spectateur, qui peut enfin reprendre son souffle. Magistral voire bouddhastral. (Shang 23/10/09)
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Des objets, une histoire – Notorious d’Hitchcock
Il y a un drame ici et personne ne s’en doute, et ce drame réside dans un seul fait, un petit objet : cette clef.1
Hitchcock
Notorious | Analyse
Le récit de « Notorious » est structuré par l’action de boire et par des verres, bouteilles, mais aussi par des clefs et donc des portes. L’action de boire et les objets liés à la boisson se déclinent en verre, tasse, bouteille pour les objets, et en alcool, café, poison, médicament et eau.
L’utilisation de ces objets et de l’action de boire déterminent le développement du récit et suit une évolution thématique tout au long du film. Ces objets permettent aussi de dégager le sens symbolique dont Hitchcock a voulu charger son film.
Les objets liés à la boisson et les clefs sont à l’origine de la structure en quatre étapes de Notorious. Tout d’ abord le film développe le thème de l’enivrement qui est lié à celui de l’exhibitionnisme et du voyeurisme. Puis, à l’enivrement va suivre un arrêt de l’alcool et une vision claire qui amènent l’espionnage. Ensuite c’est l’empoisonnement et l’enfermement d’Alicia, et enfin la boisson devient antidote et guérison, elle est libérée. Voyons comment cette évolution en quatre temps est développée conjointement à l’aide de la boisson et des clés.
I Enivrement, exhibitionnisme et surveillance
Ivresse, un masque de la vérité
L’enivrement et la surveillance sont les premiers thèmes développés dans le film. La boisson a pour première fonction de présenter le personnage d’Alicia, la caractériser. La scène de la soirée après le tribunal, qui est la deuxième scène du film, présente Alicia avec ses amis. Sa première apparition dans la scène la montre un verre et une bouteille à la main, elle sert ses invités, les incite même à boire. Alicia est donc présentée par son rapport à l’alcool, elle recherche l’ivresse, aguiche les hommes, les saoule. La première phrase que Devlin lui dit est « un verre chacun », il l’incite lui aussi à boire. Elle est donc une femme facile, frivole. Hitchcock montre l’enivrement par l’utilisation de caméra subjective. Par exemple lorsqu’elle est au volant avec Devlin et qu’elle croit qu’il y a du brouillard alors que ce sont ses cheveux qui sont devant ses yeux et qui trouble sa vue, le plan nous montre la route masquée par des cheveux. Sa vision est faussée, de même elle comprend trop tard que Devlin n’est pas un simple invité mais qu’il est un espion.
Par ailleurs, comme le film le montrera plus tard, Alicia se sert de l’alcool pour apparaître comme une femme facile, ce qui empêchera Devlin de montrer l’amour qu’il a pour elle. Mais Alicia n’est pas une telle femme, mais elle en joue le rôle.
Du voyeurisme à l’espionnage
Dans ce début de film, les clés ne sont pas présentes en tant que telles mais sous la forme de portes. Un des premier plan est un plan de porte, une porte très imposante, celle de la cours de justice. Dès le début un journaliste regarde ce qui se passe dans la salle de jugement à travers la porte. Le plan est sa propre vision, on voit les cadres de la porte de chaque coté de l’écran, cela crée un cadre dans le cadre. C’est du voyeurisme, comme cela est précisé par le premier plan : un gros plan d’un appareil photo. Ainsi, le thème de la surveillance est annoncé.
Ensuite avant de présenter la scène de la soirée chez Alicia, Hitchcock filme sa maison vu de l’extérieur, avec la porte d’entrée, de jour puis de nuit. Le spectateur sait que c’est la vision d’un espion car au tribunal un homme à été chargée de suivre Alicia. L’utilisation d’une caméra subjective révèle le voyeurisme. C’est la vision de l’espion qui nous est présenté, d’ailleurs Devlin est chez elle de dos dans l’ombre ne parle pas, on ne le voit pas car ce qui est important, est ce qu’il espionne, ce qu’il voit et non lui. La première question, que lui pose un des invités, annonce le voyeurisme. On lui demande s’il est vrai qu’elle a été suivi. Alicia, au contraire, s’exhibe. Elle est plutôt dénudée et Devlin lui attache un foulard sur le ventre qu’elle dévoile.
Il y a donc un jeu sur l’exhibitionnisme du à l’enivrement que procure l’alcool et sur le voyeurisme du à la surveillance dont Alicia fait l’objet.
II Sobriété et espionnage
Vision claire, découverte du secret
L’étape suivante est celle de l’arrêt de l’alcool et de l’espionnage. Lorsqu’elle se réveille saoule le lendemain, Devlin s’approche d’elle, la caméra présente Devlin à l’envers. Hitchcock utilise encore la caméra subjective qui présente la déformation visuelle à laquelle est soumise Alicia. Un plan du visage d’Alicia au lit, saoule, présente au premier plan un verre au liquide opaque, c’est un médicament. Devlin lui dit, lui aussi de tout boire, de la même façon qu’elle l’incitait à se saouler, il l’aide à présent à dessaouler.
Après cela elle entreprend d’arrêter de boire. Lorsque à la terrasse d’un café à Rio, elle dit à Devlin qu’elle a arrêté de boire depuis 8 jours, que l’on comprend qu’elle a décidé de séduire Devlin, de devenir une femme que l’on épouse. Ainsi le changement qui s’opère en elle est divulgué par son rapport à l’alcool. C’est une grosse bouteille d’eau en verre qui se trouve sur la table. D’ailleurs lorsque dans la même scène, Devlin ne veut pas croire en elle, en sa capacité à s’améliorer, Alicia décide, après en avoir refusé, de prendre une double portion d’alcool. La scène s’achève sur le visage de Devlin portant le verre à sa bouche. Cette scène est suivie par une scène où Alicia dit à Devlin qu’il a peur de l’aimer car elle est une ivrogne.
Une bouteille de vin : personnification d’Alicia
Lors de la scène d’amour à l’hôtel, elle demande à Devlin de rapporter du vin pour fêter leur union. Le plan suivant débute par Devlin portant une bouteille à la main. On enchaîne tout de suite par un travelling qui débute sur un gros plan de cette même bouteille puis qui s’ouvre sur le corps de Devlin. Lorsqu’il quitte le bureau, la caméra ne le suit pas mais termine son travelling par un gros plan sur la bouteille. Ce plan adopte la vision de son patron. Dans cette scène chez les espions américains, on remarque que cette bouteille est une incarnation d’Alicia, la représente alors qu’elle est absente.En effet, Devlin ne veut pas qu’Alicia ait à séduire Sebastian, mais quand il quitte le bureau, il sait qu’il n’a pas le choix, qu’elle devra le faire, c’est alors qu’il l’abandonne comme nous l’apprendrons dans la scène suivante. Il y a d’ailleurs une surimpression de la bouteille oubliée sur le plan de l’arrivée de Devlin dans la chambre d’hôtel. L’alcool, même oublié le suit, rappelle sa présence. L’alcool a donc un vrai pouvoir dans le récit. Dans cette scène, elle attend de l’amour mais il restera glacial, elle se met donc à boire. Le plan montre la vision de Devlin, de l’extérieur, qui voit Alicia une bouteille et un verre à la main, derrière une vitre et un rideau. Elle, au contraire est à l’intérieur. Ainsi, la vision de Devlin est cachée par le rideau, troublé, il en est de même en ce qui concerne l’état d’âme d’Alicia. La scène se termine sur Devlin qui demande où se trouve le champagne qu’il a acheté. Un montage parallèle appuie la séparation de Alicia et Devlin. Un plan d’ensemble présente Devlin à gauche du cadre, à table dans le café où il était avec Alicia mais il est seul.
