PIERRE BRASSEUR
En 1905, naissait aux Batignolles, Pierre-Albert Espinasse qui, en empruntant le patronyme de sa mère, allait devenir sous le nom de Pierre Brasseur l’un des comédiens français les plus importants de son siècle.
Élève au Conservatoire, puis d’Harry Baur, il débute sur scène dès l’âge de dix-huit ans dans un répertoire boulevardier et restera fidèle au théâtre toute sa vie, écrivant lui-même (et jouant) des pièces qui n’ont guère laissé de souvenirs ; après la guerre, il passera à un registre plus sérieux avec la Compagnie Renaud-Barrault. Il vient au cinéma en 1924 et paraîtra dans quelque 80 films, dont la plupart sont dénués d’intérêt mais où ses prestations correspondent à ce qu’il jouait au théâtre et répondent donc à l’image de marque qui était la sienne : il a été trop souvent cantonné par les habitudes routinières de la production cinématographique.
Il est l’intime de Pablo Picasso, Jean Cocteau, Max Jacob, de Louis Aragon qui l’introduit dans le groupe surréaliste où il fait la connaissance d’André Breton, Paul Éluard, Benjamin Péret, Raymond Queneau. Grâce à Aragon, Robert Desnos et Jacques Prévert, il publie ses premiers textes dans La Révolution surréaliste.
S’il fallait choisir un seul de ses personnages pour le définir, ce serait à coup sûr celui de Frédéric Lemaître dans Les Enfants du paradis, incarnant le célèbre comédien, il peut laisser libre cours à son exubérance et exploiter au mieux la double dimension ludique que lui offre le personnage, se servant de Frédéric Lemaître pour déployer son talent.
Mais avant de parvenir à ce sommet, il devra parcourir un long calvaire commercial car, entre son apparition dans La Fille de l’eau (Jean Renoir, 1924) et son premier grand rôle, celui de Quai des brumes (Marcel Carné, 1938), s’accumulent quarante films, dont quelques titres suffisent à suggérer le niveau et le propos : Papa sans le savoir (Yves Mirande, 1932), Le Sexe faible (Robert Siodmak, 1933), La Garnison amoureuse (Max de Vaucorbeil, 1934), Prête-moi ta femme (Maurice Cammage, 1937), Claudine à l’école (Serge de Poligny, 1938), Gosse de riches (Maurice de Canonge, 1938), mais aussi un tout petit nombre d’œuvres qui ont une certaine réputation : Feu ! (Jacques de Baroncelli, 1927), Un Oiseau rare (Robert Pottier, 1935) et l’excellent film de Marcel Pagnol, Le Schpountz (1938).
La plupart de ces films étant quelque peu tombés dans l’oubli, on en est réduit aux suppositions quant à la valeur des prestations du comédien : rien ne permet de penser qu’elles sont indignes de lui, mais la surprise n’en est évidemment que plus forte lorsqu’on le découvre soudain, pâle voyou, dans Quai des brumes. Cinq ans plus tard, avec Lumière d’été (Jean Grémillon, 1943), c’est un autre Brasseur qu’on découvre dans le rôle d’un peintre un peu fou qui décore l’intérieur des placards, anime l’action de ses excentricités et se trouve le témoin fasciné de l’écroulement d’un microcosme symbolique. Cette veine farfelue, on la retrouve, mais moins sous-tendue par le tragique, dans deux petits chefs-d’œuvre burlesques, Adieu, Léonard (Pierre Prévert, 1943) et L’Arche de Noé (Henry Jacques, 1947) : elle fait partie de la plupart des personnages de Brasseur, dont on peut dire qu’il ne s’est jamais pris au séreux.
Mais le meilleur de lui-même, c’est dans Les Enfants du paradis (Marcel Carné, 1945) qu’il le donnera, se haussant au rang des monstres sacrés par la puissance de son jeu tout autant que par la verve de son esprit, littéralement porté, comme ses camarades, par le talent conjugué des auteurs. de cet admirable film, Prévert et Carné. Parmi les films intéressants qui jalonnent encore les quelque trente ans de carrière qui suivent : Le Pays sans étoiles (Georges Lacombe, 1945), Les Portes de la nuit (Marcel Carné, 1946), Petrus (Marc Allégret, 1946), Les Amants de Vérone (André Cayatte, 1949), Maître après Dieu (Louis Daquin, 1951), Le Plaisir (Max Ophüls, 1952), Porte des Lilas (René Clair, 1957), La Loi (Jules Dassin, 1958), La Tête contre les murs (Georges Franju, 1959), Dialogue des carmélites (Philippe Agostini, 1960), La Métamorphose des cloportes (Pierre Granier-Deferre, 1965), La Vie de château (Jean-Paul Rappeneau, 1966), Le Roi de cœur (Philippe de Broca, 1967), Benjamin (Michel Deville, 1968) et La Plus Belle Soirée de ma vie (E. Scola, 1972), son dernier film.
