Titre québécois | Le Fil caché |
---|---|
Réalisation | Paul Thomas Anderson |
Scénario | Paul Thomas Anderson |
Acteurs principaux | |
Sociétés de production | Annapurna Pictures Ghoulardi Film Company |
Pays d’origine | Royaume-Uni États-Unis |
Genre | Drame |
Durée | 130 minutes |
Sortie | 2017 |
Phantom Thread ou Le Fil caché au Québec est un film dramatique britannico-américain écrit et réalisé par Paul Thomas Anderson, sorti en 2017.
Il s'agit de la seconde collaboration entre l'acteur irlandais Daniel Day-Lewis et le cinéaste américain après There Will Be Blood sorti en 2007. En , l'acteur déclare qu'il s'agira du dernier film de sa carrière, annonçant qu'il abandonne le métier d'acteur2.
Le film est dédié au réalisateur Jonathan Demme, décédé en 2017.
Il fait partie, selon beaucoup de critiques, des meilleurs films de 2017 et de la décennie 2010-2019.
Synopsis
Dans le monde de la mode du Londres des années 1950, le couturier Reynolds Woodcock, proche de sa sœur Cyril, est engagé pour dessiner les vêtements des gens de la haute société, tels que les stars de cinéma, les héritières ou les mondains, et de la famille royale. Un jour, il rencontre Alma, une jeune femme qui devient sa maîtresse et surtout sa muse.
Sortie
Accueil critique
Site | Note |
---|---|
Metacritic | 90/100 |
Rotten Tomatoes | 91% |
Allociné |
Périodique | Note |
---|---|
Le Nouvel Obs | |
Télérama | |
Le Monde | |
Libération | |
Le Figaro | |
Transfuge | |
Les Cahiers du Cinéma |
En France, comme partout dans le monde, le film est extrêmement bien reçu, et le site Allociné recense une moyenne des critiques presse de 4,3/5, et des critiques spectateurs à 4,0/5.
Eric Neuhoff, du journal Le Figaro, dit que « Daniel Day-Lewis campe à merveille un couturier dandy et maniaque dans Phantom Thread »6. Thomas Sotinel, du journal Le Monde, dit que « Paul Thomas Anderson filme avec maestria un fervent corps à corps dans le Londres des années 1950 »7 Nicolas Schaller, du magazine L'Obs, est lui aussi très emballé : « Les films de Paul Thomas Anderson ont tous un secret. Parfois trop voyant (Magnolia, There Will Be Blood), parfois si enfoui qu’on s’épuise à vouloir le percer (The Master). Celui de Phantom Thread est le plus déchirant de tous. »8. Elisabeth Franck-Dumas, Olivier Lamm et Jérémy Piette, de Libération : « Un film étrange et splendide, magnifiquement déroutant ». Dans l'émission cinéma de Télérama, Cinérama, Jacques Morice dit que le film est sans doute « le meilleur de l'année... et un des meilleurs films des cinq dernières années ! »9 Pierre Murat, qui écrit l'article dans le magazine parle de « chef-d'œuvre de perversion »10. Jacky Goldberg, du magazine Les Inrockuptibles est le seul critique à être moins enthousiaste : « un possible autoportrait de l’artiste en démiurge, hélas plombé par un formalisme redondant et rigide »11.
L'émission radiophonique Le Masque et la Plume est unanimement emportée par le film : pour Eric Neuhoff, Pierre Murat, Sophie Avon et Charlotte Linipinska, Phantom Thread est un chef-d'œuvre magnifique.
Le film apparaît dans énormément de classements regroupant les meilleurs films de 2018, dont ceux de Libération, Télérama (où le film apparaît en première position13) ou Les Cahiers du Cinéma (où le film apparaît en troisième position14).
En , la revue de Michel Ciment, Positif, classe Phantom Thread en première position dans leur "TOP de la décennie 2010-2019".
