joi, 27 ianuarie 2022

Detectivul singuratic / Film noir

 
LE FILM NOIR

Laura ( 1944)

Kiss Me Deadly (1955)

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LE DÉTECTIVE PRIVÉ DANS LE FILM NOIR

Si tout le monde s’accorde à considérer The Maltese Falcon (Le Faucon maltais) comme le point de départ de la période classique du film noir, cela signifie que le privé est depuis le départ la figure emblématique du genre. Qu’on l’appelle privé, limier ou fouineur, le prototype du héros du film noir est issu des polars hard-boiled, de la littérature à deux sous qui remplissait les pages de magazines bon marché comme Dime Detective ou  Black Mask au début de années 1920.

« L’agent de la Continentale » ou le Continental Op, le premier héros des enquêtes policières de Dashiel Hammett, était petit, rondelet avec des dents de lapin. Mais l’auteur, lui-même ex-détective privé alcoolique, est plus connu pour avoir créé Sam Spade. Pour The Maltese Falcon , Hammett s’inspira librement de ses propres expériences (qui furent plus tard romancées par Joe Gores dans Hammett, adapté à l’écran par Wim Wenders en 1982. La version de 1941, considérée par beaucoup comme le coup d’envoi de la période classique du film noir, était en réalité la troisième adaptation par Warner Bros. Du roman d’Hammett, celui-ci ayant précédemment été tourné sous ce même titre en 1931, puis sous le titre Satan Met a Lady (Satan rencontra une dame), en 1936. Fort heureusement, la version de John Huston s’est rapidement imposée comme la version de référence, ce qu’elle est encore aujourd’hui, et le Sam Spade tout en nuances d’Humphrey Bogart est devenu un modèle pour tous les privés qui ont suivi.

Dans son essai  The Simple Art of Murder, Raymond Chandler, un autre auteur ayant fait ses classes dans les magazines de fiction à deux sous, a écrit ce qui est resté comme la description définitive du privé en littérature. Après une étrange métamorphose au cours de laquelle son héros Philip Marlowe devint le « Faucon » dans une première version d’Adieu ma jolie (The Falcon Takes Over) en 1942 puis Mike Shayne dans La Grande Fenêtre (Time to Kill) l’année suivante, les quatre premiers romans de Chandler et leur héros « ni pourri ni peureux » établirent la norme des détectives des années 1940. RKO confia à Dick Powell le rôle de Philip Marlowe dans la version de 1944 intitulée Murder My Sweet (Adieu, ma belle). Avec ses décors et sa lumière diffuse typiques de la maison, qui avait financé aussi bien Citizen Kane que les envoûtants films d’épouvante de Val Lewton, Murder My Sweet d’Edward Dmytryk est un tour de force stylistique, pratiquement toutes les scènes se déroulant la nuit ou dans des pièces à l’éclairage tamisé : bureaux poussiéreux, bars miteux, pavillons résidentiels, riches villas de Bel-Air. L’épisode le plus célèbre reste la scène hallucinée avec des vues et des sons exagérés traduisant l’état mental de Marlowe drogué.

Bogart déposa le costume de Spade pour enfiler à son tour celui de Marlowe dans The Big Sleep (Le Grand sommeil (1946), tournant pour la deuxième fois avec Howard Hawks et Lauren Bacall. Les scénaristes, William Faulkner et la jeune Leigh Brackett (avant leur première rencontre Hawks croyait que c’était un homme ; Bogart la surnommait « Butch » – l’hommasse – et ne laissait personne toucher à ses dialogues) remanièrent l’intrigue violente et alambiquée du roman de Chandler, avec ses cadavres qui s’entassaient de Malibu à San Bernandino, pour en faire la toile de fond des échanges acerbes et érotiques entre le pragmatique Marlowe et l’héritière enfant gâtée Vivian Sternwood. En 1947, Robert Montgomery réalisa et incarna à l’écran Marlowe dans The Lady in the Lake (La Dame du lac) même si, le spectateur ne pouvait vraiment voir le privé que quand il se regardait dans un miroir, Montgomery ayant retranscrit très littéralement le récit de Chandler à la première personne : tout le film est tourné en caméra subjective. Être enfermé dans le corps de Marlowe créait des scènes très particulières, comme lorsqu’il est assommé puis aspergé d’alcool, ce qui oblige la caméra à ramper sur une route, à vaciller jusqu’à une cabine téléphonique puis à chercher désespérément une pièce de monnaie pour appeler à l’aide.