Devlin : un antidote contre l’alcool
A ce plan succède un plan d’ensemble de Alicia à droite du cadre à table dans un restaurant, elle est seule mais attend Sebastian. Sur les deux tables respectives, il y a des verres, de la boisson. La superposition de ces plans, les rassembleraient. Ils sont éloignés physiquement mais semblent penser l’un à l’autre, rassemblés par l’esprit. Mais Alex entre par une porte, il fait intrusion physiquement dans ce couple, mais aussi psychiquement. C’est la boisson, des plans de bouteille, des discussions sur le thème de l’alcool qui font les raccords entre les plans. Ainsi, jusqu’à présent on remarque que la boisson a eu pour rôle de présenter les mœurs de Alicia, puis de montrer sa volonté de changer. Ainsi le rapport à l’alcool n’est plus l’enivrement mais le rejet de l’alcool et Devlin en est la cause. Il est l’antidote, le remède à l’enivrement, il est celui pour qui Alicia veut arrêter l’alcool. Mais les déceptions amoureuses d’Alicia, la conduise à reboire mais sans s’enivrer.
Des bouteilles de vin cachent le secret
Mais à ce stade du récit, la boisson, va prendre une autre forme, celle de l’uranium, qui est l’objet de la quête. Alicia n’est plus alcoolique, n’a plus de visions déformées et a les idées claires, elle est donc à même de mener à bien sa mission. La boisson a un rôle primordial dans le film et ce que les protagonistes cherchent tout au long du film (le Mac Guffin) est lié à la boisson : l’uranium est contenu dans des bouteilles de vin. C’est l’alcool qui cache le secret.
L’objet de la quête est dévoilé par un des nazis qui semble perturbé lorsqu’il aperçoit des bouteilles de vin lors d’un dîner. Alicia regarde les bouteilles, la caméra est subjective. Mais la caméra fait un travelling avant pour finir sur un gros plan des bouteilles, ce qui n’est pas naturel. Le regard ne peut faire ce mouvement car Alicia est assise, ne se rapproche pas des bouteilles. C’est donc le narrateur qui intervient pour appuyer l’importance de ces bouteilles. Il faut noter qu’elles sont au nombre de 3, ce qui rappelle le trio Alicia, Devlin, Alex. Comme le plan sur la bouteille de champagne oublié par Devlin chez les espions américains, les bouteilles deviennent incarnations des personnages et marquent leur présence en leur absence.
Le comportement de ce nazi, va conduire les autres à l’éliminer. Ainsi, la boisson est donc cause de mort. Remarquons le cynisme de Hitchcock : ce nazi va proposer un café (encore une boisson) pour servir les autres et essayer ainsi de rendre aimable et de se faire pardonner.
Les clefs de la cave : clefs de la solution
En ce qui concerne les clefs, elles acquièrent un rôle primordial pour la découverte du Mac Guffin, de l’objet de la quête. L’arrivée d’Alicia chez Alex pour la première fois est présentée par un travelling où Alicia sort de la voiture et se dirige vers la porte d’entrée de la maison en haut d’une montée d’escaliers. (Remarquons que c’est la même configuration architecturale que lorsque Devlin se dirige vers le bâtiment des espions américains.) Alicia attend devant la porte. Cette attente précise l’importance symbolique que cette action comporte. En effet, elle est espionne et elle parvient à s’introduire dans le quartier général des nazis. C’est à partir de là que le voyeurisme du à l’espionnage commence réellement et donc l’importance des clés et portes s’accroît. Une fois à l’intérieur, le majordome, la dirige vers une pièce, mais elle entend que Alex se trouve dans une autre pièce dont la porte est fermée. Hitchcock filme cette porte. Notorious comporte de nombreux plans de porte qui sont apparemment sans importance mais qui deviennent des motifs dont le spectateur finit par en attendre quelque chose.
L’importance des plans de porte n’est pas évidente jusqu’à ce que Alicia comprenne que ce sont les bouteilles de vin qui contiennent ce qu’elle doit découvrir. Lorsqu’elle Alicia emménage, elle a besoin de placards, il lui manque les clefs. C’est la mère d’Alex Sebastian qui les a. Elle s’aperçoit que la mère ne les donnent pas avec plaisir en écoutant à travers une porte lorsque Alex va les demander. S’ensuit un enchaînement de plan de portes qui s’ouvrent sur des placards. Cela représente le pouvoir qu’a à présent Alicia, elle peut découvrir ce qui se cache derrière les portes et donc dans ce milieu nazi. Elle a le pouvoir car elle possède les clés, au sens propre comme au sens figuré, pour trouver la solution. Quand elle arrive à dérober la clef de la cave que Alex conserve personnellement, il se trouve dans la pièce d’à coté, dont la porte est entrebâillée, Alicia surveille qu’il n’y réapparaisse pas. Hitchcock crée un suspens entre le fait qu’elle vole des clefs et la peur qu’elle a de le voir réapparaître par cette porte, c’est intéressant car une clef et une porte sont lié par essence. Ensuite, elle a la clé dans la main et il veut les lui embrasser. Elle parvient à la dissimuler, la caméra suit le parcours de la clef de sa main, au dos de Alex, puis au sol, par un travelling.
De même, c’est par un travelling, dans la scène de la réception, que l’importance de cette clé est appuyée.
« François Truffaut : (…) la caméra au-dessus du grand lustre, embrassant tout le hall de réception et cadrant, en fin de course, la clef du verrou dans la main d’Ingrid Bergman.
Alfred Hitchcock : Ca, c’est le langage de la caméra qui se substitue au dialogue.Dans Notorious, ce grand mouvement d’appareil dit exactement : voilà une grande réception qui se déroule dans cette maison, mais il y a un drame ici et personne ne s’en doute, et ce drame réside dans un seul fait, un petit objet : cette clef. » 1
Le plan présente l’ensemble de la pièce et finit par un gros plan sur la clef qui passera plus tard de la main de Alicia à celle de Devlin. Elle attend Devlin, qui est retard, cette attente est accentuée par un plan de la porte d’entrée. Ensuite dans la cave, la clef permet d’ouvrir la porte derrière laquelle se trouve l’objet de la quête, l’uranium.
III Empoisonnement et enfermement
Manque d’alcool et perte d’une clef : découverte de la vérité
Alors que par le manque d’alcool et la possession de la clef de la cave, Alicia découvre le secret des nazis, par une clef perdue et une bouteille manquante Alex comprend qu’Alicia est une espionne.
Alex ne retrouve pas sa clé le soir de la réception. Avant de se coucher il pose son trousseau sur une table, on nous présente sa vision : un gros plan du trousseau qui comporte 3 clés. Le lendemain, un gros plan présente le trousseau avec 4 clés. Ainsi, c’est par les clés que lui aussi verra clair, qu’il découvrira qui est Alicia, qu’elle est une espionne américaine. Les plans de clés, de portes accentuent leur importance. Hitchcock les met en valeur par l’utilisation de gros plans et aussi par des travelling qui suivent le trajet des clés, ce qui donne une vie aux clés, elles se déplacent. Le travelling sur les clefs dans la scène du bal est à rapprocher du travelling sur la tasse. Hitchcock utilise le même type de mise en scène pour mettre en évidence les deux éléments qui donnent la solution.
La boisson va recouvrir l’aspect de la mort et delà naîtra le suspense. Le manque de champagne le jour de la réception est l’élément perturbateur qui conduira Alex à se rendre compte qu’il n’a plus la clef de la cave. Devlin espère qu’il ne manquera pas de champagne et le plan suivant nous voyons Hitchcock entrain de boire d’un coup un verre de champagne, il participe à la pénurie de champagne. Ensuite un gros plan des bouteilles de champagne est la vision de Alicia qui vérifie combien il en reste, d’ailleurs elle pose la question à un serveur. Un même plan présentera la vision de Devlin, qui demandera du feu à un serveur pour pouvoir se rapprocher de la caisse contenant les bouteilles. Ce même cadrage sera repris alors que Devlin est à la cave, ce montage parallèle crée le suspense, on comprend que c’est Alex qui vérifie si il faut chercher d’autres bouteilles à la cave. Hitchcock utilise des plans subjectifs, des gros plans sur les bouteilles pour les mettre en évidence et montrer leur importance.