======================================================
https://www.ledevoir.com/culture/cinema/517415/phantom-thread-mal-lune
Daniel Day-Lewis interprète son ultime rôle dans «Le fil caché»
Le nouveau film de Paul Thomas Anderson multiplie les pistes de lecture étonnantes. L’une d’elles permettrait-elle d’expliquer la décision de l’acteur Daniel Day-Lewis de prendre sa retraite ? Avis de divulgâcheur : cette analyse n’évente aucune révélation mais aborde des enjeux sur lesquels, peut-être, certains cinéphiles ne voudront lire qu’après visionnement. S’en tenir, alors, à la critique en encadré.
Le fil caché sera le dernier film de Daniel Day-Lewis, a laissé savoir le principal intéressé plus tôt cette année. Étrange décision pour un acteur lauréat de trois Oscar qui a su, sa carrière durant, cultiver une aura d’exigence et de rigueur. Qu’il s’agisse d’une déclaration sincère ou d’un coup de bluff visant à obtenir une quatrième statuette (et ainsi égaler le record de Katharine Hepburn), le fait est que ce serait là une sortie de scène parfaite. D’une certaine manière, ce récit d’un couturier tout entier dévoué à son art fonctionne comme une allégorie de la manière notoirement intense du comédien d’aborder le sien.
Le film a été écrit et réalisé par Paul Thomas Anderson, que Day-Lewis retrouve dix ans après Il y aura du sang (There Will Be Blood). Que le cinéaste soit lui aussi un maniaque avéré du détail ne fait qu’ajouter une couche de sens à une oeuvre tout en sous-textes.
Détail intéressant toutefois, ce n’est pas le protagoniste qu’incarne la vedette que l’on rencontre d’abord dans Le fil caché (Phantom Thread), mais celle qui deviendra son épouse et qui se confie à un tiers personnage, procédé ouvrant sur une série de retours en arrière.
Elle s’appelle Alma, et c’est par son entremise, son point de vue, que l’on découvre Reynolds Woodcock (patronyme aux connotations freudiennes s’il en fut).
Il est le couturier le plus couru de Londres.
Une histoire de fantômes
Tôt dans l’intrigue campée au cours des années 1950, Reynolds relate à sa soeur Cyril, son bras droit, un rêve récent dans lequel leur défunte mère lui a rendu visite : « J’aime l’idée des morts qui restent près de nous ; ça ne m’effraie pas », conclut-il.
Le spectre maternel continuera de planer, au propre comme au figuré. D’ailleurs, Le fil caché est entre autres cela : une histoire de fantômes. Ceci n’est pas à prendre au sens littéral, car aucun événement surnaturel ne survient. Cela tient surtout à une ambiance, à cette lumière blafarde savamment forgée. Même lorsque des flammes rougeoient dans l’âtre de la demeure champêtre du couple, il s’en dégage une froideur mortifère.
« Il règne dans cette maison une atmosphère de mort tranquille », déclare au mitan Reynolds, qui dit vrai.
Lorsqu’on fait sa connaissance, il travaille à sa prochaine collection et s’apprête à « remercier » sa dernière compagne, tâche ingrate dont s’acquittera sa soeur Cyril en ce qui semble être une routine établie (et où chacun trouve son compte). Parti se ressourcer à la campagne, Reynolds remarque dans une auberge une jeune serveuse élancée aux manières un peu gauches : Alma.
S’engage alors une joute de séduction à l’issue de laquelle Alma deviendra la nouvelle muse du grand couturier.
L’ombre de Rebecca
Durant les deux tiers du film environ, Anderson propose ce qui est essentiellement une variation de Rebecca, de Daphne Du Maurier, roman adapté en 1940 par Alfred Hitchcock, autre cinéaste méticuleux s’il en fut et autre fantôme dont la présence se fait sentir durant le film. Dans Rebecca, une jeune femme raconte comment, demoiselle de compagnie sans le sou, elle fit la connaissance d’un riche noble qui l’épousa et l’emmena dans son manoir où la gouvernante, obsédée par la première épouse décédée, lui rendit la vie impossible.
