duminică, 19 iunie 2022

George Cukor / MY FAIR LADY – 1964

 
LA COMÉDIE MUSICALE

MY FAIR LADY – George Cukor (1964)

Mille costumes, dix-sept habilleuses, vingt-six maquilleuses, trente-cinq coiffeurs, des étoffes et des plumes venues de tous les pays, des fourrures rares, des bijoux en cascade… : My Fair Lady reste le plus altier et luxueux de tous les défilés de haute couture. Son créateur a un nom : Cecil Beaton, déjà directeur artistique du spectacle à Broadway qui avait lancé Julie Andrews. Pour le film, Jack Warner préféra Audrey Hepburn, doublée, pour le chant, par Marni Nixon. La star s’emploie d’abord à jouer à la marchande de fleurs des rues, « raclure de macadam » au fort accent cockney. Puis, au milieu du film, elle descend un escalier dans la plus merveilleuse des robes chrysalides, couronnée d’un diadème. À ce moment précis, Audrey-Eliza Doolittle devient la plus belle femme du monde. Il n’y a que Henry Higgins, arrogant professeur de phonétique, célibataire et misogyne, pour encore l’ignorer. Dans Pygmalion, la pièce de George Bernard Shaw, il ne le réalisait jamais, car le dramaturge ne traitait que de la mutation sociale de l’héroïne sans donner une bonne leçon sentimentale à ce mufle de Higgins. Le librettiste et le compositeur de la comédie musicale, Lerner et Loewe, s’en sont, eux, chargés. Le tout est mis en scène avec l’élégance et l’acidité de George Cukor. Éblouissant. [Guillemette Odicino – Télérama]

Pygmalion, la pièce de George Bernard Shaw a été créée en 1912. Une version cinématographique en a été tournée par Anthony Asquith et Leslie Howard en 1938 avec Wendy Hiller (Eliza), Leslie Howard (Higgins) , Scott Sunderland (colonel Pickering), Wilfred Lawson (Doolittle) et Marie Lohr (Mrs. Higgins). On peut d’ailleurs remarquer que le chef opérateur du film est Harry Stradling qui sera vingt-six ans plus tard également celui de My Fair Lady.

MY FAIR LADY – George Cukor (1964)

En 1956, Pygmalion devient une comédie musicale, My Fair Lady, signée Frederick Loewe et Alan Jay Lerner. Rex Harrison et Julie Andrews y obtiennent un triomphe. Harrison joue pendant deux ans le spectacle à New York et durant une année à Londres.

MY FAIR LADY – George Cukor (1964)

Jack L. Warner décide de porter My Fair Lady à l’écran et en achète les droits pour 5 500 000 dollars, une somme considérable. Jerome Robbins et Vincente Minnelli sont un moment envisagés comme metteurs en scène mais c’est finalement George Cukor qui est choisi. Reste à résoudre le problème des interprètes. Faut-il reprendre le couple Rex Harrison et Julie Andrews, déjà célèbre? Alan Jay Lerner le souhaite mais Warner récuse Julie Andrews, la jugeant connue à la scène mais pas assez à l’étranger. Audrey Hepburn lui est donc préférée. Lerner et George Cukor pensent à Peter O’Toole pour le rôle d’Higgins, Cukor refusant Cary Grant, proposé par Lerner. Rex Harrison est à son tour choisi. Cukor est favorable à ce qu’Emlyn Williams interprète Alfred Doolittle – on parle aussi de James Cagney pour le rôle – mais ce dernier est dévolu à Stanley Holloway.

MY FAIR LADY – George Cukor (1964)

« Pour moi, affirme CukorMy Fair Lady est une pièce avec de la musique. Si j’avais pensé à My Fair Lady comme à une comédie musicale, je ne l’aurais pas adaptée. » Il décide parallèlement de tourner le film en continuité, rigoureusement selon la montée dramatique de l’intrigue, afin de suivre parfaitement l’évolution du personnage d’Eliza, déclarant à ce propos : « J’ai essayé de faire d’Audrey Hepburn une Eliza, telle que l’a conçue Bernard Shaw: la digne fille de son père, une force de la nature, déchaînée, et libérée de toute entrave, douée d’une intelligence encore en sommeil, et qui s’éveillera peu à peu. Elle comprend alors que son antagoniste cache sous une carapace rebutante une nature d’élite. »

MY FAIR LADY – George Cukor (1964)

Cukor déclare par ailleurs : « Je n’ai pas cherché à modifié My Fair Lady. C’était parfait à la scène. J’ai tenu à conserver l’aspect théâtral de certaines scènes, comme le numéro d’Ascot. Tout le film est naturellement très stylisé. Cela le devait, c’est un film musical. Gene Allen s’occupa des décors, laissant les costumes à Beaton qui est un spécialiste de l’époque edwardienne. La pièce était en fait inspirée non pas de l’ œuvre originale de Shaw mais du film de 1938. Ce qui m’a le plus intéressé est le fait que c’était moins une intrigue amoureuse et romanesque qu’un affrontement de mentalités. » Tout semble opposer le monde glauque qui hante le marché de Covent Garden et cette haute société post-victorienne qui se délecte des courses d’Ascot et des bals à la mode.

