En 1955, Razzia sur la chnouf vient confirmer une nouvelle tendance du cinéma hexagonal : celle des polars peuplés de malfrats et d’inspecteurs de choc. Un univers inspiré du cinéma américain, mais dont une poignée de cinéastes français vont s’emparer avec brio.
Le genre policier est presque aussi vieux que le cinéma lui-même, et Louis Feuillade remportait déjà un immense succès dans les années 1910 avec la mythique série des Fantômas. Mais c’est malgré tout au sortir de la Seconde Guerre mondiale que les histoires « de gendarmes et de voleurs » vont se rapprocher du style de films que l’on connaît aujourd’hui. Notamment grâce à deux des réalisateurs les plus importants de l’époque : après avoir contribué à faire de Jean Gabin une star à la fin des années 1930, Julien Duvivier mène une courte carrière hollywoodienne pendant la guerre, puis rentre en France en 1946 pour y tourner Panique. Dans ce film interprété par Michel Simon et Viviane Romance, le cinéaste part du meurtre d’une vieille femme pour livrer en réalité une étude de mœurs des plus acerbes. L’année suivante, le tableau ne sera guère plus brillant dans Quai des orfèvres, bien que le ton du film d’Henri-Georges Clouzot soit proche de la comédie noire. Le réalisateur s’était déjà illustré en 1942 avec L’Assassin habite au 21, puis un an plus tard avec Le Corbeau, chronique d’un village miné par la délation. Mais, s’ils sont bâtis sur des intrigues policières, ces films ne donnent pas lieu pour autant à une véritable renaissance du genre: il faudra pour cela attendre les années 1950.
Sous l’influence des films noirs hollywoodiens qui ont déferlé depuis la Libération, un nouveau style de films va en effet voir le jour : le « polar à la française ». Alors que pour les œuvres évoquées plus haut, Duvivier avait adapté Georges Simenon, et Clouzot un autre auteur belge du nom de Stanislas-André Steeman, Jacques Becker porte à l’écran en 1954Touchez pas au grisbi, un roman d’Albert Simonin dont la langue argotique et l’univers violent se rapprochent en fait de grands romanciers américains tels que Dashiell Hammett et James M. Cain. En outre, Becker va être le premier à s’essayer au niveau de la mise en scène à ce mélange de réalisme et d’esthétisme propre aux films policiers américains. Le résultat tranchera tellement avec ce que l’on connaissait jusqu’alors que Touchez pas au grisbi semblera plus proche de The Asphalt Jungle que d’un bon vieux polar français d’avant-guerre… Signe des temps, le film connaît à sa sortie un véritable triomphe, qui incite aussitôt d’autres réalisateurs à s’engouffrer dans la brèche.
Dès 1955, plusieurs polars puisant dans cette veine vont donc se succéder. L’américain Jules Dassin réalise un coup de maître en signant Du rififi chez les hommes, film de braqueurs typiquement « parigots ». De son côté, Henri Decoin réitère la formule magique deTouchez pas au grisbi en réunissant à nouveau Gabin et Lino Ventura dans Razzia sur la chnouf, adapté cette fois d’Auguste Le Breton. Simonin et Le Breton deviennent d’ailleurs les auteurs les plus prisés du moment. Mais le roi incontesté de ce nouveau genre sera Gabin lui-même : alternant les rôles de commissaires et de truands, l’acteur tournera, entre autres, Le Rouge est mis et Le Désordre et la nuit. Cette nouvelle tendance du cinéma français offre également à de nouveaux venus de faire leurs preuves, tels Jean-Pierre Melville (Bob le flambeur, Le Doulos), Louis Malle (Ascenseur pour l’échafaud) ou Édouard Molinaro (Un Témoin dans la ville). Autant de noms qui, en moins d’une décennie, ont durablement régénéré le cinéma hexagonal.
La vague de polars français qui surgit au milieu des années 1950 doit énormément à deux romanciers ayant fait de l’argot de la pègre leur marque de fabrique : Albert Simonin et Auguste Le Breton. Le premier lance le mouvement en cosignant avec Jacques Becker et Maurice Griffe le scénario de Touchez pas au grisbi, d’après son propre roman : il poursuivra notamment avec Des femmes disparaissent et Le Cave se rebiffe. Quant à Le Breton, il fait une entrée fracassante dans le monde du cinéma en signant trois films essentiels de 1955 : Du rififi chez les hommes, Bob le flambeur et Razzia sur la chnouf. [Eric Quéméré – Collection Gabin – 2005]
Rebondissant sur le succès surprise de Touchez pas au grisbi, Gabin se lance en 1954 dans l’aventure de Razzia sur la chnouf. Un polar qui, grâce à l’habileté du cinéaste Henri Decoin, rejoindra tout naturellement la liste des grands films de l’acteur. Dans ce film, Gabin peaufinera le personnage qui dominera la seconde partie de sa carrière : le dur à cuire impitoyable mais réglo.