Le cycle du film noir peut donner l’impression que la plupart de ses héros sont des détectives privés. En fait, à l’exception de ceux adaptés de romans de Chandler et de Hammett, ils sont peu nombreux. Naturellement, il y a d’autres limiers amateurs, comme les journalistes de The Big Clock (La Grande Horloge, 1948) ou de Call Northside 777 (Appelez Nord 777, 1948) ou encore les enquêteurs de compagnies d’assurance, comme dans The Killers (Les Tueurs, 1946) ou Pitfall (1948). Il y a aussi des amnésiques à la recherche de leur passé, comme dans Street of Chance (1942) et Somewhere in the Night (Quelque part dans la nuit, 1946), des secrétaires pleines de ressources, comme dans Phantom Lady (Les Mains qui tuent, 1944), et même des enfants paranoïaques, comme dans Talk About a Stranger (1952). Toutefois, la plupart des enquêteurs dans les films noirs sont des fonctionnaires attachés soit à la police locale soit à une agence fédérale.

Le film noir des années 1940 compte néanmoins quelques privés qui échappent à la sphère d’Hammett et de Chandler. Jeff Bailey, dans Out of the Past (La Griffe du passé) et Bradford Galt dans The Dark Corner (L’Impasse tragique) en font partie. Entre les ténèbres du monde souterrain de Galt et les recoins obscurs du Los Angeles de Kiss Me Deadly (En quatrième vitesse) de Robert Aldrich, il s’écoula certes près d’une décennie, mais cela ne représente qu’un saut de puce dans l’univers du film noir. La vitesse et la violence sont au cœur de ce dernier film. Cette adaptation du roman de Mickey Spillane transpose le New-Yorkais Mike Hammer à Los Angeles, le plongeant dans un paysage de rues sombres et de maisons délabrées encore moins accueillantes que celles fréquentées par Spade et Marlowe. Comme les voitures de sport de Hammer, le film prend des virages sur les chapeaux de roue, fonçant à travers une série de scènes décousues et cataclysmiques. Illustrant le Los Angeles frénétique des années 1950, en pleine hystérie atomique, parcouru de courants sous-jacents sournois, il enregistre également la demi-vie dégénérative d’un univers noir instable s’acheminant vers sa masse critique. Une fois le film parvenu au point de fission, la menace visuelle des balles de mitraillette déchiquetant la porte d’un cottage de Laurel Canyon dans The Big Sleep est ici multipliée à la puissance X : une maison sur la plage de Malibu est carrément pulvérisée.

Dès le début, Kiss Me Deadly est une explosion sensorielle. Dans le prologue qui précède le générique, une femme chancelle hors des ténèbres, son souffle emplissant la bande-son en halètements amplifiés. Des formes métalliques floues défilent trop vite pour être identifiées. Elle court au milieu d’une route, jusqu’à ce que les phares d’une voiture arrivant en face l’aveuglent. On entend un crissement de freins et de pneus sur l’asphalte et une Jaguar sort de la route dans un nuage de poussière. Un gros plan nous révèle Hammer derrière le volant. Par-dessus les halètements, on perçoit un air de jazz au piano à la radio. L’allumage grince péniblement tandis qu’il tente de remettre le contact. Enfin, il grogne à la femme : « Vous avez failli bousiller ma bagnole ! Alors vous montez ou quoi ? »

Dès le dialogue d’ouverture entre Hammer et Christina, Kiss Me Deadly établit un nouveau type de héros : méprisant, sarcastique, en fait, tout sauf un héros. Hammer se fiche de savoir qui est cette femme, pourquoi elle est apparemment nue sous son imperméable et pourquoi rien de ce qu’elle dit ne semble cohérent. Pour lui ce n’est « qu’une fugitive d’un asile de dingues ». Pourtant, quelques instants plus tard, elle le remet à sa place. « Vous m’en voulez, n’est-ce pas ? » demande-t-elle pour la forme. « Désolée d’avoir failli abîmer votre jolie petite toto. Je me disais justement… c’est fou tout ce qu’on peut apprendre sur quelqu’un à partir de détails de rien du tout Votre voiture, par exemple. » « Ah oui, et qu’est-ce qu’elle vous dit ma voiture ? » demande-t-il du coin des lèvres. « Vous n’avez qu’un seul vrai amour : vous-même, Vous êtes de ceux qui ne donnent jamais dans une relation, vous ne savez que prendre. » Puis de songeuse elle devient sardonique, sans cesser de se moquer de lui : « Ah, la femme, le sexe incomplet… Mais que lui faut-il pour être enfin entière ? Un homme, un homme merveilleux ! »

