duminică, 14 august 2022

CLASH BY NIGHT– Fritz Lang (1952)

 
LE FILM NOIR

CLASH BY NIGHT (Le Démon s’éveille la nuit) – Fritz Lang (1952)

Des groupes de mouettes volent au soleil dans un ciel clair. Des vagues s’écrasent sur des rochers. Un grand bateau de pêche passe et rentre au port. Puis les masses de sardines scintillantes sont déversées dans des réservoirs. Dans la sardinerie, des femmes les manipulent et les transforment en conserves. La lumière est partout, la suggestion de la couleur est très forte. C’est un début inhabituel pour un film de Lang. Mais à y regarder de plus près, il n’est pas si surprenant. Jerry Wald, producteur exécutif à la RKO de Howard Hughes, admirait beaucoup l’œuvre de Clifford Odets et sa pièce Clash by Night (Le Démon s’éveille la nuit), un succès du début des années quarante ; et Lang partageait son admiration. Ce qui n’empêche pas le film de s’éloigner du sujet de la pièce, qui traitait du chômage dans le contexte des années trente, et où le mari trompé, à la fin, tuait l’amant. [Fritz Lang – Lotte Eisner – Champs Contre-Champs – Flammarion (1984)]


Clash by Night (Le Démon s’éveille la nuit) est une des très rares tentatives de Fritz Lang (la dernière était Liliom) d’adapter une pièce à l’écran. L’œuvre de Clifford Odets, dramaturge engagé et figure charismatique du Group Theater des années 1930, séduisit le cinéaste par sa remise en question de la famille américaine. Une femme (Barbara Stanwyck) fuit un passé obscur et, après dix ans d’absence, revient dans sa ville où elle épouse un pêcheur, moins par amour que pour commencer une vie nouvelle. Une liaison avec le meilleur ami de son mari déclenche un drame passionnel qui culmine avec l’empoignade des deux hommes dans une cabine de projection. Comme pour se détacher de l’origine scénique de l’histoire, Lang et son chef opérateur, Nicholas Musuraca, filment un prologue quasi documentaire à Monterey, en Californie, qui suit le cheminement du poisson depuis la pêche en haute mer jusqu’à la boîte de conserve. Il y avait là aussi une volonté de se rattacher à un nouveau courant réaliste à Hollywood sous l’influence du néoréalisme italien, Lang ayant d’ailleurs été un des plus farouches défenseurs, aux États-Unis, de Rome, ville ouverte, de Roberto Rossellini. Mais c’est davantage à la psychologie intérieure que s’attachait le cinéaste, la violence émotionnelle des situations lui faisant abandonner pour un temps l’approche plus distanciée qui était sa marque. [Fritz Lang, Le Meutre et la loi – Michel Ciment – Editions Découvertes Gallimard Art (2003)]


Clash by night est un film au scénario sans prétention, mais la banale histoire du triangle amoureux est rehaussée par l’étude subtilement graduée des personnages complexes qui ne sont jamais manichéens. Barbara Stanwyck, dans le rôle de Mae, campe une femme libre au passé douteux, trompant son mari, mais douée d’une grande liberté d’imagination et capable de reconnaître les failles de son propre système. Quant à Earl Pleiffer, incarné par Robert Ryan, son cynisme lui fait dire froidement qu’il y a « toujours un moment où il faut trancher la gorge à quelqu’un » mais il est aussi capable d’implorer Mae comme un enfant : « Aide-moi, je crève de solitude ».