Classique par son sujet, le film tire son originalité et son phénoménal succès du regard qu’il porte sur ces truands sur le retour. Nulle glorification de la pègre ne vient occulter la brutalité d’hommes prêts à tout pour quelques kilos d’or. Délaissant l’action au profit de l’étude de caractère, Jacques Becker s’attarde sur leurs rapports conflictuels, sur l’amitié indéfectible entre Max et Riton. Et puis il y a la performance magistrale de Jean Gabin. Il faut le voir, la cinquantaine séduisante et désabusée, prisonnier d’un gigantesque marché de dupes, regarder brûler la voiture qui contient les lingots et quelques minutes plus tard apprendre, au restaurant, la mort de son ami.
Sous la couverture du paisible garagiste Louis Bertain (Gabin) se cache « Louis le blond », roi du hold-up flanqué en permanence de Pépito le gitan, Raymond le matelot et Fredo le rabatteur. Un jour, ce dernier « lâche le morceau » à la police ce qui laisse planer le doute sur la trahison de Pierre, le frère du patron. Dès lors, tout s’emballe jusqu’au mortel affrontement avec Pépito. Comme au temps d’avant-guerre, Gabin meurt une fois encore une fois dans cette « série noire » au final tragique.
Sorti en mai 1958, ce film de Gilles Grangier met en scène un inspecteur de police qui, pour avoir du flair, n’en est pas moins très éloigné de la rigueur d’un Maigret. L’occasion pour Gabin d’une composition inédite, face à deux actrices d’exception. Tout est osé pour l’époque dans ce polar dur et tendre qui s’ouvre sur le visage en sueur d’un batteur de jazz noir dont le solo enflamme un cabaret du 8e arrondissement.
Doublement influencé par la vogue des films noirs américains et par les tragédies urbaines de Marcel Carné, le cinéma français va connaitre, au cours des années 50, un véritable déferlement criminel dans ses salles obscures…
C’est un réflexe de curiosité qui nous portent vers le film noir français. En effet, quelle forme fut plus occultée en faveur du thriller américain et de sa vogue chez nous ? Quand Bogart-Philip Marlowe appartenait à nos mémoires les plus chauvines, Touchez pas au grisbi de Becker était à une époque invisible. La Nouvelle Vague avait opéré une fracture avec un certain cinéma sclérosé qu’elle allait remplacer. A l’exception de Renoir, elle se voulait sans ascendance nationale. Les noms de Gilles Grangier ou d’Henri Decoin faisaient rire dans les années 1960… mais il fallait-il rejeter leurs policiers denses et robustes des années 1950 ? Dans la mouvance du Grisbi, un genre s’était constitué avec sa durée propre, sa forme très codifiée, toute une mise en scène originale du temps mort.
Comme nombre de policiers français des années 50, Touchez pas au grisbi puise directement aux sources du film noir, genre officiellement né à Hollywood en 1941. Le point sur une petite révolution sans laquelle on ne saurait comprendre le film de Jacques Becker.
S’il est un acteur dont le nom est à jamais associé au cinéma de l’entre-deux-guerres, aux chefs-d’œuvre du réalisme poétique, c’est bien Jean Gabin. Après la guerre, il connait tout d’abord une période creuse en termes de succès, puis, à partir de 1954, il devient un « pacha » incarnant la plupart du temps des rôles de truands ou de policiers, toujours avec la même droiture jusqu’à la fin des années 1970.
C’est sur près d’un demi-siècle que s’étend la carrière de ce grand cinéaste américain qui a introduit l’analyse psychologique à l’écran et qui fut, sans conteste, l’un des créateurs du langage cinématographique moderne. Avec ses films, une certaine esthétique hollywoodienne a atteint des sommets.
Pour avoir été le metteur en scène le mieux payé d’Hollywood, pour avoir réalisé quelques-unes des œuvres les plus prestigieuses de l’histoire du cinéma américain et pour avoir accumulé récompenses et distinctions, William Wyler n’en a pas moins été très controversé. En France, notamment, où les historiens et les critiques n’ont cessé de s’opposer à son sujet. Dans « Les années éblouissantes », ouvrage dans lequel ils évoquent leur découverte du cinéma au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Jean-Charles Tacchella et Roger Thérond écrivent : « Quand William Wyler arriva en Europe, en 1947, nous nous précipitâmes au George-V, André Bazin et nous. Nous voulions être les premiers à interviewer celui en qui nous voyions le représentant le plus original, avec Welles, du nouveau cinéma américain. » Mais, dans les années 1950 et 1960, sa « cote » devait singulièrement baisser aux yeux de critiques qui voyaient en lui le parfait représentant d’un académisme cinématographique d’où seraient bannies toute expression personnelle et toute contravention à la bienséance et aux bonnes mœurs. En décembre 1963, Claude Chabrol n’hésitait pas, dans les Cahiers du cinéma, à dénoncer son « style aseptique » et à situer son œuvre dans « une tradition psychologique qui eût enchanté Paul Bourget ». Ce qui n’était évidemment pas un compliment.