KISS ME DEADLY (Robert Aldrich, 1955)

Le dialogue d’ouverture décrit Mike Hammer en quelques traits. En l’accusant de narcissisme, Christina ne fait que confirmer ce que l’image suggère par « des détails de lien du tout » : la voiture de course, le trench-coat, la moue dédaigneuse, le jazz à la radio. Aldrich et son scénariste A. L. Bezzerides se servent de Christina pour appuyer le fait que cet homme n’est ni modeste ni admirable. Le dialogue révèle également que Hammer sait parfaitement qui il est et l’image qu’il reflète. « Qu’est-ce qu’elle vous dit ma voiture ? » Elle ne transmet que ce qu’il veut transmettre, un message que même une fugitive d’une « maison de dingues » peut déchiffrer au quart de tour.

KISS ME DEADLY (Robert Aldrich, 1955)

La route sombre de l’ouverture forme une sorte de limbes narratives : les éléments de l’intrigue n’ont pas encore été révélés, ni même abordés. Le paysage nocturne et la station-service perdue au milieu de nulle part constituent des décors impossibles à situer. Ils sont ouverts, troubles et, hors du halo des néons de la pompe à essence, même menaçants. À l’époque de la sortie du film, en 1955, il est vrai que les spectateurs avaient intégré les conventions du film noir et avaient déjà une idée préconçue des personnages et de l’histoire qu’ils allaient voir. Le roman original de Mickey Spillane donne lui aussi le ton : « J’eus juste le temps de voir la poule se dressant dans la lumière de mes phares, agitant les bras comme une marionnette géante. Je crachai un juron qui remplit la voiture et fit bourdonner mes oreilles. Je donnai un coup de volant, sentis l’arrière de la voiture partir de biais, redressai d’un coup dans l’autre sens en écrasant l’accélérateur. Les roues dérapèrent et la voiture grimpa sur le bord de la falaise. Je freinai pile, creusant un sillon sur le bas-côté, puis rebondis sur la chaussée et m’arrêtai enfin. Sans trop savoir comment, j’étais parvenu à décrire un demi-cercle autour de cette poupée. »

KISS ME DEADLY (Robert Aldrich, 1955)

Le romancier Spillane devait sa grande popularité à sa manière de transformer les femmes en objets, qu’il conjuguait à un sadomasochisme cru et à un anticommunisme fanatique proche du maccarthysme. Dans Kiss Me Deadly, Hammer, son héros récurrent, constitue le point de vue prédéterminé, s’exprimant surtout au travers de vannes tarabiscotées et d’une narration à la première personne qui en fait le Marlowe du pauvre. Aldrich et Bezzerides n’ont gardé que quelques éléments de la trame originale et encore, selon Aldrich, pour les mettre « sens dessus dessous ». Dans le dialogue d’ouverture, une seule réplique vient de l’original. Mais il n’y pas que les mots qui ont changé. Une grande partie de l’intrigue complexe – au cours de laquelle Hammer utilise des indices allant d’une clef de casier de vestiaire à un poème de Christina Rossetti pour retrouver un mystérieux récipient que sa petite amie a surnommé « le grand machinchouette » – a été inventée par les scénaristes.

KISS ME DEADLY (Robert Aldrich, 1955)

