sâmbătă, 14 decembrie 2024

Laurence Olivier (1907-1989)

 

Les Actrices et Acteurs

LAURENCE OLIVIER

Considéré comme l’un des plus grands acteurs de théâtre de son temps, Laurence Olivier s’est aussi révélé comme l’un des meilleurs cinéastes britanniques en réalisant trois magistrales adaptations de Shakespeare à l’écran, qui sont devenues de véritables classiques.

Spencer Tracy a dit un jour de lui qu’il était « le plus grand de tous les acteurs de cinéma », compliment d’autant plus remarquable qu’il venait de l’un de ceux qui eussent légitimement pu prétendre à ce titre. Pourtant, parce que Laurence Olivier s’est toujours considéré avant tout comme un acteur de théâtre (sa car­rière sur la scène lui valut d’ailleurs le premier titre de lord jamais conféré à un comédien), la plupart des critiques anglo­saxons ont eu longtemps tendance à négliger ses rôles à l’écran. Laurence Olivier n’en a pas moins tourné un peu plus d’une soixantaine de films, au pre­mier rang desquels figure sa fameuse trilogie shakespearienne composée de Henry V (1944), Hamlet (1948) et Richard III (1955). Les débuts de sa carrière cinéma­tographique remontent à 1930, année pendant laquelle il apparaît au générique de deux films dans Too Many Crooks de George King et dans La Veuve temporaire (The Temporary Widow), comédie ger­mano-britannique de Gustav Ucicky, qui ne devait du reste pas lui laisser un impérissable souvenir.

Consécration hollywoodienne

Pendant les années 1930, Laurence Olivier borne sa contribution au septième art à des rôles de jeunes premiers romantiques qui lui attirent les faveurs de Hollywood non sans quelques déboires d’ailleurs ; Greta Garbo le fera ignominieusement chasser du plateau de La Reine Christine (Queen Christina, 1933). Les films qu’il tourne alors en Angleterre ou aux Etats-Unis ne sont toutefois pour lui qu’un moyen commode de gagner de l’argent entre deux pièces de théâtre, et il faut bien dire que, malgré un premier rôle shakespearien (celui d’Orlando) dans Comme il vous plaira (As You Like It, 1936) de Paul Czinner, il a toute raison de penser qu’il n’est pas fait pour le cinéma. D’autant que son prestige ne cesse de croître au théâtre et que les producteurs ne lui proposent guère que des rôles refusés par Leslie Howard ou Ronald Colman. En outre son jeu demeure exclusivement théâtral, même dans une production à succès comme L’Invincible Armada (Fire Over England, 1937) de William K. Howard, le premier des trois films qu’il devait tourner avec Vivien Leigh, sa future seconde épouse.

C’est seulement sous la direction de William Wyler, qui lui confie le rôle de Heathcliff dans Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights, 1939), que Laurence Olivier va prendre conscience de ses pos­sibilités à l’écran et trouver une sorte de consécration internationale. Cette adapta­tion, au demeurant fort académique du roman d’Emily Brontë, lui vaut une nomination à l’Oscar d’interprétation -­ belle revanche pour l’acteur, qui s’était d’abord vu préférer Ronald Colman, qui n’était pas disponible, et Robert Newton, dont les essais avaient été catastrophi­ques. Plus tard, Laurence Olivier avouera avoir eu, jusqu’aux Hauts de Hurlevent, une attitude plutôt condescendante à l’égard du cinéma : « Mais, à partir de là, j’ai commencé à comprendre que le cinéma était un moyen d’expression ori­ginal, et que si on le considérait comme tel que l’on s’efforçait de l’aborder avec humilité, il était possible d’arriver à quelque chose… » Il reconnaîtra que sans les conseils de William Wyler jamais il n’aurait eu l’idée de réaliser Henry V, cinq années plus tard.

En attendant, Laurence Olivier sera l’admirable partenaire de Joan Fontaine dans Rebecca (1940) d’Alfred Hitchcock et tournera Lady Hamilton (That Hamilton Woman !, 1941) sous la direction d’Alexander Korda. Si Lau­rence Olivier était resté à Hollywood, il ne fait aucun doute qu’il serait devenu l’un de ces acteurs romantiques très bri­tanniques dont raffolaient les spectateurs américains. Mais comme il devait un jour le dire un peu durement : « Je n’ai aucune envie de devenir l’une de ces vedettes de cinéma du genre de ce cher Cary. » C’est que Laurence Olivier avait alors en tête des projets beaucoup plus personnels, liés à sa passion pour l’œuvre de Shakespeare.