Telle était encore, en tout cas, l’opinion de Jean-Pierre Coursodon et de Bertrand Tavernier, qui, dans « Trente ans de cinéma américain » (1970), eurent toutefois l’honnêteté de faire part de leur surprise à la redécouverte de The Best Years of Our Lives (Les Plus belles années de notre vie, 1946) : « Le style habituellement terne ou trop léché de Wyler devient vigoureux et sobrement efficace en se mettant au service d’un sujet passionnant, traité selon une dramaturgie très traditionnelle mais avec un métier prodigieux, qui n’exclut pas une réelle sincérité. »
Écrit en 1970, ce jugement avait quelque chose de prémonitoire dans la mesure où, depuis, c’est l’œuvre entière de William Wyler qui a fait l’objet d’une réévaluation pour retrouver le statut qui était le sien à la fin des années 1930, et qui, par exemple, autorisait Maurice Bardèche et Robert Brasillach. dans leur « Histoire du cinéma », à citer l’auteur de Dead End(Rue sans issue, 1937) et de Jezebel (L’Insoumise, 1938) comme l’un des trois plus grands cinéastes américains de son temps, avec John Ford et Frank Borzage.
William Wyler est né le 1er juillet 1902 à Mulhouse, en Alsace, à l’époque où la province perdue par la France en 1870 faisait partie du Reich allemand. Son père, d’origine suisse alémanique, possédait une chemiserie, tandis que sa mère, Melanie Auerbach, était issue d’une famille juive allemande où les activités intellectuelles tenaient une place prépondérante : un oncle de Melanie, Berthold Auerbach, avait acquis une grande notoriété par ses traductions du philosophe hollandais Spinoza. C’est indéniablement sous l’influence de leur mère que « Willy » Wyler et son frère Robert acquirent très jeunes une inextinguible passion pour le théâtre, l’opéra et, déjà, le cinéma. Toutefois, soucieux de l’avenir de son fils, Leopold Wyler envoya le jeune Willy à la très sérieuse École supérieure de commerce de Lausanne.
UN NABAB D’HOLLYWOOD
Mais c’est Paris qui attirait William Wyler et, en 1919, il réussit à convaincre son père de le laisser tenter sa chance dans la capitale française, où l’avisé Leopold put lui trouver un emploi de débutant dans un grand magasin. Mais le futur cinéaste, qui ne parvenait pas à se découvrir une vocation commerciale, devait passer le plus clair de son temps au théâtre ou au cinéma, prenant même des cours de violon au Conservatoire national de musique. Il revint au bout de quelques mois à Mulhouse, où sa mère lui fit faire une rencontre qui allait décider de son destin.
En effet, Melanie Auerbach avait pour cousin le célèbre Carl Laemmle, qui avait fondé l’Universal en 1912 et qui, en 1920, comptait parmi les « nababs » d’Hollywood. De passage en Europe à ce moment-là, Carl Laemmle offrit à Willy un emploi subalterne dans ses bureaux de New York. Aussitôt débarqué sur le nouveau continent, il se signala par des initiatives qui lui valurent, ainsi qu’à un autre débutant nommé Paul Kohner, d’être parmi les premiers responsables du secteur étranger de la publicité de l’Universal.
Toutefois, William Wyler aspirait à participer plus directement aux activités de l’Universal et, au bout d’un an, Carl Laemmle le laissa venir à Hollywood, où il occupa à peu près tous les postes subalternes d’un studio de cinéma avant d’obtenir une petite place dans l’équipe de l’assistant réalisateur de The Hunchback of Notre Dame (Notre-Dame de Paris, 1923), un superbe film de Wallace Worsley où Lon Chaney composait un extraordinaire Quasimodo. Bientôt devenu assistant réalisateur à part entière sur des petites séries de westerns, Wyler put économiser assez d’argent pour faire un voyage en Europe et revoir sa famille à Mulhouse.
Selon son meilleur biographe, Sharon Kern, ce voyage eut une influence directe sur sa décision de devenir metteur en scène. Renvoyé de l’Universal à la suite d’une faute professionnelle mineure, William Wyler fut presque aussitôt engagé par la Metro-Goldwyn-Mayer pour être l’un des quelque trente assistants chargés de canaliser la foule des spectateurs dans la scène de la course de chars du Ben-Hur (1925) de Fred Niblo. A ce moment-là, William Wyler ne se doutait évidemment pas qu’il en réaliserait le remake trois décennies plus tard !
Revenu à l’Universal, William Wyler se voit enfin promu au poste de metteur en scène. Il débute en décembre 1925 avec le tournage de Crook Buster, un épisode de la série des « Mustang », pour laquelle il travaillera pendant deux ans avec un modeste salaire de 60 dollars par semaine ; après quoi il passera à la série, nettement plus prestigieuse, des « Blue Streak ». Comme il devait le raconter lui-même, ces séries de westerns lui permirent d’acquérir une grande maîtrise de la narration cinématographique et même de se livrer à des expériences personnelles, réussissant parfois à élargir le cadre conventionnel du western en y introduisant une dimension romanesque et psychologique.
Mais c’est indéniablement avec Anybody Here Seen Kelly ? (1928) que William Wyler va, pour la première fois, donner la mesure de ses possibilités. Interprétée par Bessie Love et Tom Moore, cette comédie fut en partie tournée dans les rues de New York, dans un style quasi documentaire. Ce film aujourd’hui disparu devait également marquer le début d’une étroite collaboration entre le metteur en scène et son frère Robert, qu’il avait fait venir à Hollywood où il fera une carrière de scénariste et de producteur. Ainsi, à la veille de l’avènement du parlant, William Wyler avait démontré qu’il était capable de tourner autre chose que des westerns de série. Le cinéma sonore, qui fut fatal à tant de géants du muet, allait à l’inverse lui permettre de s’imposer.