Comme dans de nombreux autres films. Robert Ryan charge son personnage d’une angoisse très « noire » en laissant deviner la douleur sous son masque caustique, ses allures guindées et sa vaine rigidité. Ryan dresse le portrait subtil d’un homme dont le malheur n’a d’autre voie d’expression que la froideur cruelle, ce qui ne peut tromper le public car son isolement et sa solitude sont posés dès le départ. Au début du film une extraordinaire séquence dépeint le travail quotidien des pêcheurs et des travailleurs des conserveries. Fritz Lang disait de cette scène. tournée dans un style. documentaire, que c’est « une introduction de 100 mètres de long » ; elle ancre en tout cas le film dans une réalité naturaliste qui explique l’aliénation petite-bourgeoise des personnages. [Encyclopédie du film Noir – Alain Silver et Elizabeth Ward – Ed Rivages (1979)]



Le tournage en extérieurs conditionne le jeu des acteurs et le ton du film. Dans tous les films américains de Lang, c’est un style de jeu réaliste qui domine. Ce facteur contribue aussi à éloigner Clash by Night de la théâtralité de ses origines par une autre forme d’intensité. C’est pourquoi les modifications apportées à l’intrigue sont si efficaces. Ce n’est pas à une contrainte extérieure qu’est due la fin heureuse, mais au souci de vraisemblance du cinéaste et à sa répugnance naturelle pour la violence. Si le mari tue l’amant, répète Lang, il n’arrivera qu’à se faire haïr de sa femme. Cette vengeance stérile est remplacée par un affrontement des deux hommes dans la cabine de projection où travaille l’amant. Lang ne voit pas pourquoi Jerry, l’homme simple et bon qui a épousé sa femme en sachant qu’elle « avait un passé », devrait étrangler son rival et subir un châtiment. C’est bien assez que son meilleur ami, un personnage tout aussi complexe que la femme, lui vole celle-ci. Il n’y a pas de raison pour gonfler ce simple drame à dimensions excessives.

Pour ceux qui contestent le retour de Mae auprès de Jerry lorsqu’elle découvre l’égoïsme d’Earl, rappelons que vingt ans plus tard, un autre film – The Touch (Le Lien), d’Ingmar Bergman – montre une femme infidèle qui revient à son mari pour des raisons similaires. On ne peut attribuer à aucun des deux cinéastes un souci de rentabilité lorsqu’ils ont fait ce choix. L’un et l’autre interprètent la situation différemment, mais dans les deux cas, la cause de la décision n’est pas un désir de retour à la sécurité bourgeoise. Au contraire, les personnages des deux films comprennent que chacun doit avoir une conduite responsable envers les autres, et qu’il est impossible d’échapper à ses obligations morales. Bergman, plus facilement, ne montre pas le retour de la femme a son mari : on la retrouve simplement au foyer. Lang, avec son besoin de logique, énumère toutes les conséquences de l’acte.

CLASH BY NIGHT (Le Démon s’éveille la nuit) – Fritz Lang (1952)

La pièce d’Odets comportait déjà une action secondaire, qui sert de contrepoint à l’histoire de Jerry et de Mae : celle du frère de Mae, Joe (Keith Andes) et de sa jeune femme, jouée par une Marilyn Monroe presque débutante, aussitôt après ses rôles dans The Asphalt Jungle et All About Eve. Lang se rappelait qu’il lui fallut beaucoup de patience pour travailler avec elle. Elle était timide et incertaine, d’où ses retards au studio, et avait des rapports difficiles avec les autres comédiens. Mais elle était très consciente de l’effet qu’elle faisait sur les hommes.

D’autres personnages secondaires sont marquants : le père de Joe, un peu gâteux, qui joue de l’accordéon et se saoule faute de pouvoir encore travailler ; l’oncle, moins innocent que son frère, vivant aux crochets de Jerry à qui il emprunte sans cesse de l’argent, hostile à l’intrusion de Mae et de l’enfant, et qui incite Jerry à tuer son rival.

Les hautes vagues qui symbolisent les émotions et les passions interviennent sans lourdeur – ni artifice décoratif dans la construction des scènes. Elles orchestrent ce drame lié à la mer et au vent. Ce n’est plus le symbolisme des films allemands, renvoyant à un destin tout puissant. D’ailleurs, la tragédie peut être détournée par la volonté et la lucidité des deux protagonistes : chacun est responsable de son destin. Cette fin « heureuse », résume des problèmes existentiels, et reflète la maturité et l’expérience dont nous trouverons un écho chez le personnage de Lang dans Le Mépris[Fritz Lang – Lotte Eisner – Champs Contre-Champs – Flammarion (1984)]


L’œuvre de Fritz Lang est celle d’un « moraliste hautain ». Univers très noir, hanté par la culpabilité, peuplé de héros solitaires qui se débattent dans un monde hostile ou indifférent, et dont une mise en scène totalement maîtrisée accentue encore le caractère étouffant.