Shakespeare à l’écran

Né le 22 mai 1907 à Dorking, dans le Surrey, Laurence Kerr Olivier était le fils d’un pasteur qui eût souhaité le voir sui­vre une vocation ecclésiastique. Mais le théâtre exerçait sur lui une telle fascina­tion que, à l’âge de dix-sept ans, il aban­donna ses études à l’université d’Oxford pour recevoir l’enseignement du célèbre comédien Fogerty. Engagé dans la troupe du Birmingham Repertory Thea­tre, il jouera de 1930 à 1938 à l’Old Vic, où il ne tardera guère à devenir le plus grand acteur shakespearien de sa généra­tion. Et c’est avec le sentiment d’être personnellement investi d’une mission qu’il décidera de mettre les œuvres du dramaturge à la portée du grand public en assurant leur transposition à l’écran.

Laurence Olivier avait d’abord espéré que Vivien Leigh, qu’il avait épousée aux Etats-Unis après avoir divorcé de sa pre­mière femme, pourrait participer à ses projets : leur association avait fait d’eux l’un des couples d’acteurs les plus en vue de la profession, encore qu’à la scène, Vivien Leigh n’ait pas toujours fait le poids face à son talentueux parte­naire. Malheureusement, à la suite du succès phénoménal d’Autant en emporte le vent (Gone With the Wind, 1939), celle qui avait incarné Scarlett O’Hara se vit interdire par David O. Selznick de se produire dans des rôles « insignifiants », fussent-ils sortis de l’imagination de Sha­kespeare… C’est la raison pour laquelle Laurence Olivier dut renoncer à donner à Vivien Leigh le rôle de la princesse Katherine dans Henry V, la première de ses trois adaptations shakespeariennes.

A l’origine, Laurence Olivier voulait confier la réalisation du film à William Wyler. La chose s’étant révélée impossible, il lui fallut se résoudre à se charger lui-même de la mise en scène, tout en jouant le rôle-titre. En fait, ainsi que l’historien britannique Roger Manvell devait le souligner, le projet n’aurait pro­bablement jamais abouti sans l’interven­tion d’un excentrique avocat italien, Filippo Del Giudice, qui avait déjà convaincu Noel Coward de réaliser Ceux qui servent en mer (In Which We Serve, 1942), et qui était à la recherche d’un « classique » patriotique susceptible de coïncider avec le débarquement en Normandie…

Avec un budget de 300 000 livres (qui ne fut dépassé que d’un tiers), Laurence Olivier a procédé à un traitement audacieux du texte original, coupant un quart de la pièce et ajoutant la magnifique séquence de la bataille d’Azincourt (tour­née en Irlande), ainsi que la scène de la mort de Falstaff, empruntée à « Henry IV ». Cette scène, introduite en manière de flash-back, avait pour but d’expliquer la disgrâce du vieil homme. La décision de commencer et de finir le film dans le cadre traditionnel du Shakespeare’s Globe Theatre et de faire jouer Falstaff par le célèbre comédien de music-hall George Robey témoignait d’un rare cou­rage professionnel. Le film fut une réus­site, Laurence Olivier ayant su donner une réelle dimension cinématographique à une mise en scène qui, fondée sur la convention élisabéthaine, s’élargit peu à peu pour aboutir au superbe spectacle de la bataille d’Azincourt, ainsi que le font observer Raymond Lefèvre et Roland Lacourbe dans « Trente Ans de cinéma britannique ».