MY FAIR LADY – George Cukor (1964)

Le tournage a pourtant été moins idyllique que prévu en raison de l’antagonisme qui va opposer Cukor à Cecil Beaton. « Celui-ci, avouait avec une grande amertume Cukor à Gavin Lambert, a été engagé pour les décors et les costumes en même temps que j’étais engagé comme metteur en scène. » De plus, Beaton, qui s’était déjà chargé du look artistique de My Fair Lady à New York et à Londres, avait un avantage de plus sur Cukor.

MY FAIR LADY – George Cukor (1964)

Alors que Gigi avait vu, quelques années plus tôt, Vincente Minnelli être parfaitement capable d’utiliser au mieux – et donc de juguler – le style Beaton, Cukor va très souvent succomber sous une avalanche de bibelots et de costumes. Certes, la décoration « Art nouveau » de l’appartement de Mrs. Higgins est une réussite et la demeure du Professeur témoigne d’un goût parfait mais la séquence de la course d’Ascot, même si Cukor la voulait « stylisée » en camaïeu noir, blanc et gris, et volontairement artificielle, demeure décevante.

MY FAIR LADY – George Cukor (1964)

Cecil Beaton, révèle fièrement le programme du film, a dessiné 1 086 costumes, dont le prix d’exécution a dépassé 500 000 dollars. Les décors ont coûté plus d’un million de dollars et ont occupé certains jours la quasi-totalité des vingt-six plateaux des studios de la Warner. Grâce à la perfection de ses trois interprètes principaux, Rex Harrison, Audrey Hepburn et Wilfrid Hyde White, Cukor parvient que ce soit dans « The Rain in Spain », chanté avec bonheur par les trois lorsque Higgins prend conscience de la métamorphose d’Eliza, ou dans « Wouldn’t it be loverly ? », à échapper au poids souvent exagéré de cette trop parfaite reconstitution d’époque pour laquelle les tapis d’Orient de la demeure de Higgins ont été reteints pour parfaire l’harmonie des couleurs. [La comédie musicale – Patrick Brion – Edition de la La Martinière (1993)]



L’HISTOIRE

1912 – Expert en linguistique, le professeur Henry Higgins (Rex Harisson) est attiré en traversant le marché de Covent Garden par une jeune marchande de fleurs, Eliza Doolittle (Audrey Hepburn) dont il note l’accent et les intonations. Il parie avec le colonel Pickering (Wilfrid Hyde-White) lui aussi passionné de linguistique, qu’il est capable de faire de la jeune fille une duchesse ou une vendeuse, ce qui exige de parler un meilleur anglais. Aidé de Pickering, Higgins entreprend donc de parfaire le langage d’Eliza. La première apparition en public d’Eliza, luxueusement habillée et véritablement métamorphosée, a lieu à Ascot. Le grand bal des Ambassades est un triomphe pour la jeune Eliza dont s’est épris Freddy Eynsford-Hill (Jeremy Brett) Ulcérée par l’attitude égoïste d’Higgins qui la traite comme un cobaye et non comme un être humain, Eliza le quitte et rejoint Covent Garden mais son propre père, Alfred , (Stanley Holloway) est prêt à se marier et à s’embourgeoiser. Eliza se réfugie chez Mrs. Higgins (Gladys Cooper) la mère d’Henry, qui a compris les qualités de la jeune fille. Finalement, Henry finit lui aussi par découvrir celles-ci, comprenant qu’il ne peut se passer d’elle.


La comédie musicale a été longtemps l’un des genres privilégiés de la production hollywoodienne, et probablement le plus fascinant . Né dans les années 1930, en même temps que le cinéma parlant, elle témoigna à sa manière, en chansons, en claquettes et en paillettes, de la rénovation sociale et économique de l’Amérique. Mais c’est dix plus tard, à la Metro-Goldwyn-Mayer, que sous l’impulsion d’Arthur Freed la comédie musicale connut son véritable âge d’or, grâce à la rencontre de créateurs d’exception (Vincente Minnelli, Stanley Donen) et d’acteurs inoubliables (Fred Astaire, Gene Kelly, Judy Garland, Cyd Charisse, Debbie Reynolds). Par l’évocation de ces années éblouissantes à travers les films présentés, cette page permet de retrouver toute la magie et le glamour de la comédie musicale.