Ici, Cyril devient la gouvernante, et la défunte mère tient lieu de feue Rebecca, ce modèle féminin auquel l’héroïne peine à se mesurer.
C’est ensuite que Paul Thomas Anderson se distingue. Au troisième acte, un retournement dont on taira la teneur transforme ce qui était jusque-là un magnifique exercice référentiel en une oeuvre autonome d’exception.
Illusion de contrôle
Lors de l’un de leurs premiers échanges, Alma prévient Reynolds que, s’il croit pouvoir lui faire baisser les yeux, il se trompe. En réalité, rien n’échappe au regard d’Alma qui, on le comprend graduellement, étudie Reynolds et Cyril. Dans cette « maison de poupée » qui tient lieu de vie sentimentale à Reynolds, c’est désormais Alma qui tire les ficelles. Pourtant, Reynolds croit tout contrôler, tout le temps, alors qu’il n’est rien sans une femme pour le garder sain d’esprit — sa soeur, le souvenir de sa mère.
Des rôles que s’approprie donc Alma, auxquels elle ajoute celui d’amoureuse, devenant ainsi indispensable à Reynolds en une relation de codépendance sadomasochiste vraiment fascinante à décortiquer. Là encore, on ne précisera pas en quoi, mais on dira simplement, et pour demeurer dans les influences de cinéastes épris de perfection, qu’il est des moments tardifs où l’on songe au chant du cygne de Stanley Kubrick, Les yeux grand fermés (Eyes Wide Shut). Dans les deux cas, l’homme s’y perçoit comme tout-puissant avant d’être réduit à l’impuissance par la femme qu’il a sous-estimée ou tenue pour acquise.
Rapport de force
Le corollaire de cela est qu’en définitive, le personnage le plus fort, dramaturgiquement, est Alma, et non Reynolds. L’ambiguïté et les facettes inattendues que révèle l’actrice Vicky Krieps, remarquable dans un rôle qui aurait pu être injouable, ne cessent de surprendre. Monstre de misogynie, Reynolds s’est fait une profession d’objectiver les femmes, et ce, dans tous les sens du terme. Avec Alma, le rapport de force s’inverse, sourdement, alors que le mâle alpha est éclipsé de sa propre histoire (Day-Lewis en aurait-il pris ombrage ?).
Mais n’est-ce pas Alma qui raconte ?
Qui plus est, l’arc du personnage de Reynolds l’amène à une forme d’infantilisation. Cette régression apparaît, pour le compte, parfaitement logique pour un homme obnubilé par sa mère, idéal auquel Alma aura su se substituer d’abord à l’insu de Reynolds, puis avec sa bénédiction. D’où la notion de codépendance sadomasochiste.
Une vision de soi
Au magazine W, Daniel Day-Lewis a confié avoir décidé de se retirer du jeu juste après le tournage du film de Paul Thomas Anderson. Cryptique, il a expliqué :
« Paul et moi avons beaucoup ri avant de faire le film. Et puis nous avons arrêté de rire parce que nous avons tous deux été terrassés par un sentiment de tristesse. Ça nous a pris par surprise : nous n’avions pas réalisé ce à quoi nous avions donné naissance. Ç’a été dur de vivre avec ça. Ce l’est toujours. »
Était-il prévu que le protagoniste, dans sa débâcle psychologique et physique, perde autant en stature ? Pour le spectateur, Reynolds n’en est que plus intéressant, mais qu’en fut-il pour l’acteur ?
Et c’est sans parler de ce constat, terrible, que l’absolu auquel aspire Reynolds réside finalement ailleurs que dans son perfectionnisme. Son interprète ne jurant que par cela, une telle prise de conscience fut-elle trop difficile à encaisser ?
Est-ce là ce qui a tant ébranlé — attristé — Daniel Day-Lewis ? On ne le saura sans doute jamais. Quoi qu’il en soit, on espère qu’il s’en remettra.
Et qu’il se ravisera.
Niciun comentariu:
Trimiteți un comentariu