Une autre scène présente Alicia confiant à Devlin qu’il n’y a presque plus de champagne alors qu’ils sont tous deux entrain d’en boire. Enfin, dans la cave, Devlin découvre ce que cache ces bouteilles, c’est de l’uranium. Alex découvre qu’une des bouteilles de la cave à été remplacée après avoir été cassée. Il comprend qu’elle est espionne. C’ A partir de là, la boisson devient un poison.
Poison
Alex et Alicia déjeunent, un travelling s’arrête sur la tasse de café d’Alicia en gros plan, elle attrape la tasse et boit. Alex lui demande de finir son café, l’action de finir son verre est récurrent dans ce film. Comme nous l’avons vu, Alicia demande à Devlin de finir son verre d’alcool, Devlin demande à celle-ci de finir son médicament pour dessaouler et Alex dit à Alicia de finir son café empoisonné. L ‘action de boire fait donc une boucle. La caméra nous montre ce qu’il faut voir, insiste sur cette boisson. Un espion américain dit à Alicia, malade, de faire attention au soleil. A ce plan se surimprime une tasse de café terminée en gros plan, un travelling part de la tasse pour se terminer sur Alicia et Alex en train de s’éloigner de la table. La mise en garde d’un danger par l’espion suivit du plan sur la tasse, définit quel est le mal. Quand Alicia rencontre Devlin, elle lui fait croire que son état est du à l’alcool. Elle est malade à cause d’une boisson en effet, mais ce n’est pas l’alcool mais le poison.
Ce jeu sur la boisson qui est le poison, montre que le problème d’Alicia s’est déplacée de l’alcool au poison. La scène où Alicia est en famille présente aussi où se trouve le danger. Un travelling débute par un plan d’ensemble, se rapproche de la mère qui sert une tasse de café, le travelling continu en gros plan sur la tasse qui est déplacée vers Alicia par la mère, puis se déplace sur le visage d’Alicia à laquelle on demande depuis quand elle est malade. Puis un plan sur le visage d’Alicia présente au premier plan la tasse, qui acquiert une taille démesurée et donc une importance.
Ainsi comme les autres travellings sur le trajet des objets, ce travelling présente quel chemin fait le poison. On voit que le poison est donné par la mère et est destiné à Alicia. Mais ce travelling personnifie aussi l’objet de la tasse, ce n’est pas seulement une tasse, mais une intention. En effet, cette tasse suit le cheminement commandé par la mère, cette tasse est dirigée par une intention humaine. D’ailleurs, un champ contre champ sur Alicia entrain de boire et sur la mère montre que cette dernière vérifie qu’elle boive bien son poison. Un gros plan sur deux tasses identiques dont celle d’Alicia dans lequel entre la main d’un ami qui se trompe de tasse, présente que le narrateur indique au spectateur l’erreur qui va être commise. C’est alors que cet échange inquiète Alex et sa mère et c’est ce qui permet à Alicia de découvrir qu’on l’empoisonne. Un gros plan de sa tasse montre ce que regarde Alicia, qui vient de comprendre. Un plan subjectif déformé montre les hallucinations de Alicia. Ainsi, on remarque que les caméras subjectives au début du film montrait l’enivrement de celle-ci mais maintenant c’est l’empoisonnement. L’utilisation du même moyen technique pour montrer ces deux états créent un parallèle entre l’enivrement et l’empoisonnement. Cela dénonce l’intention d’Hitchcock de montrer le déplacement du danger, de ce qui nuit à Alicia, sa vie débauchée et maintenant sa mise à mort.
Mort
Les clefs et portes vont à présent symboliser l’enfermement, la mort. En effet, quand elle se retourne pour quitter la pièce, sur la porte de sortie, les ombres de ces deux personnages marquent leur présence, leur pouvoir sur elle même lorsqu’elle ne les voit pas. Ils gardent la porte de sortie de la pièce même par leur ombre. Ils sont donc en position de force, de supériorité extrême. Ils ont le pouvoir de l’enfermer.
Devlin vient chez Alex, il parle par l’entrebâillement de la porte, on ne le laisse pas entrer. Il se dirige dans la chambre d’Alicia sans y être autorisé car elle est maintenue prisonnière.
Elle dit à Devlin qu’ils l’empoissonnent, qu’elle est prisonnière.
Quand, Alicia et Devlin descendent les escaliers, la vision d’Alicia regardant les nazis est troublée. Elle est soumise à une déformation des sens, prisonnière de ses sens imparfaits. Hitchcock utilise une caméra subjective avec déformation de la vision. Ils vont vers la sortie. Ils vont sortir de la maison, passer la porte.
IV Guérison et libération
Mais la boisson va ensuite devenir l’antidote. Devlin dit à Alex qu’il va chercher l’antipoison. La dernière scène présente les nazis qui regardent de l’intérieur, à travers la porte d’entrée Alex, Alicia et Devlin qui eux sont dehors, ont réussi à s’échapper. Le plan est comme un cadre dans le cadre. Ensuite la vison est inversé, de l’extérieur, on voit les nazis derrière la porte d’entrée alors que Devlin et Alicia sont dehors. Ils sont à présent libérés. Par contre Devlin ferme la porte de la voiture à clé pour empêcher Alex d’entrer ce qui lui permettrait d’échapper aux nazis. Il se retrouve donc enfermé, emprisonné dans une situation qui va le conduire à la mort. Un plan fixe le présente en train de remonter les marches de la maison, les nazis sont dans la lumière, droits, statiques, ils l’attendent, ils referment la porte derrière lui. Il est enfermé chez lui par les nazis. Le plan de l’extérieur sur cette porte est le dernier du film. Remarquons que Alex remonte les escaliers tout en sachant qu’il se constitue prisonnier, il est conscient de la situation mais ne fait rien contre cela. Il s’enferme de lui même. De même que lorsque Alex annonce son mariage à sa mère, il sortira de la pièce en fermant la porte derrière lui. Il s’enferme lui même, dans son erreur. En effet, il épouse une espionne, ce qui va causer sa mort.
Conclusion
La boisson et les clefs et portes suivent donc l’évolution du récit, ont une fonction qui suit celle du récit. C’est par ailleurs ces objets et l’action de boire qui mènent le récit. Notorious est le récit du changement d’une femme qui veut séduire l’homme qu’elle aime, ce qui la conduit à devoir réussir une quête pour prouver sa valeur à celui-ci. Pour mériter l’amour, cette femme frivole doit devenir respectable et doit donc arrêter l’alcool.
L’objet de la quête se trouve dans des bouteilles d’alcool qui sont cachées dans une cave dont elle doit avoir les clés. Ainsi, les objets du film sont ceux qui permettent de trouver le Mac Guffin et ils mènent donc l’action.
Ainsi les clés symbolisent le fait de cacher quelque chose, ou à l’inverse de trouver la solution. Ce sont elles, en effet, qui permettent à Alicia de trouver le secret des nazis et à Alex de démasquer Alicia.
La porte symbolise le secret, c’est derrière une porte que se trouve l’uranium. Elle symbolise aussi l’enfermement. Alicia est, au début du film, sous l’emprise de l’alcool, droguée. Alicia est ensuite enfermé chez Alex car elle est empoisonnée, ne peut plus s’enfuir. Alex lui devient prisonnier des nazis qui vont le tuer. Devlin est prisonnier de ses préjugés sur les mœurs d’Alicia, ce qui l’empêche dans un premier temps, d’aimer Alicia.
Le sens symbolique du film semble être qu’il ne faut pas se fier aux apparences, de même que Alicia croit voir du brouillard alors que ce sont ses cheveux, Devlin se fie à l’apparence frivole d’Alicia et refuse de l’aimer, alors qu’elle est une femme courageuse. L’alcool, déforme la vision d’Alicia quand elle est enivrée. Mais cela a aussi pour but de montrer que Devlin fait lui aussi une erreur de jugement concernant Alicia. Ce n’est donc pas seulement l’alcool qui empêche de voir la vérité. Alex fait aussi une erreur de jugement. Il s’aperçoit qu’il a été espionné et donc décide de déformer la vision, les sens de Alicia qui elle, a eu les capacités pour tout découvrir sur lui, le démasquer. Il a été démasqué dans ses activités nazis, elle a trouvé la « clef », elle a une vision claire de la situation, c’est donc par la déformation des sens qu’il va se venger.