Pour ce qui est du comportement général, le Hammer de Spillane tient davantage du prédateur ricanant, li est l’antithèse du chevalier urbain de Chandler, avec un instinct de survie encore plus affûté que celui de Sam Spade lui-même. Même le personnage de Spillane ressent un soupçon de compassion pour « cette poupée blonde timbrée et pas claire avec des trous dans la tête » et s’il suit les traces de ceux qui ont voulu le tuer, c’est simplement parce qu’il est choqué par leurs méfaits : « Pas besoin de regarder leurs tronches pour être sûr que je descendais ceux qu’il fallait. Ces salauds, ces saletés de pourris de salauds ! » Le Hammer du film est intégré dans un système plus sophistiqué qui associe les sous-entendus du film noir au déterminisme moral d’Aldrich et de Bezzarides. Alors qu’il se demande sans cesse « Qu’est-ce que j’y gagne, moi, là-dedans ? », tout autour de lui, la criminalité engendre une contre-criminalité et assassins et voleurs façonnent les outils de leur propre destruction. Pour Spillane, tout est dans le nom du héros, Hammer « le marteau », un objet lourd, contondant, implacable qui martèle sans états d’âme les parias comme des clous bon marché. Aldrich et Bezzarides ont légèrement raffiné cet archétype : il arrive aussi à Hammer de réfléchir, surtout à son portefeuille. De l’ensemble des personnages du film, Christina est sans doute la plus sensible dans le sens conventionnel du terme. Il est donc assez ironique qu’elle soit folle, enfermée  dans une institution par la société, alors qu’elle est celle qui perce le plus vite le jeu de « dur à cuire » de Hammer, L’interprétation de Ralph Meeker propulse Hammer au-delà de la suffisance et de l’autosatisfaction du roman, lui apportant une vision méprisante, plus noire et sardonique, du monde en général et faisant de lui le porte-parole de tous les habitants peu fréquentables des enfers du film noir.

KISS ME DEADLY (En quatrième vitesse, 1955) de Robert Aldrich. Adaptant un livre de Mickey Spillane, le film est considéré comme un classique du film noir et une des meilleures réussites de son auteur.

La première question qu’Hammer pose à son ami l’inspecteur Pat Murphy est « Qu’est-ce que ça va me rapporter ? ». Cela complète le portrait du personnage : sa recherche d’un « gros coup », le Graal du détective privé, n’a rien de la démarche altruiste d’un Galahad, mais ce n’en est pas moins une quête. Hammer est parfaitement chez lui dans le monde du Noir. Les rues sombres et les immeubles délabrés sont le terrain de sa recherche, ostensiblement détaché du monde ordinaire. La clef de son univers est la duperie et la tromperie est son fonds de commerce. Il gagne sa vie en piégeant les époux infidèles et en menant des enquêtes peu ragoûtantes. C’est leur incapacité à tromper leur monde qui tue Christina et les autres victimes.

KISS ME DEADLY (Robert Aldrich, 1955)

Comme dans la plupart des films noirs, la tromperie et l’incertitude constituent la toile de fond de la tension dramatique de Kiss Me Deadly. Le fil de l’intrigue est aussi stable qu’une des expressions du garagiste Nick : « Va-va-vroum. Padaboum ! » Pour tous ceux qui sont en quête de quelque chose dans le film noir, l’instabilité est un facteur prépondérant et la disjonction la règle, principes auxquels adhèrent les éléments sensationnels du film : la descente puis le sifflement du cric hydraulique tandis que Nick hurle, broyé par la voiture ; la colonne de feu qui consume Lily Carver ; les cris de l’employé de la morgue auquel Hammer soutire des informations par la torture. Ces événements quasi aléatoires ne répondent à aucun principe organisateur. Ils transcendent le contexte pour fournir une émotion purement sensorielle .

KISS ME DEADLY (Robert Aldrich, 1955)

« Un lyrisme sauvage nous précipite dans un monde en décomposition régi par la perversité et la brutalité », c’est ainsi que Raymond Borde et Etienne Chaumeton décrivent Kiss Me Deadly dans leur ouvrage pionnier Panorama du film noir américain, après quoi « Aldrich nous oriente vers la solution la plus radicale de toutes : l’apocalypse nucléaire », La quête de Hammer reflète en parallèle le déchiffrage des vers énigmatiques du poème de Rossetti : « Mais quand l’obscurité et la corruption laissent un vestige des pensées que nous avons eues autrefois. » Le mythe devient la valeur de surface du « grand machinchouette » et rien ne peut plus empêcher l’ouverture de la boîte de Pandore. L’enquête devient la quête de l’élément détersif, du combustible, de l’étincelle du feu purificateur qui réduira les enfers de Kiss Me Deadly en cendres radioactives. Selon Borde et Chaumeton, cela offre au genre lui-même « une conclusion fascinante et sombre… l’opposé désespéré du film qui, 14 ans plus tôt, inaugura le cycle noir, The Maltese Falcon ». En tant qu’épilogue au film noirKiss Me Deadly propose une vision assonante des forces puissantes et malveillantes tapies sous la surface qui explosent soudain, formant un champignon atomique au-dessus de Malibu. [Film Noir – Alain Silver & James Ursini, Paul Duncan (Ed.) – Ed. Taschen (2012)]