ENTRETIEN AVEC FRITZ LANG

C’est Jerry Wald, qui était un type formidable, très concerné par le cinéma, qui m’a offert ce boulot ; ce fut un grand plaisir de travailler pour lui. Et Barbara Stanwyck – que j’admire énormément comme actrice et qui se comporta comme un ange – voulait que je mette en scène.

J’aime beaucoup la pièce. J’aime Odets (j’avais été très impressionné par sa première pièce, Waiting for Lefty). Je n’ai jamais été très proche d’Odets, sur un plan personnel, mais j’avais un grand respect pour lui. Jerry Wald, qui appréciait toutes les pièces d’Odets, adorait Clash by Night ; le seul changement qu’il voulait faire, c’était de situer l’action dans un village de pêcheurs. Mais, dans le film, le problème était complètement différent de celui de la pièce de théâtre qui avait pour arrière-plan le chômage et autres problèmes sociaux, avec un meurtre à la fin : le mari tue l’amant. Le film fut donc récrit et remonté par Alfred Hayes pour qu’il ait un aspect complètement différent. Je me suis beaucoup documenté – autant que possible, bien sûr – sur la fidélité des épouses. J’ai trouvé dans un grand magazine féminin que 75% des femmes mariées trompent leur époux avec des hommes extérieurs au couple. C’est devenu l’un des problèmes du film.

Mais ce le fut beaucoup moins avec Marilyn Monroe ; c’était pratiquement son premier grand film. Elle avait une espèce de timidité et d’insécurité qui, mélangées… je ne dirai pas qu’elle avait déjà une « étoffe de star » mais elle savait parfaitement l’impact qu’elle pouvait avoir sur les hommes. Et c’est tout. Et Juste au moment du tournage, la fameuse affaire du calendrier éclata dans la presse. Cela ne me regardait pas – ce qu’une femme fait de son corps ne concerne qu’elle-même – mais à cause de sa timidité, elle était littéralement épouvantée à l’idée de venir au studio – elle était toujours en retard. Je ne sais pas pourquoi elle ne parvenait pas à apprendre ses répliques, mais je comprends très bien que tous les metteurs en scène qui ont travaillé avec elle ont fini par se fâcher, dans la mesure où elle était totalement responsable du retard qu’elle causait au film. Mais elle était très coopérative. Une chose m’ennuyait particulièrement : elle m’a demandé si je ne voyais pas d’inconvénient à ce qu’une femme, son dialogue-coach, soit présente sur le plateau pendant le tournage ; je lui ai répondu : « Non ! mais à une condition – qu’elle ne vous coache pas chez vous ! » Je pense en effet que lorsqu’une actrice a appris son rôle et qu’elle pense en avoir saisi la ligne générale, être entrée dans la peau du personnage, il devient presque impossible de changer cet état de choses. J’ai eu du mal au début – jusqu’à ce que je découvre que derrière la caméra, sans que je la voie, cette femme lui faisait des signes. J’ai donc dit à Marilyn qu’elle devait choisir et je lui ai interdit de faire venir cette femme sur le plateau.

