sâmbătă, 18 martie 2023

I DIED A THOUSAND TIMES (La Peur au ventre) – Stuart Heisler (1955)

 
LE FILM NOIR

I DIED A THOUSAND TIMES (La Peur au ventre) – Stuart Heisler (1955)

Roy Earle, auquel Jack Palance prête sa personnalité inquiétante, est un bandit qui sort de prison grâce aux bons offices de son chef de bande. En échange de ce service il doit piller un hôtel avec deux complices qui l’attendent dans les Montagnes Rocheuses. Une ancienne entraîneuse, hors la loi comme eux, complète l’équipe. C’est Shelley Winters qui reconstitue ici avec Jack Palance le couple de The Big Knife (Le Grand couteau). Mais ce dur a du cœur et veut sauver une infirme rencontrée par hasard sur la route et qu’il aime. Tout cela finira mal car le crime ne paie pas…

Les récits policiers d’aujourd’hui sont moins romantiques et cette histoire (qui date de 1955) évoque plutôt l’avant-guerre et ses héros malchanceux, mauvaises têtes et bons cœurs, qui rêvent en secret de fleur et de ciel bleus. C’est que I Died a Thousand Times (La Peur au ventre), œuvre d’un certain Stuart Heisler, est en réalité le remake d’un film, de 1941, signé d’un nom plus illustre, celui de Raoul Walsh, et réalisé quinze ans auparavant : High Sierra (la Grande Évasion)Humphrey Bogart y tenait son premier grand rôle avec Ida Lupino comme partenaire. Il est rare qu’on puisse comparer le film original et son remake. Quand on refait ainsi un film avec des acteurs et un réalisateur différents, on détruit généralement l’œuvre originale. L’expérience est concluante : le second film est souvent la reprise, image pour image et geste pour geste, du premier. La poursuite finale en voiture est tournée dans le même décor, sur la même route…



Bien que High Sierra soit plus réussi sur le plan esthétique et plus représentatif d’une époque que I Died a Thousand Times (La Peur au ventre), le film de Stuart Heisler a une plus grande cohérence, due sans doute au scénario de W.R. Burnett. De nombreuses séquences sont de purs remakes de High Sierra mais il y a malgré tout des différences importantes dans l’intrigue et une tension dramatique serrée. Bien que I Died a Thousand Times soit légèrement plus long que High Sierra , Burnett n’a pas hésité à couper certaines longueurs et reste fidèle au roman en gardant, quand c’est possible, la narration à la première personne.

Le début des deux films illustre ces différences. Alors que High Sierra évoque maladroitement l’enfance rurale de Roy, ses activités dans la bande de Dillinger et les magouilles qui lui ont permis d’obtenir sa grâce. I Died a Thousand Times s’ouvre sur une séquence où l’on voit Jack Palance traverser le désert en voiture et les sierras qui se profilent à l’horizon symbolisent son destin. Lors de sa rencontre avec Velma et sa famille, ou lorsqu’il discute avec le pompiste de la station d’essence, on le sent affecté par le paysage environnant. Ce n’est que lorsqu’il arrive à Shaw que son nom et son passé sont révélés au spectateur. La sentimentalité du début de High Sierra devient ironie dans l’ouverture de I Died a Thousand Times, qui non seulement donne son ton au film mais établit une unité de lieu et de temps puisque l’histoire commence tout près, géographiquement, de sa fin. En faisant d’Earle un personnage plus mystérieux, la mise en scène accentue sa solitude et son isolement. En outre, les péripéties narratives étant nombreuses avant même qu’on ait compris que Roy est un criminel, le film ne s’inscrit pas d’emblée dans un genre et apparaît comme une étude de personnage.

High Sierra accentuait avec réalisme le sexe et la violence mais le jeu habile d’Humphrey Bogart et d’Ida Lupino l’empêchait de sombrer dans le pathos mélodramatique. Si I Died a Thousand Times n’échappe pas au mélodrame, loin de là, il est aussi plus naturaliste. La scène où Roy part à la recherche des deux voyous, Red et Babe, qui se battent pour Marie est beaucoup plus violemment sexuelle et troublante que dans High Sierra ; le chien de Roy a été battu, le visage de Marie est contusionné et Red, tapi dans les bois, attend Babe pour le tuer. Le fait que Roy ordonne à Marie de frapper son agresseur à coups de pistolet et de le « marquer » suggère un mélange de sadisme et de justice vengeresse qui n’apparaissait pas dans le jeu de Bogart. Tout au long du film, les désirs sexuels de Roy et ses émotions restent vifs malgré son environnement oppressif ; les scènes passionnées avec Marie s’achèvent constamment sur des fondus enchaînés avec les montagnes déchiquetées.

Les sierras massives et omniprésentes, les vastes espaces désertiques préfigurent la fin tragique du voyage de Earle mais I Died a Thousand Times est de loin inférieur à High Sierra en ce qui concerne sa poursuite finale. Le metteur en scène Heisler (et Saunders pour la deuxième équipe) ont tourné cette chasse à l’homme en utilisant des décors, des mouvements de caméra et même des indications scéniques identiques, mais l’effet est affaibli par un montage trop rapide qui ne permet pas de développer la tension du film de Walsh où l’on ressentait l’angoisse d’un destin inexorable. Le panoramique, depuis la voiture de Earle jusqu’à celle de la police abordant l’immense virage en épingle à cheveux, est coupé par des inserts de la séquence équivalente dans High Sierra . Palance dans le rôle de Earle fait ressortir un aspect intéressant du personnage (le thème du « petit homme » magnifié par son destin) mais il n’a pas l’aura tragique de Bogart. Au contraire, Lee Marvin dans le rôle de Babe et Earl Holiman dans celui de Red, ajoutent une rudesse réaliste qui manque à High Sierra . [Encyclopédie du film Noir – Alain Silver et Elizabeth Ward – Ed Rivages (1979)]


La renommée de Raoul Walsh est essentiellement basée sur ses films d’action et d’aventure. Mais They died with their boots On (La Charge fantastique), White heat (L’Enfer est à lui), The Roaring twenties, They Drive By Night (Une Femme dangereuse) et High sierra, présentent aussi des études intéressantes de personnages bien construits qui se battent soit à l’intérieur, soit à l’extérieur du système. Les protagonistes de Walsh sont des lutteurs, prêts à foncer pour vivre une vie libre dont ils maîtriseraient les règles.


L’HISTOIRE

Roy Earle, un ancien condamné qui a été gracié, organise le cambriolage d’un hôtel. Tout en préparant le coup, Roy a une aventure avec Marie, qui fait également partie du gang, et se prend d’affection pour un chien bâtard. Il rencontre aussi Velma, une « brave fille », infirme. Roy lui paye son opération mais, une fois guérie, elle le repousse. Le cambriolage se passe mal ; Roy et Marie doivent s’enfuir. Riche en bijoux mais sans un sou de liquide, Roy va à Los Angeles pour trouver un receleur. Trahi, il se retrouve blessé, avec la police à ses trousses, dans les sierras de Californie. Coincé, il est abattu devant Marie, qui assiste impuissante à la scène.



Comment un cycle de films américains est-il devenu l’un des mouvements les plus influents de l’histoire du cinéma ? Au cours de sa période classique, qui s’étend de 1941 à 1958, le genre était tourné en dérision par la critique. Lloyd Shearer, par exemple, dans un article pour le supplément dominical du New York Times (« C’est à croire que le Crime paie », du 5 août 1945) se moquait de la mode de films « de criminels », qu’il qualifiait de « meurtriers », « lubriques », remplis de « tripes et de sang »… Lire la suite




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