sâmbătă, 11 decembrie 2021

GEORGE CUKOR

 mon cinéma à moi 

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GEORGE CUKOR ou comment le désir vient aux femmes

GEORGE CUKOR (1899-83



Qu’elle soit diablesse, lady, girl, affiche, âgée, aux camélias, en collant rose ou à deux visages, la femme occupe dans l’univers réaliste mais luxueux de George Cukor le devant de la scène. La femme en enfer, la dame damnée : Tarnished Lady (1931), ainsi s’intitule le premier film de George Cukor.

Tarnished Lady (1931)

Sur cette scène, la femme vit, au moment où scintillent les rampes, s’illuminent les herses et les regards des hommes, où s’ouvrent les rideaux, comme un pan de mystère. Impératrice inaccessible, même quand elle est, My Fair Lady (1964), miséreuse, elle pleurniche, froufroute, se saoule de mots, de gin et de musique, chante, fait de l’esprit, porte la culotte ou retourne chez sa mère. Dans un même mouvement de trépidation sophisticated, en un échevelé tourbillon, comme s’il s’agissait tout à coup pour elle de prendre de vitesse les assauts du temps, de semer les menaces (typiquement masculines) de la société de profit, de fuir les foudres de l’establishment.

My Fair Lady (1964)

Que Cukor ait tourné la même année (1941) A Woman’s Face (Il était une fois) et Two-Faced Woman (La Femme aux deux visages) n’est qu’un indice entre mille de cette passion dévorante qu’il éprouve pour l’être du beau sexe quand il est en souffrance, qu’il se donne en spectacle heureux ou qu’il fait tout cela à la fois : A Star Is Born (Une Etoile est née, 1954), mais aussi The Actress (1953).

A woman’s Face (1941)

la Femme déchue de tant d’œuvres Cukoriennes ne cesse de l’être que pour briller un instant d’ultimes feux : Camille (Le Roman de Marguerite Gautier, (1936), Les Girls (1957), Travels With My Aunt (Voyages avec ma tante, 1972) avant de regagner l’ombre pour se change en mythe : ainsi de l’héroïne déchirée de Bhowani Junction (La Croisée des destins, 1957), des victimes du méconnu Chapman Report (Les Liaisons coupables, 1962), de l’inaccomplie Justine (1969) reprise des mains du gâte-chefs-d’œuvre Joseph Strick.

Two-Faced Woman (1941)

Ainsi surtout d’Esther Blodgett changée en Vicky Lester dans l’incomparable A Star is born : c’est encore une fois une double vie que Cukor nous raconte, celle d’une chanteuse de chorus promue au rang de star par un comédien miné par l’alcoolisme. S’il n’est pas, plastiquement, le plus satisfaisant de Cukor, c’est en tous cas son film le plus émouvant. D’abord parce que l’analyse en abîme du spectacle hollywoodien annonce la mort de la capitale du cinéma, ensuite parce que l’histoire de ce comédien Pygmalion, fasciné par la destruction, le scandale et la déchéance rappelle de très près le destin même de Judy Garland. Comme si Cukor, brusquement, avait pressenti les moments tragiques qui attendaient sa vedette. .

Tout l’art de Cukor tient à la fois au respect du genre (le drame musical) et aux mythes qu’il doit nécessairement entretenir (star-system) et faire fonctionner du mieux possible (cf. les emboîtements successifs du spectacle, en particulier le numéro Born ln a Trunk), et à l’éclatement de ces mêmes mythes qui connaissent dans A Star is born leurs derniers instants : ce n’est pas un hasard si presque chaque séquence est traversée d’autres écrans (télévision, écran de cinéma, écran agrandisseur dans la scène de la remise des oscars) : la réalité ne doit intervenir qu’au dernier instant, le rêve doit être préservé, même s’il est en agonie. D’où ces couleurs froides, volontiers bleues ou bistres, cette absence de « glamour » dans la façon de filmer les scènes musicales.