Je me souviens que Barbara avait une scène très difficile dans une cour : elle pendait du linge sur une corde en disant ses répliques. Elle ne pendait pas son linge pour dire son texte ensuite, elle devait faire les deux en même temps. Quant à Marilyn, elle avait une ou deux répliques à donner dans cette scène et elle se trompait tout le temps. Jamais Barbara n’a dit quoi que ce soit à ce propos ; elle s’est montrée incroyablement gentille envers elle. Paul Douglas, lui, la haïssait. Il y avait certaines pressions, qui avaient à voir avec la vie privée de Marilyn, qui faisaient que Jerry Wald voulait mettre son nom en aussi gros que celui des autres sur l’affiche. Douglas déclara : « Je ne donnerai jamais ma permission ; jamais ! Qui est cette fille ? Une débutante ! Elle ne passera jamais chez les grands. » Ryan ne dit rien, mais Barbara déclara : « Qu’est-ce qu’on peut y faire ? C’est une star qui monte. » Et pourtant, c’était très dur pour elle, car les journalistes venaient à l’heure du déjeuner et, dans la mesure où Barbara avait le premier rôle, tout le monde faisait en sorte qu’ils l’interviewent. Mais les journalistes disaient : « On veut pas parler à Barbara, on veut la fille aux gros nichons ! » Une autre actrice aurait été furieuse. Mais Barbara, non. Elle avait parfaitement compris ce qui se passait.

Techniquement, je me souviens d’une chose : il y a une scène, devant le restaurant de le plage, avec cette petite terrasse devant. Sur la gauche, on voit l’océan puis Il y a un gros rocher et, de l’autre côté, des marches. C’était la première fois que j’utilisais deux écrans réflecteurs – un du côté gauche, un sur la droite, avec le rocher au milieu. Je pouvais donc avoir sa scène là, sur la plage, puis faire un panoramique sur eux qui disparaissaient derrière le rocher et montaient ensuite les escaliers – et la caméra pouvait les suivre tout le long sans raccord.

Comment en êtes-vous venu à cette séquence d’ouverture évocatrice, presque documentaire ?
Jerry Wald m’avait demandé : « En tant qu’Européen, pensez-vous que vous pourriez faire un village de pêcheurs et ainsi de suite ? – Ecoutez, Jerry, ou on est metteur en scène, ou on ne l’est pas. » Mais avant que le scénario ne soit terminé, je suis allé à Monterey (j’avais bien sûr lu les livres de Steinbeck – Rue de la Sardine et les autres). Et comme je le disais, soit on a un don, soit on n’en a pas ; on peut apprendre beaucoup de choses, mais pas à être cinéaste. On va donc quelque part et on s’y met – immédiatement. Tandis qu’Alfred Hayes, un homme tout à fait passionnant, écrivait le scénario – il était très tendu, très déterminé à faire quelque chose de bien – j’ai fait ce voyage et, bien entendu, les choses avaient changé depuis Steinbeck. J’ai observé ; c’était très intéressant; je suis revenu à Hollywood et, quand tout a été fini – le scénario écrit, la préparation faite – et alors qu’on construisait les décors au studio, Musuraca (un merveilleux chef opérateur et également ami) et moi nous sommes rendus seuls à Monterey – sans acteurs, sans rien. Je m’ennuyais et je lui dis : « Tu sais, nous devrions peut-être tourner des bouts de documentaire dont on pourrait se servir. » Nous nous sommes donc mis à filmer les mouettes, les bateaux qui rentraient au port et cela nous a tellement passionnés que nous avons continué ainsi pendant deux ou trois jours – nous partagions l’amour de faire des films. J’ai fini par dire : « Mais nous avons déjà tourné trois mille mètres ! Bon Dieu, nous allons être complètement crevés ! » Nous avons donc envoyé tout ce que nous avions fait en attendant que les autres nous rejoignent. Je me sentais mal à l’aise. Un télégramme de Jerry Wald est arrivé (je ne l’oublierai jamais – quel type !) : « Matériel magnifique ! Vous avez fait un travail extraordinaire. Magnifique ! » Et un monteur génial, George Amy, avait déjà monté cent mètres d’introduction, ce qui n’avait jamais été fait : un vrai documentaire sur les chalutiers, la machinerie dans les conserveries, etc. Je pense que cela donnait au film une atmosphère unique. Quand j’ai revu le film à la télévision, toute cette séquence avait été enlevée.