Notorious est un film sur les faux semblants, les doubles et le travail d’Hitchcock sur les objets et l’action de boire le révèle. Les Mac Guffin font avancer l’action et symbolise le sens de cette histoire.
Synopsis
En 1946, un nazi est condamné par un tribunal américain. Sa fille Alicia a toujours été en désaccord avec les idées de son père et mène une vie dépravée. Devlin, un agent du gouvernement lui propose de remplir une mission : contacter Alex Sebastian un ancien ami de son père, dont la maison est le repère de nazis réfugiés au Brésil. Par amour pour Devlin, elle fréquente la maison de Sebastian, qui la demande en mariage. Freiné par la conscience du devoir et par les mœurs d’Alicia, Devlin la laisse épouser Sebastian. Une fois mariée, les chefs chargent Alicia de s’emparer de la clé de la cave gardée soigneusement par Sebastian. En inspectant la cave, Alicia et Devlin découvrent de l’uranium caché dans des bouteilles de vin. Mais Sebastian les surprend et comprend qu’il est marié à une espionne américaine. Aidé par sa mère, il tente de tuer Alicia en l’empoisonnant progressivement afin que la mort semble naturelle. Mais Devlin sauvera Alicia et lui avouera son amour.
Générique
Réalisation : Alfred Hitchcock
Scénario : Ben Hecht ( Alfred Hitchcock, David O. Selznick, Clifford Odets sous le pseudonyme de A. B. Clifford) d’après l’histoire de John Tainter Foote « The Song of the Dragon » parue dans le Saturday Evening Post.
Photographie : (n&b) Ted Tezlaff, Gregg Toland (s.e)
Direction artistique : Albert S. d’Agostino, Caroll Clark
Décors : Darell Silvera, Claude Carpenter
Effets spéciaux : Vernon L. Walker, Paul Eagler
Musique : Roy Webb, C . Bakaleinikoff
Costumes : Edith Head (pour Ingrid Bergman)
Montage : Theron warth
Assistant réalisateur : William Dorfman
Assistante de production : Barbara Keon
Dialogue Director : Ruth Roberts
Production : Alfred Hitchcock pour RKO
Pays : Etats-Unis
Année : 1946
Durée : 104’
Titre français : Les Enchaînés
Interprétation :
Cary Grant : T.R Devlin
Ingrid Bergman : Alicia Huberman Sebastian
Claude Rains : Alexander Sebastian
Louis Calhern : Le capitaine Paul Prescott
Leopoldine Konstantin : Madame Anna Sebastian
Reinhold Schünzel : Professeur Wilhelm Renzler
Alfred Hitchcock : un invité à la soirée chez Sebastian
Le Mac Guffin
Pour Hitchcock, le Mac Guffin est le genre de détail dont le spectateur n’a rien à faire mais qui ponctuent le film d’une énergie dramatique.
Ces objets sont primordiaux pour le héros, mais sont, à priori, sans grand intérêt pour le spectateur.
Ce terme de Angus Pas Phail a été repris par Hitchcock pour définir cet exercice de style.
Le Mac Guffin est, selon Pascal Bonitzer, « L’objet du désir par excellence ».
« Dans tous les films d’espionnage, vous devez avoir ce que l’on appelle le MacGuffin. Le MacGuffin à la fin des 39 Marches, c’est l’histoire de l’avion secret. Ce que vous y mettez importe peu ! C’est cela le Mac Guffin, c’est qu’il n’y a rien ! Le mot Mac Guffin provient de l’histoire de deux hommes conversant dans le compartiment d’un train. Il y a un porte-bagages au-dessus d’eux. Un des hommes le regarde et dit :
_ Excusez-moi, monsieur, qu’est-ce que c’est que ce drôle de bagage au-dessus de votre tête ?
L’homme regarde et répond :
_ Oh, c’est un Mac Guffin !
_ Qu’est-ce que c’est un Mac Guffin ?
_ Eh bien, c’est un système pour attraper les lions dans les montagnes d’Ecosse.
L’homme dit alors :
_ Mais, il n’y a pas de lions dans les montagnes d’Ecosse ?
_ Eh bien, alors, il n’y a pas de Mac Guffin. »2
Naissance du Mac Guffin-Uranium
« Lorsque nous avons entrepris d’écrire Notorious et que j’ai commencé à travailler avec Ben Hecht, nous sommes partis à la recherche du Mac Guffin et, comme souvent, nous avons commencé en tâtonnant et nous avons pris des directions trop compliquées. (…) Alors nous avons envoyé promener tout cela et nous avons adopté un Mac Guffin tout simple, mais concret et visuel : un échantillon d’uranium dissimulé dans une bouteille de vin. (…) Le producteur ajoute : « Eh quoi ! Au nom du ciel, qu’est-ce que c’est que ça ? » Je réponds : « C’est de l’uranium, et cela doit servir éventuellement à fabriquer une bombe atomique. » Il ajoute : « Quelle bombe atomique ? »
Cela se passait en 1944, un an avant Hiroshima. Je n’avais là-dessus qu’une indication, une piste.(…) Le producteur était scandalisé. Cette histoire de bombe atomique lui apparaissait trop absurde pour être la base d’une histoire. Je lui dis : « Ce n’est pas la base de l’histoire, c’est seulement le Mac Guffin », et je lui expliquai ce qu’était le Mac Guffin et le peu d’importance qu’il convient d’y attacher. A la fin, je lui dis : « Si vous n’aimez pas l’uranium, prenons des diamants industriels dont on imaginera que les Allemands ont un besoin vital, par exemple pour tailler leurs outils. Si notre histoire n’était pas liée à la guerre, on aurait peut-être fait une intrigue à propos de vol de diamants, tout cela n’a aucune importance. » Je n’ai pas réussi à convaincre le producteur, aussi nous a-t-il tous « revendus » deux semaines plus tard à la R.K.O. : Ingrid Bergman – Cary Grant – le scénario – Ben Hecht et moi, tout cela en tant que package.
A présent, il faut que je vous raconte la fin de l’histoire du Mac Guffin-Uranium et cela se passe quatre ans après la sortie de Notorious. Je voyage sur le Queen Elisabeth et je rencontre un associé du producteur Hal Wallis, un homme qui s’appelle Joseph Hazen. Il me dit : « J’ai toujours voulu vous demander comment est-ce que vous avez eu l’idée de la bombe atomique un an avant Hiroshima ? Quand on nous a offert le script de Notorious, nous avons refusé de l’acheter en pensant que c’était la chose la plus idiote pour servir de base à un film. »
De nouveau nous retournons en arrière, car je dois vous raconter un épisode qui a précédé le tournage de Notorious. Ben Hecht et moi, nous sommes allés à l’Ecole polytechnique, à Pasadena, pour rencontrer le docteur Milliken, à ce moment-là le plus grand savant d’Amérique. On nous introduits dans son bureau et il y avait là dans un coin, le buste d’Einstein, c’était très impressionnant. La première question que nous lui avons posée était : « Docteur Milliken, une bombe atomique, ce serait grand comment ? » Il nous a regardés : « Vous voulez vous faire arrêter et vous voulez me faire arrêter aussi ? » Et, pendant une heure, il nous a dit à quel point, il était impossible de fabriquer une bombe atomique et il a conclu : « Si on pouvait seulement contrôler l’hydrogène, ce serait déjà quelque chose. » Quand nous sommes partis, il pensait nous avoir convaincus, mais j’ai appris plus tard qu’àprès cette visite le F.B.I. m’avait fait surveiller pendant trois mois.