Avec la maturité est peu à peu apparue en pleine lumière une des composantes, jusqu’alors plus ou moins voilée, du comédien à travers ses personnages : le satanisme. Ce n’est pas un hasard s’il est Barbe-Bleue dans le film de Christian-Jaque (1951), l’inquiétant chirurgien des Yeux sans visage (Georges Franju, 1960) et le redoutable seigneur de Goto, l’île d’amour (Walerian Borowczyk, 1969) : avec l’âge, il a pris de la rondeur et de la puissance, et la petite gouape de Quai des Brumes a engendré l’amant jaloux des Portes de la nuit avant de déboucher sur les rôles de méchant, dans lesquels il semble être plus ou moins étiqueté à la fin de sa carrière. Étrange destinée (mais qui a été celle aussi de Jules Berry), comme si le degré extrême de l’extraversion était le signe d’un pouvoir de domination sur le commun des mortels, comme si la malédiction qui a pesé sur les comédiens pendant des siècles était la rançon d’une quelconque possession diabolique.
LE QUAI DES BRUMES – Marcel Carné (1938)
« T’as de beaux yeux, tu sais ! ». D’une simplicité presque banale, ces quelques mots suffisent pourtant à faire ressurgir tout un pan du cinéma français, et avec lui les figures qui l’ont bâti. À commencer par Jean Gabin, dont la célèbre phrase est devenue l’un des signes distinctifs. Les imitateurs du comédien l’ont d’ailleurs tellement galvaudée qu’en revoyant le film, on est presque surpris d’entendre Gabin la murmurer d’un ton si juste. Mais la réplique évoque évidemment aussi celle à qui s’adresse ce compliment, et dont le regard, dans la lumière irréelle du chef-opérateur Eugen Schufftan, brille de manière admirable.
LES ENFANTS DU PARADIS – Marcel Carné (1945)
Il y a quelque dix ans, Robert Chazal, dans un ouvrage de la collection « Cinéma d’aujourd’hui », chez Seghers, portait ce jugement définitif sur un film maintenant vieux d’une trentaine d’années : « Les Enfants du Paradis, c’est en définitive un film de première grandeur, aux richesses inépuisables, et qui n’a pas fini d’être en avance sur son temps ». Eh bien oui. A l’heure où le modernisme du style cinématographique rend caduques bien des œuvres qui paraissaient marquées du sceau du chef-d’œuvre impérissable, le film de Carné-Prévert a gardé toute sa force et sa beauté.
LUMIÈRE D’ÉTÉ – Jean Grémillon (1943)
Commençons par les femmes. Ni pin-up ni vamps chez Grémillon, mais des personnes à part entière, décidées, tourmentées. C’est vrai de Cri-Cri, ancienne danseuse devenue tenancière d’hôtel, ou de Michèle, jeune femme romantique venue là pour retrouver son amant. Ce marivaudage en altitude (les Alpes-de-Haute-Provence), hanté par le souvenir d’un crime, réunit des personnages à la dérive qui tentent de s’aimer.
LES PORTES DE LA NUIT – Marcel Carné (1946)
Après Les Enfants du paradis et quelques chefs-d’œuvre, le tandem Marcel Carné-Prévert se reconstitue pour un nouveau film, Les Portes de la nuit, avec Jean Gabin et Marlène Dietrich en vedettes. Mais au dernier moment, ils abandonnent le projet. Ils vont être remplacés par deux comédiens quasi-débutants : Yves Montand et Nathalie Nattier.
L’AFFAIRE NINA B – Robert Siodmak (1961)
« Qui veut dîner avec le diable doit avoir une longue cuillère » ce dicton médiéval figure aussi en exergue à un autre texte du prolifique Simmel, le roman L’affaire Nina B (1958). Son sujet porte à nouveau sur l ‘Allemagne de la fin des années 1950, avec ses cicatrices gênantes. «La majorité des gens qui vivent aujourd’hui dans ce pays ont un passé inavouable» constate le chauffeur privé Robert Holden, héros du roman. «Les uns étaient dans la SS, les autres se sont tus. Certains étaient des traîtres et d’autres criaient hourrah ! tout en accaparant les biens de leurs voisins. Mon patron, Monsieur B, dominait ses ennemis grâce à leur passé… »
LE MAGOT DE JOSEFA – Claude Autant-Lara (1963)
Le Magot de Josefa n’est pas un « grand » film dans la carrière de Claude Autant-Lara mais il laisse tout de même une bonne impression dans la série des farces villageoises, spécialités du réalisateur, rassemblant une belle brochette d’acteurs.
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