Pourquoi avez-vous eu du mal à retrouver du travail après Clash by Night ?
On ne me proposait plus de travail – même Howard Hughes qui, par un intermédiaire, m’avait promis monts et merveilles. J’étais au rencart sans même savoir pourquoi. Pendant un an, je suis resté sans savoir ce qui se passait. J’ai fini par découvrir que quelqu’un avait fait des listes (j’ai oublié son nom) et que, à cause de certaines de mes amitiés, je figurais sur l’une d’elles. Henry Wallace, par exemple, avait fait un jour une conférence au Beverly Wilshire Hotel, devant tout un tas de gens, dont moi-même, qui avaient promis de l’aider dans sa campagne. Mais après l’avoir entendu, le même soir, chez William Wyler, je lui avais envoyé une lettre où j’écrivais que, dans la mesure où il avait dit des choses avec lesquelles j’étais en désaccord, je ne lui apporterai pas ma contribution financière. Mais en sortant de la maison, nous fûmes tous pris en photo. C’est ainsi que je ne trouvai pas de travail et finalement, mon avocat découvrit que je figurais sur une liste noire en tant que communiste ! [Fritz Lang en Amérique – Entretiens par Peter Bogdanovich – Cahiers du ciném (1990)]


MARILYN MONROE
Mélange explosif de candeur et de sensualité débordante, Marilyn Monroe est une actrice proche du génie. Sous le maquillage et les atours, elle restait une « petite fille ». Elle ne ressemblait à personne…



L’HISTOIRE

Déçue par la vie de la grande métropole, Mae Doyle (Barbara Stanwyck) dans sa ville natale après une longue absence. Son allure sophistiquée éveille l’intérêt de Jerry D’Amato (Paul Douglas) homme d’une grande bonté qu’elle a connu dans sa jeunesse et qui est devenu pêcheur, ainsi que celui de son ami projectionniste, le cynique Earl Pleiffer (Robert Ryan) . Le frère de Mae, Joe (Keith Andes) est fiancé à une jeune fille, Peggy (Marilyn Monroe), dont le rêve est d’avoir une vie aussi libre que celle de Mae. Bien que Mae et Earl soient immédiatement séduits l’un par l’autre, leur cynisme mutuel empêche leur relation de se développer et Mae décide alors de se marier avec le gentil, mais peu excitant, Jerry qui l’aime profondément. Ils ont un enfant et mènent, pendant quelque temps, une existence sereine ; bientôt, Mae, lassée de sa vie avec Jerry a une liaison avec Earl. Jerry apprend son infidélité et Mae décide alors de le quitter pour partir avec Earl, mais elle se rend compte que le cynisme de ce dernier lui est insupportable ; elle revient à la maison et supplie Jerry de la reprendre. Ils seront à nouveau réunis.omment un cycle de films américains est-il devenu l’un des mouvements les plus influents de l’histoire du cinéma ? Au cours de sa période classique, qui s’étend de 1941 à 1958, le genre était tourné en dérision par la critique. Lloyd Shearer, par exemple, dans un article pour le supplément dominical du New York Times (« C’est à croire que le Crime paie », du 5 août 1945) se moquait de la mode de films « de criminels », qu’il qualifiait de « meurtriers », « lubriques », remplis de « tripes et de sang »… Lire la suite



LE FILM NOIR
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CRITIQUES

Une critique contemporaine de Variety a critiqué le film mais a apprécié le travail de Stanwyck, écrivant : « Clash by Night de Clifford Odets, présenté à Broadway plus de dix ans auparavant, est porté à l’écran dans un drame de luxure et de passion sans but. Le film capture une grande partie de la morosité de la ville de pêcheurs de la côte, toile de fond du film, mais ce n’est qu’occasionnellement que l’intensité suggérée du récit transparaît… Barbara Stanwyck joue le rôle de l’itinérant de retour au pays avec sa défiance et sa maussaderie habituelles. C’est l’une de ses meilleures performances. Robert Ryan joue l’autre homme avec une brutalité sinistre tandis que Marilyn Monroe est réduite à ce qui équivaut à un rôle de second plan.