Au début de l’année 1929, Wyler achevait les prises de vue de The Shakedown, un film interprété par James Murray et Barbara Kent et dont le scénariste, selon les historiens René Jeanne et Charles Ford, était un Français, le comte François de Miollis, lorsque l’Universal décida de retourner certaines scènes avec le son. Le film fut distribué en deux versions, une muette et une partiellement parlante, comme ce fut le cas pour le suivant, The Love Trap (1929), une comédie assez leste dont la vedette était Laura La Plante, une blonde et pétillante star du muet dont la carrière allait se poursuivre en Grande-Bretagne dans les années 1930. .
Le premier chef-d’œuvre de William Wyller allait venir dès l’année suivante, avec Hell’s Heroes (1930), l’histoire de trois hors-la-loi qui, poursuivis dans le désert Mohave, renoncent à la liberté pour sauver un enfant abandonné aux vautours et aux chacals. Le roman de Peter B. Kyne dont le film était tiré, The Three Godfathers, avait déjà été porté à l’écran par John Ford en 1919, sous le titre Marked Men, avec Harry Carey dans le rôle principal, et le même John Ford en donnera une nouvelle (et superbe) version en 1948, Three Goodfathers (Le Fils du désert) avec John Wayne.
Premier film parlant de l’Universal entièrement tourné en extérieurs, Hell’s Heroes eut un immense succès critique et commercial. De fait, la réalisation en est remarquable. L’écriture cinématographique, dense et elliptique, est soutenue par une mise en scène qui excelle à accorder plastiquement les acteurs et le décor. Mais, surtout, Wyler sut éviter les ornières où s’enlisait déjà le cinéma parlant et ne pas réduire le son aux dialogues, explorant ainsi avec bonheur les nouvelles possibilités du réalisme cinématographique.
Après The Storm (La Tourmente, 1930), remake d’un grand succès du muet tourné en 1922 par Reginald Barker, William Wyler eut l’opportunité de réaliser une œuvre ambitieuse, A House Divided (1931), d’après une pièce d’Eugene O’Neill fondée sur la rivalité d’un père et d’un fils épris de la même femme. Le film débutait par une scène d’enterrement particulièrement expressive mais dont le cinéaste devait couper la plus grande partie au montage, estimant, comme l’explique Sharon Kern dans « William Wyler, a guide to references and resources », que les moyens d’expression ne doivent jamais outrepasser les strictes nécessités dramatiques. Cette ligne de conduite, à laquelle Wyler demeurera fidèle, consiste en un classicisme cinématographique qui trouvera sa plus pure justification dans l’utilisation de la profondeur de champ, – quelques années plus tard, mais dont Sharon Kern voit la préfiguration – dans certaines séquences de A House Divided. L’un des dialoguistes du film n’était autre que John Huston, avec qui Wyler nouera des liens d’amitié très solides.
Si Tom Brown of Culver (1932), une comédie dramatique située dans une école militaire et interprétée, entre autres, par deux débutants nommés Tyrone Power et Alan Ladd, et Her First Mate (1933), un film de série avec Zazu Pitts et Slim Summerville, ne déparent pas sa filmographie, c’est sans conteste avec Counsellor at Law (Le Grand avocat, 1933) que William Wyler devait asseoir sa réputation. D’une pièce à succès d’Elmer Rice, Wyler fit une œuvre cinématographiquement élégante, drôle et dramatiquement très prenante. Le rôle principal, qui avait été tenu à la scène par Paul Muni, fut confié à l’écran à Lionel Barrymore, qui se montra très coopératif et qui accepta de jouer jusqu’à cinquante fois la même scène devant la caméra afin de satisfaire au perfectionnisme du réalisateur.
La carrière de William Wyler à l’Universal allait s’achever avec Glamour (1934), un film assez peu personnel, et The Good Fairy (La Bonne fée, 1935), une adaptation d’une pièce du dramaturge hongrois Ferenc Molnar. Très joliment réalisée, cette histoire d’une jeune orpheline de Budapest édulcorait toutefois assez sensiblement la pièce originale, beaucoup plus cruelle. L’adaptation en avait pourtant été faite par Preston Sturges, l’un des plus brillants scénaristes d’Hollywood, qui allait d’ailleurs lui-même devenir bientôt un réalisateur de premier plan avec des chefs-d’œuvre tels que Sullivan’s Travels (1941) ou Unfaithfully Yours (1948). Quant à la vedette du film, la tendre et jolie Margaret Sullavan, elle allait convoler en justes noces avant la fin du tournage avec son metteur en scène. Pour peu de temps, puisque William Wyler et Margaret Sullavan divorcèrent en mars 1936.