Bien que le coût de Henry V n’ait été amorti qu’après plusieurs années d’ex­ploitation, son succès auprès du public incita immédiatement Laurence Olivier à poursuivre son entreprise avec Hamlet. Il n’était pas bien certain d’être parfaite­ment désigné pour interpréter personnel­lement Hamlet. Il n’en fut pas moins remarquable. Quant à la mise en scène, très différente de celle de Henry V, elle se caractérise par un souci de réalisme décoratif et, surtout, par une virtuosité cinématographique qui ne laisse peut-être pas, parfois, d’être excessive : on dirait que la caméra, extrêmement mobile, s’introduit dans tous les recoins de l’œuvre, épousant le mouvement dramatique en de savantes arabesques – au détriment d’une certaine concentration. Ces réserves faites, et malgré les nom­breuses coupes qui firent sursauter les puristes, le Hamlet de Laurence Olivier est impressionnant.

Les chevaux du roi Richard

Tournée en technicolor comme Henry V (alors que Hamlet était en noir et blanc), la troisième et dernière adaptation shakespearienne de Laurence Olivier est souvent considérée comme la plus forte et la plus aboutie cinématographique­ment. Pourtant, l’acteur-réalisateur en avait proposé la réalisation à Carol Reed, souhaitant se consacrer entièrement à son interprétation. Le refus de Reed fut somme toute bénéfique. Raymond Lefè­vre et Roland Lacourbe écrivent : « Dans Richard III, Laurence Olivier mise sur­tout sur l’interprétation du personnage central qu’il campe, sous un maquillage enlaidissant, d’une manière aussi personnelle qu’efficace. Ses apartés avec les spectateurs sont d’une audace surpre­nante et permettent d’approcher progressivement la psychologie de étrange et inquiétant tyran qui multiplie les crimes les plus odieux. (…) Le mélange des genres propres à Shakespeare trouve un équivalent visuel dans la manière d’alter­ner des langages cinématographiques apparemment opposés. La stylisation la plus poussée s’harmonise avec le réalisme cinématographique traditionnel, la nuance fugace avec le paroxysme. »

Aux Etats-Unis, à la suite d’un accord sans précédent avec la N.B.C., Richard III fut d’abord programmé à la télévision. La diffusion du film était interrompue à trois reprises par des flashes publicitaires de la General Motors, dont l’un vantait une batterie de voiture « plus puissante que tous les chevaux du roi Richard »

Avec John Osborne

Les recettes enregistrées par Henry VHamlet et Richard III furent cependant insuffisantes pour décider un producteur à financer l’adaptation de « Macbeth », que Laurence Olivier avait ensuite envi­sagée. La suite de sa carrière cinémato­graphique en sera profondément affectée. Si la réalisation du Prince et la danseuse (The Prince and the Showgirl, 1957), qu’il interprétait aux côtés de Marilyn Monroe, n’a rien ajouté à sa gloire, si son adaptation des « Trois Sœurs » de Tchekhov (Three Sisters, 1970) ne s’écarte guère du principe du théâtre filmé, Laurence Olivier devait toutefois, mais en tant qu’acteur seulement, retrou­ver l’occasion de marquer profondément le cinéma britannique : ce fut avec Le Cabotin (The Entertainer, 1960) de Tony Richardson. Tiré d’une pièce de John Osborne, que Laurence Olivier avait créée à la scène, ce film attestait la pas­sion qui habitait le grand acteur shakes­pearien, capable de mettre en jeu son prestige pour apporter son soutien à l’œuvre de l’un de ces « jeunes gens en colère » qui suscitaient tant de controver­ses au sein du monde intellectuel londo­nien. Mais il avait compris que le rôle d’ Archie Rice était l’un des plus forts qu’il lui ait été donné de jouer.

Par la suite, Laurence Olivier fera de nombreuses apparitions à l’écran, souvent savoureuses comme dans Le Limier (Sleuth, 1972) de Joseph L. Mankiewicz. Mais ce sera essentiellement afin de résoudre ses problèmes financiers… Laurence Olivier meurt à son domicile d’Ashurst dans le West Sussex, d’une insuffisance rénale, le 11 juillet 1989. Il a été enterré à Steyning dans le West Sussex. Ses cendres reposent dans le Poets’ Corner de l’Abbaye de Westminster. En 2007, le centenaire de sa naissance, une statue d’Olivier jouant le rôle de Hamlet fut dévoilée hors le Royal National Theatre à Londres.