Revenons sur le bateau lorsque M. Hazen me dit : « Nous pensions que l’uranium était la chose la plus idiote pour servir de base à un film. » Alors je lui ai répondu : « Cela prouve à quel point vous aviez tort de croire que le Mac Guffin est important. L’ histoire de Notorious, c’était simplement un homme amoureux d’une fille qui, au cours d’une mission officielle, a couché avec un autre homme et a été contrainte de l’épouser. Voilà l’histoire. Vous vous rendez compte maintenant de l’erreur que vous avez faîte et qui vous a fait perdre tellement d’argent, car le film, qui avait coûté deux millions de dollars, en a rapporté huit de profits nets ? » 3
A savoir
1. Hitchcock in HITCHCOCK/TRUFFAUT ( avec la collaboration de Helen SCOTT ), Gallimard, 1999, p. 95.
2. Hitchcock in « Hitchcock », in Interview, septembre 1974.
3. Hitchcock in HITCHCOCK/TRUFFAUT ( avec la collaboration de Helen SCOTT ), Gallimard, 1999, pp. 139-140.
Bibliographie
ZIZEK Slavoj (directeur de publication), Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Lacan sans jamais oser le demander à Hitchcock, Paris, Navarin, Supplément à Analytica n°53, 1988.
HITCHCOCK/TRUFFAUT ( avec la collaboration de Helen SCOTT ), Gallimard, 1993 .
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Rétrospective Hitchcock, Notorious/Les Enchaînés 1946
Disons-le tout court : J’AIME ce film, je l’adore ! Je ne me lasserai jamais de le voir et de le revoir. Notorious (Les Enchaînés) est un bijou mettant en scène l’un des plus beaux couples du 7e art : Cary Grant et Ingrid Bergman, tous les deux au sommet de leur classe et de leur beauté. Le noir et blanc parfait de ce film et la photographie magnifient leurs peaux de velours. L’histoire d’espionnage (les américains continuent de surveiller des nazis cachés au Brésil – dont Alexander Sebastian joué par Claude Rains) n’est pas le sujet le plus important du film : c’est plutôt un décor dans lequel Hitchcock place ses deux magnifiques sujets que sont Devlin (Cary Grant) et Alicia (Ingrid Bergman). Car ce film est surtout célèbre pour sa fameuse scène du baiser, ‘la plus longue de l’histoire du cinéma’, et la plus érotique surtout, par le frôlement de leurs peaux, de leurs joues et de leurs lèvres doucereuses contre leurs nuques, leurs cheveux ou leurs épaules.
Notorious est aussi une performance d’un point de vue technique : des plans très marquants inondent le film et créent le suspens, l’angoisse, l’effroi. J’en frissonne encore lorsque je repense à l’apparition de la mère de Sebastian, sortant de l’ombre jusqu’à ce qu’apparaisse son visage figé en gros plan (une autre Mrs Danvers en quelque sorte) ; le plan vertigineux où la caméra plonge du haut de l’escalier jusqu’à atteindre la main d’Ingrid Bergman en gros plan, contenant la fameuse clé de la cave à vin de Sebastian ; l’éternel jeu de Hitchcock sur les objets transformés en de véritables protagonistes du film (la clé, le trousseau, les bouteilles de champagnes dans la glacière, les bouteilles de vin dans la cave, les étiquettes des années des bouteilles, le foulard noué autour de la taille d’Ingrid Bergman par Cary Grant), etc.
Hitchcock réussit aussi à intégrer de belles scènes comiques désamorçant par moments certaines scènes ‘trop’ romantiques ou ‘trop’ pesantes dans le domaine de la sphère familiale : le dialogue entre Devlin et Alicia au début du film (dans l’appartement puis dans la voiture), la révélation de la mère de Sebastian, revêtant son ‘costume’ de justicière nazie, cigarette au bec pour mieux rétablir la situation (ce que ne peut faire son fils trahi par la femme qu’il aime, et soumis face à la figure de la mère, comme tant d’autres personnages hitchcockiens).
Truffaut et Chabrol ont beaucoup écrit sur ce film magique. Je cite ici Truffaut : ‘J’étais réellement impatient d’en arrivé à Notorious, car c’est vraiment celui de vos films que je préfère, en tous cas de tous vos films en noir et blanc. Notorious, c’est la quintessence de Hitchcock. Il est resté extrêmement moderne. Il contient peu de scènes et est d’une pureté magnifique (…) La plus grande réussite de Notorious, c’est probablement qu’il atteint au comble de la stylisation et au comble de la simplicité.’ (Hitchcock-Truffaut).
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« Notorious » : le chef-d'œuvre d'espionnage mature et complexe d'Hitchcock
Par Sven Mikulec
En août 1944, alors qu'Alfred Hitchcock déjeunait avec Margaret McDonnell, rédactrice en chef de David O. Selznick, l'idée de Notorious est née. Hitchcock voulait faire un film sur les « trucs de confiance à grande échelle », et la guerre sanglante en cours lui a permis de créer un contexte convaincant et approprié pour la tension parallèle sur le plan personnel et politique. Ben Hecht a été embauché et a passé trois semaines à peaufiner le scénario avec Hitchcock. Selznick, cependant, n'était pas sûr du film, n'aimant pas le personnage féminin central, intrigué par le motif de l'uranium, désintéressé par le protagoniste masculin et probablement plus que tout, troublé par la production financièrement exigeante de Duel in the Sun. Le célèbre dramaturge Clifford Odets a été sollicité pour améliorer le scénario car Hitchcock et Hecht n'étaient pas disponibles, mais Selznick ne pensait toujours pas que le projet valait la peine d'y investir son énergie, et Hecht a immédiatement rejeté la nouvelle version. Il accepte donc de vendre Notorious à RKO, gagnant 800 000 $ et se réservant le droit à 50 % des bénéfices du film. Hitchcock a donc été prêté à RKO, mais a probablement accueilli cette décision à bras ouverts : travaillant loin de l'œil toujours attentif de Selznick et insensible aux notes notoires du producteur, il lui a permis de transférer indépendamment sa vision à l'écran. Tout était prêt pour un blockbuster qui allait changer l'histoire, puisque Notorious a réussi à réunir deux énormes stars du box-office. Ingrid Bergman et Cary Grant ont été choisis pour jouer les deux rôles les plus importants, tandis que le troisième point de ce triangle rusé de méfiance, de passion et de jalousie est finalement revenu à l'expérimenté acteur britannique Claude Rains. En août 1946, deux ans après la conception de Notorious , le public américain a eu le plaisir de voir l'un des films les plus satisfaisants, les plus matures et les plus complexes d'Hitchcock. Notorious a été à la fois un succès au box-office et un favori de la critique, étant toujours considéré comme le chef-d'œuvre de la carrière d'Hitchcock, aux côtés de Vertigo ou Rear Window .