Conscient du fait que la politique de l’UniversaI ne lui permettrait plus guère de progresser, William Wyler décida donc, après The Good Fairy, de reprendre son indépendance. C’est ainsi que, dès 1935, il tourna pour la Twentieth Century Fox une comédie inspirée du thème de Cendrillon, The Gay Deception (Le Gai mensonge).
En cette année 1935, William Wyler fit une rencontre décisive, celle de Samuel Goldwyn. Producteur indépendant, Goldwyn venait d’acquérir pour 50 000 dollars les droits d’une pièce de Lillian Hellman, The Children’s Hour, dont le thème avait fait scandale mais dont, moyennant d’importantes modifications et un changement de titre, il voulait confier l’adaptation à Wyler. L’entente entre les deux hommes fut difficile, mais leur complémentarité n’en annonçait pas moins une féconde collaboration. Quant au film, These Three (Ils étaient trois, 1936), l’historien Jean Mitry en a donné la meilleure analyse possible: .
« La pièce de Lillian Hellman exposait en effet les amours lesbiennes de Miriam Hopkins et de Merle Oberon ainsi que la jalousie de l’une avec l’autre, aimée de Joel McCrea. Les impératifs de la censure obligèrent le cinéaste à reporter sur Joel McCrea les sentiments de Merle Oberon pour Miriam Hopkins. Le dialogue le dit ouvertement. Mais le comportement des personnages, les éclairages, les angles laissent planer une atmosphère de suspicion, de frustration, renforcée par les attitudes sournoises des enfants – Bonita Granville surtout -, de telle sorte que les images contredisent le dialogue et en dénoncent l’hypocrisie. Ce jeu sur la corde raide, imité de Lubitsch mais appliqué à dénoncer, à détourner autant qu’à suggérer – et dans un tout autre sens -, préludait au déploiement d’un style moins fondé sur la litote que sur la restriction ou la réticence. »
Résolument engagé dans une politique de prestige et ne lésinant pas sur les moyens, avec une préférence pour l’adaptation de grands textes de la littérature ou du théâtre, Samuel Goldwyn allait produire ensuite Dodsworth (1936), d’après le roman de Sinclair Lewis, avec Walter Huston (le père de John) dans le rôle d’un homme d’affaires américain dont l’épouse (Ruth Chatterton) s’enivre de culture européenne et vit des aventures avec des hommes plus jeunes qu’elle. Cette histoire à la fois émouvante et sarcastique permit à William Wyler de préciser son style : minimum de mouvements de caméra et longs plans moyens, la profondeur de champ (par l’emploi d’objectifs à courte focale) évitant le morcellement des scènes et permettant un développement psychologique dont le cinéma paraissait jusqu’alors incapable. Comme l’écrit encore Jean Mitry, « qu’on le veuille ou non, c’est avec Wyler que l’analyse psychologique fit sa véritable entrée au cinéma ».
Si l’on doit mentionner Come and Get It (Le Vandale, 1936), c’est essentiellement parce que William Wyler tourna la plus grande partie de ce film dont Howard Hawks avait abandonné la réalisation à la suite d’une mésentente avec Samuel Goldwyn. Ce dernier, qui se faisait une idée un peu étroite de la mise en scène, n’avait pas accepté que le prestigieux réalisateur de The Dawn Patrol (1930) et de Scarface, Shame of the Nation(Scarface, 1932) retouchât les dialogues du film à son insu !
D’une tout autre importance apparaît, en revanche, Dead End (1937), dont Maurice Bardèche et Robert Brasillach, s’ils n’évitent pas une pointe d’antisémitisme dans le commentaire, ont su néanmoins reconnaître les immenses qualités : « Depuis Stroheim, à coup sûr, on n’avait pas composé d’œuvre plus résolument pessimiste et pénible que ce tableau d’un étrange quartier de New York où les buildings les plus élégants donnent sur des taudis. (…) L’essentiel est constitué par le tableau d’une bande de gosses de quatorze à quinze ans, maigres, hideux, pleins de mauvais instincts, qui battent et dépouillent le gosse du riche voisin, jouent du couteau, se dénoncent, et qui n’ont devant eux comme avenir que la maison de correction et le sort du gangster abattu. (…) Sans doute n’avait-on jamais encore composé, même en Russie, de film plus parfaitement révolutionnaire. »
Le film a-t-il été, en son temps, surestimé ? La présence d’Humphrey Bogart dans le rôle du gangster qui revient dans le quartier de son enfance et l’extraordinaire véracité des visages des gosses si bien évoqués par Bardèche et Brasillach n’empêchent pas que le film a aujourd’hui quelque chose d’un peu artificiel, en regard de ceux que, sur les mêmes thèmes sociaux inspirés du New Deal, produisait la Warner Bros à la même époque. Il est vrai que, contre le désir de Wyler, Dead End fut tourné en studio, magnifiquement d’ailleurs, grâce notamment à la collaboration qui, depuis These Three, unissait le metteur en scène et le grand chef opérateur Gregg Toland, auquel on doit également la photographie de certains films d’Orson Welles et de John Ford.