The Actress (1953)

A Star is born marque une date : celle où le « musical » revient sur lui-même pour se critiquer, celle surtout où la Femme, tout produit inaccessible qu’elle soit, redevient une femme aimante, qui souffre dès qu’elle repose ses deux pieds gracieux sur le sol. En fait, si George Cukor s’intéresse autant à la femme, c’est parce qu’elle constitue à ses yeux non seulement l’un de problèmes fondamentaux de l’Amérique, mais aussi le moyen idéal par quoi dénoncer, sur un mode ironique, charmant, cinglant et distingué, maints travers de la société américaine.

Camille (1936)

Magnifiée par des comédiennes aussi racées que Greta Garbo, Katharine Hepburn, ou Marilyn Monroe, l’histoire de la femme moyenne permet d’exposer des situations qui, sans le recours à la beauté dramatisée, pourraient paraître sordides ou tout au moins ennuyeuses. Se passionnerait-on autant pour une avocate féministe en mal d’époux modèle si Katherine Hepburn n’en faisait le personnage le plus délirant qui soit dans Adam’s Rib (Madame porte la culotte, 1949) l’amoureuse à la croisée d’une double appartenance ethnique de Bhowani Junction serait-elle aussi émouvante s’il n’y avait pour raider à vivre le regard mauve d’Ava Gardner, sa plastique superbe, ses gestes inquiets d’être humain en total désaccord avec lui-même ? Cette manière de styliser la réalité sans jamais dévier vers l’impossible rêve est la marque de Cukor, dont l’œuvre peut se partager en deux périodes.

Les Girls (1957)

Avant la guerre, tributaire de producteurs intelligents mais guère cultivés, le cinéaste dut mettre en valeur des comédiennes qu’il fallait cadrer serré pour masquer leur maladresse figée : Norma Shearer dans Romeo and Juliet (1936), Constance Bennett dans What Price Hollywood ? (1932) ou Our Betters (Haute Société, 1933), insupportables stars du chichi.

Travels With My Aunt (1972)

Académisme et bon goût emprisonnent Cukor, qui apprend son métier en bon assistant. Il tourne un film initialement prévu pour Lubitsch et que ce dernier déteste, One Hour With Vou (Une heure près de toi, 1932), où Jeannette Mc Donald et Maurice Chevalier restreignent leurs roucoulades glycérinées ; réunit pour la première fois Katharine Hepburn et Cary Grant dans l’honnête Holiday (Vacances, 1938) ; filme avec précision l’ennuyeux David Copperfield (1935) ; tourne Romeo and Juliet avec des quadragénaires ; se penche sur le sort palpitant de Little women (Les  Quatre filles du docteur Marsh, 1933) où, seuls, se remarquent les décors du très décadent Van Nest Polglase. Puis, échec des échecs (financiers), ilot de rêve, première clé-Cukor, c’est Sylvia Scarlett, la magnifique.

Bhowani Junction (1955)

Ce joyau où s’effacent les frontières du drame et de la comédie sur les chapeaux de roues lyriques d’un cirque picaresque est un des premiers films à instituer en règle absolue la rupture de ton délibérée. Folle poursuite où les apparences changent à chaque bobine, Sylvia Scarlett, histoire d’amour et de théâtre, est un jeu érotique par excellence : le spectacle y fait l’amour avec la vie, les masques y caressent le réel des visages en un éclairage surexposé de songe surréaliste.

Chapman Report (1962)

De ce désastre commercial, Cukor se remet mal, et plonge dans la Belle Epoque pour noyer ses pleurs : Camille le mélodrame guindé, avec poses en cygne, foudroyé, mouchoirs trempés dans du champagne et rédemptions douloureuses. D’un goût parfait, le film nous donne envie de voir la version sexy tournée, parait-il (dixit Kenneth Anger), en même temps, et où Robert Taylor titillait avec impatience la poitrine tout à coup mieux portante d’une Garbo brusquement coquine. Il en circule des copies du côté de Berverley Hills. Puissent-elles bientôt traverser l’Atlantique.