Dans une conversation avec Truffaut, Hitchcock a qualifié Notorious de vieux conflit entre l'amour et le devoir, le personnage de Cary Grant étant obligé de pousser son intérêt amoureux entre les mains de l'antagoniste, et c'était une construction plutôt intelligente pour examiner la valeur de la confiance entre les gens. dans une histoire montée comme un thriller d'espionnage. De plus, comme Notorious présente des personnages psychologiquement complexes et solidement développés, il n'est pas du tout étrange que l'affection du public pour le méchant principal apparaisse à la surface. Le méchant de Claude Reins est sophistiqué, élégant et plein d'amour pour la femme qu'il a été mis en scène pour qu'elle tombe loin, un ensemble de traits qui rendent son personnage sympathique et aident grandement le film à échapper aux limites d'un amour typique en noir et blanc. une histoire où il est trop facile de trouver un héros. Ce qui rend également ce film exceptionnel, c'est l'audace du cinéaste de jouer avec le thème du patriotisme, en décrivant le gouvernement américain comme un groupe moralement extrêmement flexible et opportuniste de fonctionnaires sans scrupules, un geste à la fois surprenant et audacieux compte tenu du fait que le film a été réalisé à la fin. de la Seconde Guerre mondiale. Le scénario de Hecht et Hitchcock a été très apprécié pour la création de personnages complets, crédibles et sympathiques et une histoire d'espionnage passionnante dans laquelle le public se laisse facilement envelopper et émotionnellement investi dans l'écran, tandis que la cinématographie de Ted Tetzlaff, guidée par le désir artistique toujours présent d' Hitchcock de utiliser généreusement la visualisation pour raconter l'histoire qui se déroule sous nos yeux, aide le film à se dérouler dans un flux élégant et soigneusement mis en scène. Les vêtements d'Ingrid Bergman ont été conçus par la collaboratrice fréquente d'Hitchcock et véritable légende hollywoodienne Edith Head , la costumière qui terminera sa carrière avec un palmarès impressionnant de huit Oscars dans cette catégorie. Concernant la musique, Hitchcock essaya d'embaucher Bernard Herrmann , le compositeur avec lequel il travaillera plus tard sur sept films de 1955 à 1964. Comme Herrmann n'était pas disponible, le travail fut confié à Roy Webb, le compositeur de RKO, qui jouissait de la réputation d'un compositeur fiable. mais choix peu spectaculaire. Sa partition, cependant, a ensuite été saluée comme l'une des œuvres les meilleures et les plus négligées d'Hitchcock.
Mais mis à part un casting impressionnant, un jeu d'acteur magnifique et toutes ces anecdotes surveillées par Hitchcock par le FBI, le film est devenu « notoire » principalement pour offrir au public l'un des plans les plus célèbres de l'histoire du cinéma. Partant du balcon, Hitchcock commence à s'approcher du personnage d'Ingrid Bergman, debout au milieu d'une grande salle, pour finalement descendre jusqu'au gros plan serré d'une clé qu'elle tient à la main. Ce magnifique zoom avant depuis une vue de grue en hauteur jusqu'à un gros plan extrême d'un détail important de l'intrigue dans la main de Bergman est l'une des raisons pour lesquelles les critiques qualifient Notorious de tournant dans la carrière d'Hitchcock, marquant sa maturité stylistique.
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Comment est née l’idée de ce remarquable coup de grue, jusqu’à la clé ?
C'est encore une fois en utilisant le visuel. C'est une déclaration qui dit : « Dans cette atmosphère bondée, il y a un élément très vital, le nœud de tout. » Donc, en prenant cette phrase telle qu'elle est, dans cette atmosphère bondée, vous allez à l'expression la plus large possible de cette phrase, puis vous arrivez à la chose la plus vitale : une toute petite clé dans la main. C'est simplement une expression visuelle pour dire : « Tout le monde passe un bon moment, mais ils ne réalisent pas qu'il y a un grand drame qui se passe ici. » Et ce grand drame se résume en une petite clé. — Peter Bogdanovich interviewe Hitchcock ; l'interview légendaire de 1963
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Même si nous admirons le plan , nous ne devons pas oublier qu'un détail fantastique comme celui-ci ne serait pas aussi célèbre qu'il l'est sans le scénario de Ben Hecht. Ancien collaborateur d'Hitchcock, Hecht a travaillé sur les scénarios de tant de films désormais considérés comme des classiques que son surnom de « Shakespeare d'Hollywood » ne semble guère être une hyperbole prétentieuse. Grâce à tout cela, Notorious est désormais considéré comme l'un des meilleurs d'Hitchcock. Et à juste titre. Basé sur un scénario précis et ingénieux, filmé de manière inspirante avec plusieurs plans désormais emblématiques, avec un choix courageux de thème et un casting parfait, Notorious est un film qui mérite d'être revu de temps en temps. Le film est un tremplin pour Hitchcock sur le chemin de sa maturité cinématographique, un moment de sa carrière où il a le sentiment qu'il s'est enfin imposé en tant que grand réalisateur hollywoodien.
Un scénario d'une importance monumentale. À lire absolument par le scénariste : le scénario de Ben Hecht pour Notorious [ PDF ]. (REMARQUE : à des fins éducatives et de recherche uniquement ). Le DVD/Blu-ray du film est disponible auprès de la Criterion Collection . Absolument notre plus haute recommandation.
HITCHCOCK/TRUFFAUT
À l'automne 1962, alors que Les Oiseaux était en post-production, François Truffaut réalise de longs entretiens avec Alfred Hitchcock dans ses bureaux des studios Universal. Les interviews ont été enregistrées sur bande audio et le contenu a finalement été édité dans le livre « Hitchcock/Truffaut ». Achetez Hitchcock de François Truffaut sur Amazon. Le documentaire Hitchcock/Truffaut explore l'art et l'influence d'Hitchcock à travers sa célèbre interview de 1962 avec l'auteur français François Truffaut.
Je suis impatient d'arriver à Notorious car c'est vraiment mon film d'Hitchcock préféré ; en tout cas, c'est celui que je préfère dans le groupe du noir et blanc. Pour moi, Notorious est la quintessence même d’Hitchcock.
Quand j'ai commencé à travailler avec Ben Hecht sur le scénario de Notorious , nous recherchions un MacGuffin et, comme toujours, nous avons procédé par essais et erreurs, en partant dans plusieurs directions différentes qui se sont révélées trop complexes. Le concept de base de l’histoire était déjà en place. Ingrid Bergman devait jouer l'héroïne et Cary Grant devait incarner l'homme du FBI qui l'accompagnait en Amérique latine, où elle devait se frayer un chemin dans la maison d'un nid d'espions nazis afin de découvrir ce qu'ils faisaient. . Notre intention initiale était de faire intervenir des fonctionnaires du gouvernement et des agents de la police et de montrer des groupes de réfugiés allemands s'entraînant dans des camps secrets en Amérique du Sud dans le but de constituer une armée ennemie. Mais nous ne savions pas ce qu'ils allaient faire de l'armée une fois qu'elle serait organisée. Nous avons donc abandonné l'idée au profit d'un MacGuffin plus simple, mais concret et visuel : un échantillon d'uranium dissimulé dans une bouteille de vin. Au début, le producteur m'avait raconté une histoire à l'ancienne, The Song of the Flame , parue dans le Saturday Evening Post . C'était l'histoire d'une jeune femme tombée amoureuse du fils d'une riche femme de la haute société new-yorkaise. La jeune fille était troublée par un secret de son passé. Elle sentait que son grand amour serait brisé si jamais le jeune homme ou sa mère l'apprenaient. Quel était le secret ? Eh bien, pendant la guerre, le service de contre-espionnage du gouvernement avait contacté un imprésario de théâtre pour lui trouver une jeune actrice qui jouerait le rôle d'agent ; sa mission était de coucher avec un certain espion afin de mettre la main sur de précieuses informations. L'agent avait suggéré cette jeune fille et elle avait accepté la mission. Alors maintenant, pleine d'appréhensions face à tout cela, elle retourne voir son agent et lui raconte son problème, et celui-ci, à son tour, raconte toute l'histoire à la mère du jeune homme. L'histoire se termine avec la mère aristocratique disant : « J'ai toujours espéré que mon fils trouverait la bonne fille, mais je ne m'attendais jamais à ce qu'il épouse une fille aussi belle que celle-ci ! »Voici donc l'idée d'un film mettant en vedette Ingrid Bergman et Cary Grant, qui sera réalisé par Alfred Hitchcock. Eh bien, après en avoir discuté avec Ben Hecht, nous décidons que l'idée que nous retiendrons de cette histoire est que la jeune fille va coucher avec un espion afin d'obtenir des informations secrètes. Petit à petit, nous développons l'histoire, et maintenant je présente le MacGuffin : quatre ou cinq échantillons d'uranium dissimulés dans des bouteilles de vin. Le producteur a dit : « Qu’est-ce que c’est que ça ? » J'ai dit : « C'est de l'uranium ; c'est ce avec quoi ils vont fabriquer une bombe atomique. Et il a demandé : « Quelle bombe atomique ? Cela, rappelez-vous, s’est produit en 1944, un an avant Hiroshima. Je n'avais qu'un indice. Un de mes amis écrivains m'avait dit que des scientifiques travaillaient sur un projet secret quelque part au Nouveau-Mexique. C’était si secret qu’une fois entrés dans l’usine, ils n’en ressortaient plus. Je savais également que les Allemands menaient des expériences avec de l'eau lourde en Norvège. Ces indices m'ont donc amené à l'uranium MacGuffin. Le producteur était sceptique et trouvait absurde d’utiliser l’idée d’une bombe atomique comme base de notre histoire. Je lui ai dit que ce n'était pas la base de l'histoire, mais seulement le MacGuffin, et je lui ai expliqué qu'il n'y avait pas lieu d'y attacher trop d'importance. Finalement, j'ai dit : « Écoutez, si vous n'aimez pas l'uranium, faisons-en des diamants industriels, dont les Allemands ont besoin pour tailler leurs outils. » Et j’ai fait remarquer que s’il ne s’agissait pas d’une histoire de guerre, nous aurions pu articuler notre complot sur le vol de diamants, et que le gadget était sans importance. Eh bien, je n'ai pas réussi à convaincre les producteurs et quelques semaines plus tard, l'ensemble du projet a été vendu à RKO. En d’autres termes, Ingrid Bergman, Cary Grant, le scénario, Ben Hecht et moi-même, nous avons été vendus comme un tout.