L’année suivante, la notoriété de William Wyler était telle que la Warner Bros demanda à Samuel Goldwyn de lui « prêter » le réalisateur pour le tournage de Jezebel (1938). Ce grand mélodrame sudiste, situé avant la guerre de Sécession, n’ambitionnait pas moins que de concurrencer Gone With the Wind (1939), dont la préparation défrayait alors la chronique. William Wyler sut tirer un parti impressionnant des possibilités décoratives et psychologiques que présentait le scénario, et Bette Davis, avec qui il établit une véritable complicité, fut tout simplement sublime dans le rôle d’une jeune aristocrate dont la passion amoureuse est décuplée par un égoïsme quasi pathologique.
A la fois somptueux et fourmillant de détails significatifs, notamment du point de vue historique et sociologique, le film est en outre caractérisé par un style très original. Si. cette fois, William Wyle n’a pas exploité les ressources de la profondeur de champ, il a conféré à la camera une fonction véritablement dramatique, le regard des spectateurs accompagnent celui des personnages (mais ne se s’identifiant pas totalement à eux, comme dans les effets de caméra subjective).
De retour chez Samuel Goldwyn, avec qui les rapports furent souvent conflictuels mais toujours « créatifs », Wyler se vit confier une petite tâche qui eut de grandes conséquences : Goldwyn lui demanda de filmer un concert du grand violoniste russe Jascha Heifetz pour un film musical qu’il avait en projet, mais dont le réalisateur n’avait pas encore été désigné. William Wyler, dont on sait qu’il avait étudié le violon à Paris, accepta avec plaisir, et c’est à cette occasion qu’il rencontra une jeune actrice, Margaret Tallichet, dont il fit son épouse et dont il eut quatre enfants.
L’HISTOIRE DU JUGE ROY BEAN
Après ce bref et sympathique intermède, Wyler tourna l’un de ses films les plus célèbres, Wuthering Heights (Les Hauts de Hurlevent, 1939). Situé à la fin du XVIIIe siècle, le roman d’Emily Brontë fut intelligemment transposé par Ben Hecht dans la première moitié du XIXe, époque à laquelle vivaient les sœurs Brontë. Malgré d’inévitables simplifications, l’adaptation est dans l’ensemble remarquable et tout à fait fidèle à l’esprit du livre. Quant à la mise en scène, elle marque peut-être l’apothéose du style « Goldwyn », avec une splendide reconstitution des moors chers à Emily Brontë et une somptueuse photographie en noir et blanc de Gregg Toland. Curieusement, la seule réserve qu’inspire le film tient à son interprétation. Si Merle Oberon incarne de façon tout à fait convaincante l’ardente et fantasque Cathy, Laurence Olivier ne parvient pas toujours, en revanche, à exprimer l’espèce d’énergie sauvage qui, dans le roman, anime le personnage d’Heathcliff.
Avec The Westerner (Le Cavalier du désert, 1940), William Wyler renoua avec le western, un genre qu’il n’avait plus abordé depuis Hell’s Heroes. Le film, basé sur la confrontation d’un cavalier sans peur et sans reproche incarné par Gary Cooper et d’un juge sans foi ni loi interprété par Walter Brennan (le fameux juge Roy Bean immortalisé dans une bande dessinée de Morris et Goscinny), ne manquait ni de saveur ni d’originalité. Le réalisme inhabituel des scènes d’action, l’humour, l’utilisation des courtes focales en extérieur et, surtout, l’ambiguïté profondément humaine du personnage du juge faisaient de The Westerner une sorte d' »anti-western » qui, à bien des égards, annonçait certaines œuvres iconoclastes des années 1960 et 1970. Notons que l’histoire du juge Bean devait être à nouveau portée à l’écran par John Huston dans The Lile and Times of Judge Roy Bean (1972), avec Paul Newman.
C’est pour la Warner Bros que William Wyler allait réaliser The Letter (La Lettre, 1940), d’après une nouvelle de Somerset Maugham qui fut maintes fois portée à l’écran, tant en Europe qu’à Hollywood. Avec ce très sombre drame criminel situé dans l’univers colonial cher à l’écrivain britannique, Wyler retrouvait la grande Bette Davis. Mais, cette fois, leur collaboration fut plus houleuse, encore que l’actrice eut l’intelligence de reconnaître : « J’ai perdu une bataille mais je me suis inclinée devant un génie. » Le film, admirable de bout en bout, doit évidemment beaucoup à la manière dont Bette Davis interprète son personnage de criminelle cynique, mais plus encore au style cinématographique de Wyler. Utilisant avec beaucoup d’à-propos les longs plans-séquence et jouant des contrastes de lumière, le metteur en scène, pourtant privé des services de Gregg Toland, crée une atmosphère de réclusion et d’oppression particulièrement favorable à l’éclosion du drame.
En échange de la prestation de Wyler, la Warner Bros autorisa Bette Davis à tourner The Little Foxes (La Vipère, 1941) pour Samuel Goldwyn. Le réalisateur en fut, bien entendu, William Wyler, et le chef opérateur Gregg Toland. Quant au scénario, il fut écrit par Lillian Hellman d’après sa propre pièce. C’était l’histoire d’une femme qui fait taire les sentiments les plus sacrés pour assouvir sa passion de l’argent et satisfaire sa volonté de puissance, mais dans un cadre théâtral qui aurait pu en limiter l’expression cinématographique. Or, pour André Bazin, ce film « fait apparaître le fait cinématographique dans toute sa pureté ». Et le célèbre critique n’hésite pas à ajouter : « On voit non seulement tout ce que le cinéma ajoute ici aux moyens du théâtre, mais, en outre, que le maximum de coefficient cinématographique coïncide paradoxalement avec le minimum de mise en scène possible. » Le film eut un succès considérable, notamment en Union soviétique, où S.M. Eisenstein le considérait comme un chef-d’œuvre.