Adam’s Rib (1949)

Inter-période : la Seconde Guerre mondiale. Un monument : Gone With the Wind (Autant en emporte le vent, 1939), sur lequel George Cukor travaille trois semaines avant d’être renvoyé pour s’être davantage attaché aux gros plans de Vivien Leigh et d’Olivia de Havilland qu’à ceux de l’irascible Clark Gable. Détail important : l’intérêt que porte alors Cukor à ses personnages masculins est moindre, il ne les met en valeur que par obligation ou se contente de les laisser faire quand ils ont du talent : le John Barrymore de Dinner At Eight (Les Invités de huit heures, 1933) jouait plus qu’il n’était dirigé, rajoutait des effets saisissants, un mot, une chute de phrase, et W. C. Fields de même dans David Copperfield. Ça tombait bien : Fields était un idéal personnage de Dickens.

David Copperfield (1935)

Attention moindre de Cukor pour ses comédiens, donc, que Women (1939) confirme. Ici, rien que des femmes. Qui s’adorent, de tous leurs ongles, avouera Cukor. Le film est aujourd’hui seulement visible pour la direction d’actrices, d’une hallucinante précision, qui est comme toujours chez le réalisateur à la fois hommage aux comédiennes et réflexion critique sur leur jeu. En un film, il a tout dit de Joan Crawford, tout révélé sur l’encore inexperte Joan Fontaine : une façon de porter la main à une jupe, une manière de se déplacer, les actrices donnent au Pygmalion Cukor le meilleur d’elles-mêmes pour qu’il le transcende, et dans Women se déchirent avec l’élégance la plus monstrueuse.

Romeo and Juliet (1936)

Avant de payer son obole au Service cinématographique des Armées, Cukor a le temps de rencontrer un producteur qui deviendra bientôt un fabuleux cinéaste : Joseph L. Mankiewiecz. C’est lui et la MGM qui produisent la première grande comédie de Cukor : Philadelphia Story (Indiscrétions, 1940). .

What Price Hollywood ? (1933)

Dans une vaste demeure au milieu d’un parc, un couple rompt brutalement et ne va cesser de se poursuivre, tandis que le duo devient trio, à travers une série de variations où la critique sociale de la grande bourgeoisie philadelphienne (dont est issue par exemple la Grace Kelly qui, coïncidence, devait être l’héroïne du remake de Philadelphia StoryHigh Society, signé Charles Walters) loin d’être féroce ou seulement appuyée, donne lieu à des arabesques poétiques d’une grande causticité, mais aussi d’un charme musical envoûtant. A la fois vestale et déesse de l’amour, Katharine Hepburn traverse avec humour et distinction cette merveilleuse bande brise-vertu où l’on voit rebondir une petite fille boulotte, étrange diable disneyen, mais réaliste. qui apporte son poupin quotidien dans le plus planant des univers.

Holiday (1938)

Le décor du film, somptueusement blanc-crème, évoque un théâtre aéré et nous donne une autre clé du cinéma de Cukor. Le théâtre, le spectacle dans lequel s’élabore un autre spectacle où déguisements et maquillages occupent une place capitale. Ce thème de la transformation de l’apparence, non point souhaitée seulement, mais bien réelle (c’est le contraire de la thématique minnellienne, fondée sur l’imaginaire), est illustré tout au long de l’œuvre : Maggie Smith, qui n’a pas trente ans, joue une octogénaire dans Travels With My Aunt ; Sophia Loren d’ordinaire brune et vulgaire campe une blonde Louis XV dans Heller in Pink Tights (La Diablesse en collant rose, 1960) ; Katharine Hepburn se fait passer pour un jeune garçon dans Sylvia Scarlett Ava Gardner change d’apparence, dans Bhowani Junction, selon qu’elle se trouve du côté indien ou du côté britannique ; Judy Garland adopte presque une autre enveloppe charnelle lorsqu’elle devient la Vicky Lester dans A Star is Born ; Audrey Hepburn cesse d’être une souillon vendant des violettes, l’œil rouge et les cheveux drus. pour se muer en My Fair Lady, chef-d’œuvre d’architecture de chair, tout en perruques, boucles, bracelets et beau langage.