Une jeune femme sans fortune rencontre un riche aristocrate anglais, qui l’épouse. L’histoire tiendrait du conte de fées, si le souvenir de Rebecca, morte noyée dans des circonstances mystérieuses, ne planait… En 1939, sous la houlette du producteur David O. Selznick, Hitchcock débarqua aux États-Unis. II signa un nouveau chef-d’œuvre, inaugurant avec brio la grande série des thrillers psychologiques dont il est devenu le maître.


duminică, 21 iulie 2024

ROBERT SIODMAK (1904 - 1973)

 

THE KILLERS (Les Tueurs) de Robert Siodmak (1946)


[la collection] ROBERT SIODMAK

Robert Siodmak est né à Dresde (Allemagne) le 8 août 1904. Après des études à l’Académie des Trois Rois (interrompues par une période dans une école spéciale pour élèves en difficulté), il entra brièvement comme acteur dans une troupe de répertoire itinérante. Condamné à jouer des rôles secondaires mal payés en raison de sa myopie et de ses yeux exorbités, il rentra à Dresde où il devint employé de banque. En 1925, la débâcle économique allemande ayant ruiné les banques, Siodmak trouva un emploi de rédaction de titres et de montage de films muets. En 1929, alors qu’il était assistant réalisateur, il convainquit ses employeurs de financer un court métrage sur les Berlinois pendant leur jour de repos, Les Hommes le dimanche, sur lequel il collabora avec son frère Kurt, Billy Wilder, Edgar G. Ulmer et Fred Zinnemann. L’année suivante, il fut engagé par UFA comme réalisateur. En 1933, son film Fin de saison (Brennende Geheimnis) s’attira les foudres de Josef Goebbels et fut retiré de la circulation. En raison de leurs origines juives, Siodmak et son frère s’enfuirent à Paris, où ils travaillèrent dans l’industrie cinématographique jusqu’à l’invasion allemande en 1940. Bien que fils de citoyen américain, ils n’avaient jamais mis les pieds aux États-Unis avant qu’ils y émigrent. Après un bref séjour à Paramount – qui le prêta à Twentieth Century Fox puis à Republic – et son premier film noir Fly by Night (1942), Robert Siodmak passa chez Universal pour qui il réalisa Le Fils de Dracula (Son of Dracula, 1943). Après cette brève incursion dans l’épouvante, il transforma presque à lui seul les studios Universal en usine à films noirs avec des œuvres telles que, en 1944, Les Mains qui tuent (Phantom Lady) et Vacances de Noël (Christmas Holiday), en 1945, Le Suspect (The Suspect) et L’Oncle Harry (The Strange Affair ofUncle Harry) et, en 1946, Double énigme (The Dark Mirror)Les Tueurs (The Killers) et Deux mains, la nuit (The Spiral Staircase). Il retravailla ensuite pour Twentieth Century Fox, pour qui il réalisa La Proie (Cry of the City, 1948), et pour Paramount avec La Femme à l’écharpe pailletée (The File on Thelma Jordan, 1950), son dernier film noir. En 1952, il retrouva Burt Lancaster pour une comédie d’action populaire, Le Corsaire rouge (The Crimson Pirate), tournée en extérieurs en Europe. Il s’y réinstalla et continua à travailler pour des producteurs allemands, britanniques et américains, réalisant notamment parmi ses projets en anglais Tunnel 28 (Escape from East Berlin, 1962) et Custer, l’homme de l’Ouest (Custer of the West, 1967). Il mourut en Suisse le 10 mars 1973.


Au cours de sa carrière hollywoodienne, Robert Siodmak dirigea une série d’excellents « thrillers » dans lesquels la tradition expressionniste de sa patrie d’origine se fondait parfaitement avec le style du film noir américain.


Mollenard, capitaine de cargo, est une espèce de forban, adoré de ses hommes et haï de sa femme. Le conformisme bourgeois de cette dernière l’a poussé, depuis toujours, à fuir son foyer. Soupçonnés de se livrer au trafic d’armes, le capitaine et son équipage sont rapatriés à Dunkerque. Terrassé par une crise cardiaque, il est alors séquestré par son épouse. Mais les hommes de Mollenard viendront l’enlever et c’est en pleine mer qu’il rendra son dernier soupir.