Dès l’entrée en guerre des Etats-Unis, William Wyler n’hésita pas à mettre son talent au service des Alliés, et d’abord en réalisant pour la MGM. une chronique de l’Angleterre en guerre, Mrs. Miniver (Madame Miniver, 1942). Interprété par Greer Garson et Walter Pidgeon, le film, qui exaltait l’héroïsme quotidien des Anglais soumis aux bombardements allemands, ne remporta pas moins de six oscars. Et pourtant, rétrospectivement, Mrs. Miniver apparaît comme l’une des réalisations les moins convaincantes de Wyler, qui, après la guerre, devait lui-même concéder que sa vision de l’Angleterre avait quelque chose de sommaire et de naïf.
LE SOMMET DE WILLIAM WYLER
Entre-temps, il avait eu l’occasion de mieux connaître la Grande-Bretagne. Engagé dans l’US Air Force, il fut affecté dans une escadrille de bombardement basée à Bassingbourne pour y tourner un documentaire. Participant à de nombreuses missions au-dessus du territoire ennemi, William Wyler et ses deux opérateurs ramenèrent des images passionnantes qui, après montage, furent distribuées aux Etats-Unis sous le titre de Memphis Belle (1944). Avec John Sturges, il tourna ensuite Thunderbolt (1945) sur le front italien. Il quitta l’US Air Force en octobre 1945, avec le grade de colonel et la Legion of Merit.
Le contrat qui le liait à Samuel Goldwyn l’obligeait à tourner un dernier film pour lui. Après avoir envisagé de réaliser une biographie d’Eisenhower, Wyler choisit, avec la bénédiction de Goldwyn, de porter à l’écran un récit de MacKinlay Kantor qui évoquait, à travers trois histoires parallèles, la difficile réinsertion des vétérans dans leur famille et, d’une manière plus large, dans la société américaine. Intitulé The Best Years of Our Lives (Les Plus belles années de notre vie, 1946), ce film bouleversant de vérité et d’humanité est à juste titre considéré comme le sommet de William Wyler, qui, pour la dernière fois, bénéficia du concours de Gregg Toland. Sept oscars et de multiples distinctions étrangères récompensèrent cette fresque intimiste interprétée par Fredric March, Myrna Loy, Dana Andrews, Teresa Wright, Virginia Mayo et un non-professionnel, Harold Russell, qui obtint un oscar du meilleur second rôle pour son interprétation de l’un des trois vétérans, mutilé des deux mains.
La période qui devait suivre est incontestablement inégale. Devenu producteur de ses propres films à la Paramount, il ne trouva pas toujours le cadre quasi idéal que, en dépit de son autoritarisme, lui avait offert Samuel Goldwyn. Mais c’est encore du très bon Wyler que l’on trouve dans The Heiress (L’Héritière, 1949), une belle adaptation d’un roman de Henry James, avec Olivia De Havilland et Montgomery Clift, de même que dans Carrie (Un Amour désespéré, 1952), dont le tournage eut lieu en 1950 mais dont la Paramount retarda la sortie en raison de son contenu très critique à l’égard de la société américaine. Ce film interprété par Jennifer Jones et Laurence Olivier était l’adaptation d’un roman de Theodore Dreiser, écrivain dont le pessimisme social risquait d’attirer l’attention des « chasseurs de sorcières ». Nous étions en plein, maccartisme, et William Wyler ne faisait pas mystère de ses opinions libérales, sinon progressistes.
Entre-temps, le cinéaste avait réalisé Detective Story (Histoire de détective, 1951), une sorte de huis clos cinématographique dominé par une brillante performance de Kirk Douglas, mais dont l’intérêt ne peut se mesurer à celui de ses œuvres précédentes. Plus léger, mais finalement beaucoup plus réussi, sera Roman Holiday (Vacances romaines (1953), un conte de fées moderne dont le charme a joliment vieilli et qui eut aussi pour mérite de révéler au monde une jeune et ravissante inconnue nommée Audrey Hepburn, qui était irrésistible sur le tan-sad de la Vespa de Gregory Peck.
Si The Desperate Hours (La Maison des otages, 1955) était un excellent thriller psychologique interprété par Humphrey Bogart et Fredric March, les ambitions de Wyler ne furent pas toujours abouties dans Friendly Persuasion (La Loi du silence, 1956), qui n’en obtint pas moins la Palme d’or au Festival de Cannes et qui, en dépit d’une certaine grandiloquence cinématographique, offrait une peinture très sentimentale et quasi religieuse de l’Amérique rurale traditionnelle, peinture réhaussée par le jeu hiératique de Gary Cooper et les effets rembranesques de la photographie (c’était la première fois que Wyler utilisait la couleur).