Il y a autre chose que je devrais vous dire à propos de cet uranium MacGuffin. Cela s'est produit quatre ans après la sortie de Notorious . Je naviguais sur le Queen Elizabeth et j'ai croisé un homme appelé Joseph Hazen, qui était un associé du producteur Hal Wallis. Il m'a dit : « J'ai toujours voulu savoir d'où vous était venue l'idée de la bombe atomique un an avant Hiroshima. Lorsqu’ils nous ont proposé le scénario de Notorious , nous l’avons refusé parce que nous pensions que c’était une chose vraiment stupide sur laquelle baser un film. Un autre incident a eu lieu avant le tournage de Notorious . Ben Hecht et moi sommes allés au California Institute of Technology à Pasadena pour rencontrer le Dr Millikan, à l'époque l'un des plus grands scientifiques d'Amérique. On nous a conduits dans son bureau et là, dans un coin, il y avait un buste d'Einstein. Très impressionnant. La première question que nous lui avons posée était : « Dr. Millikan, quelle serait la taille d’une bombe atomique ? Il nous a regardés et a dit : « Vous voulez vous faire arrêter et me faire arrêter aussi ? Ensuite, il a passé une heure à nous expliquer à quel point notre idée était impossible, et il a conclu que si seulement ils pouvaient exploiter l'hydrogène, ce serait quelque chose. Il pensait avoir réussi à nous convaincre que nous nous trompions de sujet, mais j'ai appris plus tard qu'après, le FBI m'avait mis sous surveillance pendant trois mois. Pour en revenir à M. Hazen sur le bateau, quand il m'a dit à quel point il avait trouvé notre gadget idiot, j'ai répondu : « Eh bien, tout ce que cela montre, c'est que vous aviez tort d'attacher une quelconque importance au MacGuffin. Notorious était simplement l'histoire d'un homme amoureux d'une fille qui, dans l'exercice de ses fonctions officielles, devait coucher avec un autre homme et même l'épouser. C'est l'histoire. Cette erreur de votre part vous a coûté beaucoup d’argent, car le film a coûté « deux millions de dollars à réaliser et a rapporté huit millions de dollars aux producteurs ».Ce fut donc un grand succès. À propos, comment s’est comporté Spellbound , en termes de dollars et de centimes ?
Spellbound était moins cher ; cela nous a coûté environ un million et demi de dollars et a rapporté sept millions au producteur.
Je suis extrêmement heureux de voir que Notorious est réédité encore et encore partout dans le monde. Malgré un intervalle de vingt ans, il s'agit toujours d'un film remarquablement moderne, avec très peu de scènes et une histoire d'une pureté exceptionnelle. Dans le sens où l'on obtient un effet maximum à partir d'un minimum d'éléments, c'est vraiment un modèle de construction de scénario. Toutes les scènes de suspense s'articulent autour de deux objets, toujours les mêmes, à savoir la clé et la fausse bouteille de vin. L'angle sentimental est le plus simple du monde : deux hommes amoureux de la même femme. Il me semble que de toutes vos photos, c'est celle où l'on ressent la corrélation la plus parfaite entre ce que vous visez et ce qui apparaît à l'écran. Je ne sais pas si vous dessiniez déjà des croquis détaillés de chaque plan, mais à l'œil, l'ensemble est aussi précis qu'un dessin animé. De toutes ses qualités, la réussite marquante est peut-être que dans Notorious vous avez à la fois un maximum de stylisation et un maximum de simplicité.
Je suis heureux que vous le mentionniez, car nous avons essayé de simplifier. En règle générale, il y a beaucoup de violence dans les films traitant d'espionnage, et ici nous avons essayé d'éviter cela. Nous avons utilisé une méthode de mise à mort assez simple ; c’était aussi banal que les meurtres réels dont on parle dans les journaux. Claude Rains et sa mère tentent de tuer Ingrid Bergman en l'empoisonnant très lentement à l'arsenic. N'est-ce pas la méthode conventionnelle pour se débarrasser de quelqu'un sans se faire arrêter ? Habituellement, lorsque les espions du cinéma tentent de se débarrasser de quelqu'un, ils ne prennent pas autant de précautions ; ils abattent un homme ou l'emmènent faire un tour dans un endroit isolé, puis simulent un accident en projetant la voiture du haut d'une falaise. Ici, il y a eu une tentative pour que les espions se comportent de manière raisonnablement mauvaise.
C'est vrai; les méchants sont humains et même vulnérables. Ils font peur et pourtant on sent qu'eux aussi ont peur.
C’est l’approche que nous avons utilisée tout au long du film. Vous souvenez-vous de la scène dans laquelle Ingrid Bergman, après avoir exécuté ses instructions pour se lier d'amitié avec Claude Rains, rencontre Cary Grant pour lui faire un rapport ? En parlant de Claude Rains, elle dit : « Il veut m'épouser. » C'est une déclaration simple et le dialogue est assez ordinaire, mais cette scène est photographiée d'une manière qui dément cette simplicité. Il n’y a que deux personnes dans le cadre, Cary Grant et Ingrid Bergman, et toute la scène repose sur cette phrase : « Il veut m’épouser ». L'impression est que cela appelle une sorte de suspense sentimental quant à savoir si elle va permettre à Claude Rains de l'épouser ou non. Mais nous ne l’avons pas fait parce que la réponse à cette question est hors de propos. Cela n'a rien à voir avec la scène ; le public peut simplement supposer que le mariage aura lieu. J’ai délibérément laissé de côté ce qui semble être le facteur émotionnel important. Voyez-vous, la question n'est pas de savoir si Ingrid épousera ou non Claude Rains. Ce qui compte vraiment, c'est que, contre toute attente, l'homme qu'elle espionne vient de lui demander de l'épouser.Si je vous comprends bien, l'important dans cette scène n'est pas la réponse d'Ingrid Bergman à la proposition, mais le fait qu'une telle proposition ait été faite.
C'est ça.
C'est également intéressant dans le sens où la proposition fait l'effet d'une sorte de bombe. D’une manière ou d’une autre, on ne s’attend pas à ce que le sujet du mariage apparaisse dans une histoire d’espions. Autre chose qui m'a impressionné - et vous en reparlez dans Under Capricorn - , c'est le passage imperceptible d'une forme d'intoxication à une autre, passant de l'alcool au poison. Dans la scène où Cary Grant et Ingrid Bergman sont assis ensemble sur un banc, elle commence à ressentir les effets de l'arsenic, mais il suppose qu'elle a recommencé à boire et il est plutôt méprisant. Il y a un véritable impact dramatique dans ce malentendu.