Dans une autre critique contemporaine, le critique du New York Times A.H. Weiler a écrit que le film « … manque de conviction et de distinction en dépit de ses acteurs principaux qui travaillent dur… Barbara Stanwyck est professionnellement réaliste dans son rôle. Paul Douglas est un portrait physiquement convaincant du Jerry simple, musclé et confiant. Mais il est difficile d’accepter son extrême dévotion idéaliste « .

Le critique Sam Adams a écrit à propos du style de mise en scène de Fritz Lang : « La retenue n’a jamais été le problème de Fritz Lang. En effet, sa version du film de Clifford Odets, Clash by Night, est exagérée… Dans ce royaume sauvage, les femmes fortes ne peuvent être assouvies que par la menace de la violence masculine. Après avoir épousé le robuste Paul Douglas, Stanwyck est infailliblement attirée par l’homme instable de Ryan qui déteste les femmes, tandis que Marilyn Monroe montre son affection à son fiancé Keith Andes en le frappant au bras, geste qu’il menace de lui rendre. Deux ans plus tard, Lang s’attaque au même terrain avec Human Desire, un film tout aussi lourd sur la nature bestiale de l’homme. Peut-être Lang aurait-il dû s’en tenir au style de l’extraordinaire ouverture du film, presque sans paroles, qui commence par des plans de mouettes et de phoques et mêle lentement les acteurs à leur habitat naturel.

Le critique Dennis Schwartz a écrit : « Les performances sont théâtrales mais remplies d’une émotion ardente. Les interprètes parviennent à faire ressortir les complexités sous-jacentes à chacun de leurs personnages alors qu’ils s’affrontent, espérant ne pas mourir de solitude ou de cynisme. Tout ce qui concerne ces personnages et leur aliénation semble naturel, ce qui est renforcé par le fait que Lang les montre au travail, sans jamais les couper de toutes les autres épreuves qu’ils traversent. Le propos de Lang est de montrer à quel point il est facile de ne pas voir ses propres défauts, tout comme il est facile de les voir chez quelqu’un d’autre. Clash by Night raconte brillamment comment des personnes solitaires s’échappent de leur existence obscure, comme si cette obscurité était une prison où la survie à tout prix est le nom du jeu.


LES EXTRAITS

Fritz Lang retrouve le même producteur, Jerry Wald, qui avait aussi participé à Clash by Night (Le démon s’éveille la nuit), la même firme, Columbia, et le même comédien principal, Glenn Ford, pour Human Desire (Désirs humains), remake du film de Jean Renoir : La Bête humaine, adapté d’Émile Zola.

Le thème central de Woman in the Window est le doppelgânger avec sa problématique du double, du bien et du mal. Wanley est lui- même la clé de cet univers contradictoire ; d’une part, père de famille bourgeois, responsable, sobre, que parfois effleure l’ennui, d’autre part, aventurier impulsif qu’une liaison pourrait fort bien mener au meurtre ou au suicide…

Tout à fait dans la manière de Fritz LangScarlet Street est un film très sombre relatant l’histoire d’un homme ordinaire aux prises avec les forces du mal ; il succombe d’abord au vice, puis au crime. Kitty March et Johnny Prince comptent parmi les « méchants » les plus désinvoltes du film noir, amoraux jusqu’à en être troublants.

Au début des années 1940, Hollywood se met à la mode du film Noir issu des romans noirs américains des années 30. Psychanalyse et psychiatrie s’insinuent, désormais, au cœur des scénarii. Il est vrai que l’afflux de nombreux scénaristes, dramaturges et cinéastes d’Europe Centrale, ayant fui le nazisme, contribua au succès de cette veine. Fritz Lang, d’origine autrichienne, ne pouvait rester indifférent à ce phénomène. 





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ROBERT SIODMAK (1904 - 1973)