Comme Friendly Persuasion, son film suivant fut produit par Wyler pour les United Artists, mais cette fois en association avec Gregory Peck. Le résultat fut malheureusement assez décevant, le cinéaste se perdant quelque peu dans les méandres feuilletonesques de The Big Country (Les Grands espaces, 1958), au grand dam de Gregory Peck qui en était le principal interprète aux côtés de Charlton Heston, Jean Simmons et Carroll Baker.
Il fut de bon ton, dans les années 1960, de dédaigner Ben-Hur (1959), et d’affirmer que les seules bonnes séquences de ce film « mammouth » produit par Sam Zimbalist pour renflouer les caisses de la Metro-Goldwyn-Mayer n’étaient pas de William Wyler mais d’Andrew Marton et de Yakima Canutt, qui réglèrent la bataille navale et la course de chars. Cette assertion parfaitement gratuite est totalement démentie par le film Iui-même qui révèle d’immenses qualités dramatiques et cinématographiques et qui compte parmi les œuvres les plus fortes et les plus personnelles de William Wyler. Car l’intérêt de Ben-Hur ne réside pas seulement, tant s’en faut, dans les séquences spectaculaires, qui sont très belles et auxquelles collaborèrent également Mario Soldati et Richard Thorpe, mais aussi, et même surtout, dans les scènes intimistes où l’art de Wyler fait évidemment merveille. En outre, Ben-Hur est l’un des rares films américains où la peinture de l’Antiquité n’est pas ridicule, et là scène de la rencontre du héros juif avec le Christ est traitée avec une pudeur qui force l’émotion.
Après des vacances bien gagnées, William Wyler tourna un remake de These Three, mais cette fois en rétablissant le thème du lesbianisme : le film intitulé The Children’s Hour (La Rumeur, 1962) fut plutôt fraîchement accueilli en dépit de ses qualités dramatiques et de l’interprétation de Shirley MacLaine, Audrey Hepburn et James Garner.
Après avoir renoncé à réaliser The Sound of Music (La Mélodie du bonheur, 1964) qui fut finalement tournée par Robert Wise, Wyler donna encore le meilleur de lui-même dans l’adaptation d’un roman de John Fowles, The Collector (L’Obsédé, 1965), dont le sujet comme l’écrivent Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, « lui inspira un traitement original et moderne, une direction d’acteurs sobre et pleine de nuances qui rendent ce film à deux personnages passionnant du début à la fin ». Tourné à Hollywood pour les intérieurs et en Angleterre pour les extérieurs, The Collector fut sans doute le chant du cygne de ce très grand cinéaste qui reçut personnellement trois oscars et qui succomba à une crise cardiaque le 27 juillet 1981, à BeverIy Hills.
Ses trois derniers films, How to Steal a Million (Comment voler un million de dollars,1966), Funny Girl (1968) et The Liberation of L.B. Jones (On n’achète pas le silence, 1970), sont en effet des œuvres mineures en regard des grandes réussites que furent, entre autres, Jezebel, The Best Years of Our Lives ou The Collector. [Les génies du cinéma – Editions Atlas (1991)]
Dead End (Rue sans issue) est l’adaptation d’une pièce de Sidney Kingsley qui avait obtenu un immense succès sur les scènes de Broadway (elle donna lieu à sept cents représentations) et suscité de nombreuses polémiques. Samuel Goldwyn en acquit les droits pour la somme record de 165 000 dollars…
En 1945, les producteurs hollywoodiens sont plongés dans une cruelle incertitude : de toute évidence, la fin du conflit mondial est proche, mais elle peut encore se faire attendre des semaines, voire des mois. Tout sujet anticipant sur la période de l’après-guerre risque donc de voir sa sortie retardée jusqu’au jour de la victoire. C’est alors qu’un article paru dans Time retient l’attention de Samuel Goldwyn : il y est question des problèmes de la démobilisation et des difficultés auxquelles se heurteront les combattants issus de toutes les classes sociales pour se réadapter à la vie civile.
C’est grâce à quelques hommes comme Orson Welles que le cinématographe est resté un art, à une époque où il menaçait de n’être plus qu’une industrie. Souvent incomprise, parfois mutilée, son œuvre demeure aujourd’hui un exemple esthétique et moral pour les créateurs dignes de ce nom.
En 20 films, et autant de chefs-d’œuvre, Joseph L. Mankiewicz s’est installé au panthéon des plus grands réalisateurs hollywoodiens. Après avoir été dialoguiste et producteur, il met en scène ses propres scénarios, écrits d’une plume vive et acérée. Il fait tourner les plus grands, décortique les rapports humains et moque avec finesse les différences sociales.
Du début des années 1920 à la fin des années 1960, Howard Hawks a réalisé des comédies et des films d’aventures qui témoignent d’une vision singulièrement pessimiste de la condition humaine.
Viennois exilé, metteur en scène et producteur despotique, Otto Preminger a été, au cours de sa carrière, avant tout un homme de spectacle ; œuvrant dans tous les genres, il les marqua de sa culture et de sa sensibilité européennes. Il est l’une des figures les plus controversées du cinéma américain.