Il me paraissait important de graduer cet empoisonnement de la manière la plus normale possible ; Je ne voulais pas que ça ait l'air sauvage ou mélodramatique. Dans un sens, c'est presque un transfert d'émotion. L'histoire de Notorious est le vieux conflit entre l'amour et le devoir. Le travail de Cary Grant - et c'est une situation plutôt ironique - consiste à pousser Ingrid Bergman dans le lit de Claude Rains. On ne peut guère lui reprocher de paraître amer tout au long du récit, alors que Claude Rains est un personnage plutôt attachant, à la fois parce que sa confiance est trahie et parce que son amour pour Ingrid Bergman est probablement plus profond que celui de Cary Grant. Tous ces éléments de drame psychologique ont été intégrés dans l’histoire d’espionnage.La photographie de Ted Tetzlaff est excellente.
Au début du film, nous tournions la scène d'Ingrid Bergman et Cary Grant conduisant dans la voiture ; elle est un peu ivre et elle conduit trop vite. Nous travaillions en studio, avec des transparents. Sur l'écran transparent, nous avons montré un policier à moto en arrière-plan ; il se rapproche progressivement de la voiture, et au moment où il sort du cadre, sur le côté droit, je coupe en angle croisé et je continue la scène, avec le policier à moto à l'intérieur du studio cette fois, le montrant alors qu'il s'arrête. vers eux et arrête la voiture. Lorsque Tetzlaff a annoncé qu'il était prêt à tirer, j'ai dit : « Ne pensez-vous pas que ce serait une bonne idée d'avoir une petite lumière sur le côté, balayant la nuque, pour représenter les phares de moto qui sont montrés ? sur l’écran transparent ? Il n'avait jamais rien fait de pareil et il n'était pas très content que j'attire son attention sur ce point. Et il a dit : "C'est un peu technique, n'est-ce pas, Pop ?" Un petit incident est survenu pendant que nous tournions la photo et c'était plutôt triste. Nous devions utiliser une maison de Beverly Hills pour représenter l'extérieur de la grande maison d'espionnage de Rio. Le chef du service de localisation a envoyé un membre mineur de son équipe pour me montrer la maison qu'ils avaient sélectionnée, un petit homme très calme qui m'a dit : « M. Hitchcock, est-ce que cette maison fera l'affaire ? Ce petit homme était le même homme à qui j'avais initialement soumis mes titres chez Famous Players-Lasky lorsque j'ai débuté en 1920.
C'est affreux.
Oui, j'ai mis un peu de temps à le reconnaître ; quand je l'ai fait, je me suis senti très mal.Lui as-tu montré que tu savais qui il était ?
Non, je ne l'ai pas fait. C'est l'une des tragédies professionnelles de cette industrie. Quand je tournais Les Trente-neuf Étapes , il y avait quelques plans supplémentaires à faire, et pour accélérer la production, le producteur m'a proposé de faire appel à quelqu'un pour le faire. Quand je lui ai demandé à qui il pensait, il a répondu : « Graham Cutts ». J'ai dit : « Non, je ne l'aurai pas. Je travaillais pour lui; J'ai écrit pour lui Woman to Woman . Comment puis-je le faire venir comme mon assistant ? Et il a répondu : « Eh bien, si vous ne l’utilisez pas, vous le perdrez de son travail et il a vraiment besoin d’argent. » Alors j'ai finalement accepté, mais c'est une chose terrible, tu ne trouves pas ?Il est en effet. Mais pour en revenir à Notorious , je voulais dire qu'un facteur clé du succès du film est probablement le casting parfait : Cary Grant, Ingrid Bergman, Claude Rains et Leopoldine Konstantin. Avec Robert Walker et Joseph Cotten, Claude Rains était sans doute votre meilleur méchant. Il était extrêmement humain. C'est assez touchant : le petit homme amoureux d'une femme plus grande…
Oui, Claude Rains et Ingrid Bergman formaient un joli couple, mais dans les plans rapprochés la différence entre eux était tellement marquée que si je les voulais tous les deux dans un cadre, j'aurais dû mettre Claude Rains sur une boîte. À une occasion, nous avons voulu les montrer tous les deux venant de loin, avec la caméra allant de lui à Bergman. Eh bien, nous ne pouvions pas avoir de cartons sur le sol, alors ce que j'ai fait, c'est de faire monter progressivement une planche de bois alors qu'il se dirigeait vers la caméra.
Résoudre ces problèmes peut être assez amusant, surtout quand on tourne en CinémaScope, car là, pour chaque plan séparé, il faut faire démonter les lustres, les tableaux et toutes les installations murales, tout en , les lits, les tables et les chaises, ainsi que tout ce qui se trouve au sol, doivent être surélevés. Pour un visiteur qui entre accidentellement sur le plateau, c'est vraiment un spectacle ridicule. Il m'est souvent venu à l'esprit qu'on pouvait faire une comédie de premier ordre sur le tournage d'un film.
C'est une très bonne idée, et je préférerais que tout se déroule dans un studio de cinéma. Mais le drame ne se déroulerait pas devant la caméra, mais hors du plateau, entre les prises. Les stars du film seraient des personnages mineurs et les vrais héros seraient les figurants. De cette façon, vous obtiendrez un merveilleux contrepoint entre l'histoire banale filmée et le véritable drame qui se déroule en dehors de la scène. Il peut y avoir une grande querelle entre le caméraman et l'un des électriciens, de sorte que lorsque le caméraman s'assoit sur la grue, celle-ci monte jusqu'au poste de gréage, et les deux hommes prennent quelques minutes pour échanger des insultes. Bien sûr, il y aurait des éléments satiriques en arrière-plan de tout cela.Nous avions un film dans ce sens en France, Les Amants de Vérone de Jacques Prévert , réalisé par André Cayatte. Mais il semble y avoir une impression générale selon laquelle les histoires en coulisses ne font pas de succès au box-office.
Cela dépend de la façon dont ils sont traités. Ils ont fait un film ici intitulé What Price Hollywood ? ça a été un gros succès, et A Star Is Born , qui était très bien.C'est vrai, et il y a aussi Singin' in the Rain , qui comportait de merveilleux gags aux débuts du cinéma parlant.
Notorious : extrait d'étude cinématographique de Marilyn Fabe. Voici également une excellente analyse de Peter Bogdanovich.
Souvenir des meurtres passés : un entretien avec Alfred Hitchcock par HEF Donohue.
Il y a plus de 20 ans , il y a eu cette scène de coucou de deux minutes dans Notorious , où Cary Grant essayait de parler au téléphone tandis qu'Ingrid Bergman n'arrêtait pas de l'embrasser. Puis plus récemment, dans North by Northwest , vous…
Oui, encore Grant. Il était partout sur Eva Marie Saint dans ce compartiment de train. Il m'a toujours semblé que lorsque deux personnes s'embrassent, elles ne veulent pas lâcher prise. Chose intéressante à propos de cette scène dans Notorious . Je me souviens très bien d'où m'est venue l'idée de ne pas les laisser partir, de faire en sorte que la femme ne lâche pas l'homme, même s'il était au téléphone. C'était bien avant que je fasse le film. Avant la Seconde Guerre mondiale, j'étais dans un train en France allant de Boulogne à Paris et c'était un dimanche après-midi ensoleillé alors que le train traversait la gare d'Etapes, avançant assez lentement, quand j'ai vu un homme et une femme, bras dessus bras dessous, et il urinait contre un mur mais la fille ne le lâchait jamais. Elle regardait autour d'elle, le regardait et ce qu'il faisait de temps en temps, mais elle ne voulait pas éloigner son bras du sien, elle ne voulait pas briser cette tension. — Un entretien avec Alfred Hitchcock
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Voici plusieurs photos prises dans les coulisses de la production de Notorious d'Alfred Hitchcock . Photographié par Robert Capa © RKO Radio Pictures, Inc., Vanguard Films. Destiné à un usage éditorial uniquement. Tout le matériel est uniquement destiné à des fins éducatives et non commerciales.
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