Little women (1933)

De ce dernier film. moins novateur que bien des autres Cukor dans la mesure où il est prisonnier d’un genre (l’adaptation cinématographique – désolante facilité – des succès scéniques de Broadway), un plan symbolise à la perfection la démarche du cinéaste : au derby d’Ascot, décoré par Sir Cecil Beaton dans le goût classique des fastes victoriens, le carton-pâte est soudain traversé par de véritables chevaux de course. Cette ambiance avec laquelle le metteur en scène nous plonge, sans prévenir, de la féérie dans le réalisme brutal est une de ses constantes, comme s’il lui fallait, par ce procédé de « douche écossaise », prendre ses distances, amener une séquence critique en regard de la précédente.

Sylvia Scarlett, (1935)

On trouve cela dès le premier film de la seconde époque Cukor. la période post-war. Dans Keeper of the Flame (La Flamme sacrée, 1942), en effet, où Katharine Hepburn rencontre pour la première fois Spencer Tracy, il y a d’une part un mélodrame typique de la MGM, feutré à voix basses dans le vieux velours, et de l’autre un postulat réaliste : la veuve fait tout pour qu’on évoque à peine son défunt mari, homme célèbre et adulé (l’apparence), mais au fond fasciste intégral (la vérité), si bien que l’atmosphère, d’abord émouvante et conventionnelle, se charge peu à peu d’un climat d’oppression qui rend d’ailleurs le film inclassable.

Cette difficulté d’identification d’un film de Cukor à l’intérieur d’un genre bien défini correspond exactement à cette double identité qu’il illustre dans la majeure partie de sa production : le séduisant milliardaire de Let’s Make Love (1960) s’efforce de ressembler à un comédien pauvre et sans talent (Montand est magnifique sur cette vertigineuse corde raide, à fois démon et pantin, cabot et dandy), donne à la jolie danseuse de chorus une illusion parfaite, que tout le monde prend du reste pour une vérité : c’est là l’essence même du spectacle qui apparaît.

The Women (1939).

De même, le mari d’Ingrid Bergman dans Gaslight (Hantise, 1944)  ressemble à l’époux parfait, tandis qu’il s’ingénie à faire croire que son épouse est folle. Sur ce sujet vaguement hitchcockien. Cukor n’abandonne jamais le réel, ne se laisse pas fasciner, même dans quelques gros plans très beaux, très troubles (troublants) de l’actrice – qui prend au début l’apparence d’une petite fille -, joue de la double personnalité des personnages en évitant le déséquilibre, sans jamais donner le beau rôle à l’une ou l’autre. L’angoisse y revient non pas de quelque « truc » visuel, mais au contraire de l’apparente Impassibilité des traits de la comédienne, de cette fatidique balance du destin dont on ne sait, jusqu’à l’épilogue, quel plateau, fléchira devant l’autre.

Philadelphia Story (1940)

Gaslight n’était pas un film policier, comme plus tard, contre toute attente (pour les producteurs, du moins), Heller in Pink Tights refusa d’être un western. Ne jouant sur aucune des mythologies du genre, Cukor préféra l’exactitude maximale, faisant, de sa troupe de comédiens parcourant l’Ouest, des acteurs bien réels accomplissant leurs performances respectives à l’intérieur d’un double théâtre : le petit groupe joue sur ses tréteaux, eux-mêmes point minuscule dans un théâtre plus gigantesque : l’Amérique du Far West, avec ses sagas, ses excès, ses stéréotypes.

Heller in Pink Tights (1960)

Tout l’art de Cukor tient dans ce jeu de poupées russes : comment, dans le cadre du spectacle qu’est un film se monte un second spectacle, mise en scène à l’intérieur d’une autre mise en scène, où tel personnage joue un rôle différent du sien par l’intermédiaire d’un autre protagoniste, ce dernier faisant office de metteur en scène. Dans Les Girls, en plus du film proprement dit, nous avons le procès avec ses effets de manches, de narines, de mots, puis les trois histoires où chaque héroïne se met en scène en flash-back (où elle se réserve le premier rôle) dans le spectacle de music-hall d’une part dans celui de sa propre existence d’autre part. C’est l’œuvre en abîme par excellence.