Une caméra plane au-dessus de San Francisco sur un air de swing endiablé, puis le nom de l’agence des détectives privés, « Sam Spade and Miles Archer », s’affiche en grandes lettres. L’objectif s’attarde sur le héros : quelques secondes suffisent à nous entraîner dans un tourbillon de mensonge, de trahison et de meurtre. Nous y sommes en bonne compagnie puisque le héros est le détective privé le plus célèbre d’Hollywood, Sam Spade, interprété par l’idole du film de gangsters et de détectives Humphrey Bogart.

Le vieux général Sternwood (Charles Waldron) charge le détective privé Marlowe (Humphrey Bogart) de résoudre une affaire de chantage dans laquelle est impliquée sa fille Carmen (Martha Vickers), une jeune femme aux mœurs très libres. L’enquête conduit le détective sur la piste d’un complot meurtrier dans lequel la jolie Vivian (Lauren Bacall), la seconde fille du général, semble jouer elle aussi un rôle obscur. En s’éprenant de cette dernière, Marlowe va devenir la cible de bandes rivales.  

Le titre même du film évoque pleinement le cycle noir : le protagoniste Jeff, incarné par Robert Mitchum, marqué par le destin, porte sur son visage cette fatalité qui se lit dans son regard sombre et sans joie ; Jane Greer fait une très belle prestation dans  le rôle de Kathie, la femme érotique, et destructrice ; le scénario de Mainwaring réussit, quant à lui, à , déterminisme implacable qui resserre le présent et le futur de Jeff, grâce au procédé du flash-back, enfin, les éclairages sombres du chef opérateur, Nicholas Musuraca, un familier des films noirs, soulignent parfaitement la sensibilité tragique de Tourneur.

Les films noirs qui mettent en scène un personnage de détective privé ne sont pas si nombreux qu’on le croit. Il n’en existe qu’une douzaine environ et près de la moitié d’entre eux sont tirés de romans du célèbre écrivain Raymond Chandler, dans lesquels figure le personnage emblématique de Philip Marlowe. Bien que « Farewell, my Lovely » et « The High Window » aient déjà été portés à l’écran, ces adaptations avaient été remaniées pour d’autres détectives privés. C’est donc dans la version de Dmytryk et sous les traits de Dick Powell qu’apparaît pour la première fois au cinéma le personnage de Marlowe.

Lady in the lake est l’un des films expérimentaux d’Hollywood les plus exceptionnels car il est uniquement tourné d’un point de vue subjectif, la caméra valant pour le regard du détective. Le seul moment de rupture avec ce parti-pris survient quand Marlowe, assis à son bureau, donne au public plusieurs éléments embrouillés de l’intrigue, l’encourageant à démêler lui-même le mystère ; il doit « s’attendre, le prévient-il, à l’inattendu ». Ce procédé accentue la tension et l’efficacité de toutes les violences qu’a à subir le détective assommé par Lavery, aspergé d’alcool, obligé de se traîner pour traverser la rue ou menacé par l’arme de Mildred…


Comme souvent, le cinéaste réalise deux films en un. Il accorde autant d’importance à l’intrigue qu’au contexte, à l’arrière-plan sociologique. Le film grouille de personnages secondaires hauts en couleur, de répliques hilarantes et de gestes inquiétants. Génialement filmé, avec une utilisation inventive de l’écran large, une photographie magnifique et un accompagnement musical inoubliable, The Long goodbye est à ranger, avec certains titres de Peckinpah, Fleischer ou Huston de la même époque, parmi les meilleurs films américains des années 1970.

Pour de nombreux critiques, Chinatown n’est pas seulement l’un des meilleurs films des années 1970. Sa réalisation fait partie de ces heureux hasards dont l’histoire d’Hollywood regorge et qui favorisent la production de chefs-d’œuvre à l’intérieur des mécanismes standardisés de l’usine à rêves hollywoodienne : l’heureuse rencontre de talents extraordinaires. C’est ainsi que sur les instances de Jack Nicholson, qui n’est pas encore la star qu’il va devenir, Robert Towne accepte d’écrire le scénario alors qu’il a jusqu’ici travaillé essentiellement comme script doctor.

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Laurence Olivier (1907-1989)