JEAN GABIN: LE MAL DU PAYS
Pour un titi parisien comme Gabin, l’exil imposé par l’invasion de la France en 1940 s’avère une longue épreuve. Ni le soleil d’Hollywood, ni sa liaison passionnée avec Marlene Dietrich ne parviendront à égayer véritablement son séjour californien.
Ce n’est pas de gaieté de cœur que Gabin part pour l’Amérique en 1941. Non seulement il laisse derrière lui un pays qu’il aime profondément, mais il ne peut même pas se consoler en pensant à la vie fascinante qui l’attend à Hollywood car, contrairement à ses collègues Charles Boyer ou Louis Jourdan, il n’a jamais eu envie de faire carrière aux Etats-Unis. Mais quelle que soit sa répugnance à quitter la France, l’acteur sait qu’il n’a pas le choix : bien qu’il vive sur la Côte d’Azur, qui est encore en zone libre, son refus de reprendre le chemin des studios parisiens, à présent sous contrôle des autorités allemandes, va finir par lui causer de sérieux ennuis. Comme il est pour lui hors de question de travailler dans une France vichyste, la seule solution est donc l’exil. Gabin s’arrange pour gagner Lisbonne, où il embarque à destination de New York. Malgré leur encombrement, il a refusé de se séparer de son vélo et de son accordéon. Une façon d’emporter avec lui un peu de sa vie française…
Dès son arrivée en Californie, Gabin est pris sous contrat par la Fox, mais il devra attendre un an avant de tourner son premier film, Moontide (La Péniche de l’amour). Pour être luxueuse, cette oisiveté n’en est pas moins pénible. Bien que son anglais ne cesse de s’améliorer, Gabin n’a aucune envie de participer aux mondanités où se pressent les stars locales. Il préfère fréquenter le petit groupe de réfugiés français : Duvivier, Renoir, Michèle Morgan, et surtout son ami Marcel Dalio, le « lieutenant Rosenthal » de La Grande illusion. Celui-ci décrira dans ses mémoires les visites qu’il rendait à un Gabin en proie au mal du pays : « Selon ma vieille habitude, je parlais. Il m’écoutait en silence, taciturne, indifférent peut-être, lointain sûrement. Son esprit était ailleurs. Mais où ? Je devais le découvrir un jour où, après m’avoir écouté au fil des heures, il sortit enfin de son mutisme pour me dire avec un soupir : « Quand même… c’est beau un bœuf ! »… Il était déjà en Normandie, à compter les têtes de son futur cheptel ! »,
Même la bouillante Marlene Dietrich, que l’acteur a rencontrée à New York et avec qui il vit désormais, parvient à grand peine à le dérider. L' »Ange bleu » ne ménage pourtant pas ses efforts : si elle parvient parfois à entraîner Gabin dans les restaurants huppés de Sunset Boulevard, elle reste le plus souvent à la maison pour lui préparer de bons plats français. Et les soirs où ils reçoivent en petit comité, elle insiste pour qu’il joue à l’accordéon des airs de bal musette. Ce qui ne laisse pas d’étonner Greta Garbo qui, depuis sa maison voisine, ne se prive pas d’observer les mœurs de ce couple que la presse qualifie de scandaleux… Mais tout cela ne fait au fond qu’augmenter le malaise de Gabin : « Je m’emmerdais et je me sentais hors du coup de tout ce qu’il se passait dans le monde. Bien sûr, on allait aux manifs pour soutenir I’effort de guerre, on participait à je ne sais quelle « gamelle au soldat ». Je suivais, mais ça me donnait envie de gerber. Je supportais plus tout ça ». Gabin décide donc en 1943 de rejoindre les Forces Françaises Libres, tandis que Marlene s’engage de son côté dans l’armée américaine. Mais l’acteur devra encore attendre jusqu’à l’automne 1944 pour fouler enfin le sol français…
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