Keeper of the Flame (1942)

Par rupture de tons, nous l’avons dit, mais aussi par prise de conscience. C’est le sujet des trois comédies on ne peut plus américanissimes que Cukor tourna avec la regrettée .Judy Holliday. Joli pseudonyme ô combien cukorien : Judy comme Garland (une star est née, juste avant l’autre), Holliday comme Holiday, Cukor mineur de dix-neuf-cent-trente-huit. Cette blonde, opiniâtre et pétulante apprend comment l’esprit vient aux femmes américaines, s’en retourne chez sa maman, et finit par s’afficher, géante, vulgaire, irréelle comme l’Anita Ekberg de Boccace 70, entre deux gratte-ciels.

Let’s Make Love (1960)

Born Yesterday (Comment l’esprit vient aux femmes, 1950) (avant A Star Is Born : permanence d’un même vocabulaire cukorien : born, women, face, life, marriage), The Marryigg Kind (Je retourne chez maman, 1952) et It Should Happen to You (Une femme qui s’affiche, 1953) constituent trois témoignages typiquement américains sur l’aspect insolite de la vie aux Etats-Unis.

Gaslight (1944)

L’univers des héroïnes de ces trois films serait d’une mesquinerie à faire hurler si, justement, l’existence américaine baignait dans le vulgaire ou la petitesse. Or, jamais : même si ces comédies n’ont à aucun moment le velouté « glamourous » de la série Hepburn (Katharine, mais aussi Audrey), elles nagent dans le loufoque. A la photo souvent cruelle, crue, noirâtre, sans apprêt, aux vêtements ternes, communs s’oppose le délire des péripéties : Cukor y stigmatise puritanisme, toute- puissance de l’argent et domination grandissante de la publicité, avec la complicité d’un couple de scénaristes comme on n’en fit qu’un : Garson Kanin et Ruth Gordon (la vieille dame émouvante de Harold And Maude et la sorcière de Rosemary’s Baby).

La mise en situations extraordinaires des personnages les plus ordinaires fait le prix de ces satires jamais faciles ni larmoyantes. Dans Born Yesterday, Judy Holliday se laissait entretenir, bébête et crédule, par un milliardaire plutôt escroc avant de prendre conscience de son état grâce à un journaliste érudit. Et démocrate, est-il précisé. Elle deviendra une bonne Américaine, consciente de l’existence de certaines valeurs qu’elle fera semblant de respecter pour mieux les contourner. Attitude typique de Cukor cinéaste : il tourne un film d’aventures, Wild is the Wind (Car sauvage est le vent,1957), mais s’arrange pour que cela ne se voie pas, ou bien il fait d un matériau douteux (le livre) un classique de l’enfer là, des femmes sans amour avec Chapman Report.

The Marrying Kind (1952)

Ce film, qui prolonge les comédies de l’époque Holliday, avec ses séquences souvent très audacieuses (Zanuck en coupa beaucoup, la version vue en France est considérablement amputée, notamment du viol de Claire Bloom), prouve que pour le cinéaste, la transformation des personnages ne s’effectue pas au travers de l’œuvre d’art, comme chez Minnelli, mais par la connaissance : les dames psychanalysées dans Chapman Report atteignent une partie au moins de leur vérité, par l’intermédiaire du psychanalyste. Dans Born Vesterday, nous l’avons noté, c’était un journaliste ; dans My Fair Lady, la boutiquière se métamorphose grâce à l’immense culture de son Pygmalion ; dans A Star Is Born, c’est un comédien, nous l’avons vu, qui transforme son épouse en vedette.

It Should Happen to You (1953)

Ce mariage de l’innocence et de la connaissance peut aussi déboucher sur un divorce : c’est le sujet de The Marrying Kind, de Adam’s Rib, tragédies déguisées en virevoltantes comédies. Le statut du couple dans la société américaine, et quelle que soit la forme de ce couple, a toujours passionné Cukor : mari-femme, amants, mais aussi neveu-tante (combinaison qui s’avère être finalement : fils-mère) pour Travels With My Aunt.