PROGRAMME MUSICAL
« Wouldn’t It Be Loverly« 
Music by Frederick Loewe
Lyrics by Alan Jay Lerner
Performed by Audrey Hepburn (dubbed by Marni Nixon) and Ensemble
« I Could Have Danced All Night« 
Music by Frederick Loewe
Lyrics by Alan Jay Lerner
Music played during the opening credits
Performed by Audrey Hepburn (partially dubbed by Marni Nixon), Mona Washbourne, and chambermaids
« Ascot Gavotte« 
Music by Frederick Loewe
Lyrics by Alan Jay Lerner
Music Played during the opening credits
Performed by Christopher Riordan and Ensemble
« On the Street Where You Live« 
Music by Frederick Loewe
Lyrics by Alan Jay Lerner
Performed by Jeremy Brett (dubbed by Bill Shirley)
« Show Me« 
Music by Frederick Loewe
Lyrics by Alan Jay Lerner
Performed by Audrey Hepburn (dubbed by Marni Nixon) and Jeremy Brett (dubbed by Bill Shirley)

Qu’elle soit diablesse, lady, girl, affiche, âgée, aux camélias, en collant rose ou à deux visages, la femme occupe dans l’univers réaliste mais luxueux de George Cukor le devant de la scène. La femme en enfer, la dame damnée : Tarnished Lady (1931), ainsi s’intitule le premier film de George Cukor… Toute l’œuvre de Cukor est ainsi bâtie qu’elle n’est ni drame ni divertissement, et qu’elle refuse les limites d’un choix définitif. Pile, face, Cukor a filmé sur la tranche, dorée au soleil d’Hollywood.



Avec son titre repris régulièrement par la presse pour saluer l’avènement de la moindre vedette, A Star is born (Une Etoile est née) fait assurément partie des films les plus importants de l’histoire du cinéma américain. Il fut pourtant boudé à sa sortie, souffrant avant tout d’un montage tronqué par les exécutifs de la Warner. Mais peut-être le sujet du film lui-même a-t-il rebuté les spectateurs, tant il jette sur les coulisses de l’usine à rêves un éclairage peu reluisant

Avec Gaslight (Hantise), George Cukor délaissait la comédie pour s’essayer au film noir, genre forcément tentant pour un cinéaste passionné par le mensonge et la double identité. Pourtant, ce thriller victorien où un mari tente de rendre sa femme folle vaut surtout comme un superbe exercice de style où le son et la photo, l’atmosphère donc, comptent plus que l’histoire, prévisible.

Belle, blonde et sotte, Billie est la petite amie d’un homme d’affaire puissant mais véreux. Celui-ci profite de l’ignorance de sa compagne pour la compromettre dans des affaires louches, jusqu’à ce qu’elle découvre la vérité grâce à un journaliste engagé pour lui apporter un semblant d’éducation. Judy Holliday remporta l’oscar de la meilleur actrice en 1950 pour sa très drôle et brillante prestation dans le rôle de Billie, qu’elle interpréta aussi bien au théâtre qu’au cinéma.

Dinner at eight (Les Invités de huit heures), vaste huis clos donnant une entrevue des vies de personnalités du Who’s Who invitées à une soirée chic de Manhattan, est un subtil mélange d’humour et de mélodrame. Soutenu par le succès de Grand Hotel (Edmund Goulding, 1932), production du studio de l’année précédente mettant en scène de nombreuses stars, le producteur David O. Selznick aspirait à quelque chose d’encore plus grandiose, et l’a trouvé avec cette adaptation de la pièce de théâtre à succès de George S. Kaufman et Edna Ferber, réalisée par George Cukor.

A première vue, Les Girls pourrait facilement être rapproché d’Un Américain à Paris. Interprétées par Gene Kelly à six ans d’intervalle, ces deux comédies musicales ont pour cadre la capitale française, et résonnent des mélodies de deux géants de Broadway : Cole Porter, pour la première, George Gershwin pour la seconde. Mais la ressemblance s’arrête là, car à l’innocence du film de Minnelli, répond l’ironie de celui de Cukor.


Les années 1960 furent cruciales pour Hollywood : un contrôle sévère des budgets, la relève inéluctable de la vieille garde et une nouvelle génération de spectateurs favorisèrent l’éclosion d’idées et de talents nouveaux.


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ROBERT SIODMAK (1904 - 1973)