La guerre est à la porte : Quand sort Frères corsesRobert Siodmak est plongé dans la réalisation de ce qui sera son plus grand succès public en France, Pièges. Ce film marque les débuts de Maurice Chevalier dans le registre dramatique : de retour dans les studios cinématographiques après deux ans d’absence, « Momo » a décidé d’abandonner son canotier et le vaudeville du Casino de Paris pour un rôle sérieux et exigeant : celui d’un directeur d’une boîte de nuit accusé à tort de meurtre (ce qui lui permet quand même d’interpréter deux chansons célèbres : « Elle pleurait comme une Madeleine » et « Mon amour »).

Dès les premiers plans du générique, qui s’inscrit sur des motifs servant au test de Rorschach, apparaissent le thème du double et l’importance de la psychanalyse. Contrairement aux films qui décrivent l’aspect criminel et malsain qui peut se glisser au sein d’un individu, The Dark mirror pose le problème encore plus clairement en mettant en scène deux sœurs jumelles dont l’une est criminelle et l’autre innocente. Comme s’il existait en permanence en chaque être une lutte entre des pulsions criminelles et la volonté de satisfaire à la morale habituelle.

Phantom Lady (Les Mains qui tuent) est le premier « film noir » hollywoodien de Robert Siodmak. Le futur réalisateur des Tueurs trouve avec l’histoire de William Irish un thème exemplaire : un innocent injustement condamné à mort, des témoins qui mentent, une jeune femme courageuse menant sa propre enquête, et parallèlement, un criminel aussi séduisant qu’impitoyable.

Un passé mystérieux, un amour qui dure jusqu’à la mort, un destin auquel on ne peut échapper : The Killers mérite bien d’être considéré comme un film noir par excellence. Mais avec son héros dont la fin tragique est exposée dès le début par des flash-back, le spécialiste du genre Robert Siodmak exige beaucoup de son public, d’autant que l’on s’identifie volontiers à ce boxeur débonnaire dont la seule erreur, visiblement, n’a été que de s’éprendre de la mauvaise femme…

Dès les premiers plans du générique, qui s’inscrit sur des motifs servant au test de Rorschach, apparaissent le thème du double et l’importance de la psychanalyse. Contrairement aux films qui décrivent l’aspect criminel et malsain qui peut se glisser au sein d’un individu, The Dark mirror pose le problème encore plus clairement en mettant en scène deux sœurs jumelles dont l’une est criminelle et l’autre innocente. Comme s’il existait en permanence en chaque être une lutte entre des pulsions criminelles et la volonté de satisfaire à la morale habituelle.

Passant de l’Universal où il vient de réaliser des drames criminels, la plupart du temps dans des décors de studio, à la 20th Century-Fox de Darryl E. Zanuck, Robert Siodmak utilise le style réaliste de la firme et tourne en plein New York, dans le Bronx, et ses interprètes, amenés sur les lieux de tournage dans des voitures aux vitres opaques, « comme celles du FBl », dit la publicité, jouent au milieu d’une foule qui ignore leur présence. 

Comme The Killers (Les Tueurs), mis en scène deux ans plus tôt par Robert Siodmak et produit par le même Mark Hellinger, Criss Cross (Pour toi, j’ai tué) décrit des personnages littéralement damnés et incapables d’échapper à leur destin. Ni Anna (Yvonne de Carlo), qui a tenté en trahissant les uns et les autres de se sauver elle-même, ni Steve (Burt Lancaster), éternel « looser » d’une Amérique florissante, ni Slim (Dan Duryea), le mauvais garçon au smoking blanc, ne parviendront à fuir la malédiction qui semble les poursuivre.

« Qui veut dîner avec le diable doit avoir une longue cuillère » ce dicton médiéval figure aussi en exergue à un autre texte du prolifique Simmel, le roman L’affaire Nina B (1958). Son sujet porte à nouveau sur l ‘Allemagne de la fin des années 1950, avec ses cicatrices gênantes. «La majorité des gens qui vivent aujourd’hui dans ce pays ont un passé inavouable» constate le chauffeur privé Robert Holden, héros du roman. «Les uns étaient dans la SS, les autres se sont tus. Certains étaient des traîtres et d’autres criaient hourrah ! tout en accaparant les biens de leurs voisins. Mon patron, Monsieur B, dominait ses ennemis grâce à leur passé… »


Laurence Olivier (1907-1989)