Wild is the Wind (1957)

Fragilité de la gent féminine écrasée par le sexe mâle omniprésent, déchirement dus à ces diables qui hantent les structures de la société, l’inadéquation entre les aspirations de la femme avec les exigences de cette même société, c’est aussi, éclairée par trois lampes 1900 et un violon valseur, l’histoire de Travel Wlth My Aunt, testament espagnol de Cukor qui reconstruit à Alméria les lambris du buffet de la Gare de Lyon et qui, peignant son aventurière (il voulait pour le rôle sa vieille amie Katharine Hepburn, toujours elle) lui fait hausser une épaule décharnée devant un portrait d’elle par Modigliani. Evitant le mélodrame par le clin d’œil, le metteur en scène termine son film sur une pièce d’or lancée en l’air et dont nous ne verrons ni face ni pile.

Marilyn Monroe et George Cukor pendant le tournage de Something’s Got to Give (1962)

Toute l’œuvre de Cukor est ainsi bâtie qu’elle n’est ni drame ni divertissement, et qu’elle refuse les limites d’un choix définitif. Pile, face, Cukor a filmé sur la tranche, dorée au soleil d’Hollywood. [George Cukor ou comment le désir vient aux femmes – Michel Grisolia – Cinéma 74 (n°184 – février 1974)]

George Cukor

le film dépeint une pauvre marchande de fleurs Cockney nommée Eliza Doolittle qui surprend un professeur de phonétique arrogant, Henry Higgins, alors qu’il parie avec désinvolture qu’il pourrait lui apprendre à parler « correctement » anglais , la rendant ainsi présentable dans la haute société de Londres édouardienne .

Avec son titre repris régulièrement par la presse pour saluer l’avènement de la moindre vedette, A Star is born (Une Etoile est née) fait assurément partie des films les plus importants de l’histoire du cinéma américain. Il fut pourtant boudé à sa sortie, souffrant avant tout d’un montage tronqué par les exécutifs de la Warner. Mais peut-être le sujet du film lui-même a-t-il rebuté les spectateurs, tant il jette sur les coulisses de l’usine à rêves un éclairage peu reluisant

A première vue, Les Girls pourrait facilement être rapproché d’Un Américain à Paris. Interprétées par Gene Kelly à six ans d’intervalle, ces deux comédies musicales ont pour cadre la capitale française, et résonnent des mélodies de deux géants de Broadway : Cole Porter, pour la première, George Gershwin pour la seconde. Mais la ressemblance s’arrête là, car à l’innocence du film de Minnelli, répond l’ironie de celui de Cukor.

Belle, blonde et sotte, Billie est la petite amie d’un homme d’affaire puissant mais véreux. Celui-ci profite de l’ignorance de sa compagne pour la compromettre dans des affaires louches, jusqu’à ce qu’elle découvre la vérité grâce à un journaliste engagé pour lui apporter un semblant d’éducation. Judy Holliday remporta l’oscar de la meilleur actrice en 1950 pour sa très drôle et brillante prestation dans le rôle de Billie, qu’elle interpréta aussi bien au théâtre qu’au cinéma.

Dinner at eight (Les Invités de huit heures), vaste huis clos donnant une entrevue des vies de personnalités du Who’s Who invitées à une soirée chic de Manhattan, est un subtil mélange d’humour et de mélodrame. Soutenu par le succès de Grand Hotel (Edmund Goulding, 1932), production du studio de l’année précédente mettant en scène de nombreuses stars, le producteur David O. Selznick aspirait à quelque chose d’encore plus grandiose, et l’a trouvé avec cette adaptation de la pièce de théâtre à succès de George S. Kaufman et Edna Ferber, réalisée par George Cukor.

Avec Gaslight (Hantise), George Cukor délaissait la comédie pour s’essayer au film noir, genre forcément tentant pour un cinéaste passionné par le mensonge et la double identité. Pourtant, ce thriller victorien où un mari tente de rendre sa femme folle vaut surtout comme un superbe exercice de style où le son et la photo, l’atmosphère donc, comptent plus que l’histoire, prévisible.


Sortie aux États-Unis en mars 1932, la quatrième comédie musicale de Lubitsch confirme l’attrait exercé sur le public par Jeanette MacDonald et le titi parisien Maurice Chevalier. 


Lana Turner et George Cukor pendant le tournage de A Life of Her Own (1950)

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